Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/

Bronzons idiots

• — On est bien, là, pas vrai, Clara ?
• — Hmm-hmm.
• — Un coup de bol, que d’avoir trouvé cette location.
• — C’est clair.
• — La piscine, le soleil, les champs de lavande…
• — Le calme, surtout…
• — Voilà, exactement, le calme.
• — …
• — Tu lis quoi ?
• — Fred Vargas. Enfin, j’essaie…
• — Et c’est bien ?
• — Ouaip.
• — Elles sont confortables, ces chaises longues, pas vrai ?
• — Pour un peu, on s’y allongerait presque pour lire.
• — Je te dérange ?
• — Penses-tu…
• — D’accord. Je te laisse te concentrer.
• — C’est gentil.
• — Bisou ?
• — Bisou.
• — …
• — Ce que t’es belle, alors…
• — …
• — Non, mais…
• — Non, mais quoi ?
• — Faut pas qu’il se gêne, surtout…
• — Qui ça ?
• — Le mec, là. Le grand con scandinave. Il te reluque.
• — Mais non, c’est toi qui projettes.
• — Je projette quoi ?
• — Ta propre envie de mater sa nana. T’excuse pas, elle est pas mal et elle a de gros nichons.
• — Un peu trop. Les tiens sont parfaits.
• — Arrête.
• — T’es chiante. T’acceptes jamais un compliment.

(…)

• — Mine de rien, t’as jeté un coup d’œil. La fille t’a souri. Tu crois qu’ils jouent au même jeu, les Vikings ?
• — Elle est vachement blanche, quand même…
• — Elle vient à peine d’arriver, Clara, laisse-lui le temps de bronzer. Tiens, elle retire son soutif.
• — Elle a bien raison, elle a vu que j’avais fait pareil.
• — Pour moi, tu peux carrément laisser tomber le reste.
• — Devant tout le monde ?
• — Tout le monde, tout le monde… Tu vois qui, ici, à part nous et le couple Carlsberg ? Et puis il paraît qu’ils ont les idées larges, ces gens-là.
• — Ça, c’est juste une conclusion un peu hâtive inspirée par ta cinéphilie très sélective.
• — Oooh, ça va, pousse pas, à peine une vieille vidéo vintage qu’on s’est faite un soir par curiosité.
• — Je rectifie. Que TU t’es faite avec gourmandise…
• — Où est le mal ?
• — C’était pas un reproche.
• — Ça t’a pas plu ?
• — Bof. Inga, Britt ou Barbro, quelle que soit la gonzesse, c’était gros bonnets blonds et blonds gros bonnets. Un peu de mal à m’identifier…
• — Moi, ça m’a bien plu.
• — Ça ne m’avait pas échappé. Du coup, profite bien du spectacle. Et remercie-moi de l’avoir encouragée à m’imiter.
• — Elle a surtout repéré que son mec bavait sur tes seins, si tu veux mon avis.
• — Eh bien dans ce cas, échange de bons procédés.
• — Mais je m’en fous, moi, de la grande sirène ! C’est pas ça qui me met l’eau à la bouche…
• — Ah non ? C’est quoi alors ? Ce qu’on mange ce soir ? Fais gaffe, Léo, t’es pas loin de prendre du bide…
• — Ça se voit déjà ?
• — Un peu.
• — Bon. Tant pis. Puisque le mal est fait, on mange quoi ce soir, alors ?
• — Recette de ma grand-mère vietnamienne. Épicée, je te préviens.
• — Ça va être chaud brûlant, alors ?
• — C’est ça…
• — …
• — Hé, mais ça va pas ? Qu’est-ce qui te prend ?
• — Juste une impulsion. Une envie de cajoler ton petit rouleau de printemps. Je n’insiste pas. Au fait, c’est d’elle que tu tiens ça ?
• — Quoi donc ?
• — Ton adorable petite jungle, toute lisse et toute sombre.
• — Elle a épousé un Arménien. Mon autre grand-mère est napolitaine, mon grand-père corse. Ça ne risquait pas de me faire hériter d’une chatte de blonde.
• — Dieu merci ! La tienne est mon temple, soyeux et parfumé. Pour un peu, ça me rendrait la foi…
• — Prière de consulter les horaires du culte. Circulez, y’a rien à peloter.
• — Même pas un index audacieux ?
• — Surtout pas. Si tu ne dégages pas fissa les pattes, tu risques surtout de me découvrir des antécédents viet-cong.
• — Comme tu veux. Chapitre clos.
• — Si seulement tu m’en laisses l’occasion.

