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n° 20242Fiche technique160460 caractères160460
Temps de lecture estimé : 89 mn
06/05/21
Résumé:  Mariages et sauteries au bord de l'océan.
Critères:  ff ffh fffh amour revede fellation cunnilingu pénétratio -couple
Auteur : Roy Suffer  (Vieil épicurien)            Envoi mini-message

Série : Sans retenue

Chapitre 02 / 02
à Saint-Geôly

Résumé de l’épisode précédent :

Un proviseur est tombé amoureux d’une mère d’élève.






Quelques jours avant le mariage, les parents Berthine arrivent. Alice faillit tomber en pâmoison en découvrant la villa. Bernard fait des bonds quand Pascal lui montre la Méhari, lui, un inconditionnel de Citroën. Un peu intimidés au début par le magnifique endroit, arrangé et meublé avec tant de goût et, il faut bien le dire, d’argent, ils finissent par trouver leurs marques et commencent de vraies vacances, heureuses et sans contraintes. Les hommes vont à la pêche ? Alors les dames vont faire les boutiques. Pour le mariage, Julie s’offre un tailleur de toile blanc qui la moule comme un gant. Jérôme a prévu un costume de lin, rappelant un peu le style saharienne, chic et décontracté. Pascal prend des cours de photo jusqu’à maîtriser parfaitement le Nikon.


Alice éclate en sanglots lorsqu’elle entend le maire prononcer avec son petit accent du sud-ouest :



Ils allaient tous quitter la mairie quand le maire hèle :



Pascal fait de nombreuses photos, sur le parvis de la mairie, dans le parc magnifiquement fleuri du restaurant d’un étoilé Michelin où Jérôme a retenu. Quand le garçon vient prendre les commandes, Alice pleurniche :



Le garçon parti, Bernard se penche vers son gendre :



De retour à la villa, Jérôme se met au piano et joue des valses, des tangos, des paso doble, et un peu tout ce qui lui passe par la tête. Pascal danse avec sa mère, puis sa grand-mère, Bernard avec sa femme puis sa fille. Enfin ils mettent quelques slows et Jérôme et Julie s’enlacent sous trois paires d’yeux embués. Un très beau jour.


Le lendemain, Julie parle à Jérôme de son entretien avec le maire.



Les parents Berthine, avec leur délicatesse habituelle, décident de rentrer au bout d’une semaine, en passant par « le chemin des écoliers », à savoir la Dordogne et le Massif central, projetant ainsi de visiter Lascaux et Vulcania. Ils réussissent ainsi à convaincre Pascal de les accompagner, laissant un peu de liberté aux jeunes mariés. Jérôme ne manque pas de les remercier chaleureusement et leur confie une clé de la villa ainsi que le code de sécurité, afin qu’ils puissent venir y séjourner quand bon leur semble. Le couple s’empresse de reprendre ses folles habitudes, délaissant tout vêtement et faisant l’amour à l’envi. Ils rencontrent malgré tout le maire qui leur montre fièrement la maquette de son projet de golf, ressort les chiffres des ventes immobilières des trois années précédentes et leur propose un local, une ancienne boutique sur la place du marché. Elle est certes bien placée, mais vraiment petite : une grande pièce avec au fond des toilettes sous un escalier montant à l’étage, où deux anciennes chambres servaient de lieu de stockage. La commune l’a rachetée pour ne pas la laisser vide, et compte la réhabiliter et la louer à vil prix, même à la prêter pour débuter. À la fin de la visite, Julie est dubitative :



Ils trouvent l’agence, vont visiter. Un grand espace en « L », traversant sur une partie, éclairé par la seule vitrine de l’autre. À l’arrière, une cour goudronnée donnant sur une ruelle où les livreurs approvisionnaient. Ce qui restreint la surface, c’est l’ancien espace de stockage, avec mur porteur et chambre frigorifique. Julie est excitée et arpente l’espace en tous sens. Puis elle se fige au milieu et déclare :



Ils rentrent à la villa et Julie a conservé son état d’excitation.



Elle lui fait l’amour comme jamais, non pas par reconnaissance, mais par passion pour cet homme qu’elle trouve absolument merveilleux. Il a beau lui répéter qu’il n’a aucun mérite à dilapider la fortune accumulée par ses parents, son altruisme la fascine. Il leur faut attendre moins d’une semaine pour que le téléphone sonne, leur apportant la bonne nouvelle : la proposition est acceptée par le vendeur, moyennant quelques conditions sans conséquence, que le local serve à un usage professionnel et non d’habitation, et pas non plus à un commerce alimentaire de même type. Un compromis rédigé par Julie est signé rapidement, elle veut que cette transaction soit comptée au bénéfice de son année de stage.


Concernant la vente du manoir, qu’ils vont visiter dès leur retour, Julie hésite beaucoup : en faire bénéficier son actuel patron, ou conserver l’affaire comme la première de son futur cabinet. Les circonstances aident à sa décision. Jérôme retrouve avec bonheur « Maman Lucette », vieille dame qui les avait pratiquement élevés, sa sœur et lui, en l’absence quasi permanente des parents, trop pris par leurs affaires et leur appétit du gain. Âgée de soixante-quinze ans, Lucette habite la maison du gardien, en bordure de route près du portail d’entrée du manoir. Il y avait plus de quarante ans qu’elle vivait là, continuant de faire, à son rythme, l’entretien sommaire de la bâtisse, grosse maison bourgeoise du XVIIIe. Après de chaudes effusions et une bouffée de bonheur de retrouver « son petit Jérôme », c’est le désenchantement d’apprendre que la sœur veut vendre :



Il faut donc résoudre le « problème Lucette » avant de vendre, ce que la frangine n’avait pas envisagé. Elle lui verse bien un petit salaire qui, avec sa maigre retraite et la pension de réversion de son mari décédé, l’ancien jardinier, lui permet de vivre décemment, mais où aller sans logement ? Jérôme questionne sa sœur qui demande à réfléchir. Elle le rappelle quelques jours plus tard :



En fait, les choses ne se passent pas si mal que ça, même si elles durent plusieurs mois. Lucette n’en pouvait plus d’entretenir la grande maison pour rien ni personne, de s’occuper des entreprises qui venaient entretenir le parc, ni fait ni à faire, du travail de cochon vite fait mal fait avec des machines, d’appeler l’électricien pour des pannes, le plombier pour des fuites. Et puis la gentillesse de Julie joue pour beaucoup.



La résidence senior a son propre notaire, l’opération échappe donc à Julie. En revanche, la vente du manoir sera bien la première opération de son office, peu importait le lieu de la signature, ce qui lui donnera un petit volant de trésorerie pour débuter.


En revanche, les choses se compliquent pour le couple. Jérôme fait bien une demande de mutation à l’automne, mais qui ne vaudra que pour la prochaine rentrée. Julie, elle, doit être sur place pour diriger les travaux, effectuer diverses démarches et prendre contact avec de futurs clients, les agences immobilières. L’accueil est assez froid. Un notaire sur place, c’est pratique, mais c’est également un concurrent potentiel. Elle doit s’engager dans un premier temps à ne pas empiéter sur leurs plates-bandes, avant de monter en puissance si tout marche bien. Tout le monde ignore, et heureusement, la promesse du maire de l’exclusivité des villas du golf. Avant même que les travaux ne commencent, elle commence d’ailleurs à travailler sur ce projet, utilisant un bureau de la mairie pour signer les premières ventes de terrains et enquêter sur les parcelles à l’abandon.


