n° 20763 | Fiche technique | 49269 caractères | 49269 8456 Temps de lecture estimé : 34 mn |
07/02/22 |
Résumé: 14-18, 39-45 : Deux générations de français mais un même amour du drapeau et de la liberté... Alors, quand la situation se gâte et que l’on ne dispose pas de fusils et de grenades, l’on peut avoir recours à des armes un peu moins conventionnelles. | ||||
Critères: #historique fh ff ffh uniforme collection cérébral voir noculotte lingerie pénétratio sandwich | ||||
Auteur : Someone Else (Pour le Concours !) Envoi mini-message |
Concours : C'est la première et la dernière fois |
Chroniques du temps passé.
Cette ritournelle, cela fait des années qu’on l’entend dans le village, même si personne n’a jamais rencontré ni même entendu parler du dénommé Gustave qui, d’après ce qui se dit, vivait seul et quasiment en autarcie dans une petite ferme isolée en limite de la forêt domaniale. Parce que la réalité, elle, est très légèrement différente ! Mais plutôt qu’une longue explication, remontons quelques années en arrière.
Ça, pour ne pas l’arranger, cela ne l’arrange pas du tout ! Et pourtant, jusque-là et suivant les bons conseils d’une tenancière de bordel, elle avait toujours réussi à passer au travers ! L’ivresse de la victoire qui vous fait oublier quelques précautions ? Peut-être… Quoi qu’il en soit, la guerre de 14 a beau n’être finie que depuis un bon mois et alors que l’on pourrait penser que les gens ont d’autres chats à fouetter, il n’en demeure pas moins qu’être fille-mère en ces temps reculés est loin d’être une mince affaire… Dans sa tête, Louisette examine toutes les solutions qu’elle a devant elle : se barrer loin de ce patelin et prétendre que son mari est mort au champ d’honneur. Ou épouser l’un de ces malheureux invalides qui, par centaines, reviennent du front et qui ne poseront pas de questions. Ou encore avoir recours à une faiseuse d’anges, mais elle sait d’une part qu’un avortement avec une aiguille à tricoter est extrêmement dangereux, sans compter qu’il peut aussi s’agir d’un piège et qu’elle finirait en prison tandis que le gamin à venir sera placé dans une institution qui lui ferait payer très cher un crime dont il n’est pas coupable. Bref, comme on le dirait de nos jours, pour Louisette, c’est la merde.
Mais il faut croire que Louisette, malgré tout, est née sous une bonne étoile, et celle-ci s’appelle le Docteur Perrin… Quelques mois plus tard, alors qu’il est en train de déjeuner chez son ami Pierre, qui est accessoirement le médecin qui a annoncé sa grossesse à notre héroïne, il la voit passer dans la rue.
Dès les toutes premières semaines de la guerre, alors qu’elle n’avait que dix-huit ans, Louisette s’est soudain mise quasiment tous les quinze jours à aller rendre visite, quelque part derrière le front, à un obscur fiancé que personne ne connaissait. En fait, un hurluberlu qui aurait eu l’idée saugrenue de la suivre aurait sûrement remarqué que quelque chose clochait dans cette histoire : en effet, on l’a vue, dans l’ordre et dans le désordre, à Bruges, à Arras, à Doullens, à Reims, sur la Marne, à Albert… Et, bien entendu, plusieurs fois à Verdun. Or, en dehors précisément de Verdun où personne ne reste plus de trois semaines, généralement, quand un soldat est affecté sur une position, il y reste !
Mais pour Louisette, le principe est simple : quand on est un homme en 1914, on part se faire trouer la peau pour défendre la patrie… Et quand on est une femme et que l’on habite en ville, l’on conduit des bus, des métros, des tramways, on fabrique des obus ou des canons quand on ne coud pas des tenues qui ne vont pas tarder à devenir bleu horizon. Mais quand, comme elle, l’on est à la campagne et que l’on a le cœur – et tout le reste, en fait – profondément tricolore, que fait-on ? Rien, ou presque… Ce qui lui est proprement insupportable.
Parallèlement, l’état-major français, dans son éternelle lucidité, accorde généreusement des permissions de 48 heures à ses troufions avant de les renvoyer au casse-pipe. Dès lors, va retourner chez toi lorsque tu es à Péronne et que tu habites à Toulouse ou à Grenoble… Alors, bien sûr, les hommes restent sur place où, comme par hasard, ils sont à la recherche d’un peu de compagnie féminine. Et c’est là que cela se gâte : il y a bien sûr les bordels militaires, mais il faut accepter d’être « le suivant de celui qu’on suivait » comme le chantera Brel des années plus tard. Ensuite, il y a les bons vieux claques, mais il faut de l’argent et bien souvent la maigre solde est envoyée à la vieille mère ou aux sœurs qui s’efforcent de survivre, là-bas, au pays, avec bien peu de moyens. Après, il a y aussi quelques femmes qui acceptent de dîner avec vous, vous font la causette une heure ou deux avant de vous abandonner en vous ayant laissé, dans le meilleur des cas, les embrasser sur la joue.
Louisette, elle, n’appartient à aucune d’entre elles : elle prend le train à ses frais, partage le coup de pinard et le bout de pain au pâté des soldats qui montent au front et qui ont de moins en moins le cœur léger au fur et à mesure que la guerre s’éternise, et une fois sur place, la demoiselle change de registre.
Des pauvres mecs, esseulés ou avec quelques copains d’infortune, il y en a des tas qui traînent à l’arrière du front. Alors, elle va à leur rencontre et, selon l’accueil qui lui est fait, elle leur propose de partager un repas… Et plus si affinités. Des affinités, il y en aura des tas, à tel point qu’à la fin, il ne sera même plus question pour elle de passer à table mais directement à la casserole !
