n° 20767 | Fiche technique | 11971 caractères | 11971Temps de lecture estimé : 8 mn | 09/02/22 |
Résumé: Ils s’étaient éloignés. Elle le retrouve. Pour une première fois. | ||||
Critères: fh hagé fagée travail amour caresses init mélo nostalgie | ||||
Auteur : Olaf Envoi mini-message |
Concours : C'est la première et la dernière fois |
5 décembre 2021
Texto de Michèle (bouteille à la mer) : Une bouffée de pensées vers toi. Es-tu encore de ce monde ? Je l’espère… élixir de vie à relire tes lettres. Michèle.
Texto de Xavier (retour sur émotions) : Inch Allah, oui je vis. Mon cœur bat en tout cas. Un peu plus d’ailleurs en lisant ton message. Tu as les lettres et moi les émotions qui en ont accompagné l’écriture. L’essentiel est toujours valable, tu m’es toujours importante, même lointaine. Xavier.
Retexto de Xavier (vérification des constantes) : Et toi ? Vivante, éveillée, surprise, un peu, beaucoup, passionnément ? Une riche intériorité à partager avec une peau délicieuse ?
Texto de Michèle (soulagement) : Ah délice de te savoir vivant. J’avais l’impossible idée de te croire évaporé de mon monde. Tu es très précieux. Ouf. Alors à bientôt.
Texto de Xavier (désirs) : Oui, bientôt, je voudrais. Me laisserais-tu t’approcher ? Te contempler ? Effleurer ton âme, ton cœur, ta main ?
Texto de Michèle (consentement) : Oui, effleurer, mais avec délicatesse.
Texto de Xavier (aveux) : Si j’ai ton consentement pour quelques délicatesses, il sera commencé par ta nuque, longuement. Puis j’irai vers la pointe de ton cœur, de l’extérieur doux et frémissant jusqu’à l’intérieur chaud et palpitant. Puis ce sera le massage de quelques chakras, à ta convenance et suivant tes envies et tes pudeurs. Enfin je poserai une main sur ton visage, dont je crois connaître encore les traits et je m’approcherai de l’endroit secret où naissent les mots qui te raconteront. La nuit sera courte et belle à tes côtés.
ooo000ooo
Toulouse, il y a fort longtemps.
Rétrospectivement, je suis sûr qu’à l’instant où nous nous sommes rencontrés, une fleur étrange et merveilleuse s’était ouverte quelque part, non loin de nous. Qu’un oiseau fou avait chanté quelques couplets inattendus. Qu’une nouvelle conjonction entre deux planètes avait été découverte par une astrologue attentive. Qu’une vague puissante et chaude s’était détachée du Gulf Stream pour venir se répandre sur une plage orpheline entre La Rochelle et Bordeaux.
Dans notre désarroi du moment, nous n’en avons rien su. Et quand bien même aurions-nous repéré ces signes, le cours de nos existences n’en aurait pas changé pour autant. Nous n’étions pas assez disponibles pour percevoir les incompréhensibles liens qui allaient nous attacher indéfiniment l’un à l’autre.
À cette époque de nos vies, le courage et la force nous auraient d’ailleurs manqué pour en accepter les conséquences. À défaut de pouvoir ouvrir assez grands nos bras et nous pénétrer amoureusement l’un l’autre, nous nous sommes condamnés à vivre en pointillé quelques éclats d’une trop sage histoire d’amour.
Elle, parisienne bien née, grande, belle, mince, énigmatique, le verbe imagé, la répartie vive et cinglante, amoureuse d’un époux fantasque, manipulateur et éleveur de chèvres à Perpète-les-Oies, mère d’un enfant en bas-âge.
Moi, ébouriffé, fougueux en dehors, rêveur en dedans, provincial à peine francophone, protégé par de fades certitudes, mal sorti d’un interminable amour impossible.
Les trois mois de stage en hôpital que nous avons passés côte à côte représentent une parenthèse fondamentale dans ma vie amoureuse. Sous des dehors réservés, Michèle était incandescente, magnétique, dans ce perpétuel état d’instabilité qui caractérise certains atomes irradiants.
Les limites qu’elle fixait entre elle et les hommes qui partageaient ses journées la rendaient inaccessible, et donc d’autant plus désirable. Quant à ses nuits, nous les supposions tous voluptueuses, mais entre d’autres bras. Toujours et encore d’autres bras.
Je fus toutefois celui qu’elle laissa approcher le plus près et effleurer son cœur, son âme, son esprit.
Pour que tout soit clair, elle avoua tendrement un certain désir et une infinie tendresse pour le soupirant mal dégrossi que j’étais. Tout en précisant qu’il n’y aurait jamais d’histoires parallèles dans sa vie.
Têtu, j’entrai alors en mode patience, respectueusement à l‘affût d’une ouverture érotique qui ne se présenta jamais.
Les week-ends parisiens que nous organisâmes les mois suivants suffirent à enrichir nos esprits et à partager nos plus intimes pensées. Sans jamais éteindre la flamme amoureuse, la charmante routine de ces retrouvailles me rapprocha d’elle comme d’aucune autre amie.
Entre deux séances de cinéma, nous parcourûmes plusieurs fois la circonférence du globe sur les pavés parisiens. Le sujet du film ou un détail de son histoire provoquait de nouvelles confidences. Révélant de plus en plus intensément l’insatisfaction amoureuse de Michèle, ses désillusions, ses blessures, puis finalement de nombreuses et douloureuses humiliations conjugales.
L’évolution de mes vies amoureuses et intimes ne me laissait pas en reste. Il était finalement assez agréable de rire ensemble de nos déboires plutôt que d’en pleurer.
