n° 20791 | Fiche technique | 44757 caractères | 44757Temps de lecture estimé : 27 mn | 20/02/22 |
Résumé: « Rien ne sert de courir, il faut finir à point », telle est la devise de PY. Dernier chapitre donc de cette série commencée il y a plus d’un an, et qui a sommeillé gentiment avant que je ne me décide enfin à y mettre le point final. | ||||
Critères: fh | ||||
Auteur : Enzoric Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : PY Chapitre 07 / 07 | FIN de la série |
« Rien ne sert de courir, il faut finir à point, telle est la devise de PY ». Dernier chapitre donc de cette série commencée il y a plus d’un an, et qui a sommeillé gentiment avant que je ne me décide enfin à y mettre le point final.
Résumé de l’épisode précédent : Une rencontre improbable après tant d’années, si attendue et voulue pour elle, et si bouleversante pour lui fait que ces deux incompris se complètent à merveille.
Comment j’ai flippé ! J’crois pas à la réincarnation ou tous ces trucs qui disent que l’âme est immortelle mais j’ai eu la trouille pour l’éternité entière ! Il est grave mon Paille. J’l’avais déjà vu bugger mais jamais comme ça ! Pourtant j’aime bien le faire bugger des fois. Mais là, pas voulu. C’est pas humain d’être comme ça ! Y bougeait plus. Comme mort. Que les yeux qui clignaient. Et encore pas beaucoup. Et vitreux. J’ai cru que j’l’avais tué putain ! Heureusement, il est bien vivant. Vache qu’il est vivant l’cochon ! Du coup, c’est moi qu’il enterre ! J’suis claquée comme jamais. Mais… en bien.
Increvable qu’il est, le Paille. Comme aux 1000 bornes. J’aimais bien y jouer avec les frangins. On rigolait bien. Mais avec lui, ça rigole pas. Vache que c’est bon ! Et long ! Bien plus que quand on jouait. Mais là, on joue pas. Plus. Dommage parce que j’crois qu’j’aurais bien besoin d’faire le plein. Mais dans la vraie vie y’a pas d’citerne. Pas comme aux 1000 bornes.
En même temps, j’peux pas m’plaindre. J’sais pas qui de nous gagne et j’m’en fous. Pourtant j’aime pas perdre d’hab. Pas mauvaise joueuse mais… si quand même un peu… mais pas l’impression de perdre avec lui. Pas de gagner non plus… bizarre ! C’est comme si j’me foutais de tout quand j’suis avec lui. Depuis que j’suis vraiment avec lui. Bizarre mais bon. Trop bon, presque. Alors des fois j’balise. J’me dis c’est pas possible. Que j’rêve. Pis j’le touche. Pis y’m’touche. Et non ! C’est vrai. Et j’le vois bien qu’c’est pas un jeu. Pas un truc sans importance. Qu’il suffit pas de battre les cartes et hop ! la partie recommence !
Même si la partie a commencé y’a un bail j’ai l’impression qu’elle en est qu’à son début. Que le meilleur reste à venir ! Qu’avant on était que des gosses qui se cherchaient et qu’maint’nant on est des grands qui se sont trouvés. Et bien trouvés. J’sais pas c’que l’avenir nous réserve mais pas possible que ça s’arrête en si bon ch’min. Au pire j’triche et j’sors un increvable !
Faut que j’me reprenne en main moi ! J’délire trop grave ! Pas que j’l’ai jamais fait mais quand même là c’est… top delirium. Comme bourrée sans rien boire. Avec la tête qui tourne et tout et tout. Et j’me sens bien… Comment j’plane ! Mais consciente. Tous les effets en mieux, quoi ! N’empêche qu’il m’a foutu une de ces pétoches, le cochon !
Sab quand j’suis passée la voir elle m’a dit que c’est un juste retour des choses. Qu’on était fait l’un pour l’autre. Donc normal qu’on soit ensemble quoi !
J’l’aime bien, Sab. Elle me comprend trop bien. Moins qu’lui mais plus qu’n’importe qui d’autre. On s’ressemble vachement Sab et moi. Enfin pas pour tout non plus. Elle, elle l’a pas encore trouvé l’homme de sa vie. Ça risque pas ! Elle est plus femme que mec. Pour ça qu’au début j’ai cru qu’elle me faisait du gringue. Alors j’ai mis le holà d’entrée. Dès l’entretien d’embauche. Mais non ! Juste charmée qu’elle a répondu en rigolant. L’courant est passé et depuis on s’quitte plus. On s’dit tout. Vraiment tout. Avec les détails et tout et tout. C’est cool d’avoir quelqu’un avec qui parler. Avec Paille on parle pas trop mais comme si y’avait pas besoin. Alors qu’avec Sab c’est comme si on avait besoin. Elle comme moi. P’tête ça la différence entre l’amitié et l’amour !