(…)

• — Ça y est, tu l’as terminé, le chapitre ?
• — Comme tu vois.
• — Et ça te plaît toujours ?
• — Toujours. Ils te plaisent aussi ?
• — Quoi ?
• — Ses seins.
• — Pas trop.
• — Ils sont pas mal, pourtant.
• — Bof. Un petit souci de proportions. Gros volume, et minuscules aréoles roses.
• — J’oubliais que je m’adressais à un expert.
• — Quoi, t’es pas d’accord ?
• — Peut-être, oui.
• — Je préfère des rosaces un peu plus larges et sombres.
• — C’est sincère ?
• — T’as jamais remarqué ?
• — Un peu, si.
• — Ça te fait pas plaisir ?
• — Un peu aussi.
• — Quel enthousiasme ! Et puis en fait, j’aime pas tellement les gros nibards.
• — Qu’est-ce qui te branchait tellement, alors, dans « Suédoises chaudes au sauna » ?
• — Si je te le dis, tu vas pas te moquer ?
• — Je ne promets rien. Essaie toujours.
• — Les tresses. J’adore les filles avec des tresses.
• — …
• — Ça y est, tu te marres. Tu te fous de ma gueule. J’en étais sûr…
• — Mais non, c’est tout mignon, ton fantasme, mon Léo. Si j’avais su…
• — T’avais jamais remarqué non plus ?
• — En fait si, un peu quand même, là aussi.
• — Et le mec, il te branche pas ?
• — Ah non, ça va pas recommencer !
• — Quoi donc ?
• — Me dis pas que tu échafaudes déjà un plan « fraternisons avec nos amis suédois qui ont les idées larges. »
• — Non, non, je t’assure, juste pour savoir.
• — Il a une bonne bouille, il a plutôt l’air sympa. Pas très cérébral, mais cordial.
• — Tu l’aurais rencontré, comme ça, ici, en célibataire, est-ce que tu…
• — C’est quoi, ça, pour une question à la con ? Non !
• — Non ?
• — Non. Déjà, j’aime pas les tatouages.
• — Ça se fait rare, un mec qui n’en a pas.
• — Voilà, ce fut peut-être ça, ta chance, Léo. Un simple « I love maman » sur le biceps, et tu te prenais un râteau…
• — C’est moche pour Knut. S’il savait, le pauvre garçon…
• — Mais il se fout de ma pomme comme de sa première armoire IKEA, le Nordique !
• — C’est sûrement pour ça qu’il te reluque sans arrêt…
• — T’es con.

(…)

• — Bon, t’as pas tort, c’est vrai qu’il me reluque.
• — Ah ah ! Qu’est-ce que je te disais !
• — Je t’accorde le point.
• — Et ça te fait quoi ?
• — Ni chaud ni froid.
• — Arrête… Je suis sûr que ça t’excite.
• — Prends pas tes désirs pour des réalités, Léo.
• — Hein ? C’est lui qui mate et c’est moi qui me prends la baffe ?
• — Si ça te dérange tellement, t’as qu’à aller le lui dire, à Monsieur Muscle…
• — Il doit faire pas loin de deux mètres. Mon courage me dit que ça ne me dérange pas à ce point-là.
• — Ben voyons.
• — « Ben voyons ? » Fais pas ta Zemmour. Surtout si c’est pour éviter de répondre.
• — Ça ne m’excite pas, c’est toi que ça excite, Léo. Je me trompe ?
• — Bon, je te l’accorde. Tout juste un peu, alors…
• — C’est dingue, tout de même, ces tatouages, il en est couvert de la tête aux pieds…
• — Je ne m’occupe plus de cet individu, mademoiselle. Après, on me fait des procès d’intention.
• — Tu crois qu’il est allé jusqu’à se faire tatouer la bite ?
• — À ton tour d’aller lui poser la question, Clara. Si ça se trouve, il ne demande qu’à te faire visiter, en toute simplicité.
• — Salut ! Vu que vous avez les idées larges, auriez-vous l’obligeance de me montrer votre zguègue ? Juste le temps d’un selfie…
• — Tu vois que l’idée fait son chemin ! C’est toujours la curiosité qui perd la chatte, disent les Amerloques.
• — Si tout est proportionnel, j’ose même pas y penser.
• — Autrement dit, tu ne penses qu’à ça. Avoue…
• — Bon, tout juste un peu aussi, alors, c’est vrai. Pour faire avancer la science.
• — Et tu irais jusqu’à mener l’expérience ?
• — Bah… qui sait ? Il doit avoir des qualités, ce garçon…
• — Il n’a en tout cas pas les yeux dans les poches. Tu veux dire qu’il a bon goût ?
• — C’est surtout qu’il est taiseux, lui. Parfois, ça a du bon. Regarde, sa nana arrive presque à la fin de son bouquin.
• — OK. Reçu cinq sur cinq…