Des partenaires, elle va en avoir des dizaines : des qui lui feront l’amour tendrement, au fond d’un lit bien tenu dans un hôtel bien propre. Par exemple, elle se souviendra longtemps de cet inconnu du Gers qui lui a fait connaître le premier orgasme de sa vie… C’était également la première fois qu’elle avait eu droit à une petite séance de broute-minou qui l’avait sérieusement échauffée si bien que lorsque que l’homme s’était introduit en elle, elle avait cru défaillir ! C’était donc ça, la fameuse petite mort ?
Des amants, elle en avait eu quelques-un auparavant mais des comme lui, jamais ! Mais elle se souvient aussi de ces deux types qui l’avaient prise, à la sauvette, sur un matelas qui était sûrement déjà en piteux état avant qu’un obus éventre la maison dans laquelle il se trouvait. L’endroit sentait la mort et chaque coup de reins faisait trembler l’édifice, à tel point qu’elle se demandait à quel moment ils allaient passer au travers du plancher… À sa grande surprise, cela ne l’avait pas empêchée de jouir par deux fois, pour le plus grand bonheur de ses lascars mais aussi pour le sien.
Mais d’autres fois, le seul plaisir qu’elle avait eu était d’en avoir procuré à celui à qui elle s’était offerte, comme cette fois dans la carcasse d’un taxi de la Marne qui avait probablement sauté sur une mine ou, soigneusement enveloppée dans un manteau de fourrure trouvé dans les décombres d’un bistrot, à l’arrière d’un camion chargé de munitions et en panne dans le froid et la neige, quelque part sur la Voie Sacrée alors que les aviateurs allemands les avaient pris pour cible.
Et comme elle estime qu’il n’y a aucune différence entre tous ces hommes de toutes couleurs et de toutes nationalités puisqu’ils viennent tous au secours de la France, elle va tous les accueillir entre ses bras : anglais au bois Deville (2), australiens à Villers-Bretonneux, Néo-zélandais ailleurs, africains ou maghrébins venus de l’empire colonial français… Elle se souviendra longtemps de ces trois américains avec qui elle avait passé la nuit qui l’avaient si bien fait grimper aux rideaux, que ce soit l’un après l’autre ou les trois en même temps…
Mais, son grand truc à elle, c’était de trouver l’un de ces garçons pour qui elle serait à tout jamais la première, en espérant qu’il ne finisse pas le lendemain fauché par une mitrailleuse ou éparpillé façon puzzle par un obus dans sa tranchée, ce qui signifierait qu’elle serait également la dernière. Avec le temps, elle avait appris à gérer ces jeunes puceaux qui vous expédient la purée dès que vous les effleurez du bout de vos doigts… Aucun d’eux ne s’en est jamais tiré comme cela, quitte à ce qu’elle utilise des trésors d’ingéniosité pour les remettre de nouveau au garde-à-vous.
Pour le docteur Pierre Derain, c’est devenu une évidence : il faut sauver la soldate Louisette. Alors, dès la fin d’après-midi, il file voir son ami Maurice, le maire du patelin à qui il raconte toute l’affaire, qui décide lui-même de se rendre à l’église rencontrer le père Gilbert. D’habitude, ces deux-là ne sont d’accord sur rien, mais pour une fois, le courant passe : tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont combattu pour la nation méritent que l’on s’attarde sur leur sort, quitte à prendre quelques libertés avec les institutions.
La semaine suivante, les trois hommes sont à proximité de Verdun, où se serait mariée Louisette avec le fameux Gustave Durand, un type inconnu choisi un peu au hasard mais qui aurait habité dans le patelin d’à côté. Manque de chance, l’union se serait faite lors d’une courte permission, entre deux assauts, dans la mairie de l’un de ces villages tombés pour la France, d’où des certificats de mariage introuvables.
L’officier d’état-civil sourit : pour une fois qu’il n’a pas affaire à des veuves, souvent accompagnées de leurs jeunes enfants, parties à la recherche de leur cher disparu et qu’il ne peut malheureusement pas renseigner… Alors, même si tout cela a le parfum du bizarre, qu’est-ce que cela peut bien faire ? Si cela peut rendre service à quelqu’un, il en a vu tellement d’autres !
Le curé, de son côté, avait prévu de faire le tour des paroisses environnantes mais il n’en a pas besoin, la première est la bonne, et pour cause : le prêtre qui y officie a déjà croisé Louisette.
Homme d’église ou pas, quatre ans à fréquenter la légion étrangère, cela finit par laisser des traces.
Le père Gilbert sourit.
En fait et pour la petite histoire, l’évêque, qui fut tout d’abord aumônier, n’a jamais quitté les tranchées et ses ouailles même lorsque l’enfer s’ouvrait sous leurs pieds, ce qui lui a valu accessoirement d’avoir une jambe coupée au-dessus du genou. Mais, pour avoir plusieurs fois donné l’extrême-onction à des soldats qui le lui demandaient alors qu’ils étaient juifs ou musulmans, il sait qu’il est quelquefois bon de mettre ses grands principes dans sa poche, que la nécessité fait parfois loi et que les gens de bien ne sont pas toujours conformes à l’image qu’on s’en fait. Bref, il comprendra.
Quinze jours plus tard, tout est réglé : le maire s’est adressé à ses administrés, le curé en a parlé dans son homélie, Louisette vient de rejoindre le cortège de ces milliers de veuves qui hantent cette France de l’après-guerre de 14 et que l’on accueille désormais les bras ouverts. Quelques mois plus tard, ce n’est pas un enfant qui viendra au monde, mais deux : un petit garçon brun que l’on appellera Titouan – et presque aussitôt Titi – et une petite blonde, Suzanne. Comment ça, le peu qui pensent avoir connu Gustave, leur père officiel, se souviennent de lui comme d’un grand rouquin ? Non mais franchement, vous croyez que l’heure est à s’occuper de détails pareils ?
Vingt ans se sont écoulés… Et les deux jumeaux ont grandi, bien évidement. Suzanne est devenue une jolie blonde dont le sourire affole tous ceux qui l’approchent : par bonheur pour eux, et sans doute parce que sa mère lui a appris les choses de la vie, elle n’est pas vraiment farouche. Enfin, pas toujours et pas avec n’importe qui, dirons-nous.