Elle nous a invités. Elle veut le connaître en vrai. Pas que j’ai honte de lui ou d’elle mais… trop tôt pour lui j’pense. Alors j’lui ai dit. Elle a été déçue mais pas plus. Partie remise qu’elle a dit. Tope là mais chez nous alors. Putain ! c’qu’on a rigolé quand j’ai dit chez nous et pas chez lui ou chez moi ! En même temps à une porte près, on habite ensemble. Pas vraiment mais tout comme. Toute façon on est tout l’temps fourré chez l’un ou l’autre. Qua’d s’est pas l’un dans l’autre ! Comme si on habite ensemble quoi.
Après j’lui ai montré. T’es folle qu’elle m’a dit ! De lui ouais. Liée à lui que j’suis j’ai répondu. Et d’puis longtemps. Presque toujours.
Bon, c’est vrai qu’elle n’a pas tort. Faut être un peu folle pour faire c’que j’ai fait. Mais j’suis comme ça moi. Quand j’aime, j’ai pas d’limite. Et lui c’est pire. J’lavais déjà dans la peau avant, alors, normal quoi ! Pis j’fais jamais rien sur un coup d’tête. Même si des fois ça paraît dingue c’est toujours réfléchi. Faut juste attendre un peu avant qu’ça paye. En tout cas avec lui ça a payé grave. Putain ! la trouille de ma vie qu’il m’a foutu quand il l’a enfin vu ! Pourtant il l’avait d’vant lui d’puis l’début !
Moi j’regrette jamais rien. Quand j’fais un truc, c’est que j’devais l’faire. Point barre. Et si c’était une connerie, j’assume. Et j’regrette pas. Jamais. Pas bon les regrets. Ça te mine plus que ça fait avancer. Par contre, assumer ça c’est bon. Ça fait aller de l’avant plus que stagner. Ou pire reculer. Pour ça que j’l’avais fait y’a longtemps. Donc normal qu’aujourd’hui j’lui ai r’edonné un coup d’neuf. Il était un peu usé mais maint’nant il est top. Brillant. Tout beau quoi ! Comme quand j’étais plus vraiment une gosse mais pas encore c’que j’suis.
J’avais triché. J’avais qu’seize ans mais j’en faisais plus, alors j’ai pu. Maint’nant j’ai passé l’âge de devoir tricher pour faire c’que j’veux. Et tant mieux. Surtout qu’avec lui j’ai pas envie de tricher. Faut jamais tricher en amour. Sinon c’est cuit. L’autre couillon il a essayé et il m’a perdue. Mais lui je sais qu’il triche pas. Pas lui ça. Depuis toujours il est droit.
Un coup que j’l’attendais à la sortie d’son lycée y’a un gars qui lui a pris la tête. Il voulait lui acheter ou lui piquer son devoir pour avoir une bonne note. J’ai cru qu’il allait lui rentrer dedans. Mais il a pas calé le Paille. Pourtant il faisait pas le poids. Mais il lui a t’nu tête. Alors je sais moi que s’il s’abandonne comme ça c’est pas rien ! C’est qu’il m’aime pour c’que j’suis et pas pour c’que j’veux.
Demain, faut que j’retourne au taf et j’ai pas envie. Première fois que ca m’fait ça. Avant l’dimanche soir j’étais contente. Même avant d’être patronne. Pas que j’m’emmerdais. On f’sait des trucs mais… bof quoi. Alors, aller bosser et voir du monde, bah, j’aimais bien. Depuis une semaine, on a rien fait qu’être ensemble et pourtant j’me suis pas emmerdée. Bizarre. Comme si la semaine elle avait passée vitesse grand V.
Il a rien dit mais j’pense qu’il l’a senti. Ce soir au dîner il a pas arrêté de causer. J’aime bien quand il cause. Ça m’envoûte. Comme quand j’avais été voir un hypnotiseur pour arrêter d’fumer. Mais ça n’avait pas marché sur moi. Comme les aiguilles. Pas mieux. Même la vapote que j’ai essayé. Beurk ! Dégueu ! T’as l’impression de téter du caramel sans l’goût. Une clope c’est pas sucrée que j’sache ! Et pis c’est chaud non ? Bah lui j’l’ai écouté sans manque. Même pas envie d’en griller une.
Il m’a raconté sa vie. C’était cool. Même si en gros j’la connaissais déjà sa vie. Mais j’ai appris des trucs. Rien d’important sauf pourquoi il aime pas son nom. Faut dire que c’est cheulou à mort ! Il avait un jumeau. Né juste avant lui sauf qu’il est né mort. Alors ses parents, ils l’ont appelé Pierre-Yves et pas simplement Yves. En hommage qu’ils lui ont dit ! Du coup, il traîne son prénom comme un meurtre depuis. Dur…
C’était mignon qu’il se livre. Pis il en avait besoin, je crois. Après j’ai voulu lui raconter la mienne mais il a pas voulu. J’m’en fous qu’il a dit de ta vie d’avant. C’qui m’intéresse c’est ta vie avec moi. Putain ! J’étais scotchée ! Y m’avait fait bugger. J’pensais pas qu’c’était possible de bugger comme ça ! Bizarre mais bon. Un peu comme quand j’jouis. Comme si le temps s’arrête. En pause quoi ! Quand on l’fait j’plane… bah, c’qui m’a dit c’était pas loin. Pas aussi haut mais presque. Plus les pieds sur terre. J’flottais quoi ! Et lui pareil.
