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n° 20806Fiche technique61672 caractères61672
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Temps de lecture estimé : 40 mn
02/03/22
Résumé:  Et si c’était vrai ?
Critères:  fh jeunes frousses rousseurs inconnu grosseins forêt amour voir cunnilingu pénétratio fsodo zoo init mélo aventure sf fantastiqu -sf
Auteur : Radagast      Envoi mini-message

Collection : Souvenirs du futur
Les lois d'Asimov

Lorsque le Galatée entra dans ce système, les officiers présents dans le poste de pilotage se demandèrent s’ils ne venaient pas de commettre une erreur de navigation, comme de tourner en rond ou encore être victime d’une altération temporelle, tel un voyage dans le temps, un retour vers le passé.

Le vaisseau spatial d’exploration quittait le système solaire et la terre quelques semaines plus tôt en temps universel – plus d’une année en temps spatial absolu – et là, sous leurs yeux, ils découvraient son jumeau, dans un coin perdu de la galaxie.

Les télescopes, sondes et autres lidars mis en route aussitôt entrés dans l’héliosphère, aux abords du nuage d’Oort, révélèrent l’impensable.


Une étoile de type G4, la ceinture de Kuiper, quelques planètes naines, puis quatre géantes gazeuses ou glacées, où la pression énorme et l’atmosphère faite de gaz mortels rendaient toute présence humaine impossible. Ensuite venaient une ceinture d’astéroïdes et quatre planètes telluriques. Une, trop proche de son astre, possédait un lac de lave en fusion en guise de surface. Deux autres planètes sans atmosphère respirable, et une dernière, située dans la zone de vie, où l’on trouvait continents, pôles glacés et océans d’eau liquide. Nonobstant ses deux lunes, on se serait cru de retour sur terre, les deux lunes confirmèrent qu’ils n’étaient pas victimes d’hallucinations.


Le vaisseau transportait en son sein tout un personnel hétéroclite, fait de militaires et de scientifiques, sans oublier les membres de l’équipage, qui allait des navigateurs aux cuisiniers en passant par les mécaniciens, soit en tout, quatre cents personnes, hommes et femmes confondus. Toutes et tous de différentes nationalités, cette expédition organisée et financée par l’Union des Planètes du Système Solaire. Union qui ne comportait que deux entités, la Terre et Mars récemment terraformée et colonisée.

Quelques androïdes aux fonctions diverses et variées étaient considérés comme faisant partie du personnel navigant pour certains, du simple matériel pour d’autres, question de point de vue.


Outre des vivres, le navire transportait dans ses soutes de l’équipement de survie sur des planètes sauvages : armes, baraquements préfabriqués, véhicules amphibies et aériens, de quoi explorer tranquillement.

Parmi le personnel scientifique se trouvait un personnage à part. Un historien-chroniqueur et documentariste nommé Sébastian Durand. Français, une nation presque oubliée de la vieille Europe. Même parmi ses collègues, il passait pour un original. Un chercheur qui ne cherchait rien mais notait tout !


Pourtant il se mêlait aux autres groupes du vaisseau, s’intéressant aux anecdotes des militaires, aux recherches des exobiologistes, botanistes ou médecins ; comme au trajet et au fonctionnement de l’appareil. Il enregistrait toutes les données pour en faire un rapport au retour, finir sa thèse et peut-être en tirer un livre. Un lettré rêveur chez des pragmatiques.

Sous ses airs falots mais de bonne compagnie, ce jeune homme s’émerveillait de tout et, à force de discuter avec les uns et les autres, possédait une connaissance, livresque certes, mais surprenante, des systèmes d’armement, des techniques de combat, de navigation spatiale, de mécanique et d’informatique, d’exobiologie, se renseignant même sur les capacités d’adaptation étonnantes des androïdes. Il s’était lié d’amitié avec un peu tout le monde sur le vaisseau, des cuisiniers aux techniciens chargés des propulseurs ou encore aux militaires.

En cette surprenante matinée, il se tenait debout dans le poste de contrôle en compagnie du commandant de bord, des pilotes, ainsi que d’astrophysiciens, de planétologues et bien sûr quelques militaires.

Le restant du personnel se contentait des écrans disséminés à travers le vaisseau.



