n° 20422 | Fiche technique | 82040 caractères | 82040Temps de lecture estimé : 46 mn | 12/08/21 |
Résumé: La vie sentimentale d’Hélène est en panne. Un changement de cap s’impose. Sauf que l’amitié ne peut pas tout dans ce cas. | ||||
Critères: f fh fhh hplusag fagée inconnu collègues jardin fête travail collection amour fdomine fmast massage caresses fellation préservati pénétratio fsodo portrait délire -rencontre | ||||
Auteur : Olaf Envoi mini-message |
Hélène m’avait été recommandée par un ami, pour une place dans le comité d’une ONG que je présidais. Son conseil s’avéra excellent. Elle trouva tout de suite sa place, suivait les dossiers et les discussions avec enthousiasme et compétence, et elle savait communiquer ses avis de manière convaincante. Rares étaient celles et ceux qui s’opposaient à ses points de vue.
Riche d’expériences variées, la quarantaine flamboyante, elle dit d’elle-même n’avoir aucun tabou. Mise en confiance, elle dévoile des trésors de sensualité, d’inventivité érotique et de curiosité pour tout ce qu’un partenaire recèle de potentiel amoureux. Sa manière de s’offrir à ses amants du moment peut passer du romantique au volcanique au gré des jeux et des envies. Rien ne la retient, dès lors que le mec est respectueux et endurant.
En retour, elle ne cache pas une grande exigence de qualité et d’intensité. Qui s’y frotte ne s’y pique pas, pour autant qu’il (ou elle) assure de la première caresse au dernier orgasme.
Seul bémol, elle ne maîtrisait pas assez la langue dans laquelle la plupart des dossiers de notre association sont rédigés pour en saisir tous les détails. Nous avons donc pris l’habitude de préparer les séances les soirs précédents.
N’étant a priori pas un objet sensuel ou sexuel dans son univers érotique, mais plutôt une sorte de mentor, doublé suivant les jours d’un compagnon de galère, elle m’a peu à peu offert la presque exclusivité de nombreux détails personnels, voire intimes, lors de soirées arrosées de pinard capiteux.
Notre différence d’âge constitue une protection naturelle contre toute ambiguïté, même si je ne lui ai jamais caché mon admiration pour sa personne, son intelligence, ses compétences professionnelles, ni surtout ses charmes. Elle n’ignore pas que je la trouve belle, bandante et que j’admire autant son élégance naturelle que de nombreux détails de son corps et de ses gestes. Elle sait que j’aime passer du temps en sa compagnie, à travailler, rire ou m’agacer comme elle de tout ce qui va mal en ce bas monde.
Elle sait aussi que j’écris des nouvelles érotiques, dont elle est une lectrice sévère, mais juste. Mon regard sur les femmes en général et sur elle en particulier n’a donc plus de secrets pour Hélène, qui ne semble pas s’en formaliser. Cela correspond d’ailleurs assez bien au regard gourmand qu’elle porte elle-même sur les mecs, et les nombreux plaisirs qu’ils peuvent offrir.
Mardi soir dernier, je la découvre toutefois en proie à de profonds doutes, aussi bien sur son avenir professionnel que sentimental. Son dernier mec, rencontré il y a trois mois sur un site dédié à ce genre de conjonctions, l’a comblée dès la première nuit. Les nuits suivantes aussi, apparemment. D’ailleurs, pas que les nuits, pour être précis.
L’impossibilité de s’entendre sur un projet commun, notamment à cause de conditions de vie trop difficiles à remettre en jeu, a toutefois fait diminuer la flamme au cours des dernières semaines. Le désir est toujours là et les voluptés partagées sont toujours intenses, mais l’absence d’avenir commun rend le réveil de plus en plus maussade.
Ceci d’autant plus qu’un passager clandestin s’est récemment glissé dans la relation, dont la douceur et les charmes ont déstabilisé Hélène. Cet autre homme a traversé sa vie sans qu’elle s’y attende, à l’occasion d’un week-end en parapente. Pour la première fois, elle se trouve face à une évidence inattendue. Son corps et son cœur ont assez de place pour au moins deux hommes. Sauf que ni l’un ni l’autre n’est partageur.
D’où une soudaine et profonde remise en question de ses priorités, aussi bien sentimentales que professionnelles. Comment a-t-elle pu en arriver là ? Quelle femme est-elle devenue pour s’engager dans des histoires parallèles ?
Bref, lorsque nous nous retrouvons dans le restaurant qu’elle a choisi non loin de chez elle, elle me fait partager ses doutes, son désarroi même face à ce qui ressemble à une perte progressive de repères amoureux et professionnels.
Est-elle devenue une autre, ou, à ce moment de sa vie, lâche-t-elle enfin des chiens qui gardaient à la niche des aspects cachés de sa personnalité ? Les désirs très différents de ses deux amants du moment nourrissent-ils des envies profondes qui n’attendaient que cet instant pour se manifester ? Ou son manque de stabilité actuel est-il en train de la transformer en fieffée garce, qui se gave de plaisirs superficiels sans respect pour des hommes qu’elle laisse s’attacher à elle, tout en sachant que l’aventure sera sans lendemain ?
Je n’ai bien sûr aucune réponse ni surtout aucun conseil à lui donner. Mais en ami attentif, j’essaie de reformuler ce qu’elle exprime à demi-mot. Je suis touché par sa confiance, lorsqu’elle évoque ses émotions sensuelles, les envies de découvertes qu’elle a avec l’un ou avec l’autre. Je partage son trouble lorsqu’un désir irrésistible pour un inconnu monte en elle et qu’elle en jouit entre des bras récemment découverts.
Progressivement, le doute n’est cependant plus permis, ce que je lui dis à demi-mot. Elle semble être à deux doigts de bousculer quelques barrières profondément implantées dans son inconscient amoureux, pour autant qu’elle arrive à se libérer de… de quoi en vérité ?
Nous nous séparons avant d’arriver à le préciser. Je la sens hésiter entre repartir quelque temps dans la traversée du désert qui a suivi une rupture douloureuse quelques mois auparavant, ou se lancer dans une consommation masculine régulière et soutenue, jusqu’à ce que l’apaisement des sens lui redonne un minimum d’équilibre et des idées plus claires sur un avenir potentiel.
Au moment de nous quitter, elle me serre tendrement contre elle, sa tête posée sur mon épaule.
Au milieu de la nuit, elle m’envoie un petit texto qui montre qu’elle ne dort toujours pas. Ce qui m’inquiète un brin.
Quelques semaines plus tard, la belle s’enquiert de l’avance de mes travaux. Je dois avouer un grave syndrome de la page blanche. J’ai juste trouvé sur Wikipédia quelques indices qui correspondent bien à sa personnalité, mais pas assez pour construire quelque chose de solide.
« Hélène est une rêveuse, une idéaliste. Sensible et à fleur de peau, la cruauté du monde l’insupporte. Raison pour laquelle elle se retranche souvent dans sa tour d’ivoire, là où elle est maîtresse de ses sentiments. Sa fierté et son allure la font souvent passer pour inaccessible. Mais sa beauté cache en fait une grande timidité. Une fois cette dernière dépassée, Hélène n’aura plus de secret pour vous. Volontaire et humaniste, elle ne rate pas une occasion pour aider ceux qu’elle aime. Si vous réussissez à avoir son cœur, vous l’aurez pour très longtemps. Hélène est loyale et dévouée envers ses proches. »
À cela s’ajoute une amusante remarque :
« Sainte-Hélène fut la mère de l’empereur romain Constantin. Cette généreuse chrétienne fit construire trois basiliques pour protéger les Lieux saints et les grottes mystiques. Elle est honorée le 18 août. »
Tiens, tiens, des basiliques pour protéger des grottes mystiques…
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Elle ne me donne plus aucun signe de vie au cours des semaines qui suivent. Je commence à redouter de l’avoir brusquée avec ma provocation lorsque je reçois une lettre d’elle par la poste.
À l’intérieur, je découvre six photos, dont trois égoportraits, accompagnés d’une brève légende. Une introduction manuscrite complète l’envoi.
« Salaud ! Tes exigences perverses m’ont plongée dans des tourments insupportables. Et m’ont forcée à revivre des trucs que je ne souhaitais plus remettre en lumière. Bon, c’est fait. Je suis impatiente de lire ce qu’évoqueront ces grottes mystiques que tu veux visiter. Je suis maintenant plus nue que nue face à toi. N’en abuse pas, s’il te plaît, je suis encore fragile, mais je garde confiance en toi.
PS : j’enlèverai le septième voile en temps et heure qui me conviendront. Après réception de ta nouvelle. »
Après m’être confortablement installé, je prends au hasard l’un des indices et me laisse emporter par sa description de l’émotion du moment.
Premier voile, égoportrait de nuit, intitulé « Manque ». Hélène est en nuisette devant son ordinateur, une larme coule sur sa joue.