Pascal vit donc avec Jérôme, et ça se passe plutôt bien. Quand le proviseur est de permanence et doit dormir au lycée, le garçon va chez ses grands-parents. Et à chaque vacance, direction la Charente-Maritime. Parfois, lorsque les amoureux n’en peuvent plus et que le téléphone n’apaise plus leurs désirs, Jérôme fait l’aller et retour dans le week-end, du vendredi soir au dimanche soir. Jérôme s’inquiète. Julie a perdu encore quelques kilos, elle travaille d’arrache-pied sans vraiment prendre soin d’elle. Notamment, elle mange peu et mal. Alors Jérôme lui remplit le frigo et cuisine beaucoup, prenant à peine le temps de visiter le chantier qui avance vite. Julie a choisi une option efficace, commander des cloisons de bureau toutes prêtes sur Internet, livrées en trois semaines, insonorisées, vitrées, prêtes à monter. C’est un artisan local qui assure le montage et place dessus un faux plafond à deux mètres cinquante, ce qui laisse un espace de près d’un mètre par rapport à l’ancien plafond pour passer toutes les gaines, électricité, téléphone, réseau informatique. Et aussi le chauffage et la climatisation, distribués à partir d’une pompe à chaleur réversible. Il ne reste plus qu’à poser les revêtements de sol et à meubler. Son ambition est de pouvoir ouvrir au premier mai, avant l’arrivée des estivants. Dans le même temps, elle fait déjà signer quelques actes pour le projet de golf et procède au recrutement de ses futurs collaborateurs, deux pour commencer. Si elle n’a que l’embarras du choix concernant la secrétaire, c’est plus difficile pour le clerc.



Les trois dames se retrouvèrent donc à la villa. Karine, la clerc arrivée la première, resta un long moment dans la véranda, les yeux perdus dans le paysage.



Puis Sophie arrive, déjà presque en retard. Plus petite, plus boulotte, elle est également plus expansive.



Elles discutent beaucoup, prenant des notes, et quelques idées fusent dont certaines sont retenues. Vers midi trente, Julie les garde à déjeuner, un repas « de nanas », salade composée et pâtisseries. Puis elles vont visiter le chantier.



Les sols sont terminés, l’électricien installe les dernières ampoules dans les plafonds, de nombreux petits spots LED encastrés et discrets, préférés aux anciens gros blocs néon qui firent florès dans les bureaux. La lumière est douce et diffuse, sans ombres portées. Même sans mobilier, grâce à la moquette et aux parois acoustiques, les bureaux sont feutrés. Elles font quelques essais, il faut vraiment crier pour entendre d’un bureau à l’autre.



Elles reviennent tous les jours jusqu’à la fin de la semaine pour assembler les meubles, avec quelques difficultés. Mais elles prennent quelques fous rires et cet épisode soude la nouvelle équipe. La semaine suivante, après un week-end de solitude passé à rédiger l’acte de vente du manoir, bien vendu à un riche Anglais quittant l’Angleterre pour rester européen, le matériel informatique arrive. Bien sûr, ils râlent contre l’électricien qui aurait mal passé les câbles, contre ceci et cela, si bien qu’il faut attendre la fin de la semaine pour que le réseau fonctionne enfin.


Deux mai, ouverture officielle de l’étude par une quinzaine de « promotions » : conseils gratuits pour les gens de la commune. C’était une idée de Sophie qui, d’apparence saugrenue, avait finalement été retenue. Car qui dit conseil, dit éventuellement acte à suivre, et donc rémunération. Les estivants arrivant en général plus tard seraient alors à plein tarif. Julie en profite pour transférer sur le réseau l’acte de vente du manoir, l’imprime et calcule ses émoluments. Près de quatre mille cinq cents euros, voilà qui va couvrir les deux premiers salaires. Elle fait de même pour les actes des terrains du golf, mais pour des sommes bien plus petites. Tout cela étoffe une activité débutante et, pour ainsi dire, inexistante. Cependant, l’idée de Sophie n’est pas vaine. Ce n’est pas un raz de marée, mais une salle d’attente pleine quotidiennement. L’occasion pour beaucoup d’envisager donations, successions, et de régler de petits problèmes anciens de voisinage ou d’usage : on avait cédé oralement des droits à un voisin ou un tiers, sans faire des kilomètres pour mettre l’accord sur le papier, voire vendu à l’amiable quelques mètres carrés. La présence sur place d’un notaire rend les choses bien plus faciles. Et puis c’est nouveau, il y a la curiosité pour les nouveaux locaux, les nouvelles personnes, il y a même deux petites mamies entrées en pensant que la supérette avait rouvert. Jérôme obtient une mutation, mais pas pour Saint-Geôly. Il est nommé dans un collège à une trentaine de kilomètres à l’intérieur des terres, à Saujon. Contact pris avec sa collègue de Saint-Geôly, elle compte prendre sa retraite dans deux ans, une courte attente supportable.


Deux ans, c’est le temps nécessaire à Julie pour atteindre sa « vitesse de croisière », à Pascal pour obtenir le bac et entrer dans une classe préparatoire à La Rochelle. Deux années où tous sont « la tête dans le guidon » et où il ne se passe rien de très mémorable, à l’exception peut-être d’un léger incident. C’est un mercredi, Jérôme part sous une pluie battante vers six heures trente pour être à Saujon vers sept heures. Comme souvent près de la mer, le temps change en cours de matinée et il fait un soleil de plomb lorsqu’il quitte son collège. Arrivé à la villa, pas de clé, oubliée dans son imperméable sur une patère de son bureau. Seule solution, aller emprunter celle de Julie, il se rend donc à l’étude, ce qu’il ne fait jamais en période d’ouverture. Julie est en rendez-vous, normal puisqu’elle les enchaîne sans presque d’arrêt, et la bavarde Sophie se met à lui faire la conversation au lieu de travailler, toute frétillante de faire la connaissance du mari de la patronne. Tandis qu’ils conversent, le photocopieur se déclenche et Karine sort de son bureau pour venir chercher ses documents.



Et elle tourne les talons avec son paquet de feuilles. Le principal a une drôle de sensation. Ce n’est pas qu’il entretienne un culte de sa personnalité, mais d’ordinaire il provoque chez ses interlocutrices un certain intérêt, des regards insistants, de petits gestes comportementaux « suis-je bien à mon avantage », bref, des réactions toutes féminines. Là, rien ! À peine un coup d’œil, sans le moins du monde dévier de sa pensée laborieuse. Sur ces entrefaites, Julie sort de son bureau et raccompagne un couple jusqu’à la porte.



Aussitôt, Sophie en profite pour aller toquer à la porte de Karine.



Dès que Jérôme est parti, Sophie entre dans le bureau de Julie, excitée comme une puce sur un teckel.



Ce soir-là, Jérôme trouve sa femme fermée, lointaine, sans sa bonne humeur et ses marques d’amour habituelles.



C’est dire que ce mois de septembre est une rentrée particulière pour tous, y compris pour Sophie qui intègre un bureau fermé, laissant sa place à l’accueil à une toute jeune fille, débutante, mais pleine de bonne volonté. Une dame fraîchement divorcée et ayant un besoin urgent de travailler, avec une ancienne formation commerciale, intègre l’équipe aux transactions immobilières. Karine passe premier clerc et un second est recruté, d’abord en tant que stagiaire méritant de faire ses preuves. Enfin, une seconde secrétaire complète l’équipe et tous les bureaux sont occupés, un bonheur pour Julie qui retrouve cette atmosphère de ruche qu’elle avait connue à Creusenton.


De son côté, Jérôme est un peu désemparé de se retrouver dans un si petit collège, avec à peine deux cents élèves, huit classes jamais supérieures à vingt-cinq, quinze profs et cinq agents techniques, une secrétaire et une gestionnaire. Une structure quasi familiale, loin des « usines » qu’il avait connues. C’est à la fois confortable et délicat. Confortable, car on a le temps de connaître tous les élèves qui ne se renouvellent qu’à raison d’une cinquantaine par an, de suivre tous les travaux, de bâtir des projets, d’échanger avec le personnel.