Elle n’a pas eu le temps de terminer ses études d’infirmière, les gaz que sa mère avait respiré du côté de Ypres – alors qu’elle était toujours restée à des kilomètres du front – ayant fini par avoir raison de sa santé qui fut autrefois si solide. Mais peu importe, elle officie comme sage-femme à ses moments perdus et prodigue des soins aux patients du fils du docteur Pierre, comme par exemple le vieil Albert.
Malgré ses soixante ans bien tassés, notre homme, qui est resté accessoirement très vert, croule sous le pognon que lui rapporte son immense exploitation située à la sortie du village. Malheureusement, à partir du moment où ses deux fils sont tombés au champ d’honneur, le fric, il n’en a plus rien à secouer… Et comme cela fait déjà plusieurs fois que Suzanne a accepté de le suivre dans la grange où, pour parler simplement, il lui a collé des tournées d’anthologie à tel point que la demoiselle s’en est souvent retrouvée sans voix, il s’est offert spontanément de lui financer une partie du magasin de lingerie-bonneterie dont elle rêve depuis longtemps.
Et puis il y a aussi les deux fils du notaire… Officiers tous les deux et contrairement à des millions d’autres soldats de tous grades, ils ne sont pas revenus à moitié estropiés. Mais cela ne les empêche pas pour autant de régulièrement se réveiller en pleine nuit et en hurlant. Ils savent que ce mal, que l’on appelle parfois « obusite » dans ses formes les plus sévères, risque à tout moment de leur faire perdre la raison… Est-ce pour cela qu’ils traînent aussi souvent avec Suzanne ? Sans doute, d’autant qu’elle ne rechigne jamais à les accueillir tous les deux dans une position que l’on appellera sandwich des décennies plus tard, et où elle ne cesse de crier au fil des coups de boutoir que les deux frangins lui assènent tantôt par la grande porte, tantôt par l’entrée des artistes… Là encore, elle n’a rien demandé, mais elle a quand même reçu une solide enveloppe de la part de leur père et cet argent participera également à la réalisation de son projet.
Et des jeunes hommes, direz-vous ? Eh bien, le problème, c’est que dans ce village, il n’y en a pas tellement… Enfin, pour être honnête, beaucoup moins que de jeunes filles, un bon nombre de ceux qui devraient être là ayant élu domicile sous des alignements de croix disséminés un peu partout, surtout le long des anciennes lignes de front. Sans compter qu’il n’est pas rare que ceux qui ont survécu tentent d’oublier les horreurs du passé en les noyant régulièrement dans l’alcool, et n’ont donc pas vraiment le cœur à la gaudriole.
Et c’est donc là qu’intervient l’ineffable Titi… Depuis qu’il est tout gamin, notre gaillard a su se faire apprécier de l’ensemble de la gent féminine de tous âges en leur rendant une infinité de petits services. Les plombs de l’officine de la pharmacie ont sauté ? Titi se pointe avec sa bonne humeur, son escabeau, sa caisse à outils et dix minutes plus tard, le courant est rétabli. La roue du vélo d’Angèle est crevée ? Il a tôt fait de la réparer tout en lui apprenant à le faire elle-même. Une vitre cassée ? Même motif, même punition, d’autant que le vitrier a également perdu son fils et qu’il n’a plus la force de trimbaler sa chaise roulante aux quatre coins du village. La pompe à eau de la mère Tapedur ne fonctionne plus ? Un coup de clé à molette et la voilà pourvue d’un nouveau joint. La boulangère a besoin de quelqu’un pour lui faire ses tournées ? Il remplace l’apprenti parti tenter sa chance à la ville…
Seulement, parlons-en, de la boulangère et accessoirement de ses belles miches : avec un mari qui se lève aux aurores et se couche comme les poules, cette dernière s’ennuie quelque peu… Et les branlettes avec les divers ustensiles de la pâtisserie, cela va bien un moment ! Un beau jour, elle n’y tient plus : elle coince son livreur dans la remise où sont stockés les sacs de farine, se précipite sur son froc avant de le sucer goulûment mais, sans doute à cause de sa relative inexpérience, elle dépasse très vite le point de non-retour malgré tous les efforts de Titi pour prévenir l’arrivée de la cavalerie, si bien que notre héros a tôt fait de se répandre dans sa bouche… Surprise, elle n’a d’autre choix que d’avaler la livraison de son livreur, qui se trouve plutôt avoir bon goût.
Elle peste intérieurement de son manque de résistance mais, lorsqu’elle constate que l’engin est toujours aussi raide, elle retrouve le sourire. Elle retrousse sa jupe, jette bien vite sa culotte de coton blanc qu’elle ne retrouvera pas et, l’instant d’après, le membre de Titi se retrouve bien au chaud dans une caverne qui, à en juger par son étroitesse, n’a certainement jamais eu beaucoup de visites.
Pourtant, cela fait cinq ans qu’elle est mariée ! Mais l’heure n’est pas à se poser des questions et, en quelques minutes à peine de vigoureux coups de reins, le garçon parvient à emmener sa patronne exactement où elle le voulait, à savoir quelque part entre la Terre et la Lune. Et lui, et lui… Eh bien, il s’est retiré au tout dernier moment, et une longue traînée de foutre dégouline désormais sur le bas de sa partenaire, qui ne peut s’empêcher de remarquer que, malgré ce qui vient de se passer, le mandrin de Titi est toujours aussi inflexible que la justice…
Et vlan, c’est reparti pour un tour ! Cette fois, la boulangère se retrouve prise en levrette, le nez entre les sacs de farine tandis que Titi, les mains crochées sur ses hanches, lui laboure consciencieusement la boite à ouvrage… Mais il n’en demeure pas moins que sa jouissance à elle semble tarder à pointer le bout de son nez. Qu’à cela ne tienne : même si personne ne sait d’où il tient cette technique, celle-ci est terriblement efficace et a déjà fait ses preuves… Tout en continuant de lui administrer ses monstrueux coups de pilon, il vient de lui glisser deux doigts sur son bitoniau d’amour et alors là, c’est l’apothéose ! En l’espace d’un quart d’heure, sa patronne vient de prendre son pied deux fois de suite, ce qui ne lui était sans doute jamais arrivé malgré toutes ces années de mariage !