« J’ai refait cette photo pour toi, sans me douter de ce que cela allait réveiller en moi. D’où la larme bien réelle. C’est l’évocation de la fin d’une histoire de trois ans. Une fin douloureuse, tirée inutilement en longueur, ce qui m’a amenée au bord d’un pétage de plombs. Trop d’insomnies à échanger des textos ou des courriels avec un autre homme pendant que mon mec dormait. Je ne supportais plus son corps contre le mien, tout en désirant le corps de l’autre à en crever. Ces orgasmes de manque, atteints péniblement en combinant fantasmes et souvenirs de frissons volés, sont si imparfaits, si douloureux même. »
Une brève nouvelle s’impose rapidement :
Une fois de plus, elle a travaillé tard à son bureau. Après un rapide passage sous la douche, elle se glisse sous le duvet sans faire tanguer le matelas pour éviter de réveiller celui qui dort. Elle étend son corps bien au bord du lit, le dos tourné contre lui, de manière à ne pas l’entendre respirer ni le sentir trop proche d’elle.
Pourtant cette nuit, le stratagème ne suffit pas. Quelque chose la maintient éveillée plus longtemps que prévu. Elle se retourne d’un côté et de l’autre, pour tenter de remédier à l’engourdissement de ses membres. Rien n’y fait. Plus elle laisse vagabonder son esprit, plus l’énervement la gagne. Puis la rage. Rage de se forcer à dormir à côté d’un homme pour lequel elle n’éprouve plus rien, rage d’accepter sans réagir de calmer seule ses envies, rage de continuer à s’empêcher de vivre autre chose qu’un simulacre de relation.
Les minutes sont si longues lors de ces nuits de frustration. Tout son corps est habité par le bouillonnement de ses sentiments. Finalement, elle n’y tient plus. Elle songe d’abord à bondir hors du lit, de manière à le réveiller et à provoquer enfin l’esclandre qui permettrait de mettre les choses au point entre eux.
Mais elle se ravise. Elle sait qu’elle ne pourrait s’empêcher de parler de l’autre, quand bien même il n’est pour rien dans ce qui s’est installé entre eux depuis des mois. Ses premiers émois avec l’Amant sont sacrés, elle veut à tout prix éviter qu’ils soient souillés.
Un regard, le frôlement de sa peau, et soudain elle s’était sentie revivre. Il avait mis des couleurs dans sa tête. C’était exactement l’émotion qui s’était installée en elle après la première fois. Il venait de lui offrir les couleurs qui manquaient dans sa vie.
Ils s’étaient revus deux fois. En tout bien tout honneur, comme on dit. En apparence au moins, car dès leur deuxième rendez-vous, elle s’était sentie perdre pied. Tant de douceur dans ses yeux, pour elle, rien que pour elle. Cette manière délicate qu’il avait de la faire se sentir unique pour lui. De lui donner envie de s’offrir à ses regards. De s’offrir tout court, parce que ces sensations lui manquaient à en crever et que son corps l’attirait. Ses fesses fermes et musclées, pour commencer, et puis ses mains larges et chaudes. Et sa voix, bien sûr.
La troisième rencontre avait trop bien confirmé ce qu’elle pressentait. En elle, comme en lui. Mais elle ne voulait pas d’histoires parallèles, et lui avait demandé de ne plus chercher à la revoir. Jusqu’à ce qu’elle mette de l’ordre dans ses sentiments, dans sa vie. Après, elle le contacterait, quoi qu’elle décide, juré. Il avait accepté, à la seule condition qu’elle lui donne son adresse de courriel en guise de bouée de sauvetage. Avec la promesse de ne pas en abuser.
Non, c’est décidé, pas de cris ni de larmes cette nuit. Elle a besoin d’un peu plus de temps. Abandonner trois ans de vie de couple ce n’est pas rien. Même si au fond d’elle, elle sent bien depuis longtemps que tout est joué.
Elle parlera demain, quand elle aura pu se préparer, quand elle aura choisi les arguments. Comme si la raison et le dialogue pouvaient encore être de mise face à un tel chambardement.
Elle quitte le lit, sort sans bruit de la chambre, retourne devant l’ordinateur. Lumière blafarde de l’écran, petite musique d’intro, connexion au serveur, vérification de la boîte aux lettres, réception du courrier…
Son cœur saute dans sa poitrine. Coincé entre deux pourriels, il y a un signe de lui. Il ne dort pas non plus. Mal du manque d’elle ? Et si c’était son dernier signe de vie avant de lui annoncer qu’il renonce à l’attendre ?
Pendant la lecture du courriel, elle a posé ses doigts sur ses lèvres et les a longuement caressées. Maintenant, au moment de relire ses mots, elle entoure ses seins de ses mains et en excite les pointes. Même sans image de lui, elle imagine sans peine ses tétons de mec aussi durs que les siens. Elle y dépose un léger baiser virtuel, puis un autre, du bout de la langue cette fois, plus appuyé. Elle sent sa queue frémir contre sa jambe.
Alors elle s’allonge confortablement dans le fauteuil du bureau, les cuisses écartées, moites de l’envie de lui. Avec des gestes très lents, les yeux fermés, elle accompagne les caresses qu’elle l’imagine vouloir lui offrir. Doucement, elle glisse ses mains à l’intérieur de ses cuisses. Immédiatement, elle a envie de les refermer sur son membre fièrement dressé, de l’emprisonner à l’orée de sa fente juteuse.
Puis ils remontent de caresse en caresse le long de son ventre, redescendent vers ses reins. Elle se soulève légèrement, pour faciliter la caresse entre ses fesses. Dans ses pensées, elle se retourne déjà, et s’offre à lui.
Avant d’aller plus loin, il veut encore se protéger. La peine qu’il semble avoir à dérouler le latex sur sa queue trop excitée la fait sourire. Elle crève d’envie de le sentir s’approcher de son intimité. En attendant mieux, elle pose deux doigts entre l’anus et la vulve, et se caresse exactement là où il viendra appuyer son gland au moment qu’il choisira pour s’emparer d’elle.
Son souffle s’est accéléré, sa poitrine s’agite au rythme de sa respiration, les pointes de ses seins se dressent, aussi dures que son clitoris qui gonfle de plus en plus entre ses lèvres béantes.
Elle n’en peut plus de l’imaginer tout près d’elle, la queue bandée, prête à la remplir. Elle enfonce sa main entre ses cuisses et se caresse, précisément, rageusement, tant elle veut maintenant le rejoindre et lui faire cadeau de son plaisir.
Ses doigts luisants de mouille tournent autour de son clitoris, entrent et sortent dans son vagin. Il a enfin glissé la pointe de sa queue à l’entrée de sa grotte. C’est le signal qu’elle attendait. Elle s’empale d’un coup sur lui. Instinctivement, ses hanches tanguent et basculent pour mieux faire glisser le mandrin et le garder serré au fond de son ventre.
Elle va craquer. Ils vont craquer. Des vagues déferlent en elle qu’il sent remonter le long de son sexe étroitement emprisonné dans son intimité. Les sensations sont délicieuses, ses reins se tendent, ils ne maîtrisent plus rien.
Enfin, il s’enfonce fougueusement en elle et, s’agrippant à ses hanches, ne retient plus sa semence. À son tour, elle jouit, remplie par son amant qu’elle aspire plus profondément encore à chaque secousse.
Un peu de calme revient rapidement après la tempête. Mais avec lui revient aussi la triste sensation d’être incomplète, en manque du poids de son corps, du goût de sa peau, de l’odeur de sa liqueur de mâle.
Ses humeurs se sont figées sur ses doigts, poisseuses et froides. Elle esquisse un geste en sa direction, où qu’il soit, pour qu’il réchauffe sa main de ses baisers, qu’il lèche ce qu’il a fait couler de sa féminité.
À contrecœur, elle arrive à ouvrir les yeux sur sa solitude. La vanité de son geste la sort définitivement de sa torpeur.
Elle éteint l’ordinateur et retourne sans bruit dans le grand lit.
Demain. Elle parlera demain. Elle sera prête demain.
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Deuxième voile, photo du visage d’une inconnue, intitulée « No limits ». La photo est issue d’un travail artistique sur la représentation de l’orgasme chez des femmes.
« J’ai souvent mis des limites ou des barrières à mes élans sensuels, par conformisme, par prudence, par souci de trouver ce qui me correspond le mieux sur un long terme. Je ne suis pas arrivée à construire sur le long terme. Aujourd’hui, si l’alchimie est là, je n’ai plus de tabou. Cet amant n’était ni beau, ni particulièrement attirant. Il m’a mise en transe et j’ai dansé sur lui toute la nuit. Le Nirvana, l’éveil absolu des sens existe, je l’ai découvert avec lui. »
Les idées de texte ne manquent pas, mais l’un d’entre eux s’impose :
Il fume, moi pas. Il fume beaucoup, moi pas du tout. D’ailleurs, je suis physiquement allergique à ce genre d’odeur. Ceci dit, sa dépendance tabagique n’a aucune importance au quotidien, aussi longtemps qu’il s’y adonne hors des espaces de travail que nous partageons. Sinon, je n’ai rien à lui reprocher. Bien au contraire. Il est sympa, intelligent, drôle et bien bâti.