C’était le bon moment pour lui montrer. Mais putain ! c’est pas humain de réagir comme ça ! J’ai flippé ma race à presque appeller le 18 ! Heureusement, il est pas mort… sinon je crois que moi aussi j’serais plus vivante. Sans lui… bah, j’crois j’suis morte.
J’ignore encore ce qui m’a pris ! Je crois que j’ai parlé plus qu’une vie pourrait me faire taire ! Intarissable. À un doigt d’avoir une crampe de langue ! Au moins, maintenant, elle sait tout de moi. Même si elle semblait déjà mieux me connaître que quiconque, je n’ai plus aucun secret pour elle. Tout, absolument tout de ma vie d’avant, aussi loin que mes souvenirs me le permettaient. Carte sur table, sans ni enjoliver, ni rien cacher de ce que je suis au fond, j’ai déballé mon sac comme jamais.
Elle a écouté, ni déçue ni inquiète, ni surprise ce long fleuve de paroles qui m’aurait noyé à sa place. Mais elle, non ! Elle buvait mes mots en souriant, ni charmée, ni saoulée, ni écœurée, mais simplement surprise de ce flot impétueux déversé par un corps, mon corps, qui la regardait sans réellement la voir.
S’il existe en moi un interrupteur caché, si profondément enfoui et oublié, s’il est une personne qui pouvait le trouver, elle venait sans le savoir de le basculer sur ON. À mesure que je lui révélais qui je fus, qui j’étais depuis elle, une vision de qui je souhaitais devenir naissait, se formait. Mais je ne lui avouai pas. Non par peur qu’elle le reçoive indignement cet avenir que j’escomptais, espérais, concevais près et avec elle, pour et par elle, mais plutôt, et surtout que je voulais le rendre plus encore certain que déjà si manifeste. Plus que lui avouer, je voulais qu’elle le ressente et le désire plus que l’entendre, afin de ne point l’entraîner, mais cheminer côte à côte vers un demain que je perçois enflammé et radieux depuis elle. Bref, puisqu’elle a allumé un feu en moi, il m’appartient dorénavant de l’entretenir, sinon le glorifier.
Ce ne fut pas réellement le déclic, mais la preuve incontestable que mon futur, c’est elle. Puisque depuis un mois je ne vis plus pour moi mais pour nous, puisqu’elle a tant agacé ma monotonie, que je perçois dorénavant l’avenir comme un espoir, un but, et plus tel un… assassinat d’être vivant, qu’elle me ressource et m’oublie le passé, je ne respire plus que pour une envie : vivre pour et par elle.
Elle est ce qu’elle a toujours été pourtant. Souvent, je replonge dans le passé, quand j’étais jeune, et tant aveugle. Souvent, je m’en veux, me maudis. Souvent, je me dis que j’ai gâché ma jeunesse, et la sienne surtout ; mais toujours, depuis peu, je réalise que les erreurs sont parfois le mal nécessaire pour progresser. Si parfois j’ai encore ce besoin irrépressible de m’isoler du monde, il suffit qu’elle apparaisse, ou que je pense à elle et plus rien n’importe plus tant qu’elle.
Tant… jamais adverbe n’a jamais été aussi… un tout !
J’ignorais ce qu’était aimer, mais, puisque le sentiment que j’éprouve lorsqu’elle rentre le soir efface ce besoin de recueillement, alors oui je sais dorénavant ce qu’est aimer. Et l’être surtout !
Tel un couple, on vit ensemble. Semaines chez elle, samedi et dimanche chez moi. Deux logements se jouxtant, dont un est toujours vide donc, et que j’aimerais réunir en un seul.
Un architecte est venu. Il a envoyé divers artisans, et tous m’ont certifié que la réunion de ces deux était possible à condition que la copropriété ne mette pas son véto. Rassuré de savoir que l’immeuble ne comptait que deux propriétaires, elle et moi, ils ont établi leurs devis sur place. Pour peu, ils entamaient les travaux dès le lendemain !
Jamais je n’ai été aussi peureux de ma vie. J’attendais son retour, partagé entre espoir et crainte. L’idée allait-elle lui plaire autant qu’elle me faisait rêver ?
J’adore ses sautes d’humeur, mais ce samedi j’aurais préféré qu’elle rentre simplement fatiguée plutôt qu’en pétard. Alors, résolu à d’abord lui laisser vider son sac, puis, peut-être enfin caresser l’espoir de lui soumettre l’idée de faire un seul appartement de nos deux, je l’ai laissé me rejoindre sans ne rien dire.