Quelques minutes plus tard, tandis qu’ils reviennent au fournil en s’efforçant de n’avoir l’air de rien, le boulanger s’étonne que le visage de sa chère épouse soit couvert de farine… S’il était un peu plus observateur, il remarquerait que des cernes viennent subitement de lui pousser sous les yeux et qu’elle a une bien curieuse démarche… Mais c’est une autre histoire.
Que se passe-t-il par la suite ? C’est bien difficile à dire ! La boulangère s’est-elle émue de sa bonne fortune auprès de ses amies ? Toujours est-il que l’on demande à Titi d’aller réparer la lumière du jardin de la famille Belair qui, comme des milliers d’autres, ne compte plus d’hommes depuis les événements que l’on sait et, dans cette grande maison ne vivent plus que la fille, la mère et la grand-mère. Et là, la formidable particularité de Titi fait merveille puisque la première se prend également le premier panard de sa vie sur la margelle du puits, la mère, en l’entendant crier, réclame bien vite sa part du butin lorsqu’elle remarque que le mandrin est toujours opérationnel et, elle aussi se prend un billet pour le septième ciel. Et comme il paraît que l’on dit jamais deux sans trois, c’est au tour de la toujours jeune grand-mère de se prendre un tour de manège où elle aimerait bien rattraper les années de disette qui viennent de s’écouler depuis la disparition de son mari, quelque part du côté de Craonne.
Bref, toutes celles qui le désireront auront droit aux faveurs de Titi… La seule qui ne sera jamais satisfaire sera Ginette, la fille de l’épicier et pourtant, ce ne sera pas faute d’avoir essayé ! Pendant des semaines, elle va se débrouiller pour que notre maître queutard la voit nue à la moindre occasion ou lui montrer qu’elle ne porte rien sous sa jupe : rien n’y fera. La cause ? Elle est toute simple : elle n’a que quinze ans… Et même si à l’époque l’on est beaucoup moins regardant qu’aujourd’hui sur un âge légal qui par ailleurs n’existe peut-être même pas, entre ses hanches de garçon, sa minuscule poitrine digne d’une mouflette de dix ans et les trois poils qui se battent en duel sur son mont de venus, elle a vraiment l’air d’une gamine ! De toute façon, il a déjà fort à faire avec sa mère et sa belle-sœur qui, toutes deux, n’aiment rien tant que d’être visitées par l’entrée des artistes sous le prétexte officiel de ne pas risquer d’avoir d’enfants. Mais comme dirait l’autre, mon cul !
Et pendant ce temps, du côté de la bonneterie de sa sœur Suzanne, les affaires vont bon train, à tel point qu’elle vient de s’ouvrir à la confection et à la vente de robes de mariées. Et là, deux écoles cohabitent : les futures épouses qui ont connu Titi ou, plus rarement, un autre homme et qui savent donc ce qui va se passer lors de leur nuit de noces, et il y a celles qui, pour des raisons aussi diverses que variées telle qu’une sombre histoire d’amour ou de virginité, n’ont jamais eu la chance de croiser son chemin. Mais, qu’elles soient expérimentées ou innocentes, elles se donnent toutes rendez-vous dans l’arrière-boutique, et pour cause ! Si la vitrine est le paradis des corsets, dessous de robe et autres culottes de coton à peine moins grandes qu’un drap de lit, l’arrière-cour, elle, est réservée à une lingerie que l’on ne trouve quasiment nulle part ailleurs et qui fait la part belle aux serre-taille, guêpières et autre porte-jarretelles bien plus fins et élégants que ceux qui sont offerts à la clientèle habituelle. Et puis il y a aussi tout un rayon de chemises de nuit toutes plus courtes et froufroutantes les unes que les autres, où le tulle se dispute aux dentelles les plus fines et les transparences au raffinement.
Mais cela, si j’ose dire, ce n’est que le service après-vente… Parce que Suzanne se fait un devoir d’apprendre aux jeunes mariées qui le désirent comment passer la plus belle nuit de noces possible et, surtout, comment s’y prendre par la suite pour que leur bonhomme n’ait pas envie d’aller voir ailleurs. À l’école, on leur apprend la cuisine mais si l’on retient un homme par la gueule, on l’attrape d’abord par la queue !
Cela commence souvent par un petit cours d’anatomie comparée où tout ce petit monde, à commencer par Suzanne, se retrouve le cul à l’air et où son expérience personnelle ainsi que ses études même inachevées d’infirmière font merveille.
Parce que bien sûr, elle joint le geste à la parole assez rarement sur elle-même mais la plupart du temps sur l’une de ses élèves qui, bien souvent, se prend la première extase de sa vie. Là encore, avoir fréquenté certaines écoles lui ont donné l’occasion de perfectionner sa technique des amours saphiques ! Ne reculant jamais devant l’ampleur de la tâche, elle leur apprend également les rudiments du cunnilingus et, plus que tout, l’art et la manière de persuader leur conjoint de leur offrir régulièrement quelques séances de descente à la cave. Là encore, elle sait parfaitement y faire : elle sait qu’aucun homme ne résiste à une pipe bien faite et qu’il sera d’autant plus disposé à vous lécher qu’il a conscience qu’il n’aura par la suite pas affaire à une ingrate… Pour le cours de turlute et pour le reste, elle s’est attachée les services de l’un de ses amis qui, étonnamment, ne rechigne jamais à servir de cobaye à ces demoiselles !