Mais en même temps, le risque est l’endormissement, la perte de vitesse de l’établissement, avec la concurrence forte du privé dans cette région. Faire évoluer sans choquer est son nouveau challenge. Car les susceptibilités sont fortes, il s’en aperçoit vite, et plus les équipes sont restreintes, plus le poids individuel est important. Comme à son habitude, il arrive vers sept heures, ravi d’avoir gagné une demi-heure de sommeil, et va saluer les agents, échange un peu avec eux, observe et se met à l’écoute. Il s’étonne qu’on commence à cuire le déjeuner aussi tôt dans la cantine, note des lave-mains bouchés, une vitre lézardée, quelques carreaux sautés dans un couloir. Quand il parle de tout cela à la gestionnaire, elle devient rouge comme une pivoine :



D’autres difficultés l’attendent, venant des profs, cette fois. Certains sont en poste dans ce collège depuis quinze, vingt, voire presque trente ans pour l’un d’eux. Toute une carrière au même endroit, fut-il agréable, cela ressemble à un échouage sur un banc de sable. Les mauvais plis sont tellement marqués que nul fer n’est capable de les défroisser. Quand Jérôme se réfère à la réforme des collèges, officielle, nationale, et de ses textes à appliquer, il s’entend répondre :



Ça jette un froid. Les plus anciens partent en marmonnant contre ce principal aux dents longues qui voudrait tout bouleverser. Quelques jeunes, des femmes essentiellement, s’approchent pour dire leur souhait de faire leur cette proposition et demandent par où commencer.



« Très bien cette dame, et très agréable à regarder, ce qui ne gâte rien », pense Jérôme. Il fait le tour des salles, teste les ordinateurs mis à disposition des profs, effectivement vieux et lents, mais suffisants pour saisir les absences et le cahier de textes. En accélérant le démarrage, puisque tout se passe sur le serveur, ce serait certainement plus agréable. Il voit avec sa gestionnaire récalcitrante si l’on peut acheter une douzaine de disques durs SSD, ces disques à mémoire flash qui rajeunissent fortement les vieilles bécanes. En prenant des petits, 64 Go, ça passe sans problème.



Une bonne occasion pour passer un moment avec la jolie CPE. Jérôme n’a pas la moindre intention de tromper sa Julie, mais il est toujours plus agréable de passer un moment avec une jolie femme plutôt qu’un laideron.



La semaine suivante, sur le bureau de la CPE trônent trois bouquins techniques sur l’informatique et les réseaux qu’elle consulte « à temps perdu », dit-elle.



Il revient avec une mémoire flash de son appareil photo.



Bientôt, le bureau de la CPE se transforme progressivement en atelier informatique, avec toujours un ordinateur le ventre ouvert. Marie-Jo poursuit le travail entamé avec Mudat qui, commençant à sept heures, sort à quinze. Elle donne l’impression de se complaire dans cette activité comme un poisson dans l’eau, testant, chronométrant les performances, installant matériels comme logiciels. Le résultat est assez spectaculaire. En n’installant que les logiciels dédiés, présences et cahier de textes, et en supprimant les lecteurs de CD-ROM et prises USB, les postes démarrent en quelques secondes et s’arrêtent aussi vite. Un confort pour les profs qui ne peuvent plus critiquer la lenteur du matériel.


De son côté, Jérôme ne perd pas son temps non plus. Il noircit quelques pages de notes manuscrites afin d’ébaucher le plan de son projet qu’il rédige sur ordinateur sous forme d’une présentation projetable, laissant place aux nouvelles idées qui, espère-t-il, ne manqueront pas d’émerger des débats entre enseignants. À la rentrée de Toussaint, tout est en place pour une saisie des absences en réseau. Juste avant les vacances, le principal diffuse copie de la circulaire concernant l’obligation de la tenue du cahier de textes. Il insiste sur le fait que la période hivernale étant la plus propice aux absences pour maladies des élèves, ils pourront depuis leur domicile, en se connectant, connaître le contenu des cours et les devoirs à faire. De son côté, la CPE rédige une note d’information expliquant la façon de saisir les absences en début de cours, l’intérêt que cela apporte par l’immédiateté du signalement, le fait qu’elle pourra recevoir plus vite les retardataires et s’enquérir plus tôt des absences auprès des familles. Le jour de la rentrée, sept classes sur huit remplissent les présences et, le lendemain matin, les mêmes sept classes ont rempli le cahier de textes en ligne, certains l’ayant fait depuis chez eux, le soir, comme le système le permet. Le récalcitrant fut vite détecté, Yvon Nanchier, prof d’histoire-géo, un vieux de la vieille qui ne veut rien changer à ses habitudes. Il est reçu par le principal et la CPE.



« Elle est fine cette Marie-Jo Conde. Elle a senti le petit compliment, saisi la balle au bond et mine de rien elle va l’embobiner ». Jérôme laisse faire et les regarde partir tous les deux. « En plus, elle est gaulée comme une déesse »


Le mois de mai arrive, bientôt le brevet. Désormais, les présences en ligne et le cahier de textes sont entrés dans les mœurs, les parents trouvent cela sensationnel, de même que les notes et les bulletins scolaires en ligne. Monsieur Nanchier a acheté un ordinateur portable… Si, si ! Il l’apporte régulièrement en soignant l’objet comme un œuf de Fabergé. Il vient voir Marie-Jo parce qu’il est arrivé ceci, parce qu’il aurait voulu faire cela. Son dada, les cartes sur Internet. Il y trouve toutes les cartes qu’il souhaite, de géographie, de géopolitique, d’histoire… Il est ravi, surtout depuis que la CPE lui a montré comment les enregistrer et comment les projeter en se connectant sur un vidéoprojecteur. Les négociations avec le Conseil Départemental vont bon train, et le projet de « collège numérique » semble bien accueilli. À voir pour le budget de l’année prochaine. Pour l’heure, il est déjà prévu d’équiper deux classes de tableaux interactifs, un bon début.


Marie-Jo Conde demande un rendez-vous au principal qui frémit à l’idée qu’elle puisse lui annoncer un prochain départ. Il n’en est rien.



Les deux filles arrivent à la villa vers dix-huit heures, histoire de profiter du paysage et des derniers rayons du soleil. Marie-Jo, qui ne connaissait pas, reste bouche bée un long moment.



Ils montent au premier et visitent les deux suites et la terrasse qui les fascine. Puis Jérôme les conduit au second, leur montrant la vue depuis la chambre de Pascal. Ils redescendent, mais les filles souhaitent admirer le coucher de soleil depuis la terrasse. De dos, ces deux silhouettes d’une exceptionnelle beauté inspirent Jérôme qui court chercher son Nikon. Il fait une série en pied, avec l’encadrement de la porte-fenêtre, puis des plans de plus en plus rapprochés. Enfin, il leur demande de se faire des baisers de profil, en silhouette sans flash puis avec flash, montrant les visages. Tout cela sur le soleil couchant, laissant un sillon rouge sur la mer avec la silhouette majestueuse de Cordouan en arrière-plan. Pendant l’apéritif, il tire quelques épreuves A4 qui emballent totalement les deux amoureuses. Leur préférence va au profil avec flash, celui qui montre tout, leurs visages, le couchant, le phare. Jérôme lance une impression sur traceur au format A1, huit fois plus grand. Et Julie fait son show :



Visiblement, le quatuor s’entend à merveille. Il y a entre eux à la fois respect, admiration et les complicités déjà établies entre collègues qui s’étendent aux autres. À intervalles réguliers, le phare projette son lointain faisceau qui parvient presque jusqu’à la villa, assez pour titiller la pupille des deux invitées.



Il va chercher le poster, le traceur s’étant tu. C’est grandiose, un cliché vraiment réussi, avec une définition telle qu’on voit très nettement les petits plis des lèvres qui se rejoignent. Elles sont ravies et se lèvent à regret.



Le mariage se déroule selon le scénario prévu. Seul le maire est dans tous ses états, les attendant en faisant les cent pas. Peut-être s’attend-il à voir deux nanas style « garçons manqués », toujours est-il qu’il semble stupéfait en découvrant la brune Marie-Jo en tailleur blanc et la blonde Karine en tailleur noir. Elles forment un couple sublime, et Jérôme s’en donne à plein objectif. Voulant aller vite, il n’a pas prévu de discours, mais soudain séduit il veut en improviser un, durant ainsi plus longtemps qu’une cérémonie habituelle. Et il embrasse les deux mariées avant leur départ. Ils filent à La Rochelle, prennent le temps d’une promenade sur le vieux port et les remparts, puis se dirigent vers la table étoilée du côté du port de plaisance. Festival de goûts, de fraîcheur, feu d’artifice dans les papilles, surtout quand l’accompagnement est bien choisi, Dom Pérignon puis Corton Charlemagne. Le pied ! Quand le serveur apporte la note, les jeunes mariées veulent partager, ce que Jérôme refuse catégoriquement. Il sort son chéquier et, le temps de rédiger le feuillet, Karine s’empare de la facture.



