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10/01/22
Résumé:  J’ai failli tromper mon mari, mais n’est-ce pas l’intention qui compte ?
Critères:  fh caférestau amour jalousie -couple
Auteur : Patrick Paris            Envoi mini-message
Est-ce l'intention qui compte ?






Décidément, cet après-midi, je n’arrive pas à me concentrer, je tremble encore, mon esprit est ailleurs. Quel casse-tête ce rapport ! Je n’en vois pas le bout. Et maintenant, je dois me farcir cette réunion, enfin j’écouterai d’une oreille distraite, car impossible de ne pas penser à ce midi. Je tourne et retourne sans cesse dans ma tête, ça m’obsède.


Non mais, quelle conne ! Qu’est-ce qui m’a pris ? J’ai failli tromper mon mari, voilà, je l’ai dit. Moi, tromper mon mari, vous imaginez ça, moi je n’y arrive pas. Enfin, j’ai bien dit, j’ai failli, mais n’est-ce pas l’intention qui compte ?

Quelle honte ! J’ai failli me perdre, et nous perdre. Mon chéri, ce soir je serais ta petite femme aimante, comme au premier jour. Je veux tout oublier dans tes bras. Tu m’aimeras comme toi seul sais m’aimer.

Je ne suis plus une gamine, comment ai-je pu être aussi bête ?



---oOo---



Comme tous les premiers samedis du mois, nous sommes allés, mon mari et moi, chez des amis pour jouer au bridge. Le plus souvent une vingtaine de personnes, jamais les mêmes, des amis, des inconnus. Cinq tables, changement de table entre chaque donne, comme en tournois. Pierre et moi, nous jouons toujours ensemble, complicité dans le jeu comme dans la vie. Ce samedi, nous jouions Est-Ouest. Ce n’est pas qu’on soit des champions, mais on se débrouille et c’est l’occasion de se faire des relations.

Nos amis sont très stricts, le bridge c’est sérieux. Les téléphones sont coupés, pas un mot en jouant, on entendrait une mouche voler, quoiqu’il n’y ait pas de mouche, vu que leur salon est climatisé.


La soirée a été longue. Il est presque une heure du matin en arrivant chez nous, nous nous écroulons sur notre lit, le câlin ce sera demain matin.

Ce qui fut dit fut fait. Après une bonne douche et un copieux petit déjeuner, nous sommes d’attaque pour nous reposer, le dimanche c’est bien un jour de repos.

Mon chéri me propose d’aller au restaurant, celui du coin de la rue où nous avons nos habitudes, ainsi pas de cuisine à faire. En revenant, je cherche mon téléphone, je ne sais plus où je l’ai mis :



J’ai beau chercher chez nous, je ne le trouve pas. Je m’appelle avec le fixe, la sonnerie devrait m’alerter, rien. Pierre fait un saut au restaurant, mais il revient bredouille. Je pense l’avoir coupé hier comme tout le monde, j’ai dû l’oublier sur une table. C’est ça, il doit être chez nos amis, je leur téléphone, ils cherchent, mais ne trouvent rien non plus.

Dans le fond, je ne me souviens pas si je l’avais hier soir, je l’ai peut-être oublié au bureau, je verrais demain.


La soirée est calme : plateau-repas devant la télé. Au dessert, il m’embrasse, me caresse après avoir ouvert ma petite robe. J’en profite pour lui faire une gâterie, il aime, j’aime aussi. Nous avons raté la fin du film, il était en train de me prendre en levrette, tant pis, on mettra le Replay et si c’est le film qui l’a inspiré, je ne suis pas contre une autre levrette.

Lundi matin, à mon arrivée au bureau, je fouille partout, aucune trace de mon appareil, personne ne l’a vu. Tandis que je recherche le numéro de l’opérateur pour le bloquer, mon fixe sonne.



Il se propose de me le rendre, il peut passer vers 16 h 30, nous pourrions nous retrouver dans un café.



En effet, ma société fonctionne toujours en horaire individualisé, plage fixe, plage variable, chacun doit badger en entrant et en sortant, même à midi en allant à la cantine. Il est impératif d’être présent dans les plages fixes, l’après-midi c’est 14 h -17 h. Le non-respect peut être sanctionné.

Tous les mois, nous recevons un récapitulatif, du solde de congé, du solde de journées de RTT et du décompte de nos heures avec signalement des incidents. Les plus donnent droit au paiement d’heures sup, les moins sont totalisés sur trois mois avant de faire une retenue, ça donne le temps de récupérer, merci les syndicats.


