Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 20567Fiche technique35861 caractères35861
Temps de lecture estimé : 20 mn
08/11/21
Résumé:  Au début, c’était pire, ça s’appelait « Hot couture » et puis j’ai découvert que c’était déjà pris… J’ai pensé aussi à « Les couturières sont des coquines » mais j’allais avoir toutes les autres professions sur le dos, donc bon, tant pis.
Critères:  ff -lesbos
Auteur : Leandre R            Envoi mini-message
Sur le fil





Nous sommes en 2012 quand cette histoire débute, j’avais encore ma mercerie et mon atelier de couture. J’entrais dans la quarantaine, ce commerce était le fruit d’une reconversion professionnelle mais ce n’était pas un franc succès. Mon talent était reconnu mais les commandes trop inconstantes pour me garantir la réussite financière escomptée. Fort heureusement, mon époux opticien comblait avec largesse les besoins de notre ménage. Nous n’avions pas d’enfants, n’étions jamais parvenus à en avoir, devrais-je dire, mais l’un dans l’autre nous nous étions fait à cette idée et si cela me chagrinait parfois sans prévenir, je relativisais bien vite aussi en considérant tous les avantages que nous en avions tirés. Un certain confort de vie, une complicité indéfectible doublée d’une liberté que nous enviaient nos amis pris entre couches de marmots et lubies d’ados. Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle un savoir ou une sensibilité particulière me firent-ils défaut pour gérer au mieux les événements que je couche par écrit aujourd’hui ?



*******



Mon commerce avait de trop fréquentes périodes creuses, aussi quand cette fin de printemps là je reçus soudain une abondance de précommandes et un défilé de clientes impatientes, j’acceptais de prendre une apprentie qui se formait pour accéder au métier de costumière. Je ne pensais pas jusque-là pouvoir mener de front travail et enseignement, mais je n’avais pas vraiment le choix si je voulais voir perdurer mon activité. J’entends par enseignement l’obligation que j’aurai d’avoir en permanence un œil sur les réalisations de mon employée, du moins tant que je ne serai pas certaine de pouvoir lui donner toute ma confiance.


N’ayant pas l’embarras du choix, je recontactai une certaine Mlle Delalande qui m’avait envoyé une lettre de motivation quelques semaines auparavant. Son bac professionnel en vue, je la retenais car elle était majeure – probablement avait-elle redoublé une classe – et je souhaitais autant que possible ne pas avoir affaire à une fille trop immature. Elle avait mis un terme prématuré à son précédent contrat pour une raison que j’ignorais et ne ferait que deux mois chez moi pour finir sa formation. Peu m’importait, du moment que nous parvenions ensemble à passer ce cap critique pour mon commerce.


Quand elle franchit la porte de la mercerie dans le tintement de clochette conventionnel, elle m’évoqua immédiatement Audrey Hepburn dans sa robe noire dessinée par Coco Chanel, à ceci près qu’elle n’était pas brune. J’allais découvrir que cette tenue n’était en rien le fruit du hasard, l’univers de la mode étant sa passion et son ambition. Les cheveux courts et d’un blond vénitien qui virait franchement au roux sous un certain angle, le visage carré, quoique joliment dessiné, elle savait maquiller ses yeux avec justesse pour leur donner de la profondeur, un air grave qui s’accordait avec le caractère que je ne tarderais pas à connaître.


Elle portait un prénom que je rencontrais pour la première fois : Eris. Dieu seul savait d’où cela pouvait bien venir et signifier.



Sa moue involontaire disait le contraire mais je ne me démontais pas et puis elle se révéla à part cela très souriante et attentive. Je lui fis faire le tour du propriétaire : la mercerie d’abord, vaste pièce habillée d’étagères qui couraient le long des murs. Elles regorgeaient d’accessoires pour couturières, de rouleaux de tissu, pelotes de laine, boutons, bobines de fil et livres didactiques. Un rideau derrière la caisse donnait sur l’atelier, pièce de moindre importance, éclairée de spots, avec en son centre une grande table où étaler patrons et pièces en cours d’assemblage. On y trouvait ma machine à coudre favorite, une indispensable surjeteuse et quantité de projets ou commandes en cours. Les créations originales patientaient à côté des simples demandes de retouches et un grand miroir me permettait au besoin de juger à son port si tel vêtement tombait comme voulu ou s’il s’accordait avec tel autre en ton et en style. Enfin, une porte s’ouvrait sur la petite réserve où je stockais tout ce qui ne tenait pas dans la mercerie.


