n° 20267 | Fiche technique | 22294 caractères | 22294Temps de lecture estimé : 12 mn | 19/05/21 |
Résumé: On peut partager l'avis d'Aristote, pour qui, nul n'est méchant volontairement. On peut néanmoins éprouver une certaine jubilation en imaginant flanquer une bonne raclée à ces méchants involontaires. | ||||
Critères: fh collègues bizarre neuneu campagne vengeance portrait délire humour | ||||
Auteur : Jimmychou Envoi mini-message |
Avertissement : le texte que vous allez lire, si bien sûr, vous avez suffisamment d’abnégation pour aller jusqu’au bout, est le pur produit de mon imagination. J’ajoute que je n’ai sollicité l’aide d’aucun tiers pour commettre cette farce pathétique.
Je tenais à le préciser, car je ne voudrais pas que d’honorables écrivains unanimement appréciés, ainsi que d’honnêtes et respectables critiques, puissent pâtir d’une manifestation d’humeur qui ne regarde que moi.
Par conséquent, toute similitude avec des entités existantes ou virtuelles connues ou reconnues par les lecteurs de ce site serait totalement fortuite.
Quand l’infâme virus tapi dans l’ombre s’attaque sournoisement aux fondements de notre existence, il va sans dire que tous les moyens sont bons pour l’éradiquer.
Une petite maison perdue dans les bois, au cœur de la Sologne. Ils sont cinq réunis en ce milieu de week-end, les yeux tirés, trop fatigués pour prêter attention à la bûche qui finit de se consumer dans la magnifique cheminée, ou à la comtoise centenaire qui égrène inexorablement les secondes après avoir résonné deux fois pour annoncer l’heure tardive, ou plutôt extrêmement matinale de ce dimanche.
La Charpie vient de remporter sa garde contre et elle s’envole définitivement vers une victoire qu’aucun de ses adversaires ne pourra plus lui contester.
Car, si les règles du tarot autorisent le jeu à cinq grâce au système de l’appel au roi, les puristes préfèrent la variante à quatre joueurs beaucoup plus technique.
Dans cette configuration, les cinq participants passent alternativement leur tour et le jeu ne peut théoriquement s’arrêter que lorsque tous les joueurs ont effectué le même nombre de parties.
Dom s’est endormi juste avant le début du tour ultime. Il ronfle discrètement, la tête posée sur l’épaule bienveillante de la Charpie. Pour une fois, Radass s’est abstenu de toute remarque ironique n’osant admettre qu’il trouve « trop choux » et touchant les deux boomers qui ont passé la soirée collés l’un contre l’autre en se bécotant comme deux collégiens à peine pubères.
Après leur interminable partie de tarot débutée la veille, les cinq décident de s’accorder quelques heures de sommeil jusqu’au lever du jour.
Car sont en effet réunis en ce lieu le temps d’un court week-end, cinq auteurs emblématiques reconnus par leurs pairs comme faisant partie des plus brillants de cette génération qui a donné à la littérature érotique ses lettres de noblesse dans lesquelles les X, Y et autres Z se retrouvent malheureusement bien peu.
Je citerai d’abord Lame-au-corps, le grand brun à l’air hilare, jamais à court d’un mauvais jeu de mots, et dont l’esprit est aussi affûté que le sabre d’un samouraï, ce qui lui a d’ailleurs valu son second surnom.
Puis vient Lee Roy, qui malgré son âge relativement avancé est le petit dernier de la bande. Un érudit doublé d’un vrai conteur qui ne compte plus ses conquêtes passées, présentes et à venir.
Ensuite, la Charpie, la bonne conscience du groupe, toujours polie et bienveillante, même lorsqu’elle assassine un texte pitoyable ou qu’elle se prend le bec avec un des snipers du site.
Et bien sûr Radass, le déjanté qui masque, avec un style inimitable, une blessure aussi profonde qu’intime derrière des délires qui font se tordre de rire des lecteurs conquis d’avance.
Enfin Dom, l’éclectique, qui produit bon an mal an, depuis près de deux décennies, son lot de textes qui seront immanquablement portés aux nues par la communauté.
Mais le fossé générationnel qui les sépare des milléniums n’empêche nullement les cinq X-(wo)men d’être particulièrement à l’aise avec les techniques et les contre-mesures utilisées par les hackers de la websphere pour satisfaire leurs sombres desseins, qu’ils agissent par idéologie, bellicisme ou par simple cupidité.
Et s’ils sont réunis en ce lieu paisible, c’est avant tout pour mener à bien leur mission impossible. Car ils ont décidé que le temps était venu d’éradiquer une fois pour toutes le « Virus 0204 », même s’ils sont bien conscients que leur combat ne connaîtra probablement jamais de dénouement.