Ils rentrent à la villa déjà bien entamés, boivent une nouvelle bouteille en dansant, puis arrive l’heure de l’incontournable bain de minuit. Coup d’œil sur la plage : déserte, alors tout le monde à poil. Heureusement, la mer est encore chaude du soleil de la journée. La tiédeur du soir les sèche sur les quelques dizaines de mètres du retour, ils recommencent à danser dans le plus simple appareil en sirotant une « vieille sans âge », un armagnac de plusieurs décennies, quand soudain :



Lendemains difficiles.



Deux jours plus tard, les parents de Julie arrivent, coupant court aux états d’âme de Jérôme qui a pris conscience que ce n’est pas seulement Julie qui, cette fameuse nuit du mariage, lui avait provoqué une phénoménale érection.



Ils trouvent assez difficilement tout de même, car la région est très prisée des retraités, un T2 dans une résidence senior entre Royan et Meschers, à une vingtaine de kilomètres, avec presque la vue sur mer il suffisait de sortir sur le balcon pour l’apercevoir. C’est évidemment très cher, plus du double de leur appartement actuel. Mais en vendant également la maison, c’est possible. Julie la met en vente aussitôt et elle part en moins d’une semaine. Il est vrai que l’été est une période de mutations des fonctionnaires, et un bien en centre-ville avec un peu de jardin, c’est rare. Avec les délais de paperasses diverses, on convient que le déménagement se fera aux vacances de Toussaint par Jérôme et Pascal qui loueront une camionnette pour l’occasion. Dans leur grande bonté, les grands-parents tiennent à ce que l’excédent de la vente de la maison revienne à leur petit-fils, leur fille n’en voulant pas. En voilà un qui part dans la vie avec un joli pécule de cinquante mille euros. En attendant, Jérôme lui offre le permis de conduire qu’il obtient sans difficulté et il termine joyeusement les vacances au volant de la Méhari.


La rentrée se fait toujours sous le soleil et, en retrouvant Marie-Jo, une sorte de spleen indéfinissable reprend l’esprit de Jérôme. Il se met à faire de longues promenades, sur les plages, sur la corniche et dans les ruelles désertées par les touristes. Marie-Jo lui est inaccessible, c’est évident à maints égards. D’abord elle est lesbienne, ensuite il n’est pas question pour lui de trahir, de tromper ou de faire quelque peine que ce soit à Julie, qu’il adore sans doutes ni réserves. Malgré tout, le corps fabuleux de la Franco-Italienne, ses hanches larges et ovales, sa taille fine, sa poitrine généreuse et ferme, sa chute de reins, ses fesses pommées et hautes, ses membres musclés et fuselés, son visage de madone et son étrange regard bleu-vert, reviennent sans cesse devant ses yeux. Elle le hante, et ses marches ne parviennent pas à dissiper ces images obsédantes.


C’est en rentrant par une petite rue parallèle à la leur qu’il repère un bout de carton accroché à un portail de bois délabré. Derrière, une allée en friche s’enfonce entre les jardins des maisons adjacentes. Mais nulle construction n’est visible. C’est un numéro de portable, il sort le sien. Une voix pâteuse et âgée lui répond, lui disant d’entrer et d’aller voir « le désastre ». Ce qu’il fait. Entre ronces et graines collantes d’herbes folles, son jean est vite en piteux état. Il se fraye un chemin dans un semblant de sentier, se protégeant le visage des coudes et aboutit enfin à un espace plus vaste, lui aussi en friche. Le ressac de la mer le guide vers la droite, entre deux jeunes pins il atteint le bord de la falaise. La mer est là, une trentaine de mètres au-dessous, frappant mollement des éboulements de rochers décrivant une petite crique d’à peine une centaine de mètres carrés, accessible semble-t-il uniquement en bateau. Lieu caché absolument charmant. En se retournant, soleil dans le dos, il aperçoit enfin un semblant de construction. Dalle de béton noircie par le temps, il s’agit en fait du sommet d’un ancien blockhaus allemand datant de la dernière guerre. Côté mer, il ne dépasse que d’environ soixante-dix centimètres, quarante de béton et une trentaine pour une longue ouverture permettant de surveiller la mer. À droite, une autre dalle de béton circulaire bordée de rails rouillés avait dû recevoir un canon aujourd’hui disparu. Il dévale une courte pente pour se retrouver à l’entrée de la casemate qui avait dû être aménagée pendant un temps, comme le prouvent des restes de porte-fenêtre et d’huisserie. Ensuite, l’endroit a été tagué, peut-être squatté, et a servi de repaire à des fêtards et des drogués au vu des déchets qui l’encombrent. C’est sale et ça pue, mais c’est grand, en forme de « L », avec une partie qui a dû accueillir la troupe et l’autre les munitions. Jérôme cherche à retrouver les limites du terrain qui semble grand, mais abandonne vite à cause de la densité de la végétation folle. En repartant, il arrache le petit carton et rappelle le numéro.



Jérôme narre son aventure à Julie, lui disant qu’il y a peut-être là une opportunité pour les jeunes mariées.



Ce qui est dit est fait. Jérôme en profite pour y faire un tour le samedi, armé d’un rotofil et d’un taille-haie, d’une hachette et d’une serpe. Son but n’est pas de débroussailler tout le terrain, mais de tracer des sentiers praticables autour du blockhaus, au bord de la falaise et vers les limites du terrain. Ainsi, le lendemain, Karine et Marie-Jo peuvent un peu mieux se rendre compte de l’étendue de la propriété. Ce qui reste en dehors de l’allée n’est pas immense, environ deux mille mètres carrés, quarante par quarante un peu en trapèze plus l’allée, mais très suffisant pour implanter une maison. Cependant, il y a cette « verrue » près de la mer, cette horrible casemate de béton armé. Mais en découvrant le paysage du haut de la falaise, la petite crique en bas, des sourires étirent leurs douces lèvres.



Marie-Jo intrépide commence la descente. Jérôme l’assure, descendant après elle et la retenant une fois ses appuis confortés. À un moment, une pierre se détache et Marie-Jo glisse sur un mètre.



Pour la première fois, Julie trouve Karine un peu gourde avec cette attitude irraisonnée. Est-ce qu’elle s’inquiète, elle, pour son Jérôme ? Non, elle a confiance en lui. Marie-Jo arrive enfin sur le sable et à sa suite Jérôme dévale les derniers mètres se rattrapant aux épaules de la jeune femme.



C’est vrai. Complètement à gauche, et bien que plus ou moins recouvertes par des pierres éboulées, il y a comme un escalier, des marches aménagées dans le rocher et quelques-unes en béton. Elle fait de grands signes aux deux copines restées en haut pour les faire venir de ce côté et trouver l’escalier. Il reste même quelques bouts de ferraille rouillés scellés dans la roche, prouvant qu’ils avaient installé une main courante. Elles descendent prudemment.



Là, oui, Karine est enfin emballée. Marie-Jo demande à Jérôme de lui apprendre à poser des lignes. Les deux filles s’y voient déjà. Sauf que la réalité les rattrape vite. Que faire de ce tas de béton ? Le faire enlever ? Très cher, et puis la loi littoral oblige à construire à plus de cent mètres, c’est-à-dire chez le voisin. Pareil si on faisait combler le trou. Marie-Jo dit que, comme ça existe, autant en profiter et l’utiliser, comme garage, cabane de jardin, atelier. Mais pour habiter où ? On pense à un mobile home, certains étant très grands et confortables, sauf pour Karine. Elle veut une maison, une vraie maison.



Les trois filles, les yeux rivés sur leurs écrans, essayent de décortiquer la loi littoral, puis le PLU, puis les photos satellite du lieu. Elles finissent par s’accorder à dire que le maire détient une importance capitale dans cette histoire, parce que le tracé de son PLU, plan local d’urbanisation, tenant compte des villas voisines, passe juste sur le premier tiers du blockhaus.