Super bien gaulé pour être précise. Dans le registre sportif, option montagnard, avec juste ce qu’il faut de satisfaction de savoir en profiter lorsque l’occasion se présente. Enfin, à ce que je vois de loin. Parce qu’en ce qui me concerne, il me fait certes beaucoup d’effet, mais les relents de cendrier qui annoncent son approche m’empêchent d’envisager plus.
Dans ces conditions, jamais je n’aurais pu imaginer quelque chose entre nous. Ni qu’il m’ait eu dans son viseur au point de chercher à le concrétiser. Je suis donc surprise qu’il m’alpague au sortir d’une interminable séance de travail. Un grand sourire aux lèvres, il me propose de partager un petit frichti, dans un bistrot sympa de sa connaissance. En habile chasseur, il s’est avancé contre le vent, pour qu’aucune odeur de goudron ne m’inhibe. Je ne vois sur le moment que ce qu’il m’offre de séduisant et le suis sans appréhension.
Nous passons une soirée délicieuse. Il échauffe mes sens de son charme viril. J’avoue le pousser à en faire plus encore. Mis en confiance, il ne s’en prive pas. Au sortir de l’estaminet, je ne lui cache rien de l’état dans lequel il m’a mise. Il s’ingénie à en prendre la pleine mesure. Avant que mon odorat ne sonne l’alarme, il a déjà conquis mes lèvres. Je m’échoue sur sa bouche sans arrière-pensée hygiéniste, permettant à nos muqueuses de s’accoler, à nos langues de se trouver, à nos salives de se mélanger. Pas même dégoûtée.
Pourtant, objectivement, pour quelqu’un de si sensible que moi, le cocktail de saveurs épicées qu’il propose est à gerber. À croire que l’intense pouvoir érotique de cette conjonction me permet d’aller au-delà de toute répulsion. Je ne m’en rends même pas compte sur le moment. Tout le temps que dure ce premier baiser, je jouis sans arrière-pensée de ce que nous partageons, de nos corps qui s’unissent, des émotions qui montent en moi, de mon excitation que son désir décuple.
En toute autre circonstance, j’aurais été terrassée par un haut-le-cœur à la seule idée de goûter à sa salive de fumeur. Tout le contraire se produit. Dès la seconde où j’entre dans ce baiser vorace, quelque chose se libère en moi, une porte s’ouvre sur un monde inconnu de sensualité, et de plaisirs débridés.
Je le laisse prendre ma main et quelques autres parties de mon anatomie avant de m’emmener chez lui, non loin de là. Après, je ne saurais préciser le détail de ce qui nous arrive. Je garde juste en mémoire quelques images intenses, quelques sensations troublantes. D’une manière ou d’une autre, il débranche cette partie raisonnable de moi qui, d’habitude, dit non, attention, pas maintenant.
Après ? Eh bien, disons qu’il me baise. Savamment, longuement, méticuleusement. Il ne laisse plus entre nous une ombre de ce romantisme dans lequel je me complais trop souvent avec mes conquêtes. Nous lançons nos corps à l’assaut l’un de l’autre, pour qu’ils se gavent du désir le plus brut, des plus animales pulsions, et nous permettent d’en jouir d’une incomparable manière.
Plus rien d’autre n’a d’importance que ce que sa queue me fait subir. Le besoin de jouir suinte par tous nos pores, par tous nos orifices, avec ce que cela implique d’exhalaisons en tous genres. Moi, qui me croyais si fragile de la muqueuse nasale, je me découvre friande du parfum corsé de son corps excité. Comme si la nicotine qui sature ses émonctoires pénétrait en moi d’une insidieuse manière. Comme si les miasmes instillés en moi par le sperme qu’il déverse à chaque éjaculation prendraient un pouvoir absolu sur ma volonté et sur ma féminité.
Je me mets alors à jouir formidablement, comme rarement auparavant. Des humeurs gluantes suintent de mon vagin et enduisent ses cuisses et son bas-ventre. De grosses gouttes de sueur coulent entre mes seins et sous mes bras. Il les lèche avec application, sans pour autant cesser de m’exciter par de surprenantes secousses du bassin.
Comme un étalon fou de désir pour sa jument, soumis à la violence de son instinct copulateur, il envahit mon bas-ventre avec une intensité délirante. En guise de variation, consciente qu’il va trouver entre mes fesses de quoi apaiser ses tensions génitales, je le laisse me transpercer d’impérieux coup de reins.
Sa manière de s’offrir à moi tout en m’envahissant me fait abandonner tout reste de civilité. Seule la quête du plaisir compte dès ce moment. Plaisir de posséder, de fouiller, de le laisser perforer mes chairs, puis de se vider longuement, en accompagnant chaque saccade de ces bruyants grognements qui caractérisent l’instant suprême du rut.
Sans cesser de m’activer sur et sous lui, je contemple les plus infimes détails de ce que je triture, de ce que je fais couler, gicler, toutes ces formidables manifestations de vie génitale dont il me rend coupable. Longuement, nous nous battons, les chairs frémissantes, épanouies, béantes, sublimées par un intense désir, impatientes de jouissances toujours plus inattendues, à cette limite de la souffrance que les plus folles pulsions permettent de supporter.
Lorsque je faiblis, il me reprend en main et m’apprend de nouvelles manières de le mater. Jamais je n’ai envie de me soustraire à ses regards obscènes. Bien au contraire, j’accepte sans réserve son souffle rauque, ses mains tendues vers mes plis, mes fentes, mes bourrelets, qui par la grâce de son envie se transforment en autant de promesses de félicité. Il reçoit tous ces signes de mon excitation comme autant d’hommages à sa virilité triomphante.
Lorsque le moment est venu, en pleine possession de mes muqueuses, de mes sphincters, de mes plus intimes relâchements, il me fait subir les derniers outrages. Envoûtée, folle de désir, je lui rends coup pour coup, jusqu’à ce que nos carcasses s’embrasent. Nous sommes tétanisés au même moment par ces sublimes spasmes que seul un pur délire érotique peut provoquer. Tétanisés, et beaucoup plus encore, jusqu’à ce qu’enfin il s’avoue vaincu entre mes cuisses.
Une fois extirpée de ses couilles la dernière goutte de sperme, une fois exhalé son dernier cri de jouissance, il s’écroule sur moi. Juste avant de plonger dans un coma post-coïtal, il trouve la force de refermer presque amoureusement ses bras autour de ma taille. J’adore l’odeur si particulière de son haleine lorsqu’il pose ses lèvres sur ma bouche. Cette tendre reconnaissance du bas-ventre provoque une troublante émotion au plus profond de moi au moment de sombrer dans un long sommeil.
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Troisième voile, égoportrait de groupe intitulé « Jeu de rôles ». Hélène trinque avec trois hommes apparemment lors d’une fête ou d’un anniversaire.
« Lorsqu’un pote a fait cette photo, Pierre et moi venions de redescendre du bureau où nous avions fait l’amour en cachette pendant le pot de départ d’un copain de boulot. L’alcool n’est pas la cause des yeux brillants et des joues rouges. »
Là, le choix du texte est facile. Sauf que la nouvelle originale était écrite au masculin. Le changement de genre fait ressortir des aspects inattendus de ce genre d’aventure.
Je le regarde récupérer ses habits éparpillés sur la moquette et les enfiler à la va-vite, avant de retourner à la soirée de la boîte, à l’étage en dessous.
Depuis quelques semaines, un je-ne-sais-quoi me fascine en lui. Un petit truc qui lui fait prendre une place inattendue dans mes pensées et me donne envie de me faire remarquer. En temps normal, je suis en effet plutôt du genre transparent. Pour le commun des mortels, je suis simplement la fille sympa, la collègue qui fait rigoler tout le monde. J’aime toutefois bien surprendre mon entourage lorsque je me décide à porter mes peintures de guerre.
Après les salâm aleïkoum d’usage, il vient se joindre au groupe de collègues avec qui je discute. Je lui dis ouvertement mon plaisir de le retrouver. Il a un joli sourire, rien que pour moi, avant de prendre part à la conversation. Comme si de rien n’était. Sauf que quelque chose en lui semble différent. Un regard plus vif, peut-être ? Ou comme une envie de séduction, enfouie au-dedans. Il a misé sur une tenue sportive qui lui va bien et laisse supposer quelques trésors virils par en dessous. Une intention particulière ? Laquelle d’entre nous sera l’heureuse élue ?