Attendre qu’elle s’assoie. Pour la connaître suffisamment maintenant, je sais que tout dialogue est inutile tant qu’elle n’a pas craché sa colère. Whisky sur deux glaçons, et bière pour moi en main je m’installai face à elle. Attendre qu’elle boive une gorgée, sinon c’est l’implosion garantie et la mort dans l’œuf.
Elle l’a bu d’un trait.
Voilà, la pression chute. Mais attendre encore un peu, et la resservir sinon elle risque de ruminer.
Il n’est que deux personnes qui la mettent dans un tel état : son comptable et son banquier. Tant elle peut être douce et professionnelle avec sa clientèle, tant elle ne se contrôle plus face à ces deux énergumènes, qu’elles nomment sans distinction : connards.
Elle repositivait. Bon signe, mais :
Elle faisait du sur place, et ce n’était pas bon signe pour moi, ça.
Voilà. Cause connue. Ne restait plus que le pourquoi.
Ne rien dire, et la laisser continuer surtout.
Et six jours sur sept. Elle n’est pas fainéante ma Chlo.
Si le bien en question était l’appartement, c’était hors de question. Quant à son commerce, c’était pire encore. Son travail, c’est sa vie. Alors :
Elle m’a regardé, sondé, perdue.
À vingt-deux heures, mon portable vibrait.
Elle fixa le téléphone durant quelques secondes, puis :
Elle m’a regardé, se demandant si je n’exagérais pas. Réaction humaine en soi. À sa place, j’aurais douté bien plus que les deux secondes qui lui suffirent à retrouver le sourire.
Ma sincérité l’avait fait basculer de femme énervée en femme simplement aimée, alors c’était le bon moment, l’instant à ne pas laisser passer. Je lui exposai donc mon désir de vivre avec elle, et mon projet de réunir nos deux logements en un.
Elle écouta, silencieuse. Elle regarda les plans, les devis, puis la projection en 3D sur mon ordinateur portable, toujours aussi silencieuse. Je ne savais plus que penser. Était-elle charmée ou apeurée ? Avais-je été trop rapide, trop enjoué, moi ?
L’attente fut longue. D’autant que je ne lisais aucun sentiment sur celle qui d’ordinaire ne sait se contenir. Alors après le doute, c’est la peur qui m’envahit.
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Hier soir, on a fêté et la finalisation de l’acquisition de son deuxième institut, et la fin des travaux. Pour l’occasion, à juste titre doublement symbolique, la soirée fut triplement ponctuée d’un : t’es un grand malade toi.
Le premier, elle le pleura en découvrant enfin la réunion de nous deux chez soi en un chez nous. Désireux de faire de cette réunion un lieu unique et à notre image, si nous avions choisi ensemble meubles, agencement et décorations, je voulais que le résultat soit tout aussi surprenant que mystérieux. Alors, depuis quinze jours, nous dormions dans la chambre 101 de l’hôtel de la gare. Plus qu’être déjà le symbole de cette transformation, cette fade chambre nous combla de souvenirs, pas si lointains pourtant, mais que nous faisions revivre soir après soir. D’abord, toujours en parole, se remémorant et partageant nos impressions, ressentis et plaisirs, puis en actes, lors de longues et folles nuits à s’aimer. Dormir dans le lit où nous avions fait pour la première fois l’amour nous le transcenda plus encore, ce besoin viscéral de vivre avec l’autre. J’ai découvert qu’éprouver du plaisir, et en donner aussi, ne requiert pas forcément une bonne partie de jambes en l’air. Discuter, se projeter dans l’avenir, et simplement s’endormir l’un contre l’autre peut même parfois combler l’esprit plus qu’une jouissance physique. Ce premier « t’es un grand malade toi » me certifia que l’amour ne s’exprime pas que dans les corps-à-corps, sont-ils tous plus incroyablement jouissifs avec le temps, mais dans le bonheur d’être simplement l’un avec l’autre.
Le second « t’es un grand malade toi », elle le cria en me voyant viser les pierres de parements ornant l’ouverture faite dans le mur qui séparait jusqu’alors nos deux logements. Évidemment, la bouteille de champagne a percuté et laissé un profond souvenir dans le mur avant d’exploser au sol.
Quant au troisième « t’es un grand malade toi », je l’entendis un genou à terre, juste avant :
J’étais à ses pieds, tête baissée, une bague toute simple en or dans son écrin, paume de la main tendue. Je tremblais, n’osant pas la regarder cette Chloé qui m’avait révélé que vivre se conjugue et se vit à deux. C’était si simple, pour moi ce jadis ermite, que ma demande me semblait une évidence. Je la savais me regarder, surprise évidemment, et si perplexe surtout. Se sentait-elle au pied du mur ? Prise de court ? Avais-je été trop rapide, moi ce pas paresseux mais jamais pressé ?