C’était là tout mon univers.


Je lui expliquais encore le fonctionnement de la caisse, comment accueillir et accompagner la clientèle, mais Eris semblait impatiente de se mettre au travail. Elle avait un projet de vêtement à terminer en vue de l’obtention de son diplôme.



Elle ouvrit la housse protectrice et disposa la tenue sur le plan de travail. C’était pour le moins ambitieux : une robe style Empire mise au goût du jour avec des motifs orientalisants. Et l’emploi de divers tissus fluides qui n’étaient pas les plus simples à coudre, loin de là. Je lui donnai mon sentiment et lui assurai que je serai disponible pour l’aider.



Je ne dis rien mais n’en pensais pas moins.


Rien d’extraordinaire ne se produisit les premiers jours, si ce n’est que mon apprentie donnait l’impression de participer à un défilé de mode permanent. La couturière en moi appréciait les accords de textures, les découpes plus ou moins audacieuses, les jeux de couleur. Mais qui n’aurait pas été sensible à la beauté de cette jeune femme ? Elle était assez grande et fine, elle ne se privait pas pour mettre en valeur sa poitrine respectable et malgré sa jeunesse, ses hanches étaient joliment rebondies. Les épaules ne tombaient jamais, son port de tête avait je ne sais quoi d’aristocratique. Je ne parvenais pas à déterminer si elle jouait un rôle ou s’imaginait un quelconque devoir de représentation, entre suffisance et douceur mielleuse.



La vie ne semblait effectivement pas trop difficile pour tout le monde… Mes sentiments à son égard étaient alors mitigés. Sans être pourrie gâtée, elle ne donnait pas toujours l’impression de vivre sur le même plan de réalité que tout le monde. Et son physique irréprochable me renvoyait à ma propre image. Je développais peut-être un peu de jalousie. Mais elle était le sujet idéal pour faire des essais de telle ou telle pièce et elle prit l’habitude de se servir de la réserve comme d’une cabine pour se changer, passer une robe ou un pantalon, le temps que je prenne les éventuelles mesures de correction.


Un jour que je vérifiais ma tenue dans le grand miroir de l’atelier, elle revint de la mercerie à cet instant. J’étais tournée de trois-quarts, bien dressée dans mes chaussures à talons, jupe ouverte sur une cuisse et petit haut assorti. Une main sous la poitrine et l’autre redonnant du volume à ma chevelure, je ne voyais que mes défauts.



Je sursautai et ris, gênée.



Elle vint vers moi, le visage grave.



Ce disant, elle prit entre le pouce et l’index l’ourlet à hauteur de mon épaule et sembla en éprouver la qualité en glissant vers le bas. Ses doigts glissèrent naturellement sous le tissu et caressèrent mon sein avant qu’elle ne retire sa main.



Question rhétorique qu’elle émit en levant le regard sur moi. Interloquée, cherchant dans ses yeux bleus une ironie qui ne s’y trouvait pas, je fis un pas en arrière.



Mal à l’aise, je l’esquivai pour me concentrer sur mon travail. Mais dans les jours qui suivirent, je remarquai qu’Eris ne perdait pas une occasion pour m’effleurer, prendre ma main ou mon bras, me faire venir près d’elle pour avoir des explications sur des points qui n’en méritaient pas. Alors que j’étais en caisse avec une cliente, elle passa derrière moi pour je ne sais quel prétexte, mais l’espace manquait et elle glissa lentement contre mes fesses par deux fois, ne laissant pas traîner que ses hanches. J’en parlais le soir même à mon époux.



Je pris un air désabusé.



« C’est tout ». Tout est tellement simple pour les hommes. La vérité est que je cherchais à me protéger en partageant cela avec mon époux. À l’inclure pour me dédouaner de pensées honteuses, de la part de moi qui trouvait flatteur de se faire draguer, fût-ce par une jeune femme à peine majeure. C’était fait lourdement, unique raison probable de mon déplaisir.