Je réalise soudain que son verre est vide.
- — Ah, mais tu n’as plus rien à boire ! Tu veux que j’aille te chercher quelque chose ? demandé-je pour orienter la discussion à mon avantage.
- — Pourquoi pas.
- — Un désir particulier ?
- — Ne te casse pas la tête, prends ce que tu trouves : sangria, champagne, n’importe quoi ! Ce n’est pas l’envie de boire qui m’a attiré ce soir.
- — À défaut, ce serait l’envie de quoi ?
Nouveau sourire, à mi-chemin entre résignation et détermination. Limite provocateur. Venant de lui, où cela peut-il bien mener ? Je prends le risque d’entrer dans son jeu.
- — Ah, mais tu n’as rien à baiser ! Tu veux que j’aille te chercher quelqu’un ? osé-je avec l’élégance d’un pachyderme en rut.
- — Pourquoi pas !
- — Un désir particulier ?
- — Ne te casse pas la tête, prends ce que tu trouves : une fille, un gars, n’importe quoi !
Je suis bluffée par cette répartie spontanée. Je fais semblant de m’éloigner d’un pas décidé. Il me retient.
- — Attends, ne te donne pas cette peine. Vu la taille de mon envie, tu feras parfaitement l’affaire, avoue-t-il en se glissant contre moi.
- — Je veux l’entendre comme un compliment.
- — Tu le prends mieux si je te dis que cette envie-là ne date pas de ce soir ?
Il pose un léger baiser sur mon épaule. Frissons. Il s’éloigne ensuite discrètement de quelques pas, pour me contempler. Satisfait de mon trouble, il revient à mes côtés. Après un bref instant d’attente, qui doit correspondre dans son esprit à une demande de consentement explicite, il se met à embrasser ce qu’il trouve de peau nue sur moi. Il murmure qu’il a envie de moi, mais sans lendemain, juste pour le plaisir du corps.
Apparemment, cette envie impérieuse et sans doute valorisante pour moi l’autorise à ne pas attendre de consentement explicite avant de m’emmener au dernier étage du bâtiment, dans le bureau du boss. Je n’ose pas imaginer ce qui pourrait se passer, s’il lui prenait l’envie de consulter un dossier en urgence. Ou de s’encanailler comme nous allons le faire…
Mon apparente passivité n’empêche pas mon hardi séducteur de pousser la porte, et d’avancer dans la pièce en me tournant le dos. Arrivé face au bureau directorial, il jette au sol tout ce qui se trouve à portée de son revers de main. Puis il commence à se déshabiller, ne me laissant percevoir que sa silhouette, en contre-jour, puis de très troublantes fesses en lumière indirecte.
Sûr de l’envie qu’il a su faire monter en moi par ses caresses et ses baisers fous dans l’ascenseur, il ne s’attend pas à un refus de ma part. Avec raison cette fois. J’ai bel et bien envie de lui, et ne vais pas gâcher ce plaisir. Mais je n’ai pas non plus l’intention de lui laisser carte blanche.
La rapidité de son assaut et ma surprise d’être si soudainement l’élue de son impatience m’empêchent néanmoins d’être complètement à l’aise avec mon corps, sans apprêt face à lui.
- — Ne le prends pas mal, mais je suis très pudique, en fait. Malgré mon envie de toi, me montrer entièrement nue est au-dessus de mes forces.
- — Tu veux que je baisse les stores ?
- — Cela n’y changera pas grand-chose, il fait déjà presque nuit. C’est surtout que je n’aime pas mes seins. Donc, tu n’en verras rien de plus que ce que je t’ai laissé mater par l’échancrure de ma blouse. Tu crois que tu pourras t’en passer ?
Aussi étonné que déçu, il me regarde enlever ma blouse et mon soutien-gorge tout en protégeant ma poitrine de mes mains.
- — L’autre chose, c’est que je n’aime pas mes fesses non plus. Tu n’en auras donc que le minimum syndical. Ça te pose un problème ? dis-je en enlevant ma jupe.
- — Si c’est ça le minimum syndical, j’adhère immédiatement au parti des fesses mal-aimées. Je signe où ? réplique-t-il d’un ton aussi détaché que possible, malgré la perplexité que ce trop pudique strip-tease provoque en lui.
Cette retenue surjouée me donne paradoxalement un certain ascendant sur sa libido. En même temps, elle remet un brin de distance entre l’oie blanche qu’il croyait avoir conquise par le seul charme de ses pectoraux et le séducteur qu’il va se targuer d’être sitôt que nous serons retournés parmi nos collègues de travail.
- — L’emballage est superbe. Mais que me reste-t-il comme trophée dans cette aventure ?
- — Ben, mon ventre par exemple. Il n’est pas mal, mon ventre, non ? Pas assez bandant ? De toute façon, c’est sans lendemain, hein. Juste un plan cul.
Avant qu’il envisage de s’emparer de moi, je m’allonge sur le bureau, lascivement, les seins toujours cachés sous mes mains. Rien dans mon attitude ne lui permet toutefois de savoir si je suis sincère lorsque je prétends être si pudique. Le regard que je lui jette en guise d’invitation à s’approcher semble pourtant dire le contraire, sans pour autant suffire à le rassurer complètement.
En ce qui me concerne, feinte ou non, mon apparente pudeur n’inhibe en rien mon désir de lui. Il peut profiter de tout ce dont il aura envie.
Pas encore trop rassuré, il se contente d’abord de parcourir mon corps du regard, puis du bout des doigts. Je lui laisse du temps pour me découvrir, puis m’offre à lui en écartant les cuisses.
Il s’enhardit enfin, et s’empare de moi à pleines mains. La danse langoureuse qui nous unit me fait oublier le risque que nous prenions à nous ébattre dans ce bureau.
Les parfums de son corps sont variés et agréablement troublants. De plus en plus têtus, ils révèlent la montée de son désir et font grimper ma température intime.
J’ai envie de lui, de son sexe dans mon ventre. Maintenant, à mon tour impatiente de profiter d’élans plus intenses, je lui demande de me retirer mon shorty, puis exige ses lèvres et sa langue là où un début d’inondation menace.
Il essaie d’entretenir son excitation en me faisant revenir sur mes gestes de pudeur, marchande par des caresses et de délicieux baisers une découverte panoramique de mes charmes. Ces attouchements me font frissonner de partout, mais je ne céderai pas. Il insiste en promettant une fulgurance dont il a le secret si j’accepte d’écarter les bras et lui laisse malaxer mes fesses.
Je provoque un changement radical de registre en léchant ses tétons, puis en glissant mes doigts entre ses fesses. Son corps répond spontanément à mes attouchements ciblés et s’abandonne voluptueusement entre mes mains. Ma manière de m’emparer de sa virilité triomphante lui fait irrésistiblement oublier mes apparentes inhibitions. Caresse après caresse, je lui offre bon nombre de ces friandises qui démâtent un mec à l’insu de son plein gré.
Après m’être gavée des tensions de son ventre et des palpitations de son sexe contre mon flanc, je lui demande de se protéger, vite, et de s’enfoncer en moi sans plus attendre.
Nos rôles sont irrémédiablement inversés. Entre mes cuisses, le prédateur devient une proie très convenable. Je me délecte de ses coups de reins, sans me priver de commenter sa performance avec force détails salaces. Je n’ai d’ailleurs pas grand mérite, tant le gars est non seulement fort bien monté, mais finalement assez attentif à mon propre plaisir.
Quelques contractions de mon vagin plus tard, mon étalon se lâche. Le mélange de puissance et de fragilité que je découvre sur son visage à l’instant de l’orgasme m’entraîne moi aussi dans la volupté.
En guise de remerciement pour s’être finalement laissé docilement manipuler, je laisse échapper un long râle de plaisir, que j’essaie de rendre infiniment plus indécent que n’importe quelle forme de nudité.
Étrangement, alors que je m’attends à le voir se retirer de moi, conformément aux principes du plan cul standard, il me demande une faveur avec beaucoup de douceur.
- — Si je ferme les yeux, veux-tu bien me laisser te caresser quelques instants encore ?
- — Du bout des doigts, alors, juste du bout des doigts.
Confiante, j’écarte les bras pour lui offrir ce qu’il n’a cessé de désirer. Il caresse longuement mes seins, mon ventre, tout mon corps qu’il ne pourra toutefois pas contempler. Pas ce soir.
La douceur de ses mains et les frémissements de son sexe à l’orée de mon intimité m’offrent un fabuleux postliminaire, sur lequel je n’aurais pas parié un centime au moment d’entrer dans cette pièce.
Lorsque j’ai fait le plein de douceurs, apaisée, je me lève et me glisse derrière lui. Il se laisse longuement caresser et embrasser. Puis, sans me regarder, il récupère ses habits éparpillés sur le sol. Il prend au passage mon soutien-gorge et dépose un baiser dans chacun des bonnets. Puis il finit de s’habiller et retourne à la soirée de la boîte, quelques étages plus bas.