Elle me fixait, immobile, interdite, elle toujours si expressive, si explosive. Alors j’ai douté, puis paniqué. J’allais me relever, et m’excuser lorsque :
Putain, c’est le pied !
Deux ans qu’on habite ensemble et c’est encore mieux qu’avant. L’est incroyable mon Paille à moi ! Et moi pareil.
Le prêt, il est remboursé. On a tellement cartonné Sab et moi que plus une dette. J’ai même fait du bénef que mon Paille a investi dans des trucs que j’comprends rien de rien !
Avec Sab on le chaire souvent. Mais toujours gentiment. Même si depuis qu’elle est pacsée il en prend plein les dents ça le gêne pas. Pire ! Il est content.
Avec lui, j’ai l’impression qu’on peut être cash sans soucis. Pourtant, la femme de Sab elle y va pas avec le dos d’la cuillère ! Moi, elle m’en balance un centième que j’lui rentre dedans façon défonce ! Mais lui, rien. Il sourit. Il avale et digère. Paille quoi !
Bref tout va bien ! Tellement que j’vais être maman…
Si un jour on m’avait dit que j’allais avoir un môme à moi, j’aurais tellement rigolé que j’aurais pissé dans ma culotte. Alors quand l’toubib qui m’connaît depuis toute gosse il m’a dit vous êtes enceinte… bah… j’ai pas réagi. Vous savez, il n’est pas trop tard pour qu’il a dit. NON j’ai hurlé !
OK il doit en voir des vertes et des pas mûres. Mais Paille et moi on n’est pas tombé d’la dernière pluie non plus ! On en avait parlé. Enfin moi surtout. Comme ça et pas franchement pour de vrai. En se projetant quoi ! Pis ça m’était déjà arrivé plein de fois d’oublier de prendre la pilule alors… c’est que ça devait être le bon moment.
Bizarrement, j’étais aux anges. J’savais pas comment lui dire alors j’ai balancé la nouvelle d’un bloc. Sur le coup, il a pas réagi. Il est resté longtemps à me regarder sans bouger. J’balisais à mort mais j’l’ai laissé tranquille. Il était face à moi mais comme s’il était plus avec moi. Plus vivant, presque. Pis d’un coup, il a ressuscité. Il m’a pris la main et m’a emmené dans la chambre. On a passé le reste de la journée au pieu. Lui la tête sur mon bidon à me le bisouter tout doucement. Pendant au moins deux heures, j’l’ai laissé m’embrasser le ventre tranquille. C’etait bon de sentir sa bouche et son souffle. Presque autant que quand on baise. Pis d’un coup il s’est levé et m’a dit faut qu’j’y aille. J’ai eu la’peur de ma vie. J’ai cru qu’il me quittait. Pis j’me suis souvenu que même s’il en a pas beaucoup ce soir-là il avait un rendez-vous pro. Parc’qu’il bosse même si on a l’impression qu’il fout rien de ses journées. Mais pas comme moi. Pas avec ses mains. Non. Pas manuel, mon mari. Lui, il travaille du ciboulot. Et du pif surtout.
Sept en deux ans qu’il en a sorti. Et pas des trucs qui chlinguent ! Des hommages qu’il m’a dit.
Le premier, il l’a nommé Elle. Elle c’est moi. Il m’a tellement convaincu que quand j’croise une femme qui le porte j’ai l’impression que c’est mon double. Mais qu’elle ose même pas lui parler à mon homme sinon j’lui referais tellement l’portrait qu’elle aura l’tarin façon boxeur qui s’en est fait foutre plein la tronche. J’l’ai attendu trop longtemps pour pas m’l’faire piquer mon Paille !
Le deuxième, il a pour nom C. Quand il m’a dit ça, j’lui ai dit n’importe quoi. Mais tout faux la Chlo. Un carton !
Le troisième, il l’a nommé L’unique. Clair qu’y en a pas deux comme lui !
Le quatrième c’était Femme. Femme ! J’ai tellement pleuré de rire quand il m’a dit qu’il était sûr du nom. L’pire c’est que ça a fait un tel tsunami que y’a plein de types qui le portent !
Le cinquième, ça a été encore pire ! Pour qui ? C’est pas un nom ça si ? C’est pour homme ou pour femme que j’lui ai demandé. Qui sait qu’il a répondu. Personne puisque les deux le portent. Encore tout bon qu’il avait.
Le sixième c’est « Je suis ». Je suis ! Je suis comme un mouton qu’j’lui ai demandé ? Non. Non je suis comme j’existe qu’il a répondu. J’y croyais pas vraiment mais encore une fois il a fait mouche.
Quant au dernier en date… bah… j’avoue que là il m’a scotché sur place : moi.
Elle c’est l’unique femme pour qui je suis moi. Si c’est pas un hommage ça, c’est que j’y connais rien de rien à l’amour moi !
Après tant d’années, j’sais toujours pas vraiment comment il fonctionne. En tout cas, c’que je sais c’est qu’il a de la suite sans les idées mon homme. Et pas qu’un peu l’cochon ! Pour être lui il l’est ! Il est tellement nature que des fois c’est moi qui suis plus moi.