Avant de passer à l’action, ils profitent ensemble d’un copieux petit déjeuner dans la grande salle à manger de la charmante ferme provisoirement transformée en centre d’opération pour l’exécution de leur mission.
Assis en bout de table, Lee Roy parvient à masquer sa contrariété après une courte nuit de sommeil perturbée à plusieurs occasions par des sons à l’origine identifiable.
C’est en découvrant Dom et la Charpie qui se tiennent tendrement par la main, qu’il comprend d’un coup l’origine de ces grincements qui l’ont empêché de dormir malgré la quantité déraisonnable d’alcool ingurgitée au cours de la longue soirée de la veille.
Une fois rassasiés, les cinq descendent rejoindre leurs postes respectifs, au sous-sol, dans une vaste pièce dont la modernité tranche singulièrement avec la bâtisse originelle plus que centenaire.
Plusieurs armoires informatiques hébergent le matériel dernier cri installé par l’Autiste, l’équipier geek, pour permettre aux membres du groupe de mener à bien leur lutte contre les malsains anonymes trop heureux de nuire aux belles lettres et à l’érotisme subtil propres à la culture française.
C’est aussi l’Autiste qui a communiqué au groupe le mot de passe du compte Administrateur du site qu’utilisera Radass pour récupérer en temps réel les journaux de connexions nécessaires à la bonne exécution de la mission.
En découvrant l’endroit, Lee Roy ne peut cacher sa surprise.
Radass le rassure aussitôt.
Lee Roy se fend d’un sifflement admiratif.
Dans le grand sous-sol, six bureaux sont judicieusement disposés prêts à recevoir leur opérateur attitré. Sur chaque meuble trône une petite unité centrale connectée à deux écrans dominant le clavier rétroéclairée sur lequel les cinq mousquetaires vont pouvoir exercer leurs talents. L’un des six postes restera néanmoins inutilisé, car l’Autiste qui aurait bien sûr dû être présent physiquement a été privé de fête en raison d’engagements pris antérieurement auprès du site.
En s’installant dans le fauteuil situé devant le bureau qui lui a été attribué, Radass se souvient de la raison qui le pousse à se retrouver assis en ce lieu à cet instant.
Ce sont bien les plaintes émises par quelques-uns des auteurs d’opérette qui débarquent régulièrement sur le site, persuadés de détenir l’idée originale qui provoquera des inondations dans les petites culottes des lectrices et contribuera enfin au redressement de queues plus molles que les convictions d’un candidat aux élections cantonales, qui ont motivé la décision de l’opération planifiée ce week-end.
Car malheureusement, ces émules d’Apollinaire déchantent rapidement lorsqu’ils prennent connaissance de la note moyenne qui sanctionne le fruit de leur imagination fertile.
Ils comprennent alors que le 11,68 qui a été attribué à leur texte dépend certes des appréciations de deux ou trois auteurs officiels en mal d’inspiration, mais aussi d’une poignée d’anonymes qui distribuent des notes comme Obélix les paires de baffes.
Nombreux sont les dégoûtés par cette expérience douloureuse, qui se résignent aussitôt à retourner à leurs chères études voire même à proposer leur prose géniale sur des sites moins sélectifs.
Certains insistent néanmoins et finissent immanquablement par éveiller l’intérêt des tireurs d’élite sévissant sur le site. Ces derniers se chargeront alors avec un commentaire glacial assorti au mieux d’un dix déprimant, de les renvoyer dans leurs buts, les privant ainsi de l’espoir de décrocher enfin la note rêvée qui leur aurait permis de passer du statut d’écrivaillon balbutiant à celui d’auteur normal.
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Avant de s’adresser à l’assemblée, Lee Roy jette un coup d’œil à l’écran mural sur lequel le Samouraï a affiché le plan du lieu.
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Le bouquet spécial, c’est la fierté de Radass. C’est en effet ce brillant auteur qui a développé ce petit plug-in aux effets explosifs qui se greffe sur la messagerie de l’utilisateur dès qu’il télécharge le contenu du message anodin apparemment envoyé par un de ses contacts. Une fois le Malware installé, le premier clic sur l’interface du programme de messagerie déclenche l’envoi de mails d’insulte à tous les expéditeurs référencés dans la boîte de réception.
Évidemment, quand le contrôleur des impôts d’un citoyen ordinaire reçoit de la part de ce dernier un mail lui expliquant en termes colorés que ses ascendants ont été conçus depuis le Moyen Âge à base de résidus d’urine de porc, il est concevable qu’il puisse en éprouver un certain ressentiment.