J’apprécie le petit geste de tendresse qu’il a eu à l’intention de mes seins par l’intermédiaire de mon soutif. L’inversion des rôles, même discrète, a peut-être provoqué quelques changements en lui.
C’est un début. Bien timide toutefois, car en sortant le premier, il me laisse le soin de remettre tout en ordre sur le bureau. Dans son schéma de pensée, cela reste probablement un rôle de femme comblée par son mâle.
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Quatrième voile, photo d’une silhouette de femme au visage inexpressif debout derrière un vitrage embué, intitulée « Avec l’aide de Lilith et de Lysistrata ».
« En amour, la pure douceur me lasse vite, même si je l’apprécie de temps en temps, en préliminaire surtout. Inversement, au contraire de la soumission et de la contrainte que je ne supporte pas, la domination n’a pas que des mauvais côtés. Je suis prête à aller très loin avec un mec qui sait m’en donner l’envie. Avec cet amant, je suis allée à l’extrême limite du supportable. Ai-je voulu me prouver que j’étais assez forte pour résister à la puissance de ses envies viriles ? Sincèrement, je n’en sais rien. D’autant que malgré les traces que certaines violences érotiques ont laissées sur mon corps, il m’arrive de revivre nos ébats en rêve, ce qui me met invariablement dans des états d’excitation onirique incompréhensibles. »
L’indice qu’Hélène donne là me fait marcher sur des œufs. Je peux imaginer la nature des « traces » dont elle parle, et je suis conscient que certains de mes textes peuvent piétiner des souvenirs mal recouverts par la patine du temps. Beaucoup de souvenirs intenses ne se laissent jamais recouvrir et causent des béances mal cicatrisées. Écrire un texte sur ces sujets est une chose. En proposer un à Hélène en est une autre. Je me décide finalement pour celui qui me semble le mieux lui correspondre. Le mieux et le moins douloureusement.
J’ai su qu’il avait envie de niquer avant même qu’il entre dans notre chambre à coucher. Envie de niquer, pas envie de me faire l’amour. Toute la différence est là.
C’est fou ce que c’est prévisible un mec en rut. Il y a d’abord sa manière de sortir de la douche. Un truc que j’entends à sa démarche et qui laisse présager du pire.
Après, il y a sa manière de traverser l’appartement habillé de sa seule érection. Une érection très particulière, une trique animale. Dans cet état, il doit se soulager, toute sa volonté est bandée vers cette seule issue. Le désir de sexe à l’état pur, sans une ombre de tendresse, occulte tout le reste. Pulsion brute, à laquelle doit se soumettre la femelle.
Nous voilà déjà face à face, sa verge conquérante et moi. Je ne veux pas savoir d’où lui vient ce subit besoin de copulation. Il est évident que je n’y suis pour rien. Sans doute le souvenir d’une autre femme ou la conséquence d’une session porno sur son PC. Qu’importe, ce sont mes orifices qu’il veut, rien d’autre que mes orifices.
Quand il est dans cet état, il porte haut les couleurs de son envie. Fier de sa voilure, il se transforme en navire de guerre à l’heure de l’abordage. Je n’ai qu’à bien me tenir, si je veux résister à l’éperonnage. À moins de virer de bord bien avant l’assaut, toute fuite m’est impossible dès le début du corps à corps. Quant à la résistance, vu l’impétuosité du mâle, elle est vouée à l’échec.
Avec le temps, j’ai compris qu’il ne me restait qu’à tirer le meilleur profit de la situation. L’expérience m’a permis de faire contre mauvaise fortune bon cul. Pour autant que j’arrive à anticiper ses intentions. Son objectif est clair, baiser sans retenue et jouir à couilles déployées. Tout va se jouer dans la manière et l’intensité de l’assaut.
Mon apprentissage fut sans pitié. Mais, à force de cuisants échecs, j’ai découvert les gestes qui sauvent.
D’abord commencer par mouiller abondamment son gland. Car elles sont douloureusement sèches, ces bandaisons express. Dès lors que ce désir-là ne s’assouvit que dans une pénétration brutale et très profonde, mieux vaut sucer abondamment avant de tourner le dos.
C’est exactement ce à quoi je me prépare à l’instant, toute occupée à lécher le bout violacé de sa tige. J’ai posé préventivement mes mains sur ses fesses, dans l’espoir de sentir son prochain mouvement et d’éviter de me retrouver retournée sur le lit, inconfortablement perforée par son piston.
Comme je hais ces baises sans tendresse. Comme je me suis dégoûtée de m’y soumettre. Il n’empêche, contre toute attente, plus le temps passe, plus je me prends à y trouver quelques avantages. Pas du plaisir, certes non, mais quelques satisfactions.
J’enferme ses couilles entre mon pouce en mon index. Elles sont si gonflées que j’arrive à peine à en faire le tour. Sa pine tressaute de bonheur sous ce qui est, pour l’instant encore, une caresse. Dès que j’estime son mandrin bien huilé, je le conduis où je veux, par simple pression des doigts. Le mâle frissonne d’impatience et de douleur s’il tente de s’opposer. Je le force à s’allonger sur le dos. Il comprend que je l’ai pris de vitesse et que toute résistance pourrait s’avérer fatale.
Ma prise a réussi, mais brièvement. Il va vouloir reprendre le dessus dans les secondes qui viennent. Qu’importe, placés comme nous sommes, s’il veut s’enfoncer en moi, il ne peut que saisir mes hanches et m’asseoir sur son chibre. Je suis prête. J’ai eu le temps de me caresser pendant que je le suçais et je suis déjà bien mouillée.
Il n’est pas long à réagir. Déjà, il remplit mon ventre de sa démesure génitale. Les premières secousses sont titanesques. Je me demande d’où il tire tant d’énergie, lui qui n’en fait que rarement preuve dans notre quotidien.
Le chevauchant de la sorte, je m’offre une deuxième satisfaction. Observer la montée de son plaisir sur son visage. Parce qu’il est beau, mon animal et les éclairs de folie érotique qui traversent ses yeux ont le don de m’émouvoir, malgré la brutalité de son assaut.
Il est persuadé de me posséder à sa guise et ça l’excite au plus haut point. Je lui laisse cette illusion. En jouant sur la profondeur et l’amplitude de ses élans, je garde la liberté de décider de mon propre plaisir. Ce sera quand je veux, comme je veux, pauvre pantin !
En plus, cette position me laisse les mains libres. Du bout des doigts, je pince violemment ses tétons. Surpris, il gémit et débande un brin. Son regard étonné me donne des idées pour retourner la situation à mon avantage. Je lui lâche un chapelet d’insultes salaces, le traitant de mauvais coup, avant de me redresser et d’expulser sans sommation son corps étranger de ma vulve.
Dépité, alors qu’il était sûr de donner le meilleur de sa virilité, il hésite une fraction de seconde sur la suite à donner à cette rebuffade. J’en profite pour observer sa queue qui palpite dans le vide. Putain, ce que j’aime cette tige de chair, de préférence juste avant qu’elle gicle ! Malgré tout ce qu’il m’impose par ces guets-apens conjugaux, elle continue à me faire craquer.
Une fulgurante envie monte dans mon ventre. Les rôles sont inversés, il va falloir qu’il assure. Sa petite femme, si douce, se transforme en furie, assoiffée de sexe. Je lui crache à la figure que ces préliminaires me fatiguent et qu’il est temps de me planter, maintenant et bien profond.
Salope jusqu’au bout des seins, je me retourne pour lui présenter ma croupe. Je ne crains plus rien. Il est trop obnubilé par mes exigences, qui risquent soudain de dépasser ses possibilités viriles. Rien n’est plus déstabilisant qu’une femelle qui exige la totale et le décrit en détail.
Il approche son braquemart de mes fesses. Une infime hésitation me laisse supposer qu’il se demande avec inquiétude s’il est encore assez raide pour me pénétrer d’une seule poussée, ce dont il raffole.
Intimidé par mon déchaînement sensuel, il commence presque à faire preuve de prévenance à mon égard. Je le provoque en grognant d’impatience. Il se met alors à me fouiller d’une manière lente et régulière. Un régal.
Je sens maintenant son membre au fond de moi. À chaque mouvement de ses reins, sa pointe frôle ma matrice à travers la paroi de mon intestin. Des milliers de bulles explosent au fond de mon ventre. Rassurée sur l’issue de ces joutes, je me laisse aller et jouis en hurlant.
S’il ne réagit pas, il sait que je risque de lui échapper en retombant sur notre couche. Il s’arrime donc à mes hanches et s’agite désespérément entre mes fesses. Magnanime, je le laisse se faire du bien. Quelques minutes plus tard, il se vide en moi. Ses chaudes giclées me procurent un petit rab de volupté.