Les télescopes pointés sur cette énigmatique planète révélaient des continents, des mers et des océans, des îles et des rivières, des chaînes de montagnes, des volcans, de vastes étendues de forêts, de marécages et des déserts. Les analyses à longue distance indiquaient la présence d’oxygène, azote, gaz carbonique et vapeur d’eau. Elle possédait un diamètre et une gravité légèrement supérieurs à celle de la terre.



Alors qu’ils s’apprêtaient à entrer en orbite, l’alerte se déclencha.



La grande salle se transforma subitement, les militaires partirent rejoindre leurs hommes, les scientifiques, leurs quartiers afin de mettre en sécurité toutes leurs données. Seul des non-navigants, Sébastian Durand restait sur place. Il allait voir, par écrans interposés, un combat stellaire, une de ses craintes mais aussi un de ses rêves d’enfant.



Les pirates étaient une des plaies de la navigation spatiale. Toujours prêts à aborder des navires de commerce. Ils pillaient et ne laissaient le plus souvent aucun survivant, sauf lorsqu’ils tombaient sur des passagers de haute valeur marchande, qu’ils échangeaient contre de substantielles rançons. Ils opéraient souvent sur de petites unités rapides, maniables et bien armées vu la taille du navire. Il était cependant étonnant qu’ils s’attaquent à un adversaire de la taille et de l’armement du Galatée. Une seule hypothèse vint à l’esprit du commandant, un pirate en maraude cherchant une planète refuge pour se mettre à l’abri, autant dire que leur arrivée tombait au mauvais moment.

Le vaisseau pirate, lui, se trouvait en parfait ordre de combat. Il se dirigea à pleine vitesse vers le Galatée qui lui n’était qu’en alerte 1 et en pleine décélération pour se mettre en orbite.

Sans sommations, le pirate ouvrit le feu de toutes ses pièces, canons à protons, lasers à haute densité.



Le commandant voulait utiliser l’effet d’Oberth pour reprendre de la vitesse tandis que ses propres canons prenaient l’adversaire pour cible.

Le Galatée vibra sous les impacts.



La structure de l’appareil trembla sous un nouvel impact, les lumières s’éteignirent, plongeant les coursives dans le noir, avant que l’éclairage de secours ne prenne le relais.



Sébastian s’accrochait à son siège de toutes ses forces. Il venait de poser un masque à oxygène sur son visage quand il vit l’impensable ; la partie arrière du Galatée se détachait et piquait vers la surface de la planète.

Le gigantesque navire ne plongerait pas seul vers la mort, ses missiles à fragmentation déversèrent des tonnes de micros mines, créant une muraille meurtrière sur laquelle le pirate vint se fracasser à pleine vitesse.


Sébastian le perdit de vue quand les restes de son propre vaisseau entrèrent dans l’atmosphère, entourés d’une boule de feu. Les portes blindées fermées, il n’y avait aucun moyen de rejoindre un endroit sécurisé, encore fallait-il en trouver et en avoir le temps. Aussi se réfugia-t-il dans le local à combinaisons et tenta tant bien que mal d’en enfiler une.

Il sentit la température augmenter, entendit des bruits étranges, le système de pesanteur artificielle venait de rendre l’âme et il se mit à flotter dans le placard avec des casques, des bottes et autres gants. Puis sa tête heurta une paroi lors d’un choc plus violent que les autres et il perdit connaissance.



*

**



D’abord la douleur sourde sur le sommet du crâne. Puis dans le reste du corps lorsqu’il essaya de bouger. Après quelques exercices respiratoires pour calmer son anxiété, il parvint à se mettre debout. Certes, il souffrait de douleurs aux jambes, au dos et surtout à la tête, mais aucune ne semblait mettre sa vie en danger.

Il n’y voyait goutte, aussi est-ce à tâtons qu’il entreprit d’explorer son abri de fortune, il s’affolait, se voyant mourir de faim et de soif dans ce réduit obscur. Tout y était sens dessus dessous, il trébucha dans des débris de toutes sortes avant de découvrir la porte qui, ô joie, s’ouvrit dans un râle sinistre et définitif.

Il mit un certain à comprendre où il se trouvait. La salle de contrôle était un véritable capharnaüm. Et surtout une morgue.

La coque du vaisseau s’était ouverte telle une coquille d’œuf en s’écrasant à la surface, broyant l’intérieur et tuant tous les occupants, des coéquipiers et pour bon nombre des amis. Il vomit en découvrant les corps démembrés.