Rendez-vous pris dans un café proche du bureau. Jérôme a l’air sympa. Je ne l’aurais jamais reconnu, lui fait semblant de se souvenir de moi. Je le remercie, soulagée de retrouver mon téléphone, j’ai toute ma vie dessus.

Devant un verre, nous discutons de nos amis, de notre passion pour le bridge. Histoire de faire connaissance, il me parle de son travail, de sa famille. Bel homme, très charmeur, je ne suis pas idiote, je vois bien que je lui plais, ça me flatte aussi. Même s’il me drague gentiment, jamais je n’aurais imaginé tromper mon mari avec lui, l’idée ne m’effleure même pas. En nous quittant, pour se faire pardonner, il m’invite à déjeuner :



Pourquoi me serais-je méfiée ? J’accepte sans me rendre compte que le piège se met en place.

Le restaurant est sympa, discret. Je comprends de suite où il veut en venir, normal, je ne suis pas si moche que ça. Cette fois, dès l’apéritif, Jérôme est direct :



Son regard, ses mots me font trembler. À moi de garder mes distances :



Pendant tout le repas, il me couvre de compliments. Mais je suis pressée, je dois partir vite pour ne pas être en retard. En me quittant, il dépose une bise rapide sur ma joue, et joue à l’enfant pris en faute :



On rit ensemble… Aïe !

Il a juste le temps de m’inviter la semaine prochaine. Je ne réponds pas, et me dépêche de regagner mon bureau.


Dans les jours qui suivent, Jérôme m’envoie un SMS, puis deux. Il m’inonde de messages, toujours pleins de sous-entendus, plein d’humour, il compte les jours puis les heures qui nous séparent. Je lui réponds sur le même ton un peu ironique, sans me méfier de la complicité qui s’installe. Je n’ai aucune envie de prendre un amant ni de mener une double vie. Mon mari me comble, je suis heureuse avec lui. J’accepte pourtant de revoir Jérôme, je saurais dire non s’il devient trop entreprenant, il ne va pas me violer à table.

Sans savoir comment, l’idée s’est infiltrée dans ma tête. Il est pas mal, pourquoi pas ? Mon mari ne le saura jamais. Je ne veux pas le faire souffrir pour rien, ce n’est pas grave, juste pour me prouver que je peux encore plaire… Pas que, la curiosité aussi, voir comment c’est avec un autre homme.


Nous devons nous retrouver demain à midi sur la place de la Mairie, sachant comment cela risque de se terminer, je peux encore annuler. J’hésite. Mais l’envie est trop forte. C’est décidé, je vais sauter le pas. Après déjeuner, je le suivrais chez lui. Une seule fois pour voir… peut-être deux, mais certainement pas plus.

Il est trop tard pour poser une demi-journée de RTT, tant pis. Un petit mensonge au bureau pour justifier mon absence à mes collègues, je ne badge pas en sortant, je ne badgerais pas en revenant, ni vu ni connu. Personne ne s’en apercevra.



---oOo---



Cette fois, Jérôme m’emmène dans le restaurant le plus chic de la ville, nous y sommes allés plusieurs fois avec mon mari, pour les grandes occasions. Il me confie, avec un sourire complice, habiter à quelques rues de là.


Je suis sous son charme. Ai-je peur de lui ou peur de moi ? Il pose sa main sur la mienne, je ne la retire pas, je suis sur un petit nuage. Suis-je en train de tomber amoureuse ? Je suis folle, mais c’est tellement agréable. Sûr de lui, ses yeux se posent sur les miens. Je détourne aussitôt la tête, son regard me gêne, c’est trop intime. Par délicatesse, il regarde ma main que je laisse dans la sienne.

En trinquant au dessert, il m’embrasse, baiser chaste, mais baiser tout de même. Que se passe-t-il dans ma tête ? Je plaque mes lèvres sur les siennes pour lui donner le plus tendre des baisers. J’ai envie de coucher avec lui, plus rien d’autre ne compte, j’en oublie mon mari, l’amour de ma vie. Est-ce possible ?


Nous marchons côte à côte dans la rue, je m’éloigne un peu de peur de croiser une connaissance. Passant devant une vitrine qui nous renvoie notre image, je réalise que je marche avec un inconnu, que nous allons baiser ensemble, c’est clair pour lui comme pour moi. Un éclair de lucidité, non, je ne veux pas tromper mon mari. Comment m’en sortir ? Jérôme se fait tendre, il essaie de me prendre par la taille, de m’embrasser, je le repousse gentiment, pas dans la rue. Quelques gouttes d’une pluie légère nous surprennent. Il en profite pour mettre son bras sur mes épaules, me serrer contre lui, pour me protéger bien sûr, mais j’aime quand il dépose un baiser dans mon cou. Le tonnerre gronde, une averse se prépare, nous accélérons le pas pour nous mettre à l’abri.