Le lendemain même, j’eus un doute sur la découpe d’une petite robe d’été commandée par la mère d’une étudiante et j’acceptai bien volontiers quand Eris se proposa de l’essayer. Elle s’éclipsa dans la réserve. Elle revint peu après et sur elle le résultat était printanier. La robe aux motifs floraux s’y prêtait, éclatante de couleurs sur la peau ivoire. Pieds nus, Eris s’avança, le visage légèrement penché de côté, bras tendus et paumes ouvertes de part et d’autre de son corps. Elle fit un tour sur elle-même et puis elle était là, devant moi. Je vis tout de suite qu’elle ne portait plus son soutien-gorge. Belle, belle, belle et candide, bien droite. Ses jolis seins dardaient sous le tissu avant qu’il ne replonge souplement sur sa taille étroite.



Parlait-elle de la robe ? Ainsi portée, qu’aurais-je bien pu vouloir retoucher ? Elle tourna à nouveau, plus lentement que je puisse la détailler. Elle me regarda par-dessus l’épaule, ce qui la cambra naturellement tandis que mon regard glissait des fesses aux jambes dénudées. C’était fait sans insolence mais nulle de nous deux n’était dupe. Je dus me retenir de poser la main sur elle.



Question ridicule qui brisa le charme et me contraria aussitôt.



L’attitude d’Eris mua, ce fut comme un nouveau masque sur son visage. Elle irradiait de colère et ne prit pas la peine de répondre quoi que ce soit. Elle demeura mutique tout le reste de la journée et dans son énervement rata une découpe, ce qui relevait de l’erreur de débutante. Nous étions à trois semaines de la fin de son contrat et je ne comptais pas me plier à ses caprices. Les affaires tournaient, voilà l’essentiel.



*******



Mais son changement d’humeur perdura et porta sur le mien. Le soir venu, j’étais cassante avec mon époux. Je ne supportais plus ses petites remarques et sous-entendus. Ses allusions à mon apprentie délurée et ce qu’il en ferait à ma place ne m’amusaient plus du tout.


La situation se dégrada malgré toute ma bonne volonté. Eris affichait de plus en plus un air nonchalant et recevait nos clientes avec une désinvolture proche de la provocation. Je devais surveiller de près tout ce qu’elle touchait, la moindre de ses coutures, pour ne pas laisser passer de grossières erreurs qui auraient nui à ma réputation. Et dans le même temps, jamais elle ne fut plus suggestive, jamais elle n’omit une occasion de monter sur un escabeau lorsque j’étais assise à côté ou de tirer sur son chemisier sous prétexte d’une chaleur excessive.


Quatre ou cinq jours passèrent de la sorte et un soir, peu avant la fermeture, je jetai un œil sur un patron qu’elle préparait, reportant les mesures prescrites d’un air blasé. Crayon en main, elle se tenait debout, avachie plus que courbée sur le plan de travail.



Et moi je n’en revenais pas ; elle passait les bornes en toute décontraction.



Ma main partit sans que j’en aie conscience pour s’abattre sur son postérieur dans un claquement mat. Je garde un souvenir bien précis de ce son-là, si banal et lourd de sens à la fois. Le crayon qu’elle tenait lui échappa et tandis qu’il roulait sur la table, tout fut suspendu. Le bras encore levé à mi-hauteur, pétrifiée par mon geste et hésitante entre l’appréhension et la satisfaction. Appréhension de sa réaction, crainte que tout cela ne virât à l’empoignade. Je la devinai estomaquée. Sans changer de posture, son visage se tourna vers moi comme au ralenti, les joues rosies. La stupeur était évidente mais on lisait autre chose de plus diffus dans son expression. Nos regards se croisèrent, nous nous jugeâmes une seconde ou deux et c’est encore mon instinct qui me guida ; je réarmais mon bras lentement, sans la quitter des yeux. Elle ne fit rien pour s’écarter. Je la frappai à nouveau, plus fort encore. Elle exhala un demi-cri, rejetant sa tête vers l’avant. Je guettai à nouveau un éventuel signe de rébellion. Silencieuse, elle fit mine de se redresser mais c’était trop tard. Notre relation avait basculé, je me sentais investie d’une autorité soudaine.