Il chercha une issue, une brèche dans la paroi déformée, en vain. Il allait devoir se frayer un chemin à travers l’épave. Le vaisseau s’était enfoncé profondément dans le sol meuble, sûrement à quelques dizaines de mètres sous la surface.


Il erra dans des coursives et des salles jonchées de cadavres, enjamba des câbles sectionnés aux extrémités crépitantes encore d’étincelles et aussi menaçants que des reptiles, il avançait sous la lumière intermittente de l’éclairage de secours et de quelques flammes mourantes. À part ses propres pas et le grésillement des installations électriques à l’agonie, pas un bruit ne venait troubler le silence.

Il désespérait de découvrir une sortie quand il vit une lueur naturelle là où s’arrêtait la coque déchirée. Les pieds dans un mélange de feuilles, d’herbes et de bouts de métal, il contemplait le paysage autour de lui.

Une forêt en partie arrachée par l’impact où flambaient quelques incendies au sommet d’une colline, en contrebas, une rivière serpentait. Au loin, des panaches de fumée s’élevaient, signalant les impacts provoqués par d’autres morceaux de l’appareil.

Un soleil ambré brillait dans un ciel couleur parme, une légère brise chassait la puanteur des flammes.

Il se demandait s’il devait s’éloigner de l’épave ou s’en servir d’abri. Il frissonna en songeant aux corps qui devaient s’y trouver. Il se retourna vers son ancien chez lui…



Il fit un bond en arrière et se retrouva sur les fesses. Devant lui se trouvait une femme, grande, élancée, aux longs cheveux blonds laissés libres et simplement vêtue de sous-vêtements noirs.


Il ne pouvait détacher son regard de la peau dorée, des courbes harmonieuses, des longues jambes fuselées et musclées, de son visage aux pommettes hautes, aux lèvres pulpeuses, au nez fin et élégant, de sa poitrine plus que parfaite. Cette femme était l’archétype de la femme, parfaite au-delà des mots, parfaite au-delà du rêve. Même les quelques traces de suie sur son visage n’entachaient pas sa beauté. Son visage ne lui disait absolument rien, il ne l’avait jamais rencontrée dans le vaisseau, une beauté pareille, il s’en serait souvenu.




*

**



Depuis la nuit des temps, l’homme tentait de créer un être à son image, de devenir l’égal de Dieu. Les progrès de l’électronique quantique et moléculaire, l’émergence des nanotechnologies lui permirent d’approcher le stade ultime, un être qui se débrouillerait seul. Une IA à l’apparence humaine et non une boîte de conserve cylindrique ou cubique avec des pinces de partout. Un être capable de parler, penser, évoluer comme un humain parmi les humains.

Bien sûr certains eurent peur que la machine prenne le pas sur le vivant, alors furent édictées les Trois Lois, dites lois d’Asimov qui rassuraient tout le monde.

Les androïdes les plus basiques travaillaient surtout comme manœuvres sur des chantiers dangereux.

Les plus évolués se retrouvaient à l’accueil dans des palaces ou dans des musées, même majordomes chez de riches propriétaires. Dans leur cerveau, une immense base de données leur permettait de s’adapter à chaque situation. Mieux, ils apprenaient de leurs erreurs et évoluaient constamment.

Ils s’adaptaient jusqu’à un certain point. La destruction d’un vaisseau n’arrivait pas chaque semaine. D’où cette question : Quels sont les ordres ?.

Il se trouvait face à la plus étonnante et surtout la plus parfaite des androïdes qu’il n’ait jamais rencontrée.



La voir se balader en sous-vêtements le mettait dans tous ses états. D’ailleurs, lui aussi devait se procurer des habits plus pratiques que cette lourde et encombrante combinaison de vol dans le vide.



Merde, il ne comptait pas partir de suite à l’aventure, mais il se résigna, dans ce genre de situation, un androïde avait forcément raison. Ils se mirent à fouiller les décombres, chacun de leur côté, avec pour consigne de se héler de temps en temps et de ne pas trop s’éloigner de la sortie.

Il visita la salle d’entretien des droïdes de combat, totalement déchiquetée. Aucun auxiliaire non humain n’avait survécu. Dans une salle blindée, il découvrit tout un stock de cellules énergétiques de rechange, qu’il récupéra, ainsi que des microdisques d’élévation de capacités. Ça ne tenait pas plus de place qu’un antique paquet de gomme à mâcher, il l’embarqua aussi, à tout hasard. Il trouva du matériel d’optique, des vidéojumelles dernier cri. Il fourra le tout dans un sac à dos, avec des capsules de nanites découvertes dans un coffre éventré.