Il appelle, il explique, le mec accepte de venir n’ayant rien de pressé à faire ce dimanche. Il arrive avec un piqueur à moteur thermique qu’il utilise sur les chantiers sans électricité, les monuments, les églises. Et il se met à essayer de faire des trous un peu partout. Au bout d’une heure, couvert de sueur et de poussière, il donne son bilan :



Les filles sont ravies, l’invitent à boire un verre, le complimentent sur sa véranda, il est tout content et ne se fait pas payer. En le raccompagnant, il dit à Jérôme :



Le lendemain, Karine revient à la pause méridienne prendre des photos qu’elle envoie par courrier électronique à un de ses anciens collègues de Lorraine, maintenant architecte, pour qu’il lui fasse quelques esquisses de projets. Elle et Julie prennent rendez-vous avec le maire. L’édile paraît bien embarrassé.



Karine envoie ces informations à son copain architecte et quelques jours plus tard elle reçoit un projet de villa ultra-moderne, des cubes en partie suspendus, avec deux niveaux et deux terrasses, un maximum d’ouvertures donnant sur la mer. Pas mal ! Mais Marie-Jo n’est pas franchement emballée. Elle trouve que ça heurte le regard et s’intègre mal dans le lieu. Elle en tire plusieurs copies et se met à crayonner par-dessus. Son dernier croquis a vraiment « de la gueule », à maints égards. De profil, elle a ajouté deux tirants obliques, comme les renforts d’un pont suspendu, partant du bord dans le vide de la terrasse et dépassant le haut du dernier cube, faisant comme un toit. Les gardes au corps des terrasses ont la même pente et, comme le toit final, sont faits de capteurs solaires. Les murs sont bardés de bois brut qui va griser avec le temps. Ces simples biais casseraient l’impression de cubes empilés, et les gardes au corps auraient aussi pour rôle de détourner vers les hauts vents et embruns. Enfin, toujours pour supprimer cette impression « cubique » excessive, elle remplace certaines fenêtres, des toilettes et des salles de bains, par des hublots ronds de tailles différentes. Karine renvoie le projet corrigé à l’architecte qui répond :



Le projet est déposé bien ficelé, le prêt obtenu rapidement par les canaux notariaux. C’est là qu’intervient Julie, faisant retirer cent mille euros en billets de cinquante, une pleine mallette. Elles vont voir Antonin Dejardin dans sa maison de retraite et la négociation commence. Et il lui fallait des appareils dentaires mal remboursés, et il lui fallait des prothèses auditives mal remboursées, et il lui fallait de nouvelles lunettes mal remboursées…



L’affaire est conclue très avantageusement. Les jeunes tailleurs de pierres appellent leurs copains charpentiers qui se frottent les mains devant le challenge. Le chantier commence rapidement.


Aux vacances de Toussaint, Jérôme et Pascal déménagent les grands-parents et, ne se quittant plus, continuent ensemble à défricher le terrain des filles. Elles plaisent beaucoup à Pascal qui regrette fortement qu’elles ne soient pas hétéros. Les hormones semblent le travailler fortement, et la Méhari sort tous les soirs. Énergie de la jeunesse, il fait tout de même sa part de travail, et bientôt le terrain est totalement dégagé. Cela montre que les voisins s’étaient bien protégés de l’innommable jungle par de hauts murs sur deux côtés et une épaisse haie pour le troisième. Mais une fois nettoyé, le terrain est plutôt très agréable, bien que bosselé. Normal, les constructeurs du bunker avaient simplement fait des tas de la terre retirée pour la construction, réalisant sans le savoir des volumes intéressants à partir d’un terrain presque plat. Les deux hommes observent avec attention la technique utilisée par les artisans qui entament les travaux. Ils fixent des poutres métalliques directement sur le dessus de la casemate et enfilent dans ces profils en « H » des éléments de bois lamellé-collé, réalisant ainsi une première plate-forme qu’ils couvrent d’une structure en poutres de quarante centimètres, remplie de ouate de cellulose. Le support de l’habitation est réalisé, sans même avoir besoin de piliers, de poteaux ou d’une quelconque emprise nouvelle sur le sol. Au final, le blockhaus se trouve au fond d’une cour couverte, grand espace abrité qui peut servir aussi bien à garer des voitures qu’à aménager pour l’été, à l’ombre et au frais. Ensuite, tout va assez vite, les murs étant faits de panneaux préparés en atelier. À la fin de l’année, on peut déjà monter à l’étage pour contempler le paysage marin avec une vue incroyable. Les propriétaires sont ravies, impatientes aussi de voir les finitions réalisées. Karine a pris du galon, mais fournit un travail à la hauteur, et Maris-Jo bosse régulièrement avec Jérôme à sa préparation de concours. Côte à côte sur un même écran ou un même document, cette proximité le trouble toujours autant. De son côté, Marie-Jo ne fait rien pour diminuer son trouble, prenant visiblement plaisir à stimuler le désir de son chef d’établissement. Décolletés avantageux, vêtements moulants, jupes courtes, attitudes très libres avec de nombreux contacts, Jérôme va péter une durite.



Ce n’est pas le genre d’échange qui pouvait rasséréner Jérôme, toujours en conflit avec son attirance irraisonnée pour sa CPE. Il redouble de longs joggings, de pêche à la ligne et de pêche à pied au moment des grandes marées, alternant avec la surveillance des travaux chez les filles.



Il est vrai que Julie travaille beaucoup, trop peut-être, il la trouve fatiguée. Et puis les week-ends avec les parents, avec Pascal, ou avec les deux… elle donne beaucoup aux autres, ne pense jamais à elle. Habiter à l’année dans un lieu de vacances, c’est aussi ne jamais partir en vacances, or elle en a besoin ! Il lui offre un week-end en thalasso, histoire de se détendre, et l’occasion pour eux de se retrouver. Ils font l’amour passionnément, mais quand il s’empare de ses fesses pour les fouiller de sa langue avant de l’embrocher, il se prend à imaginer que ce pourrait être celles de Marie-Jo, ce qui le perturbe profondément, surtout quand Julie lui déclare qu’il ne l’avait jamais encore prise aussi fougueusement.


De retour, il essaye d’espacer ses rencontres avec sa CPE pour la préparation du concours, arguant qu’il la juge prête et qu’elle n’a plus qu’un travail personnel à faire, bien connaître les textes officiels et les situer dans les grandes étapes des réformes. C’est sans compter avec le sixième sens féminin.



Ils montent au dernier étage, il ouvre les volets et dégage les housses qui couvrent les meubles empilés.



Tout le fond du petit vêtement brésilien, charmant au demeurant, est en effet presque noir sous l’effet d’une mouille abondante. Mais comme quand on parle du loup on lui voit la queue, on frappe à la porte. La culotte remonte prestement et la jupe redescend en place. Jérôme se dirige vers la porte qui s’ouvre.



« Les femmes ont des façons de s’exprimer mystérieuses et opaques, de telle façon qu’on croit comprendre qu’on n’a rien compris », c’est ce que pense Jérôme en fermant les volets et en regardant l’élégante silhouette traverser la cour, dandinant de façon à peine exagérée son superbe cul à la chatte détrempée. Ce coup-là, il n’en revient pas, on ne lui avait jamais fait, et il fallait que ce soit une lesbienne. Hallucinant ! Plusieurs mois s’écoulent avant qu’il puisse comprendre…



Ces mois, Jérôme ne les vit guère passer. Son égérie est reçue sans problème au concours de chef d’établissement et, rapprochement de conjoint étant pris en compte, le Rectorat lointain de Bordeaux, dans sa grande mansuétude et confronté à une pénurie de postes trop demandés, nomme Marie-Jo principale adjointe sur place… en supprimant le poste de CPE, bien évidemment. Elle est contente, Jérôme un peu moins. Ils se retrouvent de plus en plus fréquemment à la surveillance des travaux qui en sont aux finitions. Ce que Marie-Jo avait imaginé a fière allure, entre proue de bateau et pont suspendu, l’allure du bâtiment est très marine et bien intégrée au paysage. Seul le côté de l’entrée, dévoilant l’ancienne casemate, est assez imposant en hauteur. Entre peinture et parement, on opte pour garnir le béton de briquettes claires et flammées, ce qui fait définitivement oublier la construction d’origine. Une porte de garage à l’ancien dépôt de munitions et des baies vitrées sous la terrasse, abritant buanderie, atelier, cuisine d’été, le tout prend un charme véritable et il y fait incroyablement frais. On restaure les marches pour descendre à la crique en scellant une nouvelle main courante en inox, il ne reste plus qu’à égayer le jardin de plantes aimant l’ombre, le sable et l’acidité : cyclamens, mélisse, palmiers nains, rhododendrons et azalées. Un peu de gazon bleu d’Espagne augure d’une future pelouse entre maison et mer.