Assommé de plaisir, il s’écroule contre mon flanc, le souffle court. Je me redresse sur un coude pour le contempler. Une vague de tendresse monte en moi, sans doute favorisée par la vague d’hormones que mon orgasme a fait déferler en moi.
C’est égoïste un homme qui cherche le pur plaisir. Mais le mien a quand même quelque chose de particulier. Un petit plus que j’aime engloutir.
À force de le terrasser de la sorte, je ne désespère pas de lui faire enfin respecter les règles élémentaires du bien-baiser. Avec la complicité de Lilith et de Lysistrata, je veux bien faire encore preuve d’un peu de patience. Car en dehors de ces épisodes si inélégants, le mec a plein de belles choses à offrir.
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Cinquième voile, égoportrait dans un paysage de montagnes intitulé « J’avoue ». Le sourire heureux, peut-être même comblé, tout comme les traits du visage et les épaules nues d’Hélène laissent supposer que le septième ciel n’est pas très loin.
« J’avoue qu’après avoir lu certains de tes textes, et découvert un peu de ce qui se passe dans ta tête (même si toute similitude avec des personnes connues, blablabla…), je me suis autorisée à jouer avec les frissons que certaines phrases avaient provoqués en moi. Je n’en dirai pas plus, même sous la torture, et surtout pas à toi ! »
Là, j’hésite, car son indice s’adresse à moi et si elle ne veut pas évoquer ce qui la trouble, je veux préserver cette superficialité dans nos échanges. Je choisis donc un texte plutôt soft, dans lequel rien ne permet de préciser qui est réellement le narrateur.
À l’heure dite, elle sort du parc où nous nous sommes donné rendez-vous et vient à ma rencontre, un sourire aux lèvres. Je réalise immédiatement tout ce qui sépare la pudique verticalité de ce premier contact de la troublante horizontalité que j’ai parfois eu l’audace d’envisager depuis que j’en sais un peu plus d’elle.
Incorrigible rêveur, sans doute poussé à la faute par l’un ou l’autre de ses billets virtuels, j’avoue ne pas m’être interdit quelques torrides fantasmes dont elle était l’héroïne. Sauf qu’à cet instant de vérité, toute idée de concrétisation de tels fantasmes relève de la plus pure fiction.
Ce que je découvre de cette femme nous place dans un tout autre registre. Certes, elle est belle. Avec ce que cela suppose de rondeurs, de luminosité dans le regard, d’élégance dans la mise, de démarche troublante, de grâce dans chacun de ses gestes. Ce sont malheureusement là des qualités que ma nature insipide ne saurait enrichir.
Ensuite, elle est fascinante. Malgré la situation imprévisible, elle sait donner une note naturelle à notre rencontre, et met d’emblée beaucoup de simplicité dans ce moment de partage. Il n’est pas donné à tout le monde d’anticiper les silences, de gommer les hésitations, d’éluder les questions avant qu’elles soient formulées. Chez elle, c’est une qualité naturelle, une forme d’autorité féminine qui force l’admiration.
Elle arrive à m’enlever toute gêne d’être aussi insignifiant et gris qu’une portion congrue. Quelle pâle originalité de ma vie trop bien ordonnée pourrait éveiller le moindre intérêt chez elle ? J’en arrive presque à me réjouir de ce que notre différence d’âge rende pitoyable toute velléité de séduction de ma part. Compte tenu de ce que j’aurais à lui offrir, quelle fatuité ce serait de me montrer trop empressé, trop concupiscent.
Dès le début de notre promenade, elle me laisse pourtant parcourir ses charmes du coin des yeux. Avec bienveillance, me semble-t-il même. Sans doute s’exerce-t-elle à guider mon attention là où elle est en confiance. Rassurée par ce qui, à fleur de sa peau, impose une distance respectueuse et ajoute au mystère qui émane d’elle.
Quelle idée ai-je eu de lui proposer le plein air pour nous retrouver ? J’imaginais faire vibrer une corde sensible à son arc de jardinière-paysagiste. Sauf qu’en hiver, sans ses luxuriants atours, un parc, c’est froid, gris, paralysant, à l’inverse de ce dont il faudrait s’entourer pour faire naître une relation chaleureuse. Sous des cieux si peu cléments, impossible d’envisager le moindre rapprochement des corps.
En entendant Célia se raconter un peu, je n’ai pourtant aucune difficulté à imaginer un parterre de fleurs colorées, une végétation exubérante qui mettrait nos sens aux abois. En d’autres temps. Car cette jeune femme, qui se dit plutôt terre-à-terre, que peut-elle voir d’autre aujourd’hui sous nos pieds qu’un sol gelé ? Quel trouble pourrais-je susciter en elle dans le froid mordant d’un après-midi de février ?
Comblé par cette parenthèse d’une heure qu’elle m’accorde, je me laisse guider de sourire en sourire, et suis le chemin qu’elle m’indique par ces discrètes balises. Nous déambulons dans les allées terreuses en partageant quelques bribes d’existence, avant d’échouer dans un charmant endroit où nous pouvons boire quelque chose de chaud.
Là, elle accepte de se livrer plus encore, de me laisser effleurer quelques-unes de ses failles. La vie ne l’a pas ménagée. Sa manière d’en accepter les cicatrices la rend émouvante. Nous ne voyons pas le temps s’écouler. C’est elle qui me rappelle que l’heure du rendez-vous professionnel dont je lui avais parlé est déjà passée. Insidieusement, la présence de cette femme s’est mise à compter pour moi. Il est temps de détourner mon regard d’elle, et mes pensées aussi.
Nous sortons du restaurant, et reprenons notre marche en direction de la prochaine station de métro, sans savoir ni l’un ni l’autre où elle se trouve. Qu’importe, elle accepte de m’accompagner encore, son trajet sera le mien.
Côte à côte, nous poursuivons notre conversation, jusqu’à ce que le hasard nous fasse passer devant l’entrée d’un hôtel. Trop occupé à profiter de ces derniers instants en si agréable compagnie, je ne l’aurais pas remarqué si elle ne s’était pas arrêtée.
Intrigué, je reviens sur mes pas. Elle me fait réaliser le potentiel de cette coïncidence en précisant qu’elle ne croit pas au hasard. Elle ajoute même qu’elle ne sait pas résister à une folle envie. Joignant le geste à la parole, Célia me tend la main et m’entraîne à l’intérieur. Un réceptionniste bougon nous remet les clés de la chambre 26, avec vue sur le parc.
La douce chaleur de l’alcôve réchauffe mes sens. J’ose demander la nature exacte de la folle envie. Une envie de lecture, évidemment, précise-t-elle en souriant d’une amusante manière. Envie de profiter de l’occasion unique d’entendre un auteur lire un de ses textes rien que pour elle. Un auteur de ma qualité, ajoute-t-elle mutine.
Elle sort de son sac le livre de nouvelles érotiques que je lui ai dédicacé dans le restaurant. Elle le lance sur le lit et, avec ce naturel désarmant qui la caractérise, commence à se déshabiller. Elle me laisse juste le temps d’apercevoir ses ravissants dessous, avant de se glisser sous la couette. D’un geste doux, elle m’invite à m’allonger à ses côtés, sur le lit, et à commencer la lecture au chapitre qui me plaira.
Je choisis l’histoire d’une jeune femme, et d’un homme qui la rencontre d’une étrange manière. Enfin, surtout l’histoire d’un jardin dédié à la sensualité et au désir. Une évocation de sentiers à parcourir, de plates-bandes à contempler, de monticules à gravir, de corolles butinées.
Lorsqu’arrive l’instant où la jeune femme fait confiance à l’homme, lui laisse découvrir la variété de ses parfums, l’intensité de ses élans, le chant envoûtant de ses soupirs et de ses gémissements, je vois les mains de Célia descendre le long de son corps. Je me retiens de l’observer pendant que je poursuis ma narration. Comme si de rien n’était, je lui raconte comment les amants, étroitement enlacés, partagent le plus doux, le plus désirable, le plus excitant, le plus irrépressible.
Qu’il me soit pardonné d’improviser abondamment pour faire durer ce moment de grâce.
Le très discret gémissement qui s’échappe de la bouche de Célia au dernier paragraphe me laisse supposer qu’elle s’est intimement associée au plaisir des protagonistes. Cette volupté « qui les a submergés à la manière d’une soudaine averse dans la chaleur de l’été », comme l’évoquait mon ultime phrase. Une phrase bien banale en regard de ce qui vient de se jouer sous les couvertures.
La mienne de volupté aura été de sentir Célia troublée par le glissement de mes mots sur sa peau. C’est si rare pour un auteur de partager, fût-ce à distance raisonnable, les plus intimes effets de sa prose.