Malheureusement, ce tableau idyllique ne peut pas durer éternellement, ce serait trop beau… Quelques semaines plus tard, Titi ouvre le journal, et il n’en croit alors pas ses yeux : il a vingt ans et la France vient de déclarer la guerre à l’Allemagne… Certes, cela faisait un bail que l’on entendait le bruit des bottes mais, jusqu’au bout, la population avait voulu croire au miracle. Alors, bien sûr, les rares hommes du village en âge de combattre, y compris certains qui avaient déjà connu l’autre guerre, celle qui aurait dû être la der des der, sont mobilisés mais peu importe, la France a la meilleure armée du monde, il y a la ligne Maginot, donc, il n’y a rien à craindre !
Titi, comme tous les autres conscrits, se retrouve face à l’officier recruteur… Qui n’est autre que le fils du bon docteur Perrin, et il reconnaît notre oiseau !
Estimant qu’il n’est jamais bien de vivre trop longtemps dans le mensonge et que le pire pour des enfants serait que la vérité leur revienne un jour en pleine face, elle leur avait révélé la supercherie et qu’elle n’avait notamment aucune idée de qui était leur véritable père… Mais surtout, les raisons pour lesquelles elle s’était ainsi conduite. Et au final, à l’amour des jumeaux pour leur mère s’était adjointe une bonne dose d’admiration.
Toujours est-il que, pour une sombre histoire de soi-disant pieds plats, Titi est reformé… Et là, pour le coup, il se retrouve à être quasiment le seul jeune homme du village ! Bien entendu, il prend encore un peu plus soin de toutes ces pauvres jeunes filles, femmes et autres épouses esseulées qui, pour quelques minutes au moins, oublient subitement tous leurs soucis.
La suite, on la connaît : la drôle de guerre s’est terminée en eau de boudin, les Allemands ont envahi les Pays-Bas et la Belgique et, en l’espace de quelques semaines, la soi-disant meilleure armée du monde s’est retrouvée laminée… Et pourtant, les combats furent bien souvent acharnés comme par exemple à Stonne où les Allemands payèrent très cher leur victoire.
Bref, les Allemands sont là et il va falloir faire avec… Certains hommes sont revenus mais, pour la plupart, ils pensent que le maréchal Pétain, leur héros de Verdun, sera capable de sauver une seconde fois la France. Comment en pourrait-il en être autrement ? Quand Nivelle ne considérait ses troupes que comme de la chair à canon et qu’il envoyait des milliers de braves poilus se faire massacrer sur des positions totalement imprenables, Pétain, lui, affirmait que lui et la France avaient davantage besoin de soldats vivants que de héros morts… Un officier général qui demande à ses troupes d’obéir aux ordres, de se battre mais également de s’efforcer de ne pas mourir inutilement, voilà qui marque les esprits ! (5)
Malheureusement et malgré ce que certains peuvent bien en dire aujourd’hui, notre homme sera beaucoup plus attaché à la destruction de la République qu’à la sauvegarde de la France et sa haine des juifs et, d’une manière générale, de tous ceux qui ne partagent pas ses idées l’amènera à être complice d’un nombre invraisemblable d’atrocités, depuis la rafle du Vel d’Hiv jusqu’au Plateau des Glières. Et ça, Titi et sa sœur en ont comme un pressentiment…
À quelques kilomètres de là, il en est un autre qui ne décolère pas… Il a beau, comme tout bon friqué qui se respecte, ne pas porter le Front Populaire dans son cœur, il reste persuadé que si l’Allemagne a envahi la France, c’est surtout parce qu’on l’a intentionnellement laissée entrer ! Pour lui, une telle incompétence de la part des généraux – qui, comme par hasard, sont quasiment tous issus de milieux profondément hostiles au gouvernement en place – ne peut être que volontaire. Et quand on sait que sa famille, originaire d’Alsace, a préféré venir s’implanter ici en 1872 plutôt que d’accepter de vivre sous le joug allemand, que l’on sait également que chaque jour de pluie lui rappelle l’éclat d’obus qu’il s’est pris dans l’épaule quelque part sur la Meuse et que, vingt ans plus tard, il était chef de char sous les ordres d’un certain colonel de Gaulle du côté d’Abbeville (4) et qu’il revient tout juste de captivité en Allemagne, cela peut se comprendre !
Malgré tout cela, au village, personne n’est vraiment surpris que le comte Charles-Hubert de Frey vienne de choisir la voie de la collaboration, à une époque où cela n’est pas encore un gros mot. Les officiers allemands cherchent un point de chute ? Il leur offre de loger dans son château. Leurs troupes ne savent pas où ils passeront la nuit ? Une bonne partie du parc leur est dédiée et ils auront tout loisir d’y planter leurs tentes et d’y faire ce que bon leur semblera.
Et si cela ne plaît pas à Titi, il n’en demeure pas moins qu’il se retrouve obligé, entre autres, de continuer de livrer le pain au château, d’autant qu’il est devenu le meilleur client de sa patronne… Mais, là-bas, il comprend très vite que quelque chose ne tourne pas rond. Par exemple, il n’est pas rare de surprendre une cuisinière en train de pisser dans le potage qui sera servi quelques heures plus tard aux officiers. Plus fort encore, il semble que le comte soit parfaitement au courant de tout cela et qu’un code ait été établi entre lui et ces mêmes cuisinières pour qu’il ne consomme pas ce délicieux velouté de champignons au fumet à tout jamais inimitable…
De fil en aiguille, il va finir par comprendre que le comte se livre en fait à un formidable numéro de grand écart… Au rez-de-chaussée et dans les étages, l’heure est à la plus veule collaboration franco-allemande et peu importe si le Clos-Vougeot qui est servi aux invités n’est en fait qu’un immonde jaja qui tache à la provenance plus qu’aléatoire et que sa belle couleur pourpre n’est principalement due qu’au fait que les femmes du château s’en servent pour rincer leurs serviettes à une certaine période du mois…
Mais au sous-sol, ce n’est pas tout à fait la même limonade ! Bien sûr, cela ne se fera pas en un jour mais, tout au long de la guerre, tout ce que la région compte de résistants, de communistes, de réfractaires au STO, de juifs et autres aviateurs alliés vont s’y croiser, au nez et à la barbe des Allemands qui n’y verront que du feu. Et pour cause : d’une part, le comte avait demandé à ce que les troupes « ordinaires » ne s’approchent pas du château, il ne s’agissait pas que leurs beuveries puissent troubler la douce quiétude des lieux si chère aux officiers. D’autre part, l’arrière-grand-père du comte, celui qui avait dû abandonner son Alsace natale, ne savait que trop bien que le vent tourne parfois très vite et qu’il suffit parfois de quelques heures pour qu’un paradis se transforme en enfer…
En conséquence de quoi il avait fait secrètement creuser, en plus de quelques passages secrets destinés à s’offrir une porte de sortie en cas de malheur, deux tunnels de plusieurs kilomètres : celui vers le sud-ouest débouche encore aujourd’hui sur d’anciennes carrières de pierre ainsi que sur les restes d’un ancien village de bûcherons perdu au beau milieu de la forêt. Là, une dizaine de familles juives vont parvenir à se planquer jusqu’à la fin de la guerre sans jamais qu’ils ne se soient fait repérer ou dénoncer… L’autre tunnel, quant à lui, mesure également plusieurs kilomètres dans la direction opposée et, après plusieurs bifurcations, s’entrouvre sur une petite dizaine de caves de maisons parfaitement banales et situées au quatre coins du village… Le meilleur étant que certains des habitants de ces bicoques n’apprendront l’existence de ce souterrain que bien plus tard, lorsqu’un Sherman américain passera au travers de la voûte !