On fait le déménagement avec l’aide de Gilbert Mudat, bien rétribué pour cela, Pascal étant en pleins examens de fin d’année. Les épreuves du brevet les occupent pas mal, alors que les travaux du golf mobilisent Karine et Julie. Toute cette folle période se calme durant l’été. Les filles peuvent emménager et profiter pleinement de leur nouveau logis, clair, très agréable et avec une vue splendide. Même l’exigeante Karine ne tarit pas d’éloges. Les quarante-huit panneaux solaires, même chinois, produisent assez d’électricité pour alimenter la maison et faire une substantielle revente à EDF. Les vacances arrivent et sont les bienvenues. Jérôme consacre tout son temps et toute son énergie à son épouse, ses parents et son fils. Pascal ne fait guère que passer à la villa, parfois accompagné d’une certaine Ondine, jolie jeune fille qui porte bien son nom et passe le plus clair de son temps dans la mer et à bronzer sur la plage, peu encombrante donc. Quant aux parents, la proximité fait qu’ils viennent passer une journée de temps en temps, mais ne restent pas dormir. Julie reprend des forces, des couleurs et de l’envie, offrant à son époux de mémorables et fougueuses étreintes.



C’est l’automne venu, trois mois après la traditionnelle pendaison de crémaillère, que les filles invitent le couple à dîner. Dans les derniers rayons du couchant, Karine prend la parole. Comme à son habitude, c’est elle qui est à la manœuvre dans les grandes occasions.



À ce moment précis, le pied déchaussé de Marie-Jo assise en face de Jérôme s’insinue entre ses jambes et vient caresser son sexe par-dessus le pantalon. Il sursaute et se prend la tête entre les mains, coudes sur la table. Elle a tenu promesse, cette coquine, faire en sorte de se faire sauter « officiellement » avec l’accord de tous. Il relève la tête et croise son étrange regard bleu-vert qui étincelle d’une victoire triomphante. « La garce, la rusée, la maline, elle a réussi son coup magistralement. Qu’est-ce que je peux faire, alors que j’aurais envie de la prendre là, tout de suite, sur la table… », rumine le pauvre bougre.



Il descend le petit escalier vers la calanque, bientôt suivi par Marie-Jo. Elle s’arrête sur la dernière marche et, cramponnée à la rampe, retire un à un ses escarpins à talons. Pour ce faire, elle soulève ses genoux latéralement. Sa petite robe de soie chamarrée bleue s’écarte, montrant ostensiblement sa touffe d’astrakan libre de toute culotte.



Avec Karine, les choses doivent être organisées et carrées. D’abord, où ? « Pas dans le lit conjugal » a dit Julie et on la comprend. Donc chez les filles. Quand ? « Les treizième, quatorzième et quinzième jours après les règles pour un maximum de chances. Comment ? Dans un premier temps, les deux filles ensemble et Julie qu’on ne peut laisser de côté. Puis celle-ci décide de ne pas venir, ne souhaitant pas « tenir la chandelle ». Dans quel ordre ? « Moi d’abord », dit Karine. C’est ainsi qu’elle se retrouve dans le grand lit king size, entourée de Marie-Jo et Jérôme qui commencent à la caresser. Mais quand Jérôme veut lui sucer un sein, elle le repousse :



Il faut toute la persuasion tendre de Marie-Jo.



Marie-Jo sur le dos, la tête entre les jambes de Karine, s’empare du sexe de son chef avec un sourire de contentement. Elle le manipule avec fougue et délicatesse, un petit sourire satisfait au coin des lèvres. Elle branle, suce et réussit à le mettre dans tous ses états, tout en léchant la chatte de sa compagne. Le cul de Karine est superbe, étroit, mais très pommé, et l’ensemble du spectacle de ces deux femmes en train de se donner du plaisir est très excitant. Jérôme monte en pression assez vite, ce que Marie-Jo perçoit aisément, et elle annonce à sa compagne :



Oh oui, la chatte de Karine est très étroite pour le gland rendu turgescent par la poigne de Marie-Jo qui ne le lâche pas, le guide et en règle la cadence. Karine gémit, fait des « Oh… oh… » et Jérôme se laisse faire sans la toucher jusqu’à ce que Marie-Jo lâche son sexe pour s’emparer de ses testicules en criant :



L’homme surexcité s’agrippe un instant aux hanches étroites, le temps de trois ou quatre coups de boutoir, et balance ses jets de semence au fond de la jeune femme. Il se retire, elle se relève, écarlate, en maugréant :



Elle enfile un peignoir et dévale l’escalier en claquant la porte.



Elle lui lèche le sexe, le suce, se délecte des sucs mélangés de sa compagne et de son futur amant, puis ils se retrouvent côte à côte pour s’embrasser fougueusement. Jérôme atteint le nirvana du désir, palpant à pleines mains cette taille fine, ces hanches pleines, ces seins généreux, ces fesses charnues, plonge ses doigts dans cette chatte humide et sa langue dans cette bouche accueillante. Leur étreinte commence dans l’absolue nécessité de partager un maximum de surface de leurs peaux, roulant en tous sens pour augmenter le contact. L’érection n’est pas diminuée, mais la première éjaculation laisse espérer un long moment de récupération que Jérôme met à profit pour tenter de satisfaire tous les désirs que cette femme a fait naître en lui. Par devant, par derrière, sur le côté, debout, assise, couchée, à quatre pattes, sur lui, dans un sens puis dans l’autre, ils tombent dans une frénésie érotique que rien ne semble pouvoir apaiser. Finalement revenu entre les cuisses de son amante serrées autour de sa taille, elle l’implore sourdement :



Il la pilonne encore quelques instants puis explose en elle avec un râle de bonheur. Échevelés, fourbus, ruisselants de sueur, les deux amants échangent encore un long baiser.



Ils doivent réagir vite, ils viennent de passer plus d’une heure et demie de folie érotique. Ils prennent une douche, l’un après l’autre, Marie-Jo descend en peignoir alors que Jérôme se rhabille.



Jérôme rentre à la villa en faisant un détour par le centre-ville. Il achète un paquet de cigarettes et une boîte d’allumettes, et lui qui n’avait plus fumé depuis l’époque de son divorce aspire de longues bouffées en marchant jusque sur la plage. Tous ses démons ne sont pas encore exorcisés, avoir fait l’amour avec Marie-Jo ne lui donne qu’une envie, celle de recommencer. Suivant le plan établi par Karine, ils recommencent donc le lendemain, et le jour d’après. Marie-Jo se montre d’un appétit sexuel absolument féroce, osant tout et se livrant sans limites. Après l’avoir ensemencée à trois reprises successives, Jérôme se dit qu’elle ne peut pas manquer de tomber enceinte et que les choses vont se calmer de fait. Mais le mercredi suivant, elle entre dans son bureau :



Comment refuser quand les corps se reconnaissent et parlent à votre place ? Car il suffit que Marie-Jo entre dans le champ de vision de Jérôme pour que son sexe palpite ; qu’elle s’approche de lui et il bande comme un étalon. Pourtant… pourtant, chuchote sa raison, il n’y a pas plus semblables que Julie et Marie-Jo, toutes deux brunes avec de jolies formes, le même genre de femmes. Mais en même temps, elles sont très différentes. Marie-Jo est plus grande d’une douzaine de centimètres, et donc plus large, plus épaisse, plus charnue… Et puis il y a ces yeux incroyables qu’il sait faire virer du vert clair de la joie au bleu foncé du plaisir. Ce sexe aussi, paradoxalement plus étroit et plus court, un fourreau chaud et humide qui se referme sur le sien comme un étau délicieux, l’obligeant à buter contre l’anneau plus ferme du col de l’utérus et lui procurant des sensations inconnues. Ils restent souvent ainsi l’un dans l’autre, en apparence immobiles, seules les contractions de l’un répondent aux palpitations de l’autre, amenant à d’hallucinants orgasmes muets. Il la rejoint, ils s’aiment à perdre haleine.