Lorsqu’il retrouva son énigmatique compagne, elle trimballait tout un stock de rations de combat, des tenues de brousse légères avec chaussures, indéchirables et presque inusables, un petit laser qui pourrait faire office d’allume-feu, ainsi qu’un véritable trésor, un kit médical de diagnostics et de soins.



En bon historien, il se rappelait des modes de survie empiriques de certains naufragés sur une île déserte, seule différence, eux se trouvaient sur une planète déserte !



C’est ainsi qu’ils s’éloignèrent de l’épave, devenue une gigantesque morgue.



*

**



Ils marchèrent plusieurs jours, s’abritant la nuit au sommet d’un arbre ou sur le seuil d’une grotte, ne sachant trop ce qui se cachait dans les fourrés, des bruits inquiétants se faisaient parfois entendre. Galopades, froissements furtifs, battements d’ailes ou même hurlements. Leur progression ralentie parfois par les conditions météorologiques, ils essuyèrent ainsi une tempête, rencontrèrent du brouillard ou de la pluie. Mais dans l’ensemble, le soleil les gratifia de sa présence. Selon lui, ils devaient se trouver dans une zone tempérée.

Il tailla et épointa des javelots grâce à la machette, ces engins leur permettraient de se défendre en cas d’attaque, mais aussi de chasser de petits animaux. Les rations ne seraient pas éternelles, même si l’androïde ne dépendait pas de la nourriture conventionnelle.



Il fouilla sa mémoire, en vain.



Un robot destiné au sexe, il en existait bien sûr depuis l’arrivée de ces assistants automatisés, les premières choses auxquelles pensent les hommes sont l’argent et le sexe, si on peut associer les deux c’est encore mieux. Quoi de plus lucratif qu’une prostituée qui peut travailler nuit et jour toute l’année sans s’arrêter ? Il existait aussi des spécimens mâles pour femmes exigeantes. Il n’avait que rarement eu recours à des amours tarifés, jamais à celui de machines. En littéraire, il rêvait d’un amour romantique, l’argent n’avait pas de place dans les sentiments.

Mais face à ce prototype, il restait sans voix



Jamais il n’avait vu un Androïde aussi parfait, d’ailleurs le nom le révulsait, il ne pouvait se résoudre à la considérer comme une machine.



Elle le gratifia d’un grand sourire et lui serra la main.



Il vit sa chevelure changer de couleur, passer de blonde à châtain, de brune à rousse, même argentée.



Elle se dévêtit entièrement, au grand ravissement de Sébastien.



Il éclata de rire en voyant les seins grossir et se rapetisser, mais toujours rester aussi beaux.



Il vit une belle toison brune, puis rousse, puis blonde recouvrir le mont de Vénus, toison plus ou moins dense selon l’humeur de sa propriétaire.



Sébastian n’en croyait pas ses oreilles. Un androïde avec des états d’âme, c’était nouveau ! Dommage qu’il soit coincé sur une planète inconnue, c’était une trouvaille à recevoir le Prix Nobel.



C’est avec une certaine nostalgie qu’il la regarda remettre ses habits, mais l’heure ne se prêtait pas à la gaudriole.

Ils cherchaient d’hypothétiques vestiges du navire spatial, se dirigeant au petit bonheur la chance car la fumée qu’ils avaient repérée avait depuis longtemps disparue. Ils découvrirent cependant quelques restes, des morceaux de fuselage, mais aucune trace de survivants ni de matériel à récupérer. Ils trouvèrent aussi des vestiges du navire pirate, en aussi mauvais état que le leur.

Ils avançaient à leur rythme, traversant des paysages sublimes, des vallées encaissées, des plaines immenses à l’herbe haute, une herbe de couleur verte bleutée.

Ils ne décelaient pas non plus de traces de vie intelligente, pas de traces de feu, de huttes, de culture ou d’élevage, pas de civilisation.

Quand même un peu inquiet, Sébastian fit une proposition à sa belle compagne.



D’un geste élégant, elle dégagea son oreille droite de sa longue chevelure et présenta sa nuque au jeune savant. Il ouvrit le petit réceptacle sis derrière le pavillon et inséra les petits disques d’à peine trois millimètres de diamètre. Les yeux de la belle se voilèrent un instant, le temps d’absorber toutes les données.