À l’abri de quoi ? Il s’arrête devant un immeuble, je comprends que nous sommes arrivés, c’est chez lui. Devant la porte ouverte, j’hésite. Il me tend la main, le tonnerre se fait à nouveau entendre, sans réfléchir, je le suis. Une fois la porte de l’immeuble passée, il me prend dans ses bras, nous sommes seuls, je ne lui refuse pas mes lèvres, un baiser enflammé qui me fait vibrer. Je redeviens jeune fille, mon premier baiser avec notre jeune voisin lorsque nous descendions les poubelles.


Un coup de vent, la porte claque derrière nous. Ce claquement me ramène sur terre. Qu’est-ce que je fais là avec cet inconnu ? Un homme que je connais à peine, que je n’aime pas. Je n’ai aucune envie de tromper mon mari. Je ne suis pas une bête de sexe à sauter sur tous les hommes qui me plaisent.


Jérôme est déjà dans l’escalier… Il monte quelques marches, une main sur la rampe. De l’autre, il me tire vers lui comme dans certains films romantiques. Sauf que là, je lâche sa main, sans bouger :



Je reste figée, impossible de faire un pas de plus.



Je ne vois pas la tête que je fais, j’ai l’impression d’être en panique, je bafouille :



Je veux m’enfuir, mais la porte de l’immeuble est bloquée. Comment l’ouvrir, impossible de sortir. Je suis piégée. J’entends ses pas qui descendent lentement les quelques marches qui nous séparent. Il est derrière moi, je sens son souffle, je devine ses bras, il va m’empêcher de sortir, il va vouloir m’embrasser de force.

Je ne peux tout de même pas crier pour appeler au secours. Je me suis jetée consciemment dans la gueule du loup.

Hypnotisée, je m’attends au pire. Il ne prononce aucun mot, je vois son bras qui s’avance près de moi, sa main atteint le bouton sur le côté de la porte, son doigt appuie, un déclic, la porte s’ouvre, je suis sauvée. Je m’élance en avant. Une fois sur le trottoir, malgré la pluie qui n’a pas cessé, je me retourne, il n’a pas l’air fâché, il me sourit, il a compris, un vrai gentleman :



La pluie s’est mise à tomber plus fort. Je pars en courant dans la rue pour m’enfermer dans mon bureau. Dans le hall de l’immeuble, tout essoufflée, j’ai du mal à reprendre mes esprits. Je suis trempée, en me secouant comme un jeune chien qui sort de l’eau, je rejoins des collègues qui comme moi se sont fait surprendre. Machinalement, je sors mon badge.


Pardon, mon chéri, je me suis égarée, jamais je ne pourrais te tromper. Je tremble encore et n’arrive pas à me concentrer sur mon travail.



---oOo---



Aujourd’hui, je sors plus tôt que prévu de chez mon client, je pensais qu’il m’inviterait au restaurant, après la signature d’un contrat ça se fait, mais il était pressé. Tant pis, ou tant mieux, le bureau de Sophie n’est pas loin, je vais lui faire la surprise, un petit resto en amoureux. Le Grand Café place de la Mairie me paraît idéal, c’est l’établissement le plus chic de la ville. Nous y avons dîné quelques fois ensemble, la dernière fois il y a cinq mois pour notre anniversaire de mariage. Manque de chance, sa collègue me signale qu’elle est sortie faire une course, dommage. Mon anniversaire est dans 15 jours, certainement ma petite femme va me gâter.


Bon, ce n’est pas tout, j’ai faim. Seul, je préfère aller au McDo, plus rapide et pas cher. Il y en a un, Place de la Mairie, c’est à deux pas. En passant devant le Grand Café, j’ai une pensée pour Sophie, elle aurait été heureuse d’y déjeuner.


Perdu dans mes pensées, je regarde machinalement les clients attablés, la terrasse est pleine, plusieurs tables occupées à l’intérieur… Mais, n’est-ce pas Sophie, là-bas au fond ? Elle est avec qui ? Un homme que je ne connais pas, il me semble bien l’avoir déjà vu, mais je ne me rappelle plus où. Sûrement un de ses collègues. Mais, en tête à tête… et si ? … Surtout ne pas me faire tout un cinéma, il y a une explication. Je vais aller les voir, elle me présentera.