On eut cru d’abord qu’elle prenait la pose, curieusement tournée, puis quelque chose céda et elle mit les mains à plat comme je l’exigeais.



Elle s’exécuta sans broncher, cette petite peste.


Je la laissais bien prendre conscience de sa position, et de la mienne. Nous n’entendions que les pulsations du ventilateur au plafond, dont le souffle faisait bruisser les franges de la petite robe de mon employée. Une nouvelle claque, bien franche, la main à plat. Elle eut la fierté de ne pas se plaindre. Je crois comprendre aujourd’hui qu’elle se savait prise en faute, mais aussi que pour la première fois dans sa petite existence on lui tenait tête, et sans la ménager. D’une certaine façon, à travers cette humiliation, elle s’affirmait malgré tout ; elle assumait des responsabilités que son entourage lui avait toujours épargnées en se pliant devant elle.


Quant à moi… moi qui n’avais jamais levé la main sur qui que ce soit… Je m’appliquais à la corriger de grands gestes tombants qui résonnaient dans l’atelier, et puis j’alternais paume et dos de la main, comme on giflerait un homme qui vous outrage. Inconsciemment, elle en vint à creuser le dos, à jouer des reins pour s’esquiver. Vaines et dérisoires tentatives. Deux claques bien senties troussèrent le tissu qui cachait un string ajouré d’un joli bordeaux et c’est sa peau déjà marquée que je vis alors danser. Mais la colère s’éteignait en moi et le simple plaisir de voir trembler ce joli postérieur prit le relais. Ainsi je découvris mon penchant pour sa résistance ferme sous mes coups, la façon dont il tressautait et se contractait. Eris semblait recueillie pour prier, les mains jointes, phalanges blanchies tant elle serrait fort, le visage incliné derrière le court rideau de ses cheveux blonds aux reflets roussis. Elle peinait à étouffer honte ou douleur. De pathétiques gémissements mourraient aussitôt qu’ils naissaient dans sa gorge. La main me chauffait, j’eus un début de pitié pour elle. Et puis sa silhouette étirée, ses épaules saillantes, ses jambes nues qui vacillaient, tout cela me parut si fragile… je ne pouvais plus.


Nous étions toutes deux essoufflées. Je pris conscience de l’incongruité de la situation et je dois bien reconnaître que j’étais aussi troublée par cette beauté partiellement dénudée. Je cédais à l’impulsion de simplement poser la main sur une fesse, en maîtresse des lieux ; elle irradiait. Eris ne frémit pas. Je tâchais de prendre une voix ferme malgré mon émoi :



Pensive, ma main suivit le bombé de la chair jusqu’à glisser sur le côté de la cuisse. Un grain d’une douceur bouleversante. Je ne pus m’empêcher de prolonger ma caresse du bout des doigts, de remonter et d’empaumer à nouveau les reliefs que j’avais punis. Elle eut un frisson, une ondulation.



Oh. Le ventilateur vrombissait à m’étourdir. Il faisait chaud déjà, mais lorsque je glissai ma main entre ses cuisses ouvertes pour y capter son sexe, ce fut comme une brûlure malgré l’obstacle du tissu. Elle était humide à cœur.


Des souvenirs d’internat me revinrent, lorsque nous jouions parfois sous les draps entre camarades après l’extinction des feux. Cela n’allait jamais très loin, nous étions ignorantes de bien des choses, mais nous expérimentions baisers et caresses faute de garçons pour satisfaire nos pulsions. Je retrouvais avec Eris la saveur de ces instants, bien qu’elle fût certainement moins innocente que moi au même âge. Comme elle accueillait ma main en cherchant son contact, mille pensées me vinrent et je faillis céder au désir qui sourdait dans mon ventre avec violence. Je rabattis sa robe.



Je me détournai pour éviter son regard, feignant de fouiller dans quelques réalisations pendues le long du mur. Elle prit son temps pour retrouver une certaine contenance, me sembla-t-il.



Je l’entendis récupérer son sac, traverser l’atelier vers la mercerie et la clochette de la porte retentit. Je me retins à une étagère, soudain sans jambes.



*******



Plusieurs jours s’écoulèrent sans que rien n’évolue vraiment. Eris se montrait un peu plus respectueuse mais quelque chose couvait derrière ses sourires de façade.