(…)

• — Ah merde, j’avais pas capté…
• — Hmmm ?
• — Ingrid…
• — Quoi, Ingrid ?
• — À défaut de tatouage, elle a un piercing au téton droit.
• — Et ça lui va bien ?
• — Bah… Ça lui donne un petit genre…
• — Ça te ferait plaisir d’avoir le même à la maison ? Ça et les tresses ?
• — Non, de grâce, touche à rien.
• — Même pas me faire greffer un gros bonnet, comme la Suédoise ?
• — Tu crois qu’ils sont fake ?
• — Non, je suis de mauvaise foi, c’est du naturel, ça se voit.
• — C’est vrai qu’elle est bien roulée alors.
• — Donc, j’en déduis que tu voudrais que je m’offre un upgrade du hardware ?
• — Mais t’as tout ce qu’il faut et même juste ce qu’il faut ! Les seins, c’est comme les grands crus…
• — Je m’attends à tout…
• — On savoure d’autant mieux qu’il y a comme un léger goût de trop peu. De toute façon, si tu fais ça, je te plaque. Horreur du silicone.
• — Ça sent le vécu.
• — Pour ne rien te cacher.
• — Je ne tiens pas à savoir.
• — Jalouse ?
• — Rétrospectivement ? Quelle idée…
• — D’ailleurs toi, tu ne m’as jamais rien lâché, ou presque.
• — À quoi bon ?
• — J’aimerais quand même bien savoir.
• — Savoir quoi ? Combien ? Non. Pas question.
• — C’est à ce point-là ?
• — Mais non, abruti, c’est pas marqué nymphomane sur mon front ! Figure-toi que je n’ai pas religieusement attendu de te rencontrer pour que tu fasses de moi une fâââme, mon loulou, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué.
• — OK, OK. Je ne t’embête plus.

(…)

• — Clara ?
• — Quoi, Léo ?
• — T’as connu des garçons qui en avaient une vraiment grosse ?
• — Et voilà, ça y est…
• — C’est pas une réponse.
• — Joker.
• — À ce point-là aussi ?
• — …
• — …
• — …
• — T’es chiant. La réponse est oui.
• — Et alors ?
• — Et alors rien.
• — C’était comment ?

Soupir…

• — Je l’ai plaqué après trois semaines, si tu veux tout savoir.
• — À cause de ça ?
• — Mais, bon Dieu, c’est pas possible, ça te rend encore plus con, les vacances !
• — Juste un peu curieux. Ça te plairait que je me la fasse supersizer, comme ils me le proposent sur le web ?
• — Qu’est-ce que tu y regardes la nuit, quand je dors, pour te faire spammer ensuite avec des conneries pareilles ?
• — Joker.
• — OK. On est quittes.