J’sais pas si c’est vraiment moi qui l’a rendu comme ça mais souvent j’le crois. Comme j’crois que j’ai changé. Pas en mal. En bien. En très, très bien même !
Il m’a rendue meilleure. Pas que j’étais une merde avant mais… comme si d’être avec lui bah… j’lui’pompe un peu d’son savoir. Parce que pour le pomper j’le pompe mon mari !
Avant, j’aimais pas. Pas que j’avais jamais sucé une queue mais… pas mon truc. Pas dégueu mais… pas mon truc quoi ! Mais lui, pas pareil. J’le tète tell’ment que des fois j’oublie qu’il peut jouir autrement. Parc’que moi c’est comme si j’jouis rien qu’en l’suçant.
Ouais c’est bizarre. Même moi j’comprends pas comment on peut avoir autant de plaisir juste en suçant. Alors j’en ai parlé à Sab. Parc’que c’est ma confidente et qu’on s’dit tout Sab et moi. Et bah v’la t’y pas qu’elle me dit moi pareil. Quand j’bouffe la chatte de ma femme c’est comme si c’est elle qui m’la bouffe !
P’tête que c’est ça l’amour. P’tête que c’est quand on a plus de plaisir à en donner qu’on sait qu’on est fait l’un pour l’autre. Que quand donner c’est plus fort que recevoir. Paille, lui, il est pour l’égalité. Si tu me suces, j’te suce. Pas que j’aime pas mais j’préfère quand y’en a qu’un des deux qui l’fait. Bizarre parce que d’hab j’peux faire plein de trucs en même temps. Mais pas pour lui. Pas avec lui. Quand y’me touche c’est comme s’il me déconnecte de la réalité.
C’est un dieu. J’avais bien compris qu’il avait un nez hors du commun depuis longtemps mais putain ! C’est pas humain d’avoir une langue pareille ! Quand il me la fout au cul, j’ai l’impression qu’il me mange toute crue. Quand j’suis stressée, il me dévore en affamé. C’est comme s’il aspirait tout mon stress. J’adore ça, moi, quand il me grignote comme ça. Comme s’il voulait que je sois dans lui. Et quand j’suis cool, il me lèche tranquille. Comme un massage. Et j’my connais en massage. C’est mon métier !
Y’a qu’lui qui peut. Que lui qui sait l’faire. Comme y’a que lui que moi j’peux boire. En même temps, j’sais pas vraiment moi ! C’est l’premier et le seul que j’ai jamais avalé. L’autre couillon il a bien essayé, mais non ! Pas envie avec lui. Paille lui il a rien demandé. Et pas forcé surtout ! Même qu’il était tout gêné au début quand j’le branlais en le gardant en bouche. Il s’excusait comme un gosse. Comme s’il avait fait une connerie. Mais plus maint’nant. Maint’nant il se laisse aller. Surtout depuis que j’ai l’ventre comme une baleine.
J’suis à huit mois. J’m’reconnais plus tellement j’ai gonflé. Pourtant j’ai jamais été un fil de fer… mais là c’est énorme ! Pourtant l’toubib il m’a dit qu’y’en avait qu’un. Y’a fallu qu’il me montre c’que j’ai dans l’ventre pour le croire. Un regardez qu’il a dit. Même si j’voyais rien sur son écran, il m’a convaincu. J’ai une Paillette ou un p’tit Paille qui pousse en moi et ça, c’est méga cool.
Je vais être papa ! Père, moi !
C’est vrai que j’ai changé depuis elle. Elle qui sans le savoir m’a ouvert plus que ses cuisses. Elle m’a ouvert au monde, bien avant de mettre notre enfant au monde justement !
Elle n’a pas voulu connaître le sexe :
Chloé, j’ai comme l’impression qu’elle vit en moi. Même si ma vie est encore plus lente que la sienne, que j’ai encore besoin de faire des pauses, de marquer des temps morts de virgules inutiles pour elles, et de points à la ligne si indispensables pour moi mais qui la gonfle tant, qu’elle a fait de moi un être presque normal. Dans la moyenne, dirai-je. Pas un coincé du cul ou un exclu qui pète plus haut que son cul quoi, dirait-elle !
Chloé, c’est la femme qu’il me fallait. Une tornade qui agite un trou noir. Un raz de marée qui ébranle un roc.
Branler justement. Depuis elle, je n’ai jamais posé plus de deux doigts sur ma queue. Pour pisser, il va sans dire. En revanche, elle, c’est cinq sinon rien. Et quand je dis cinq, je suis modeste parce que, en plus d’être ambidextre, souvent j’ai l’impression qu’elle est polyglotte.