Mon époux aimait revenir sur le sujet depuis le premier jour où je lui avais évoqué la chose. Il devait fantasmer à tout va ; je suis certaine qu’il aurait aimé me voir aux prises avec elle, et quant à participer, ne nous posons même pas la question.



Il approuva en silence mais leva un sourcil égrillard. Je mis fin à la conversation d’un regard polaire.


Le lendemain de ce bref échange auquel j’aurais voulu croire moi-même, Eris vint pour une fois en pantalon de lin clair, très près du corps et une chemise d’un rouge soutenu qui s’ouvrait assez bas sur sa poitrine. C’était encore élégant et d’allure assez mature. J’avais pris l’option opposée, m’autorisant un haut court qui laissait apparaître une bande de chair au-dessus de ma jupe en cuir, comme si j’avais quinze ans de moins. J’avais relevé mes cheveux en un chignon ébouriffé qui tenait avec un simple stylo. Eris n’en perdit pas une miette, profitant de ce que je renseignai une cliente pour nous observer longuement.


Mon échange avec cette habituée de longue date s’éternisait ; Eris retourna dans l’atelier travailler sur son projet de robe Premier Empire. Quand je la rejoignis une dizaine de minutes plus tard, je compris qu’elle était dans la réserve, probablement cherchait-elle un accessoire ou du tissu ? Je me remis à ma machine à coudre et son ronronnement soutenu monta dans la pièce.

Concentrée, je m’avisai que son absence commençait à se faire longue et allais jeter un œil. Je poussai la porte.



Je la vis dos au mur, juste sur ma gauche en entrant. Je ne compris pas tout de suite ce qu’elle faisait et je ne sais pas si elle m’avait entendue. Son pantalon était baissé et elle avait une main passée devant elle qui tournait contre son sexe. Elle soupirait en silence, son autre main passée sous sa chemise. Elle eut un sursaut et se figea en me fixant. Ses yeux étaient bleu nuit dans la pénombre. Les miens devaient jaillir hors de leur globe. Je la payais, je lui donnais mon temps, mon soutien, et elle…


Hors de moi, j’attrapai la main entre ses cuisses, ramenai ses doigts en bouquet et les fourrai sous son nez.



J’écrasai ses phalanges, les plaquai à sa bouche.



Est-ce vraiment la colère qui m’inspira cette idée ? Je rougis encore de son image, quand elle s’exécuta, sans baisser les yeux une seconde. Sa langue s’appliqua à recueillir les traces de son plaisir, à glisser entre ses doigts avec une lenteur et une satisfaction qui relevaient du défi. Je croyais la punir mais c’est une victoire que je lui offrais. Quand elle lapa l’un de mes doigts au passage, ce fut comme la sentir entre mes jambes.


Je rejetai sa main aussitôt et, la saisissant aux épaules, la retournai contre le mur. Son pantalon blanc moulant, baissé juste assez pour qu’elle puisse se caresser sans entraves, passait sous ses fesses nues. Ainsi corsetées, elles saillaient outrageusement. Je les giflais, déversais sur elles ma frustration en frappes cinglantes qui résonnaient dans la petite pièce. Eris ne savait que gémir malgré ses efforts pour ne rien laisser paraître de ce qu’elle endurait. Bientôt d’un beau rouge carmin, son postérieur s’anima à chaque claque ; tour à tour, elle le tendait vers moi ou essayait de le dérober. Elle glissait peu à peu le long du mur, arquant les reins, se déhanchant si bien que son pantalon descendit un peu et que m’apparut à la lisière de sa ceinture la naissance luisante de son sexe.


Elle avait eu ce qu’elle méritait mais si je continuais malgré tout, ce n’était que pour faire durer l’instant, profiter encore de cette vision et de cette chair tendre à corriger. Elle ne le savait que trop bien et ce n’est pas un hasard si son pantalon tomba encore un peu plus bas. Je pris une pause. Eris haletait, immobile. Je ne pesais ni le pour ni le contre, ma raison capitulait devant le désir qu’elle éveillait en moi. Sa plainte langoureuse sonna comme une libération lorsque je glissai mes doigts au travers du duvet fauve qui frisottait là-haut, entre ses cuisses. Je tremblais de tout mon corps en fouillant ses chairs trempées.