Un violent coup de tabac frappe la côte, mais la maison des « deux petites cochonnes », en référence à Disney, a parfaitement résisté. En revanche, bon nombre de carrelets, ces curieuses cabanes de pêche sur pilotis, ont beaucoup souffert. Comme à chaque fois ou presque, les propriétaires souvent très vieux de ces constructions traditionnelles n’ont pas les moyens de les réparer et cherchent à les vendre. Jérôme fait l’acquisition de l’une d’elles en piteux état, et fait appel aux charpentiers landais qui ont construit la villa « La Calanque » pour la rénover. Ils font encore un boulot magnifique, démontant tout, conservant ce qui pouvait l’être, et reconstruisant cabane et ponton comme neufs. Il y passe beaucoup de temps, seul au milieu de l’eau, d’autant que les pêches sont parfois très bonnes, les prises très variées. Même quand il pleut, il y reste des heures, à l’abri, fumant autant qu’à l’envie, ce qu’il espère l’aider à réfléchir. Il en revient généralement pétri de bonnes résolutions qui s’écroulent aussitôt sous le regard innocent et énamouré de sa maîtresse. Car c’est bien ce qu’est devenue Marie-Jo.


Pour le conforter dans l’échec de sa volonté, le Conseil Départemental agrée son projet de collège numérique, domaine où son adjointe excelle techniquement. C’est donc elle qui mène la danse, négocie le calendrier et met en place les premières mesures. Cela passe d’abord par la démonstration de l’intérêt du numérique pour tous. On change les logiciels, on en installe d’autres, on change toutes les serrures, on installe un distributeur de plateaux à la cantine et on distribue des cartes à tout le monde. Avec la même carte, on peut avoir accès aux lieux autorisés, emprunter des ouvrages au CDI, accéder à la cantine, déverrouiller son accès Internet et plein d’autres choses encore. Et tout est automatique, les présences, les emprunts, la facturation de cantine, pour les élèves comme pour les adultes. Il faut s’y faire, surpasser les premiers tâtonnements, Marie-Jo est là, omniprésente et, semble-t-il, omnipotente. Puis les profs d’abord sont dotés de tablettes, une antenne wi-fi est installée distribuant les connexions au réseau sur tout l’établissement. L’écran tactile avec des logiciels adaptés rendent les anciens systèmes préhistoriques. Même ce cher Yvan Nanchier est conquis :



Désormais chaque mercredi après-midi, Marie-Jo assure un atelier d’initiation pour les profs volontaires, autant dire presque tous. Cela libère un peu l’esprit de Jérôme. Mais pour préparer la suite, notamment la rentrée qui verra tous les élèves de sixième équipés, il faut suivre de nombreuses réunions, au siège du Conseil Départemental à La Rochelle, au rectorat de Bordeaux et dans un centre de documentation pédagogique en pointe sur le numérique à Poitiers. Autant de sites où l’adjointe accompagne son principal, autant d’occasions pour elle de rattraper les mercredis manqués. S’ils partent pour la journée, il faut s’arrêter dans des coins tranquilles, à l’aller comme au retour. Et s’il n’y a pas de coins tranquilles, les hôtels de type « Formule 1 » constituent une solution idéale : une carte bancaire suffit pour débloquer une chambre sans rencontrer le moindre témoin. Quant aux séminaires de plusieurs jours, l’obligation est de coucher sur place et de passer des nuits de totale débauche. Au bout de quatre mois de ce régime intense, Jérôme commence à se poser des questions, d’autant que le ventre de Karine commence à s’arrondir fortement, la première fois avait été la bonne. Il questionne Marie-Jo :



Les frasques des deux amants durent plus de six mois. Mais tout bascule un beau jour, et de façon inattendue. D’abord, Karine a un passage difficile de sa grossesse et doit s’arrêter plusieurs semaines. Marie-Jo lui consacre du temps et des attentions, en même temps il n’est plus possible d’utiliser leur villa pour des rencontres lubriques. Ensuite, un incident sérieux survient au collège, ou plutôt devant le collège. D’anciens élèves devenus petits loubards viennent chercher des noises à leurs jeunes successeurs, il y a bagarre et un élève est légèrement blessé. La famille porte plainte. La police estime que le fond de l’affaire est probablement un petit trafic de cannabis et qu’il est urgent d’installer des caméras de vidéo-surveillance. Ce que le préfet approuve fortement, contre l’avis du principal qui juge cela inutile dans un collège tranquille la majorité du temps. Le Conseil Départemental, inquiet également, décide de l’installation de caméras, mais, en cours de budget, il faut bien prendre l’argent quelque part. Ce sera sur le projet numérique, et seuls les élèves de sixième seront dotés de tablettes qu’ils conserveront jusqu’à la troisième, et ainsi chaque année pendant quatre ans. Si d’un côté les dépenses étalées apparaissent comme une décision responsable, du côté du collège c’est tout le projet pédagogique qui s’en trouve bouleversé. Pour couronner le tout, la famille ayant porté plainte remue ciel et terre pour désigner un responsable aux blessures de son fils, écorchures au bras et au front. Pour elle, le collège est pleinement responsable et la cause en est l’absence de CPE. L’administration n’aime pas les vagues. Jérôme a beau réfuter l’argument, démontrer que l’incident s’est déroulé en dehors du collège qui n’a par conséquent aucune responsabilité, un nouveau CPE est nommé pour la rentrée. Mais en budget contraint, Madame Conde est mutée manu militari dans un autre établissement. Un petit incident de pas grand-chose peut ainsi bouleverser des vies.


La perspective de la fin programmée de leur relation conduit les amants à tous les excès. Il n’y a pas de jours ou l’adjointe ne se campe pas derrière le bureau de son principal, soi-disant pour consulter tel ou tel document, laissant la main de son chef fouiller sous sa jupette un entrecuisse sans culotte jusqu’à lui tirer les frissons d’un orgasme furtif. À la moindre occasion, réelle ou inventée, ils se réfugient tous deux dans une chambre d’hôtellerie rapide pour se jeter furieusement l’un sur l’autre et faire l’amour jusqu’à l’épuisement. C’est ainsi que, dévastée et repue, Marie-Jo se dévoile un jour de juillet, juste avant les vacances :



Le coup est rude. Jérôme redécouvre, même chez Marie-Jo, cette rouerie féminine qui l’avait tant fait souffrir quelques années plus tôt. Il se sent à nouveau trahi, dégoûté, avec un goût de cendre dans la bouche. Il arrête de fumer en même temps qu’il se jure de ne plus jamais la revoir, autrement que dans le cadre d’une relation amicale entre couples ou professionnelle.



En pleine commercialisation des villas du golf et en l’absence de Karine, Julie décale ses vacances, laissant son époux seul pour la fin de juillet. L’afflux des touristes rend les promenades presque désagréables et la pêche impossible. La seule échappatoire est la cabane à carrelet, loin de tout et de tous, bien que certains promeneurs osent s’engager sur le ponton. Il doit poser sur le portillon une pancarte « Propriété privée » et une clochette dénonçant les intrus. Dans cette mer brassée par les baigneurs et assaisonnée à l’huile solaire, il ne prend pas grand-chose. Il en profite pour finir de l’aménager, construisant un grand coffre pour ranger le matériel et installant une table et deux bancs repliables le long de la paroi, où ils sont fixés par de grosses charnières. On peut ainsi pique-niquer à quatre, voire cinq en ajoutant un siège en bout. Satisfait de sa réalisation, Jérôme apporte là ses documents de travail et même son ordinateur portable. Vêtu d’un simple short, à l’ombre et aux courants d’air marin, il s’occupe utilement avant de rentrer préparer un bon repas pour sa Julie.


Un jour, le grelot du portillon tinte. Croyant à des intrus, il se lève d’un bond, furieux. Mais ô surprise, c’était Karine poussant son gros ventre avec précautions en se tenant aux cordages servant de mains courantes. Elle ose braver sa peur du vide et son vertige habituels.