Oh ! Sa bouche ! C’est du velours, quand ce n’est pas un étau d’enfer. C’est incroyable comment elle sait me transcender en un autre. Un que je ne savais pas être. Un que j’ignorais, caché en moi. Il suffit qu’elle pose ses lèvres sur moi et hop ! je ne suis plus que sien. Elle me révèle, m’apaise et m’excite à la fois. Elle sait toujours ce qu’il me faut, au bon moment et à la bonne dose. Truc de malade, dirait-elle.
Moi, je n’en suis pas encore à exprimer mon plaisir comme elle. Je me contente de jouir en silence. Même s’il m’arrive de grogner, jamais je n’articule plus qu’un son étouffé, alors quel c’est tout le contraire. Pas prolixe, mais pas la langue dans sa poche !
Que je l’aime sa langue. Et pas que lorsqu’elle parle. Elle est si douce, si chargée de plaisirs, si délicate et gourmande sa langue. Putain ! j’en suis raide dingue. Tant qu’elle me chavire même lorsqu’elle fait des bruits plus que parler.
Oh ! ces mots étouffés, comme ils sont audibles, charmants et ressentis. En articulerait-elle que le charme serait rompu. Pourtant elle n’est pas avare cette langue lorsque c’est moi qui lui chante ritournelle. Beaucoup moins soyeuse, mais qu’est-ce que c’est bon de l’entendre lorsque c’est moi qui l’étouffe de plaisirs.
Quand elle explose, et c’est rien de le dire, elle me tient la tête. Pas qu’elle craigne que je m’enfuie, elle sait que j’adore la faire jouir ainsi, mais c’est plus fort qu’elle. Surtout depuis que l’on vit ensemble, sans voisin à l’étage.
Après, elle tousse. Cela aussi c’est incontrôlable. Au début, elle me repoussait, mais plus maintenant. Maintenant, elle me plaque contre elle et c’est encore meilleur. Encore meilleur de recevoir sa jouissance la bouche grande ouverte.
Ensuite, je dois attendre. Attendre qu’elle se calme, sans bouger, et sans trop respirer car même cela ça la chatouille. Et ça, elle déteste, alors je prends sur moi, sinon, ayant déjà le nez dedans, je la chérirai jusqu’à plus soif. Bref, on a trouvé un équilibre, notre équilibre à nous. Chacun sait ce que l’autre aime ou non, et chacun s’en accommode en se délectant plus qu’être frustré.
Jamais autant flippé ma race ! Et la valoche déjà bouclée c’est pire ! J’sais bien que c’est pour que tout soit prêt pour l’hosto mais j’balise comme une tarée. Comme s’il me virait d’chez nous. J’sais bien pourtant que c’est tout le contraire. C’est juste pour pas être pris de court qu’il a dit en la faisant.
De court ! Lui ! Mon cul, oui !
Tout. Absolument, tout est prêt depuis quinze jours. Limite s’il a pas réservé l’hôpital rien que pour moi. En fait, j’crois qu’il a plus la frousse que moi. Enfanter c’est pas une maladie incurable, si ? J’espère pas, parce que vu comment il a toujours envie de baiser on va être famille nombreuse d’ici peu !
Pas de doute possible, mon enfant tiendra de moi. Deux jours qu’il devrait déjà être du monde, et non il n’est pas pressé. Pas comme nous !
Je n’ai jamais eu aussi hâte de ma vie. Chloé ne le monte pas trop, mais elle est comme moi : pressée. En même temps, je la comprends, même si ce n’est pas moi qui le porte depuis neuf mois.
Elle se trouve moche. Et quand je dis moche, j’édulcore ! Mais rien à faire. Quoi que je dise, elle entend le contraire. Pourtant, elle est magnifique. J’ignore si c’est la grossesse, ou mon impatience d’être père, mais jamais elle n’a été aussi belle et désirable. Dès les premières rondeurs, je posais mes mains sur son ventre, en la suçant certes, et même si depuis un mois elle repousse toute pratique sexuelle, elle me concède malgré tout l’honneur et la joie de sentir ce petit être bouger en elle.
Une chose est certaine, s’il tient de moi son côté pas pressé de voir le jour, ce bébé tient d’elle son côté je ne peux pas rester en place. Parce qu’il bouge le bougre ! Enfin, je dis « le », mais on ignore toujours le sexe. J’aurais préféré savoir moi, afin de tout préparer avant la naissance mais pas Chloé. Et comme toujours, elle a eu le dernier mot : non.
Souvent, elle me dit que j’exagère, que payer trois taxis qui se relaient nuit et jour depuis quatre jours à ne rien faire d’autre qu’attendre c’est débile, mais je m’en fous. Je me fous de tout depuis qu’elle est entrée dans ma vie, car la seule chose qui compte aujourd’hui c’est qu’elle soit avec moi. Ou jamais très loin du moins.
Elle a refusé que j’assiste à l’accouchement. On a même failli s’engueuler pour la première fois :
Comment j’ai morflé ! J’suis pas douillette mais j’pensais pas qu’c’était comme ça ! « Inspirez, expirez » qu’ils me disaient tous. Z’avaient d’la chance que j’pouvais pas répondre sinon ils en auraient pris pour leurs grades ces cons !