Je devais dégouliner moi-même, je le sentais. Comme happés, mes doigts trouvèrent l’ouverture étroite, brûlante. J’entrai à petits pas, tournai comme cherchant mon chemin. Eris jouait des hanches ; c’est encore elle qui usait de moi.


La clochette de l’entrée tinta. Je me figeai, ôtai ma main, l’essuyai précipitamment sur la première pile de tissu à ma portée, me recoiffai à la va-vite et me précipitai pour accueillir la cliente. Une fidèle, petite dame retraitée qui n’avait que la couture pour combler ses journées. Elle me présenta une liste de fournitures suffisante pour rhabiller tout un régiment.



Je me tournai vers la cliente :



Eris apparut avant qu’un commentaire maladroit ne m’échappe. Son allure était tout à fait convenable, nulle n’aurait pu soupçonner ce qu’il venait de se dérouler. Son visage rosi pouvait être mis sur le compte de la chaleur ambiante. Que n’aurais-je pas fait si personne n’était venu ? Je dois dire que c’est avec une satisfaction perverse que je me dissimulai derrière le rideau pour observer mon apprentie en catimini. Comme son petit sexe implorant devait palpiter et se rappeler à elle chaque seconde, sans qu’elle ne puisse rien laisser paraître… Sourire et discuter avec la cliente, le derrière encore cuisant… Certes, je n’étais pas en reste, je serrai les cuisses pour étouffer mon propre désir, et je tâchai de me concentrer sur mon travail.



Elle semblait sincèrement contrite et l’incident fut clos. Mais je ne pus m’empêcher de la scruter à la dérobée, de deviner sous les plis de son pantalon les merveilles que j’avais explorées, nous travaillâmes encore deux heures et je restais une de plus après son départ. Ce soir-là, mon époux n’avait pas fini de débarrasser la table de notre repas lorsque je me collai à lui, lascive et entreprenante. Cela faisait des années qu’il ne m’avait prise ainsi, debout, accoudée entre le pot d’eau et la panière. Il jouit après moi en me mordant l’épaule.


Dans ma mémoire, les derniers jours du contrat d’Eris passèrent comme un seul. Les commandes furent honorées les unes après les autres, je tâchais de rester concentrée sur mon but mais toujours j’épiais mon apprentie, guettant la moindre erreur, ou du moins m’en persuadais-je. Elle devait bien sentir mon regard couler sur ses courbes mais n’en jouait plus. À mon désarroi naissant, j’avais l’impression qu’elle se désintéressait de moi. Oui, tout était plus simple, elle était plus efficace, plus appliquée. Mais les journées étaient fades, l’absence d’ambiguïté dans nos échanges laissait un vide que rien ne comblait.


C’est ce que nous recherchons tous dans l’amour ; ce sel qui agrémente chaque instant, l’enjeu que revêtent des gestes habituellement anodins. Être sur la faille, parfois risquer la chute pour des moments de plaisir que notre morale réprouve. Guetter l’autre, trouver du sens là où tout autre ne verra rien que de très normal. Eris avait fait renaître cela chez moi, bien que je m’en défendisse.


Et vint le dernier jour. Pour l’occasion, elle avait choisi une robe blanche immaculée et une paire d’escarpins blancs. Je me souvins qu’elle m’était apparue toute de noir vêtue le premier jour. Faut-il toujours interpréter les choses ? Ce n’était probablement qu’une coïncidence. J’étais moi-même habillée d’un tailleur léger, aussi sobre qu’élégant. Nous travaillâmes comme n’importe quel autre jour mais parlâmes peu. Je profitais de chaque opportunité pour me rassasier de sa beauté, blonde Vénitienne aux grands yeux profonds, qui n’était pourtant que la chrysalide d’une femme plus désirable encore.


Il ne restait qu’une demi-heure ; je décidai de fermer plus tôt pour mener un petit entretien de fin de contrat. C’est dans l’atelier que nous eûmes une discussion strictement professionnelle, dans laquelle je m’estimais très satisfaite de sa prestation et répétais à quel point j’étais confiante vis-à-vis de son projet personnel et de l’obtention de son diplôme.