J’entre et me dirige vers leur table. À ce moment, l’homme pose sa main sur celle de ma femme, elle lui sourit, son regard me vrille le cœur. Ce n’est pas du cinéma, que puis-je faire ? Pas de scandale, je ressors sans me faire voir, et les observe depuis le trottoir. L’explication sera pour ce soir.


Avec mon téléphone, je prends quelques photos, gros plan de Sophie, un regard qui ne trompe pas, pas de doute, elle est amoureuse. Au dessert, champagne, ils trinquent les yeux dans les yeux ; il pose ses lèvres sur les siennes, ils boivent une gorgée en riant et s’embrassent, plus tendrement cette fois.


Je ne peux y croire, ma Sophie, Pourquoi ?

Ils sortent, et marchent d’un pas décidé. Je veux savoir. Je les suis en essayant de ne pas me faire remarquer. Il essaie de la prendre par la taille, elle s’éloigne un peu. Il n’insiste pas. C’est lui qui fait la conversation, en faisant de grands gestes. Elle l’écoute en hochant la tête, elle semble heureuse. La pluie nous surprend, ils accélèrent le pas dans les bras l’un de l’autre.


Arrivé devant un immeuble, il tape un code, la porte s’ouvre. Il tente de l’embrasser, elle tourne la tête en riant. D’un geste, il l’invite à rentrer, elle hésite. Le tonnerre gronde, des éclairs illuminent le ciel, l’orage n’est pas loin. Je trouve Sophie un peu tendue, serait-ce la première fois ? Je pourrais intervenir pour éviter l’irréparable, mais je suis paralysé en la voyant saisir la main qu’il lui tend et franchir ce dernier obstacle. La porte se referme, je reste comme un con quelques minutes sur le trottoir d’en face. La pluie redouble, des gouttes coulent sur mon visage, est-ce la pluie ou mes larmes ?


Elle m’a trahi, je suis accablé. J’avais toute confiance en elle, je n’aurais jamais imaginé. Elle me trompe avec ce type. Qui est-ce ? Depuis combien de temps ?

Furieux et triste, je décide de rentrer chez nous, incapable de retourner travailler. Que faire d’autre ? Au moins, je connais l’adresse de son amant, ça pourra peut-être servir.



---oOo---



Sophie hésite en mettant la clé dans la serrure qui va la mettre face à son mari, quelle attitude adopter ? Elle pose son sac sur la petite table de l’entrée comme tous les jours, en essayant de ne rien montrer de son anxiété.

Pierre est là, assis dans le salon, un verre à la main, il lui sourit. Sophie se jette dans ses bras, l’embrasse, elle veut oublier.



Sans attendre sa réponse, elle va dans leur chambre pour se changer. L’air soucieux, il attend sa réaction. Elle ne se fait pas attendre, un cri : « Non ! … Oh, mon Dieu ! ».


Sur leur lit, Pierre a préparé une petite surprise. Une photo de Sophie sur son oreiller, celle de son amant sur l’autre. Au milieu, la photo de Jérôme au restaurant qui l’embrasse, un verre de champagne à la main, et celle de la porte qui se referme sur elle.


Ses pleurs résonnent dans la maison. Elle tourne en rond, indécise. Du salon, Pierre la suit. Elle retarde le moment où elle va devoir l’affronter, sans savoir quoi lui dire. Un bruit de pas, elle arrive, les yeux baissés, sans oser le regarder. Il doit s’imaginer tellement de choses, elle va lui dire la vérité, mais va-t-il la croire ? :



Il lui tend son téléphone. Les photos défilent, au restaurant, les yeux dans les yeux, son sourire est l’image de son bonheur, leur tendre baiser, dans la rue l’un à côté de l’autre, le bras de son amant sur son épaule, et la porte qui se referme. Sophie ne peut retenir ses larmes :



D’un coup, elle lui dit tout, la perte du téléphone lors de la soirée bridge, il se souvient du dimanche à le rechercher, l’appel de Jérôme au bureau le lendemain, son invitation, ses SMS, son imprudence, ce déjeuner qu’elle regrette, sa prise de conscience en entendant la porte claquer derrière elle, sa fuite sous la pluie, et depuis le remords, la culpabilité qui la ronge :



Sans essayer de se trouver d’excuses, elle ne cherche même pas à lui mentir. Elle l’a oublié l’espace d’un instant. Oui, elle a perdu la tête, oui elle l’a embrassé, oui elle avait l’intention de coucher avec Jérôme, mais jamais, non, jamais elle n’a voulu le tromper.