Plein de fois ils m’ont demandé si j’voulais continuer comme ça ou pas. Ils sont débiles ou quoi ? Comme si j’pouvais r’mettre ça à plus tard ! J’aurais eu assez de souffle que j’aurais bien d’mandé un p’tit whisky histoire de faire une pause mais j’pouvais même pas avaler ma salive !
J’ai gueulé pire qu’une truie qu’on égorge pendant deux heures. C’est Paille qui m’la dit. Moi j’m’en souviens pas. Pis d’toute façon j’m’en tape. Pis c’est leurs jobs après tout. Sinon z’avaient qu’à foutre des boules Quies si j’leur ai cassé les oreilles.
J’sais pas si c’est pareil pour toutes les femmes mais après j’me suis fait une promesse : plus jamais ça ! Mais y’a suffit qu’il me pose sur le ventre c’qui venait d’me faire souffrir pour que j’l’oublie à jamais cette promesse. J’étais vannée, mais d’sentir ce petit corps contre le mien ça m’a ressourcé. J’ai chialé comme jamais en la regardant cette petite chose faite pour moitié de l’homme que j’aime. Elle était pas belle pourtant. Enfin pas pire que tous les nouveau-nés, j’pense. Mais c’était mon enfant et du coup elle était magnifique à mes yeux.
On en avait parlé plein de fois pourtant mais quand on m’a demandé comment on allait l’appeler j’ai beugué.
J’beugue pas mal en c’moment. Bizarre parc’que Paille presque plus. J’en avais parlé à Sab parc’que ça m’inquiétait. Elle s’est bien foutu de ma gueule quand j’lui ai dit que c’était p’tête parce qu’on baisait trop. Qu’est-ce qu’on a rigolé après en cherchant sur le Net si une overdose de sperme ça existe ! Pourtant pour en voir on en a vu du sperme. Des litres même ! Mais pas la moindre réponse à ma connerie de peur.
La capacité humaine à pouvoir et savoir s’adapter, voir changer du tout au tout est incroyable. Si je savais déjà que l’amour peut changer un être du tout à tout, je sais dorénavant qu’être père transforme tout autant, sinon plus.
Je ne me reconnais plus. Je ne suis plus ce Pierre-Yves qui m’a gâché la vie si longtemps. Certes, la transformation avait commencé il y a plusieurs années, mais depuis qu’elle est née, après être devenu un mari aimant et aimé je suis aujourd’hui un papa poule. Si Chloé compense ses absences sitôt rentrée du travail en s’occupant de notre fille, elle comble ce désintérêt envers moi sitôt Rosie couchée.
J’ai toujours trouvé dans les habitudes un réconfort, sinon un besoin, mais depuis qu’elles sont ce que j’ai de plus cher elles ont tout chamboulé. Avant elles, j’étais réglé comme une horloge suisse : tout était toujours programmé et répétitif. Bref, tout n’était que routines. Mais depuis elles, les jours se suivent et ne se ressemblent jamais. Rosie, ce petit être qui passe la majeure partie de ses journées à manger et dormir, et le peu du temps qui reste à me sourire lorsqu’elle est éveillée me comble d’une joie jusqu’alors insoupçonnée, insoupçonnable. Quant à mon épouse, cette jadis adolescente qui n’avait qu’une idée en tête, me mettre dans son lit, elle me comble depuis en variant lieux, poses et horaires avec une telle imagination que j’ai l’agréable surprise de ne jamais revivre deux fois la même chose. Tout, absolument tout n’est jamais programmé et prévisible, avec elles. Et tous ces imprévus, contretemps ou parties remises me ravissent d’un sentiment incroyable : je vis au présent et plus au passé. Elles sont parvenues à me faire oublier trois décennies de remords en si peu de temps que parfois je me demande si je ne suis pas devenu fou. Mais il suffit que notre fille pleure, que je la prenne dans mes bras, la console ou la nourrisse, lui change sa couche ou lui raconte une histoire, ou que Chloé m’offre un de ces baisers dont elle a le secret, qu’elle me dise « baise-moi, là, tout de suite » quand l’envie lui prend, et tout est oublié, n’a jamais existé.
Dire que je les aime est loin de la vérité tant elles me sont indispensables, tant je me sens seul sans elles, les deux seules capables de me transcender en cet autre moi. Ce moi qu’elle avait tatoué à ses seize ans sur sa fesse gauche, et qu’elle a recoloré il y a moins de trois ans, et cet autre moi qui grandi à vue d’œil. Elles sont le fruit, la preuve que lorsque l’on se donne les moyens rien n’est impossible.
Mes amours, jamais, je ne vous dirai jamais assez merci. Je vous aime telles que vous êtes, et m’aime tel vous m’avez fait oublier que Pierre n’est plus, et que moi, Yves, je mérite enfin de vivre pour moi… seul.