Mais avant d’en arriver là, il fallait rassembler un maximum d’informations et là encore, le comte avait une arme secrète : son arrière-grand-mère, qui avait donc suivi son mari dans son exil, était allemande et avait donc appris la langue à ses enfants. Or, c’est assez notoire, le meilleur moyen de combattre un ennemi est de bien le connaître ! Bref, le comte, mais aussi la comtesse et ses deux filles, parlaient parfaitement allemand… Sans jamais que l’occupant ne se doute de quoi que ce soit.
Mais dans ce cas, comment se fait-il qu’ils ne trouvent qu’un couple de bons chrétiens à la place d’une famille juive victime d’une lettre de dénonciation ? Pourquoi est-ce qu’une charrette chargée de grumes dégringole comme par hasard sur les voies quelques instants avant que ne passe un convoi destiné au front de l’est ? Comment se fait-il que lorsqu’un B17 s’écrase au beau milieu de nulle part, l’on ne retrouve jamais les survivants ? Pourtant, s’ils avaient été un peu plus observateurs, ils se seraient rendu compte que quand les gendarmes envoyés sur place partent à trois et qu’ils reviennent à sept, c’est qu’il y a sûrement un os ! D’autant que quatre d’entre eux n’ouvrent pas la bouche et que leurs uniformes ne sont pas tout à fait à leur taille… En plus, lorsque le commandant de gendarmerie vient faire son rapport au château, ces mêmes quatre curieux pandores disparaissent dans les sous-sols de l’édifice…(6)
L’ennemi, lui, commence à en avoir un peu assez des coïncidences et tente alors la technique assez classique des fausses informations, histoire de comprendre d’où pourraient bien provenir les fuites si d’aventure il y en a. Alors, au bistrot, quelques oreilles indiscrètes croient entendre que les forces d’occupation auraient prévu d’être à tel endroit tel jour à telle heure tandis qu’au château ou à la mercerie tenue par Suzanne, l’endroit et l’heure ne sont pas les mêmes même si la date, elle, ne diffère pas. L’astuce est vieille comme le monde : selon l’endroit et l’heure à laquelle les résistants attaqueront − et où ils seront attendus de pied ferme, on s’en doute − l’on saura d’où provient la fuite.
Suzanne s’en émeut auprès de son frère, qui mentionne cette curieuse coïncidence auprès du comte qui, déjà, avait des doutes… Au final personne n’attaquera personne et cette tentative d’intoxication fera chou blanc.
Par contre, pour le comte, il devient évident qu’intégrer Titi et sa sœur aux opérations serait un plus… Et ils se retrouvent bien vite embauchés au château, lui en tant qu’homme à tout faire tandis qu’elle jouera l’amie de la famille qui s’en revient de Pétaouchnok. Et le meilleur, c’est que c’est presque vrai ! Elle a passé une bonne partie de son enfance à jouer avec les deux filles du comte, qui sont bel et bien restées ses amies… Est-ce pour cela qu’elles lui ont enseigné les rudiments de la langue allemande, qu’elle comprend et lit assez bien à défaut de la parler ?
Et des renseignements, elle va en pêcher un maximum, d’autant que contrairement à ses deux amies et, un peu comme sa mère l’avait fait une vingtaine d’années plus tôt, elle ne va pas hésiter à mettre ses mains dans le cambouis… Lorsque le colonel Müller l’entraîne dans les écuries, elle le suit sans discuter et accepte tout à fait volontiers de se faire tromboner dans le foin en lui donnant l’impression d’y prendre beaucoup de plaisir. Évidemment, lorsque le major Schneider les surprend en pleine action, il se fait violemment rembarrer en lui disant qu’il ferait mieux de s’occuper du réseau machin, qui doit se trouver dans tel patelin ou tel autre… Et, comme par hasard, lorsqu’il se pointera là-bas avec ses troupes, les oiseaux se seront envolés.
Sans doute pour davantage d’équité, Schneider aura quand même droit à quelques-unes de ces pipes d’anthologie dont Suzanne a le secret : elle n’a pas son pareil pour te malaxer les bourses pendant que sa langue s’attarde sur l’arrière du gland et sur le frein. Inutile de résister, elle sait très exactement comment parvenir à ses fins… D’autant que, autre spécificité de notre amie, elle ne perd jamais une goutte de la cargaison et se fait un point d’honneur à tout avaler.