Elle fit un pas et, tout doucement, me prit dans ses bras. Je fus sans réaction, comme si je l’espérais au fond de moi et ne voulais pas briser son élan. Elle me serrait fort contre son corps, son visage pressé contre mon épaule. D’abord surprise par cette démonstration d’affection que je compris malgré tout, je passai mes bras autour d’elle avec précaution. Nous demeurâmes ainsi enlacées un long et délectable moment. Et puis elle posa un baiser sur mon épaule. Un second. Encore un, plus appuyé. Et d’autres, qui remontèrent de la clavicule à mon cou, toujours frappant ma peau nue. Je cambrai les reins, mon cœur soudain palpitant.



Mais elle ne m’écoutait pas et sa bouche s’ouvrait pour goûter ma peau, ses baisers s’étiraient en longueur, ses mains glissèrent dans mon dos, plus bas, sans relâcher leur emprise. Je tentais de la repousser, sans force.



Quand ses lèvres furent sur les miennes, elles scellèrent ma voix et mes réticences. Je gémis à mon tour de désir, du plaisir de sentir sa langue fureter et lutter avec la mienne. Elle serrait mes fesses de toutes ses forces, une jambe passée entre mes cuisses, ondoyante comme une vague. Je perdais pied, je renonçais. Ma bouche glissa, j’avais besoin de plus, bien plus. Besoin d’explorer son corps, de m’abreuver de cette beauté avant que le temps ne la marque. Je couvrais de baisers sa mâchoire, son cou et descendais progressivement vers le creux entre ses seins que je pressais avec passion.



Ses encouragements m’électrisèrent. Je libérai un sein en tirant sur la robe diaphane, je pris son mamelon entre mes lèvres et elle haleta comme je l’étirai longuement ainsi captif. D’une main, elle empoigna mes cheveux sans ménagement, pour m’incliner, apprécier le ballet de ma langue et puis peser, m’inciter à descendre le long de son ventre et poser un genou à terre.



Si un observateur s’était tenu à quelques pas, il m’aurait vue agenouillée et échevelée avec sur mon visage ce mélange de souffrance et d’envie propre à la passion amoureuse. Il m’aurait vue passer sous la frange de la robe, mes mains baissant fébrilement la petite culotte blanche qui glissa d’elle-même le long des cuisses et des mollets pour finir en corolle autour d’un escarpin. Il m’aurait vue, le visage enfoui dans les moiteurs d’Eris, qui ne me lâchait pas, me guidait en soupirant pour honorer son sexe. Il l’aurait vue poser un pied sur l’assise d’un siège pour s’ouvrir davantage et moi me démener pour satisfaire ses attentes en me repaissant de ses chairs offertes.



Eh oui, j’obéis docilement. Je dardais la langue comme elle le souhaitait, entre ces fesses que j’avais punies. Je lui tirais d’authentiques soupirs d’extases en glissant entre cet anneau caché et la base des lèvres où perlait son plaisir. Comment oublier les caresses piquantes de son duvet roux sur mon nez ? Son odeur boisée, enivrante ? Ses cuisses furent prises d’un tremblement, Eris laissa des râles plaintifs jaillir de sa gorge tandis qu’elle me pressait avec plus d’intensité encore. Je la lapais, je la buvais, je l’embrassais, toute prête de jouir moi aussi sans avoir glissé un seul doigt sous ma robe.


Alors elle me repoussa, me toisant, encore haletante, cuisses ouvertes. Elle était magnifique et un sourire éclaira davantage sa beauté. On aurait pu lire de la dévotion dans mes yeux levés vers elle et voir ma bouche et mon menton, comme barbouillés de gloss, luire sous les spots. Eris haussa les sourcils avec suffisance :



Je revois son expression de satisfaction grandissante à mesure que je comprenais. Elle attrapa son sac, me jeta un dernier regard avant de quitter la pièce. Et c’est ainsi qu’elle sortit de ma vie. Je restais longtemps à genoux, abasourdie. Ma frustration était sans limites, je voulais sentir à nouveau ses bras autour de moi, son visage sur ma poitrine, sa bouche entrouverte contre la mienne, son sexe flamboyant suinter sur ma langue. Mais pour tout le reste, tout ce que je lui avais refusé mais que mon corps suppliait désormais, je n’eus jamais que mon imagination, des regrets et la petite culotte blanche qui traînait au sol.