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Radass vient de consulter la base de données qu’il met à jour quotidiennement en aspirant les fichiers clients des FAI opérant sur le territoire français.
Et il ne lui a fallu que quelques secondes pour obtenir les coordonnées d’Anselme Boudin-Lemosh, l’innocent internaute qui vient de démolir sournoisement le dernier chef d’œuvre de Lee Roy.
Quelques minutes plus tard, la vie entière du critique impudent et imprudent s’affiche sur les grands écrans fixés au mur de la pièce.
Les photos et les commentaires les plus insipides, que cet adepte des réseaux sociaux a exposés plus ou moins volontairement à son entourage virtuel, apparaissent au premier plan.
Il y a sous les yeux du groupe présent suffisamment de matière pour renvoyer le pauvre type dans les bas-fonds de l’humanité dont il s’est échappé par un incompréhensible concours de circonstances.
Dans une minute, les contre-mesures mises au point par Radass seront prêtes et c’est Lee Roy lui-même qui choisira les bouchons sur lesquels appuyer.
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Lee Roy qui n’a toujours pas digéré sa nuit de sommeil chaotique répond avec une pointe de perfidie :
Cette remarque a bien sûr l’air de déplaire à la victime du critique aussi anonyme que décérébré et Dom le fait savoir à Lee Roy.
Soucieux d’éviter une querelle interne forcément nuisible à la bonne exécution de la mission, le Samouraï étouffe l’orage dans l’œuf :
Pour appuyer l’explication de Lame-au-corps qui vient de prendre le contrôle de sa webcam, la tête du nuisible, un type entre deux âges et au rictus inquiétant apparaît à l’un des écrans fixés au mur.
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Les cinq passent ainsi plusieurs heures à chambouler les vies de crétins anonymes qui ont cru trop longtemps pouvoir abuser impunément du petit pouvoir conféré par le site pour saquer des auteurs, peut-être limités, mais néanmoins disposés à l’alimenter de leur prose, certes bancale et maladroite, mais pourtant nécessaire à sa survie.
Et tant pis pour les dommages collatéraux causés à la vie sociale de ces lecteurs qui ne savent pas compter au-delà de quatre.
Alors que l’heure avance et que chacun pense peu ou prou au moment où il devra quitter le groupe pour retrouver sa routine habituelle, un doute légitime traverse l’esprit de la Charpie.
C’est la vision d’un énième pauvre type dont on vient de massacrer l’existence méthodiquement et sans la moindre indulgence qui pousse la femme amoureuse à s’interroger.
Un ange passe au-dessus de l’assemblée sur laquelle le manque flagrant de sommeil commence à se faire cruellement sentir.
La Charpie fixe tour à tour ses quatre camarades tout penauds qui n’osent soutenir son regard, préférant se focaliser sur la propreté de leurs chaussures.
Et soudain, la pétulante quinquagénaire éclate de rire.
Un grand soupir de soulagement traverse la pièce et Dom est le premier à se gondoler comme un gamin. Une fois remis, il se lève pour aller rouler une pelle magistrale à sa conquête déclenchant des sifflements joyeux chez les trois autres « justiciers ».
La campagne d’éradication du « Virus 0204 » tire à sa fin lorsque Radass pousse un cri de surprise.
Intriguée, la Charpie quitte son fauteuil et vient se poster derrière son camarade avant qu’il commence à expliquer ce qui le surprend autant.
Devant l’air affolé de la Charpie, Radass croit bon de préciser.
Un murmure de désapprobation parcourt l’assistance alors que le nom de l’autrice hypocrite apparaît en caractères gras sur les écrans du sous-sol.
Kao ni doro wo nuru ! ne peut s’empêcher de s’exclamer le samouraï à la fois triste et déçu par ce qu’il vient de découvrir.
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Maurice Taitanboy s’apprête à noter anonymement le texte pitoyable qu’il vient de déchiffrer d’un œil distrait.
Curieusement, alors qu’une improbable tempête est en train de naître dans son cerveau peu habitué à de tels phénomènes, il se demande si pour une fois, il ne devrait pas surnoter et attribuer un quatre à l’histoire affichée sur l’écran de son smartphone.
Finalement, Maurice préfère s’accorder un délai de réflexion supplémentaire. Il va d’abord consulter Wikipédia pour en savoir un peu plus sur le fameux « Virus 0204 » qui semble tellement obséder l’auteur de cette pantalonnade sans queue ni tête et dans laquelle les mots « bite » et « nichons » n’apparaissent pas une seule fois.