Weiss n’aime rien tant que se glisser derrière elle et, plus ou moins à l’improviste, lui en coller une pétée de derrière les fagots ? Qu’à cela ne tienne, dès qu’il est dans le secteur, elle se retrouve toujours à avoir quelque chose à faire sur la terrasse et la forêt toute entière se souvient encore de ses cris de jouissance lorsque le capitaine la barattait comme un furieux, appuyée contre le garde-corps. Le tout, bien entendu, sous le regard goguenard des officiers qui savent très bien qu’il est inutile de s’énerver, leur tour viendra !
En plus, il y a une éternité que, pendant ses cours du soir à la mercerie, Suzanne apprend aux futures mariées qu’aussi ordinaire et ringard que cela puisse paraître, ne pas porter de culotte reste une valeur sûre quand il s’agit de rendre les hommes complètement dingues… Et c’est ce qui se passe, la perspective d’avoir à leurs côtés une jolie femme toujours parfaitement accessible et ouverte à toute proposition a une fâcheuse tendance à leur faire oublier les plus élémentaires des précautions, du genre replier les cartes où figurent les points névralgiques des forces en présence avant d’expérimenter la brouette portugaise ou l’ascenseur des Alpilles.
De son côté, le comte veille au grain : avec lui, il est hors de question pour la résistance de tendre une embuscade à un convoi militaire et de tirer dans le tas… Certes, l’action est particulièrement gratifiante sur le moment mais nettement moins lorsque des otages sont fusillés sur la place du village. De même, faire sauter un pont pendant la traversée d’un convoi est le meilleur moyen pour que les représailles pleuvent sur la population… Par contre, trafiquer le circuit de freinage d’un transport de troupes pour qu’il s’écrase dans le ravin ou faire en sorte que le vieux pont rendu encore un peu plus branlant depuis quelques semaines ne s’écroule sous le poids d’un camion chargé de munitions est infiniment plus efficace : l’ennemi ne peut accuser personne et le doute subsiste, mais les conséquences sur l’effort de guerre sont les mêmes.
Du coup et puisque le secteur est finalement assez calme, il est question de rapatrier au château les épouses des officiers… Mais, une fois passée l’excitation des premières semaines et sans doute parce que, contrairement à leurs chers maris, elles ne sont pas complètement accros au champagne assaisonné au foutre de taureau ou au cognac parfumé à la pisse de jument, les femmes, elles et pour parler clairement, s’emmerdent !
Et c’est là que la comtesse et Titi vont entrer en scène : ce n’est strictement que par dévouement envers la patrie qu’elle va se débrouiller pour se faire surprendre par quelques-une d’entre elles en train de se faire joyeusement visiter la boite à ouvrage par notre ami, le tout en travers du piano. Est-ce également par esprit de sacrifice qu’elle va se prendre un invraisemblable panard sous ses coups de boutoir ? Bien évidement, comment cela pourrait-il en être autrement ? Est-ce toujours l’amour de la patrie qui va l’amener à se faire remettre le couvert par deux fois et, de nouveau, brailler encore et encore ? Cela va sans dire !
Ce n’est d’ailleurs que pour le bien de la nation que, tout au long du reste de la guerre, elle se fera régulièrement ramoner l’entresol par Titi, y compris en l’absence d’éventuels spectateurs… Mais en attendant, la capacité de notre ami à expédier la comtesse trois fois de suite à des altitudes qui laisseraient rêveur Vernher Von Braun n’est pas passée inaperçue.
Là, par contre et contrairement à sa sœur, dont les performances sont de notoriété publique – tout du moins au château, au village c’est autre chose –, il vaut mieux qu’il reste discret ! Mais ça ne rate pas : le lieutenant Schaeffer doit effectuer des rondes avec ses hommes ? Katharina lui fait savoir que la lampe de sa table de nuit ne fonctionne pas… Il n’empêche qu’au matin, une petite lueur se sera allumée dans ses yeux, Titi lui ayant fait découvrir les plaisirs qu’il y a à se faire vigoureusement labourer l’arrière-train alors que c’est une faveur qu’elle n’avait jamais accordée à son couillon de mari. Les capitaines Schwartz et Kempf ont été appelés à l’état-major en urgence ? Pas de problème, satisfaire deux femmes en même temps n’a jamais posé de problèmes à Titi ! Et si la barrière de la langue devrait être un obstacle, il sait si bien se servir de la sienne dans le compas de leurs jambes que bien avant d’avoir sorti sa queue, les deux femmes en sont déjà à se demander où elles habitent. Et ça continue encore et encore, c’est que le début d’accord d’accord… Heu non, je m’égare !
De plus, notre héros sait être persuasif : pour qu’elles aient droit à un énième coup de queue supplémentaire, il parvient à convaincre les deux femmes de lui offrir une petite séance de gouinerie pas piquée des vers… Résultat, au petit déjeuner du matin, les deux épouses n’auront pas d’explication valable à donner à leurs maris respectifs pour justifier d’avoir des cernes jusqu’aux oreilles en plus d’être totalement aphones. C’est d’ailleurs assez miraculeux que, pendant la nuit, personne ne les ait entendues hurler leur plaisir !
De fait, si d’aventure certains avaient voulu défiler à Paris quelque temps plus tard, ils auraient eu bien du mal à passer sous l’Arc de Triomphe ! Mais au même moment et à des centaines de kilomètres de là, ce n’est bien évidement que par dévouement envers la patrie que quelques prisonniers un peu plus chanceux que d’autres, notamment dans les fermes du Tyrol et d’ailleurs, se retrouveront obligés de faire reluire la Gretchen matin, midi et soir ! Non mais franchement, quelle abnégation, quelle belle preuve de patriotisme !
Les experts actuels sont formels : à partir de 1943 et notamment de Stalingrad, l’Allemagne ne pouvait plus gagner la guerre… Mais il faut croire que quelqu’un avait oublié de les mettre au courant ! Du coup, dans le ciel, c’était un véritable défilé de Forteresses volantes ou de Lancaster, bien souvent accompagnés de leurs escortes de Mustang, Spitfire et autres P38 qui s’en allaient bombarder les industries de l’ennemi mais aussi, malheureusement, pas mal de civils.