La jeune femme prend son temps pour revenir dans la réalité. Elle finit par poser sa joue dans la paume de ma main, me permettant de caresser longuement son visage.
Lorsque tout est accompli, elle se lève et se rhabille. Avant de disparaître sans se retourner, elle griffonne toutefois quelques mots sur un morceau de papier qu’elle dépose sur la table de nuit.
Clin d’œil de connivence ? Aveu reconnaissant ? Adieu solennel ? Je me précipite sur le message pour le découvrir.
« Le secret endroit de mon ventre que vous avez enflammé et moi-même vous remercions de votre délicate manière de nous être agréable. Par vos mots et votre retenue, vous nous avez donné envie de nous dévoiler un peu plus. Si l’aventure vous tente, je vous ouvrirai des portes connues de moi seule. Un jour de printemps, peut-être, dans un parc près de chez moi. »
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Sixième voile, photo d’un corps d’homme nu dans un lit, intitulée « Derniers plaisirs avant la fermeture ».
« J’ai fait cette photo la semaine passée ! Tu sais de qui il s’agit, tu connais mes hésitations, mes doutes, mes souffrances en ce qui concerne cette relation. J’aurais tant aimé pouvoir faire la même photo avec les deux mecs que j’aime aujourd’hui et l’intituler polyamour. Est-ce trop demander ? »
Que répondre à cela ? Ces émotions sont encore si présentes. Je ne vois qu’une nouvelle pour y correspondre.
Encore chiffonnée par une longue nuit d’insomnie, je contemple son corps à demi dénudé dans la pâleur du petit matin. Pas de lascive exhibition, pas de pose étudiée, juste un abandon, au hasard des mouvements de la nuit.
Immédiatement, je ressens dans ma chair à quel point cet homme a tout pour m’exciter ! Parmi tant d’autres charmes, dont je sais être encore l’unique usufruitière, son torse musclé et sensible à mes caresses, ses fesses pleines et rondes, la douceur de sa peau, tout comme les trésors cachés au haut de ses cuisses, provoquent en moi d’affolantes sensations dès l’instant où je les redécouvre.
Il suffit que je déplace un pli de tissu, relève le drap sur ses fesses, pour que déjà je m’emballe. La perspective de me repaître de ces délices me met dans un état second. De nombreuses résurgences de notre vie érotique se mélangent à des fantasmes inavoués. Ce que je peux contempler de lui fait monter en moi une sourde envie, brute, animale. Comme par ensorcellement, tout ce qui ne participe pas à mon excitation, mes doutes, mes frustrations, tout disparaît de mon horizon érotique.
J’effleure son sexe encore endormi du revers de la main, délicatement. Il n’a pas besoin de s’animer pour m’exciter. L’habitude que j’ai de sa présence et la douce chaleur de son corps endormi suffisent à agiter mon ventre. Rien ni personne ne domptera plus la bête qui piaffe entre mes reins. Il me faut cet homme, son sexe, le plaisir que j’en tire et qu’il ne me refuse jamais, même dans les pires crises.
Dernier regard avant de m’emparer de lui. Une évidence s’impose dans ce sursaut de lucidité. Cet homme, en plus de ce qu’il offre de si excitant, a tout pour me séduire. Son intelligence, son humour corrosif, sa vivacité autant que son élégance, le rendent attirant, désirable et font compter double les heures passées en sa compagnie.
Des visions fugitives de plaisirs partagés exacerbent mon désir. Mes mains brouillonnent, ma bouche s’impatiente. Je joue maladroitement avec ses cheveux, couvre son ventre des caresses et des morsures que je le sais apprécier.
Son membre frémit, signe de son prochain réveil. Je considère la passivité de mon mâle comme une preuve de consentement. Cette forme de vulnérabilité virile ne serait-elle d’ailleurs pas la vraie raison de mon soudain désir ?
Sans perdre de temps en maladroits préliminaires, j’approche ma bouche de son sexe et le lèche exactement là où je le sais le plus réactif. Troublée par les premières gouttes translucides qui s’en échappent, je le fais glisser entre mes lèvres, jusqu’au fond de ma gorge.
Pour mieux jouir de cette étroite conjonction, je m’impose alors un instant de retenue. Ignorant les vagues qui agitent mes hanches, je reste immobile, empalée par sa tige que chaque pulsation fait gonfler un peu plus dans ma bouche.
Bref répit qui me laisse la liberté de me souvenir à quel point cet homme excitant et séduisant a tout pour m’attacher à lui. Tant par ses talents domestiques, ses prouesses sportives, que par la place qu’il sait donner à chaque chose autour de lui. Sans oublier sa manière de prendre soin de son corps de sportif et cette troublante habitude de jouer naturellement de sa virilité pour m’inviter, ou me provoquer, suivant son humeur.
Une main sur son torse, l’autre sur sa nuque, je l’étreins fermement pendant que je m’active sur sa tige. Sans me donner la peine de l’associer à la montée de mon propre plaisir, je me délecte longuement d’une volupté quasi solitaire. L’ambivalence de sa passivité me trouble et m’excite. Impossible d’ignorer qu’il me laisse m’emparer de lui, comme si, à défaut d’embrasement des sens et du cœur, son emprise sur mes envies suffisait à le contenter.
Depuis quelque temps pourtant, et les crises successives que nous avons traversées, l’intensité de mon désir n’est sans doute plus une réelle source de plaisir pour lui. Quant à une jouissance partagée, elle ne fait plus partie de ce qu’il espère de moi.
Il est trop tard pour y remédier, je ne suis plus en état de maîtriser la situation. Je connais trop bien les sortilèges qui le font succomber sans qu’il ait besoin de s’impliquer vraiment. Quelques coups de langue et la caresse de mes doigts sur son périnée suffisent à le désarçonner. Pour compléter son échauffement, je le gratifie d’un long gémissement parfaitement simulé.
Profondément enfoncé en moi, il se répand déjà dans ma bouche. Les saccades d’une longue et intense éjaculation le libèrent des tensions accumulées depuis hier soir, et les explications orageuses qui ont ponctué notre soirée.
Je sens à d’imperceptibles crispations de son ventre qu’elles le soulagent sans pour autant lui procurer de réelle satisfaction. Pire, lorsque tout est consommé, un étrange sentiment me paralyse. En acceptant de m’inonder d’un débordement auquel je ne me suis pas abandonnée, cet homme, mon homme comme je m’autorise encore à le considérer, a joué mon jeu dans la plus totale abnégation. La perfide servilité sensuelle dont il a ainsi fait preuve me rend à jamais responsable, coupable même, de la fade incandescence qui ne suffit plus à réchauffer notre relation.
Il ouvre enfin les yeux et tourne la tête vers moi. Son sourire infiniment triste m’achève. La pâle satisfaction génitale dont je vois quelques marques sur son visage ne me rassure en rien.
Cet homme avait tout pour m’exciter, me séduire et m’attacher à lui. Cette certitude me ronge et rend tout désir que j’ai encore pour lui si vain après un tel naufrage.
Mon Dieu, comment en suis-je arrivée à perdre jusqu’à l’envie de l’aimer encore ? Si seulement il pouvait un jour m’adresser le moindre reproche.
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Quinze jours et surtout quinze nuits plus tard, au cours desquels j’ai été beaucoup plus proche d’Hélène que je n’aurais jamais pu l’être en vrai, je mets un point final à mon texte. Je relis une dernière fois avant d’attacher le tout à un bref courriel. Envoi…
Suit à nouveau un long silence de sa part. Je commence à redouter d’avoir blessé notre amitié, ou d’avoir bousculé quelque chose de fondamental en elle. Je ne voudrais surtout pas perdre la légèreté et la douceur de notre amitié. Mais si c’est le cas, j’aimerais pouvoir lui expliquer, la rassurer si nécessaire. Je veux toutefois respecter la distance qu’elle laisse entre nous. Même si cela me pèse de plus en plus.
Je reçois finalement un signe de vie, sous forme d’une invitation à une « soirée Cœur sur la table »⁽¹⁾. Elle m’a parfois envoyé un lien sur l’un ou l’autre podcast de ce blog. Je ne partage pas toutes les opinions qui y sont exprimées, parfois même de manière assez péremptoire, mais j’apprécie les remises en question qu’elles provoquent en moi. Même si mon fonds de commerce masculin, hétéro et sans doute partriarchiste représente la cible préférée des plus vives critiques. Je jure que je veux bien essayer de me soigner !
Deux choses m’interpellent toutefois dans l’invitation d’Hélène. D’abord, elle est adressée à cinq autres personnes que je ne connais pas, trois mecs et deux nanas. Ensuite, en parallèle aux podcasts « Cœur sur la table », le site de Victoire Tuaillon propose aussi des podcasts « Couilles sur la table ». Connaissant Hélène, elle pourrait bien vouloir s’amuser à orienter la soirée d’un côté comme de l’autre. Quelles seront les règles du jeu ?