Elle s’assoit face à lui, trouve ses aménagements géniaux. Il tire une bouteille de jus de fruits de la glacière et lui offre un rafraîchissement.



Elle se lève et vient vers lui, pose son front sur son épaule et éclate en sanglots. Il pose les mains sur ses épaules, son menton sur son crâne et ils restent un long moment comme ça jusqu’à ce qu’elle se recule. Alors, d’un geste lent et sans cesser de fixer l’homme dans les yeux, elle quitte sa robe ample de grossesse puis sa culotte en s’appuyant sur le bord de la table.



Il caresse son ventre, sent tressauter le fœtus, remonte à ses seins déjà bien gonflés, palpe ses hanches, ses fesses.



Elle avance timidement sa main vers le pénis en érection, il plonge ses doigts dans sa broussaille blonde. Il lui fait un long baiser tout en la caressant, tout en se laissant caresser. Elle tombe à genoux et suce goulûment la queue qu’elle n’a pas lâchée, il la relève, l’embrasse de nouveau et la fait délicatement étendre sur la table, se délectant bientôt de cette vulve dorée. Elle gémit doucement. Quand elle est complètement trempée, il présente son gland à l’orée de sa grotte et la prend doucement, tendrement, en pelotant ses seins dilatés par leur prochaine lactation. Le vagin qu’il pénètre n’est plus crispé comme la première fois, mais dilaté et onctueux de substances nouvelles propres à la grossesse. Il y prend un plaisir infini et éjacule en criant « Karine… ». Elle tressaute et il voit soudain de petites bosses déformer sporadiquement la peau de ce gros ventre.



Elle reprend pied, l’entoure de ses longs bras et l’embrasse à pleine bouche.



Elle ouvre la porte, un souffle d’air qui leur paraît frais traverse la cabane et elle sort sur le praticable périphérique.



Elle fait le tour jusqu’à l’avant, se penche même par-dessus la rambarde. Jérôme enfile son short et vient la rejoindre, elle est magnifique de blancheur et de blondeur dans le soleil, un sourire éclatant aux lèvres. Puis elle se retourne, s’accoude à la rambarde et lui jette :



Puis elle va se rhabiller et part tranquillement. Par acquit de conscience, Jérôme relève le carrelet. Il n’en croit pas ses yeux, c’est presque une pêche miraculeuse : deux belles soles, quelques mulets, une poignée d’éperlans et une plie. Tout ça en un seul coup de filet ! À croire que faire l’amour attire le poisson. Ce sera une technique à réitérer.


Fin août, Karine accouche d’une petite fille qui a les yeux bleus, mais comme tous les nouveau-nés, et un duvet blond sur la tête. Tout le monde s’extasie sur ce bel enfant, Jérôme s’extasie sur sa maman, résolument plus belle, plus souriante et agréable que jamais.



Marie-Jo n’a pas du tout envie d’occuper son nouveau poste et se fait faire un certificat d’inaptitude au transport automobile, augurant qu’en enchaînant le congé de maternité et un congé pour allaitement, elle attendrait la rentrée suivante. La seule à bosser comme une folle sans se plaindre, c’est Julie. Car tout cela est bien beau, mais elle porte son étude à bout de bras, et en pleine période d’activité maximale. Sur les vingt-quatre villas du golf, seize ont trouvé preneurs, dont cinq sur plan. Elle aurait bien aimé vendre les huit dernières avant la fin de l’année et repasse une annonce dans une revue de luxe. Pour elle, c’est le pactole. Non pas les émoluments sur l’acte de vente, qui restent modestes malgré les cinq cent mille euros déboursés par l’acheteur, mais les frais d’agence immobilière qui lui reviennent du fait de l’exclusivité. Elle est restée modeste sur ce coup avec une commission de six pour cent, mais cela lui permet d’asseoir définitivement son cabinet dans l’activité et de constituer un matelas intéressant pour parer aux coups durs. Cette année sera un cru exceptionnel, il faut que ça dure.



Jérôme a une rentrée difficile. Il se heurte d’abord à la grogne des profs, qui se sont consciencieusement préparés à l’arrivée de tablettes pour tous et seuls les sixièmes en sont dotés, pareil pour les parents d’élèves.



La nouvelle CPE a dépassé la date limite de consommation et est aimable comme la porte d’entrée d’une prison centrale. Enfin, le conflit larvé qu’il entretenait avec Simone Hédesainge, sa gestionnaire, passe au conflit ouvert quand elle découvre au hasard d’une conversation que l’agent technique Gilbert Mudat avait participé au déménagement des meubles du principal.



Sauf que lorsqu’il s’est agi de mettre en place, à la demande des parents, des repas bios une fois par semaine, des repas sans viande une fois par semaine et du poisson deux fois par semaine, ce qui semble logique au bord de la mer, ça tourne à la révolution. Elle refuse tout net de mettre en œuvre un projet « aussi aberrant sur le plan diététique que financier ». Jérôme doit se tourner vers le Conseil Départemental, le réel employeur des agents techniques et financeurs de l’établissement, pour lui soumettre le projet. On fait appel à une diététicienne qui le valide sans réticence, et Jérôme doit écumer la campagne pour trouver les fournisseurs locaux capables d’alimenter la cantine en tenant des prix qui entrent dans le budget restauration. Ce n’est pas facile, mais pas impossible. La réelle difficulté est de remettre au travail des agents qui ont pris l’habitude d’ouvrir des boîtes et des sacs de denrées toutes prêtes, juste à réchauffer. Il faut désormais éplucher, laver, vider, écailler, découper, mijoter, griller, en somme cuisiner. Pour remotiver ses troupes, le principal sollicite un chef cuisinier d’un bon restaurant de Royan. Il est assez content de venir plusieurs lundis de suite, quand son restaurant est fermé, pour guider et encourager les agents. L’art de ce Meilleur Ouvrier de France, c’est de concevoir en un coup d’œil sur les réserves le menu qu’il peut en faire. Le chef de cuisine du collège, un peu piqué au vif qu’on veuille lui donner des leçons à son âge, se prend vite au jeu, surtout quand tout le réfectoire se lève en fin de repas pour applaudir à ce qu’ils venaient de déguster. Jérôme en profite pour lancer auprès des élèves une opération « zéro déchets », chacun ne prenant que ce qu’il est capable de manger quitte à demander du « rab » en fin de service. Les poubelles diminuent des deux tiers et les volumes achetés se stabilisent à un niveau inférieur de quinze pour cent à précédemment. Les économies sur la quantité permettent plus de qualité, au point que le repas de Noël est grandiose. La gestionnaire est en congé de maladie pour dépression, suite au rejet par le rectorat de sa plainte pour harcèlement, pas sexuel, on s’en doute, de la part de son principal. Alors Jérôme négocie avec son cuisinier et ses fournisseurs : trois huîtres gratinées, aiguillette de canard aux poires, fromage de chèvre du Poitou et charlotte au chocolat et clémentines. Le tout accompagné de quelques crottes de vrai chocolat sans crème et d’un verre de pétillant de pommes. Le cuisinier a droit à une nouvelle salve d’applaudissements, et tous les agents doivent sortir des cuisines pour être remerciés. Pour eux aussi, c’est Noël.


Pascal passe Noël chez les Auzore, les parents d’Ondine, alors Jérôme fait faire quelques bagages à Julie et ils partent à l’aventure. Le hasard les mène d’abord en Dordogne, puis dans le Cantal et enfin en Auvergne où ils font un peu de luge. Julie n’a jamais fait de ski et n’en a pas envie, elle se repose pendant que Jérôme fait quelques circuits de ski de fond. Ils sont ensemble, ils sont bien, coupés de tout souci. Ils reviennent pour organiser le réveillon du Nouvel An, avec Pascal, Ondine et les deux filles. Mais Karine allaite, Marie-Jo est enceinte, elles ne boivent pas sauf à tremper les lèvres dans le champagne pour se souhaiter la bonne année à minuit et rentrer bien vite pour bébé. Du coup, Pascal et sa copine sortent en boîte et le couple se retrouve seul.