Au cours de ces pérégrinations, nous passâmes de très tendres moments dans les bras l’un de l’autre, en amis qui toujours finissent la nuit séparément.
Une fois seulement elle me laissa voler quelques caresses sur ses seins. Il n’y eut aucun reproche dans son regard lorsque je rouvris les yeux. Juste une infinie tristesse qui disait à quel point, oui, en d’autres temps, d’autres lieux, d’autres circonstances, peut-être. Mais à l’instant, non, malgré tous les sentiments forts, troublants et sincères qu’elle éprouvait pour moi.
ooo000ooo
Du côté de Toulouse, un à deux ans plus tard.
Une nuit, une seule, nous avons craqué. Dans les pires circonstances. Au retour du mariage d’un ami commun, j’étais accompagné d’une femme bien sous tous rapports, prête à partager ma vie et à fonder une famille correspondant exactement à ce que j’avais décidé d’être. Michèle nous offrit le gîte dans la ferme où son époux élevait ses chèvres et la déconstruisait avec raffinement.
À la fin du repas du soir, laissant nos partenaires respectifs se retirer pour la nuit, Michèle et moi nous sommes retrouvés face à face, assis sur un volcan émotionnel que l’imminence de choix de vie catastrophiques venait de rallumer.
L’intensité de ces retrouvailles fut dévastatrice. Je maudis aujourd’hui encore ce qui nous a retenu de nous jeter l’un sur l’autre, projetant à terre dans une baise fulgurante tout ce qui traînait sur la table de la cuisine.
À défaut de sperme et de mouille, ce sont nos larmes qui ont coulé, inondant les baisers fous dont nous nous étions privés depuis si longtemps.
Debout dans cette cuisine, nous avons alors fait beaucoup plus que l’amour. Nous avons en une fraction de seconde effleuré le sublime de ce qu’une vie commune nous aurait sans doute permis de partager.
Mais quelque chose d’inexorable permit à une force contraire de nous faire revenir à la raison. Une infime pichenette a manqué pour que nous arrivions à partir dans les ténèbres vivre notre passion, et revenir ostensiblement unis au petit matin.
C’est donc finalement un pacte de renoncement définitif que nous avons scellé au milieu de cette nuit.
Le ventre tordu de rage et de frustration, je finis par aller m’allonger dans la couche où m’attendait ma partenaire légitime. Elle me fit bander, me prit en elle et me fit jouir par ces artifices qu’une femme jalouse mais triomphante sait parfois offrir au mâle revenu dans le droit chemin. À aucun instant, je ne cessai de penser à ce que l’époux de Michèle lui faisait sans doute subir dans la chambre voisine.
Elle est tatouée dans mon cœur et dans mon âme depuis cette nuit-là.
Nous ne nous sommes plus revus physiquement, mais nous n’avons cessé de partager de loin en loin, de lettre en lettre, le délitement de nos vies amoureuses respectives. Puis les efforts de reconstruction, suivis de nouveaux délitements, amoureux ou familiaux.
Entre deux, nous nous sommes offerts des sourires, des moments heureux exprimés en phrases tantôt folles, tantôt douces, tendres, gourmandes. Comme nous les aurions partagés si nous nous étions laissés la chance et le bonheur de nous revoir.
ooo000ooo
Du côté de Toulouse, quelques mois après le 5 décembre 2021.
Après l’échange de textos, nous choisissons de nous revoir. La mise en scène que nous avons prévue pour nos retrouvailles ne suffit pas à cacher le trouble et les émotions qui nous étreignent.
Impossible d’occulter à quel point nous sommes à la fois des étrangers l’un pour l’autre, mais aussi et encore des intimes de cœur, d’âme et d’esprit.
Michèle, sans doute aussi affamée de tendresse et de douceur que moi, se laisse approcher, effleurer. Avec délicatesse, puis plus ouvertement.
Comme si le temps risquait de manquer pour tout ce que nous avons à partager. Et qu’enfin désinhibés par cette impudeur qui caractérise un âge assumé, nous osions aller jusqu’au bout de nos désirs les plus fous.
Au cours de la nuit, nos corps se trouvent, se désirent, s’unissent. Nous baignons longuement dans une paisible volupté, finissant par partager un troublant et surprenant orgasme.
Repus, amusés de constater que nos cœurs et nos artères ont résisté au choc amoureux, nous nous endormons main dans la main.
Nous nous réveillons étroitement enlacés. Je caresse les seins, le ventre, les cuisses de Michèle. Elle s’ouvre à nouveau, m’embrasse tendrement, puis fougueusement.
Alors je la prends dans mes bras, je caresse longuement son corps nu, je lui donne tout l’amour que j’ai pour elle, depuis le premier instant.
Elle murmure qu’elle se sent bien, qu’elle m’a toujours profondément aimé, mais qu’elle est maintenant impatiente d’entreprendre ce voyage vers l’inconnu.
Respectueux de ses derniers désirs, fou d’amour pour cette femme incomparable, je lui promets de faire tout ce qu’elle a prévu, exactement comme elle l’a prévu.
Lorsque tout est accompli, allongé contre elle, je la sens se détendre, s’endormir, respirer de plus en plus faiblement, puis fermer les yeux à jamais au moment. Je pose alors mes lèvres sur les siennes et recueille son dernier souffle de vie.
Si la loi du karma n’est pas qu’une illusion, nous ne serons jamais complètement séparés.
En fermant la porte de sa maison, je me retiens de m’effondrer en imaginant les formes sous lesquelles nous pourrions nous retrouver. Quelques phrases d’elle me reviennent et me font sourire. Autant de folles hypothèses pour un futur infini.
Son tatouage est indélébile.