Je lis d’ailleurs entre les lignes de son invitation que je dois m’attendre à tout et surtout à n’importe quoi. Elle me demande juste de prendre deux ou trois textes inédits avec moi, des fois qu’une envie de lecture publique se fasse sentir.
Dans un courriel séparé, elle m’avoue que le but premier de la soirée est bien l’abandon du septième et dernier voile, mais que la lecture de mes textes a labouré en elle de grands espaces restés longtemps en friche. Elle veut le partager avec moi, tout en espérant que la présence des personnes qui lui sont les plus proches actuellement facilitera le passage de cette dernière étape.
Je comprends mieux en lisant la fin de son courriel, qui me touche particulièrement.
« Je t’avais demandé une nouvelle, un peu par jeu, un peu pour te provoquer. Après de nombreuses hésitations, j’ai réussi à t’envoyer les indices intimes que tu souhaitais. Le résultat dépasse de loin ce que j’aurais pu imaginer. Inutile de te décrire l’intensité de ce que j’ai ressenti à la lecture de ta « nouvelle », qui s’est déroulée sur plusieurs nuits. Je veux toutefois que tu saches ce que tes mots peuvent provoquer, pour que jamais tu n’en abuses. Réveils en sueur, frissons de désir, envies sensuelles aussi soudaines que lubriques, besoin d’intenses parties de plaisir contre des corps de moins en moins connus, contrecoups matinaux, répulsions paralysantes aux pires moments, rien ne m’a été épargné. Je t’ai maudit un nombre incalculable de fois, mais cela n’a pas suffi à me retenir de poursuivre ma lecture et d’assumer les émotions qu’elle faisait monter en moi. Pire, je n’ai pu empêcher que tu apparaisses dans mes pensées à certains carrefours émotionnels. Et cela m’a apaisée, comme lorsque tu es vraiment en face de moi et que tu m’écoutes délirer. Il doit y avoir quelque chose de magique entre nous. Après ce passage dans l’essoreuse, je ne sais toujours pas mieux qui je suis et ce que je veux, mais ce chemin épineux sur lequel tu m’as poussée m’a fait vivre des moments très forts. Merci pour cela, même si je n’aurai plus assez de jours de vie pour te maudire de m’avoir embarquée dans cette galère. Ceci dit, accepte s’il te plaît mon invitation à la soirée « Cœurs sur la table ». Et ne prévois rien avant le lendemain midi, au plus tôt. Il y aura de quoi boire, manger, rire, partager, pleurer, se consoler et peut-être aimer jusqu’au bout de la nuit. Toutes les personnes présentes me sont chères, et elles sont libres de corps et d’esprit, enfin, j’espère… »
Suite à un imprévu au travail, j’arrive avant-dernier à la soirée, suivi de près par le frère d’Hélène, dont elle est particulièrement proche et dont elle m’a souvent parlé.
La courte ronde de présentations me fait par ailleurs découvrir Caroline – la meilleure amie d’Hélène, qui sait tout sur elle, – Sarah – une copine d’escalade –, ainsi que Thomas et Sébastien, deux amis d’Hélène.
Vu la composition hétéroclite du groupe, je me demande si toutes les personnes présentes savent la raison exacte de leur invitation. Seules Caroline et moi comprenons rapidement qu’Hélène tente de jouer l’entremetteuse entre Sarah et son frère.
La situation des deux autres potes est plus compliquée, car d’après ce que je découvre peu à peu, ce sont les deux amants actuels d’Hélène. L’un d’entre eux étant d’ailleurs le protagoniste principal, mais involontaire de mon sixième texte. Savent-ils qu’ils partagent l’amour d’Hélène ? Rien dans leurs attitudes respectives ne le laisse supposer. Au contraire de celle de notre hôtesse, qui leur prodigue alternativement force douceurs, caresses furtives et regards attendris.
En ce qui me concerne, la mention un zeste trop appuyée que fait Hélène de l’intérêt de Caroline pour mes textes et la personne de leur auteur ne laisse aucun doute sur la martingale qu’elle a imaginée. Avant même qu’elle ne dévoile ses cartes, j’étais toutefois enchanté par la présence de cette femme captivante, vive, drôle, à la cinquantaine particulièrement séduisante. Il n’y a donc pas vraiment de lézard entre elle et moi.
Sitôt faits les ajustements indispensables au bon déroulement de ce genre d’invitation, la soirée se révèle être un plein succès. Les discussions vont bon train, les rires fusent, les vannes crépitent. C’est d’autant plus facile que les mets sont délicieux, les alcools coulent à flots et, comme l’a précisé Hélène, la demeure compte assez de chambres pour héberger tous les convives, tout en respectant toutes les combinaisons et affinités possibles et imaginables. C’est en tout cas ainsi qu’elle annonce la couleur, histoire de mettre tout le monde à l’aise.
Progressivement, quelques liens se resserrent. Sarah écoute le frère d’Hélène avec admiration, tout en gardant un œil sur l’un des amants d’Hélène. Chaud devant si elle vient brouiller les cartes !
Notre hôtesse arrive à mettre tout le monde à l’aise, tout en vouant une attention particulière, très tendre et sensuelle à ses deux mecs. Je la découvre caressante, enjouée, mettant habilement son corps en valeur par quelques poses discrètement suggestives. Les deux gars sont loin d’y être insensibles et y répondent par de discrets attouchements qu’Hélène reçoit de l’un comme de l’autre avec un bonheur évident.
Caroline suit l’évolution de la relation d’un œil attentif. Comme si elle redoutait un soudain changement de température.
Rien de cela ne se produit. Au contraire, les partenaires du trouble d’Hélène semblent se rapprocher progressivement, alors que son frère et Sarah sont depuis longtemps dans une bulle sensuelle et sentimentale qui fait plaisir à voir.
Vers deux heures du matin, lorsqu’il faut choisir entre remplir les verres une nouvelle fois ou abandonner le champ de bataille, Hélène, avec une belle franchise, prend ses deux hommes par la main et nous annonce souhaiter poursuivre la nuit dans l’intimité de sa chambre.
Avant de la laisser se retirer, Caroline la prend à part et, la serrant tendrement entre ses bras, lui murmure quelques secrets de femme dans le creux de l’oreille.
J’imagine qu’il y est question d’un septième voile, qui va s’étendre pudiquement sur les aventures lascives d’Hélène et de ses amants.
Sarah et le frère d’Hélène se retirent à leur tour dans une des chambres du premier étage. Caroline remplit alors nos verres et vient s’asseoir à côté de moi.
Cette manière de s’offrir me bouleverse. En quelques mots si simples, elle a précisé ce qu’elle désire de nous jusqu’au petit matin. Pas de fausse pudeur, pas de jeu de séduction, juste son désir exprimé avec beaucoup de franchise.
Tout étant dit, elle se lève et prend ma main.
Ce que nous nous offrons jusqu’au petit matin ne diffère en rien de ce que tous les amants du monde s’offrent dans de telles circonstances. Sauf en intensité tant ce que Caroline donne d’elle par chaque geste, chaque baiser, chaque caresse, dépasse ce que la plupart des amants partagent lors d’une première rencontre. Dès l’instant où elle écarte ses bras, Caroline se transforme en livre ouvert. Rien, absolument rien n’est retenu ou caché. Cet abandon est alors la source d’incomparables voluptés.
Quant à l’équilibrage de ses chakra, il a été le prétexte à un long épisode érotique, au cours duquel nous avons laissé monter en nous les émotions les plus diverses et les plus folles. Le corps de cette femme est un jardin d’Eden, dont elle m’a fait connaître les plus secrets mystères. Telle une déesse de l’amour et de l’érotisme, elle m’a appris à jouir de tout ce que son corps recèle de sensualité. Jusqu’à l’épuisement.
Tendrement enlacés, peu avant de nous endormir, nous entendons le claquement d’une porte de voiture sous nos fenêtres. Suivi quelques minutes plus tard du départ d’une autre voiture.
Hélène apparaît peu après au pied de notre lit, nue et en larmes.
De caresses en baisers, nous apaisons le chagrin d’Hélène avant de retomber dans le sommeil. Ce n’est que quelques heures plus tard, après le départ discret du frère et de Sarah, que nous reprenons pied dans la réalité, seuls dans la maison.
La chaleur de nos corps, la douceur de nos peaux, la tendresse mutuelle que nous éprouvons attisent un désir que nous ne retenons pas. Je renonce toutefois à mettre des mots sur ce qui nous réunit alors.
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⁽¹⁾ https : //www.binge.audio/podcast/le-coeur-sur-la-table « Parce que s’aimer est l’une des façons de faire la révolution. Une fois par semaine, un épisode pour réinventer nos relations amoureuses, nos liens avec nos ami·e·s, nos parent·e·s et nos amant·e·s. »