(…)

• — Clara ?
• — Oh putain, Léo… Quoi encore ?
• — Sans rire, toujours histoire de faire progresser la science, tu coucherais avec un type comme lui ?
• — …
• — Tu ne dis rien ?
• — Si je te réponds, tu me laisses vraiment bouquiner à l’aise, ensuite ?
• — Promis.
• — Et pourquoi pas ?
• — Malgré les tatouages ?
• — Au moins, ça te fait de la lecture si tu t’emmerdes au lit. Y’a plus que là qu’on peut lire tranquille.
• — T’es sérieuse, là, Clara ? Tu envisagerais vraiment de…
• — Mais bien sûr, mon lapin, s’il ne suffit que de ça pour te faire plaisir…
• — Je suis limite choqué, là…
• — Un peu à la limite de l’érection aussi, on dirait bien.
• — Non, ça n’a rien à voir.
• — D’accord, c’est juste un hommage aux lolos et aux tresses d’Ingrid, désolée de la méprise. Moi qui croyais te faire plaisir en m’inclinant généreusement devant la concrétisation de ton fantasme… Regarder ta gonzesse se faire baiser par un tiers. Et de préférence pas par une demi-portion.
• — Mais ce n’est qu’un fantasme, Clara, juste un fantasme !
• — Ah, OK, tu me rassures. Tant mieux. Dans ce cas, n’en parlons plus.
• — …
• — Tiens, Léo, passe-moi la crème solaire, s’il te plaît. Merci.
• — …
• — Qu’est-ce qu’il y a ?
• — T’es vraiment obligée de te masser les seins comme ça pour faire pénétrer ? Le type a le calbute qui crie mayday, bientôt il va faire craquer les coutures.
• — Et alors ? Je croyais que ça te plaisait « tout juste un peu ». Ça te choque, à présent ?
• — Évidemment ! C’est intolérable, insupportable, je… Oh, et puis merde ! Clara, ne m’en veux pas, mais… C’est vrai, ça m’excite à mort…
• — Oh, ben alors, faut pas te mettre dans des états pareils, mon petit cœur ! Si un fantasme n’est plus juste un fantasme, si tu vises le match amical, tirons les penalties tout de suite, le timing est parfait ! Si le monsieur est d’accord, et c’est vrai que tout à coup il a l’air plutôt bien disposé, je me mets bien volontiers au service de tes petites fantaisies inavouées…
• — Tu… tu… vraiment ?
• — Mais bien évidemment, Léo ! C’est important dans un couple de communiquer, de ne rien se cacher, tu ne trouves pas ?
• — B… bien… bien sûr !
• — Il n’y a rien de honteux à oser vivre ses fantasmes. C’était écrit noir sur blanc dans le dernier Cosmo.
• — Une saine lecture… Rappelle-moi de t’abonner.
• — Il faut dédramatiser, déculpabiliser…
• — Tu es la sagesse même, Clara. De prime abord, l’idée me répugnait, mais puisque tu insistes…
• — Et puis c’est à charge de revanche, bien entendu.
• — Comment ça ?
• — Eh bien oui, là tout de suite, je vais te faire plaisir en m’occupant du drakkar de Monsieur. Et toi, en échange, tu vas me promettre de concrétiser bientôt mon petit fantasme à moi.
• — C’est la moindre des choses.
• — Promis ?
• — Tout ce que tu veux. Je le jure !
• — Merci, mon ange ! Ce que je suis émue…
• — Et moi, alors ! Je ne savais pas que t’avais tes propres petits fantasmes bien cachés.
• — Eh bien tu vois, comme quoi on peut se tromper…
• — Tu ne m’en as jamais parlé.
• — C’était vraiment trop cochon.
• — Mais encore ?
• — Eh bien, c’est un peu comme toi. Un plan candau. Moi, je regarde, toi, tu participes.
• — Avec Ingrid ? Si ça peut te faire plaisir…
• — Ah non, j’avais pensé à bien mieux pour toi. Les arts, le sport, la politique…
• — Un indice ?
• — Mieux que ça. Trois. Régine. Pierre Ménès. Gérard Larcher.
• — …
• — Marché conclu ?
• — …
• — Une fois, deux fois, trois fois…
• — Ça mérite malgré tout mûre réflexion…
• — Alors, réfléchis vite : notre nouvel ami nous fait des petits signes. J’ai l’impression qu’il veut nous offrir un drink.
• — Bon, ben, ce sera pour une autre fois. J’ai faim, Clara. Et puis le soleil commence à taper dur. Tu ne lirais pas plutôt dans la chambre ?