Il lui montre une photo. Au restaurant, elle regarde Jérôme dans les yeux, un regard amoureux :



Pour ne plus la voir, elle ferme les yeux, et murmure comme pour elle-même « Comment ai-je pu ? ».


Pierre se lève et sans un regard part en claquant la porte.

Inquiète, elle l’attend, « Ne me quitte pas », « Je t’aime », « Reviens vite ». Il est plus de minuit quand la porte s’ouvre, elle se précipite vers lui :



Les yeux mouillés de larmes, elle tente de l’embrasser. Il la repousse :



Devant son silence, Sophie part en pleurs dans leur chambre. Pierre se dirige vers la chambre d’amis, il se jette sur le lit et s’endort tout habillé.



---oOo---



Les jours passent, nous nous croisons, mais je l’évite.

Le matin, je me lève tôt, j’avale un café rapide et je pars travailler alors qu’elle est encore couchée. Finis nos tête-à-tête au petit déjeuner, finies nos douches ensemble.

Maintenant, si elle est dans la salle de bain, j’attends qu’elle en ressorte pour aller me laver, et je m’enferme à clé. Plus aucune intimité entre nous.


Le soir, elle prépare le repas, comme toujours la table est mise pour deux. Mais je n’y touche pas. Soit je rentre tard ayant déjà mangé un sandwich dehors, soit j’attends dans mon fauteuil, un verre à la main qu’elle aille se coucher pour aller avaler un morceau dans la cuisine. Le lendemain, elle retrouve son plat que je n’ai pas touché.


J’ai du mal à mettre mes idées au clair, je suis un peu perdu. Elle m’a trompé, elle m’a trahi, elle m’a menti. Est-ce que je l’aime encore ? Je ne sais plus, je lui en veux d’avoir saccagé notre bonheur. Se quitter ? Je ne peux l’imaginer, mais vivre comme ça ce n’est pas possible.

Attendons, pas de décisions hâtives.



---oOo---



Ce soir au courrier, au milieu des factures et des prospectus publicitaires, une enveloppe de la société de Sophie, ce doit être son bulletin de salaire. Une idée me vient à l’esprit pour la confondre, lui prouver sa trahison. Cette fois, elle ne pourra plus me raconter de salade.


Elle a dû badger en rentrant dans l’après-midi après avoir baisé avec son amant, je vais bien voir à quelle heure, imparable. Je vais pouvoir lui mettre le nez dans son mensonge. Au diable la confidentialité, j’ouvre l’enveloppe. Son bulletin est normal, voyons la note qui l’accompagne.


Elle respecte toujours les horaires. Juste un jour à midi, elle a eu 10 minutes de retard, pas grave, elle rattrapera facilement, elle a dû aller faire des courses. Pas d’autre retard, c’est étonnant.

Une remarque, il est signalé qu’elle a oublié de badger en sortant un jour à midi. C’est justement le jour où je l’ai surprise avec son amant. C’est un simple avertissement, elle est revenue avant 14 heures, rien à redire.

Moi si, j’ai à redire. Ça ne colle pas. Je ne comprends plus. Je calcule vite, elle est entrée chez son amant après 13 h 30, mes photos en témoignent, elle arrive à son bureau 20 minutes après… son bureau n’est pas loin, à peine le temps du trajet. Mais alors…


Au restaurant, ils se sont embrassés, je les ai vus, je les ai photographiés. Il n’y avait aucun doute sur ses intentions quand elle l’a suivi chez lui, elle me l’a avoué. Mon esprit s’embrouille, elle a donc changé d’avis après… M’aurait-elle dit la vérité ?


Je ne lui ai pas fait confiance. Tout de même, comment aurais-je pu ? Les apparences étaient contre elle. Je l’ai rejetée, insultée, alors qu’elle me criait son amour. Depuis, elle est malheureuse… Un comble, je culpabilise… ma tête bourdonne, je ne sais plus quoi penser.

Je l’entends renifler dans la cuisine, comme tous les soirs quand elle est seule. Lui parler, lui dire que j’ai ouvert son courrier, lui dire… Lui dire que je l’aime.

Arrivé à la porte :



Elle sursaute, ne m’ayant pas entendu venir. Les yeux rougis d’avoir encore pleuré, son regard est vide. J’ai envie de la prendre dans mes bras, envie de la rassurer, de la consoler :