Naturellement, l’ennemi en question ne voyait pas cela d’un bon œil… Avec, à la clé, un bon nombre d’aviateurs alliés qu’il fallait dans un premier temps rapatrier, parfois soigner mais, par-dessus tout, évacuer… La méthode de récupération, aussi risquée soit-elle, était assez bien rodée, avec l’aide précieuse de certains gendarmes. Pour les médicaments, là encore c’était relativement simple : il suffisait que Suzanne se balade dans l’un de ces déshabillés dont elle avait le secret en attendant qu’un officier vienne lui en coller une tournée pour que tous les soldats se mettent subitement à regarder ailleurs et permettre à quelques complices d’aller se servir discrètement dans les infirmeries allemandes, généralement assez bien achalandées.
Pour l’évacuation, c’était une autre paire de manches et, c’était encore bien plus risqué ! Il fallait procurer des vêtements civils à ces aviateurs, les faire sortir via les différentes issues du tunnel du village sans se faire repérer de la milice et des collabos, et ensuite les amener jusqu’au fleuve où ils seraient embarqués dans des barques à double fond spécialement construites à cet effet et ensuite… Eh bien, ensuite, ni le comte ni personne ne savait où ils allaient et c’était très bien ainsi : si d’aventure les choses devaient mal tourner, quelqu’un qui ne sait pas ne peut pas parler, même sous la pire des tortures.
Une nuit, ce n’est pas moins d’une douzaine d’aviateurs alliés qui furent récupérés et là, il n’y avait pas à tortiller, il fallait s’en débarrasser le plus vite possible, sauf que… Les Allemands étaient sur les dents, ils avaient déjà du mal à digérer que quelques pilotes leur passent sous le nez, mais une telle palanquée ! Du coup, il devenait impossible d’utiliser les méthodes classiques puisque le village et les environs grouillaient de vert de gris… Partout l’on fouillait, partout l’on interrogeait, et chaque heure qui s’écoulait augmentait le risque que quelqu’un ouvre plus ou moins malencontreusement sa bouche.
C’est là que notre Titi entra en scène : il lui fallut d’abord convaincre Heidi, l’épouse du colonel, d’aller goûter aux plaisirs de l’amour en plein air. Malgré les risques encourus, elle finit par accepter, notre héros ayant, une fois de plus, fait des étincelles pendant la nuit. Lorsqu’elle demanda aux soldats de lui prêter un kubelwagen pour soi-disant aller dans un coin à champignons, ils sourirent… Même s’ils ne se seraient jamais risqué à aller jusqu’à dire que leur colonel avait une belle tête de cocu, il n’en demeure pas moins que la réputation que Titi avait au village était parvenue jusqu’à leurs oreilles !
Cependant, personne n’osa broncher et, de toute façon, il n’était pas question de sortir du domaine et leur commandant en chef était absent… Avec un peu de chance, il n’en saurait jamais rien et si d’aventure l’histoire venait quand même à s’ébruiter, ils auraient beau jeu d’expliquer qu’il est toujours délicat pour un deuxième pompe de s’opposer aux desiderata de l’épouse d’un officier. Il y a en a qui s’étaient retrouvés sur le front de l’est pour moins que ça !
Là-bas, prés de la rivière qui marquait la limite du domaine, ils firent l’amour… Une première fois soigneusement à l’abri des regards, sous la frondaison. Il lui administra sa spécialité, une petite descente à la cave 100 % made in France, avant de la prendre, le plus banalement du monde, dans la position du missionnaire… Ce qui ne l’empêcha pas d’effaroucher tous les hôtes à plumes du voisinage tant son orgasme à elle fut violent. Bien entendu, il s’empressa de remettre le couvert, cette fois-ci en levrette, alors qu’elle était nue… Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce fut sans doute cette fois tous les animaux à poil des environs qui prirent la poudre d’escampette ! Et comme avec Titi, c’était jamais deux sans trois, il la fit couiner une fois encore, cette fois adossée à un arbre pour le plus grand plaisir des deux pécheurs qui, soigneusement planqués de l’autre côté de la rive, n’avaient rien manqué de la représentation. Dans un français hésitant, elle demanda à Titi.
Whah ! L’occasion en or ! Cette fois et puisqu’il fallait embarquer quelques accessoires comme une table et deux chaises, elle demanda à emprunter une fourgonnette, ce qui lui fut naturellement accordé… Et là-bas, toujours tout prés de la rivière, alors que Titi était en train d’initier Heidi aux plaisirs de la sodomie, ce fut une bonne dizaine d’aviateurs alliés qui, après s’être discrètement planqués à l’arrière de la camionnette, traversèrent la rivière avant d’être récupérés par les deux pécheurs de la veille qui les conduiraient jusqu’au fleuve et, avec un peu de chance, vers la liberté.
Quelques mois plus tard, les chars Patton entraient dans le village. Le comte ne fut jamais inquiété, on ne l’accusa jamais de collaboration, le nombre de personnes qui témoignèrent en sa faveur − en particulier les familles juives – le dédouanèrent de tous soupçons. Par contre, il prit à part Suzanne et son frère.
(1) Là où est tombé le frère de mon grand-père. L’on a jamais retrouvé son corps. (retour)
(2) Que les Anglais avaient rebaptisé Devil’s Wood : le bois du démon. (retour)
(3) Petit patelin de l’est de la Somme, où eu lieu les premiers essais sur le terrain d’une arme alors révolutionnaire : les chars. (retour)
(4) Petite ville sans grand intérêt mais qui, va savoir pourquoi, m’est assez chère. (retour)
(5) La perception de l’Histoire dépend aussi des sensibilités des historiens, mais ils semblent tous assez d’accord là-dessus, et cela expliquerait en partie pourquoi une majorité de la population a continué à croire en lui aussi longtemps.(retour)
(6) Sans entrer dans les détails et même si je n’ai heureusement pas connu cette époque, si ce genre de plan ne s’était pas produit dans la vie réelle, vous n’auriez pas l’occasion de lire ces lignes.(retour)