La gastronomie en question se résumait à faire rôtir sur les braises du gibier ou des poissons.



Sébastian réfléchit quelques instants, intrigué par l’air triste de sa compagne.



Devant l’air interrogateur de Seb, elle développa.



Il frémit en imaginant cette peau si délicate torturée. Même une peau artificielle. Pour certains, un androïde n’était qu’un objet utile, lui estimait que la machine cognitive méritait le même respect, et parfois plus que certains humains.




*

**



Ils marchaient depuis plusieurs jours aux abords d’une forêt aux arbres immenses, semblables aux résineux terrestres. De l’autre côté poussait une sorte de savane aux hautes herbes. Comme ils ne savaient ce qui vivait dans la forêt ou dans la savane, ils préféraient ne pas trop s’aventurer dans l’une ou l’autre végétation, inquiets des bruissements qui en émanaient. Ils trouvèrent en effet des empreintes de pattes griffues assez inquiétantes.

Au fil des jours, Seb découvrait la personnalité d’Alexia, faite d’humour, de douceur et aussi de timidité. Lui qui s’imaginait les robots comme des êtres formatés sans différences notables entre les modèles, il devait revoir ses opinions.


Un matin, Alexia poussa un petit cri, mi-plaisir, mi-surprise. Elle observait un papillon posé sur son bras. Un magnifique insecte aux grandes ailes bleues et rouges, mordorées.



Elle ferma les yeux, leva la tête, un sourire de plus en plus large sur les lèvres. Elle ressemblait à un enfant découvrant les merveilles de la nature.



Elle sursauta soudainement, Sébastian venait de faire passer un brin d’herbe dans son cou.



Il tentait de lui échapper alors qu’elle riait aux éclats. Les androïdes ont le sens de l’humour, quel beau titre pour une thèse, se disait-il.


Elle fermait les yeux et laissait le vent caresser son visage, touchait les fleurs, les herbes hautes et s’émerveillait de tout. Sébastian la faisait goûter aux fruits. Certes, son organisme ne dépendait pas de nourriture solide ou liquide, mais il venait de découvrir que, outre son sens du toucher, son odorat et son goût se développaient aussi. De par sa conception, elle pouvait servir d’escort à des hommes d’affaires ou politiciens, lors de dîners mondains, elle possédait l’option repas comme le disait si finement Homer Dhalors. Elle pouvait ingérer de la nourriture sans aucun problème.

Sébastian s’amusait à glisser entre ses lèvres des drupes et autres baies. Il essuyait d’un doigt délicat du jus maculant sa bouche ou son menton. Elle appréciait ces attentions et se réjouissait à l’idée de découvrir de nouvelles saveurs.



Pas faux, se dit Seb, nous ne serons pas secourus de sitôt.


Lors de leur périple, ils découvrirent d’autres morceaux d’épave, de leur vaisseau mais aussi du pirate, sans y trouver grand-chose d’intéressant, à part d’autres victimes, ou ce qu’il en restait.


Chaque soir, ils installaient leur campement près d’un ruisseau, dans une zone dégagée, en ayant pris soin d’allumer un feu pour éloigner des prédateurs. Ils songeaient à se fixer en un lieu idéal, ne voyant pas l’intérêt de rester nomades.


Après une longue journée de marche, Seb se trempait dans la rivière pour se laver, tout comme Alexia. Il la regardait souvent, entièrement nue, faire couler l’eau sur son corps et ses cheveux. Elle lui avait appris qu’elle retirait ainsi toutes les poussières et impuretés qui pouvaient abîmer sa peau ou empêcher ses cheveux de capter la lumière solaire et recharger ses batteries. Lui, en mâle ordinaire, regardait ce spectacle sans se lasser.

La belle androïde avait remarqué les regards de son compagnon, et un soir…



Ils restèrent silencieux de longues minutes, le regard plongé dans les flammes.



Sébastian en restait ébahi, Alexia lui reprochait ouvertement son manque d’initiative. Décidément, les mœurs évoluaient trop vite pour lui, se faire draguer par une « robote », dans quel monde vivons-nous! Mais, n’écoutant que son grand cœur et désireux de faire évoluer la science, il accéda aux désirs de sa compagne.



Merde, si en plus les androïdes se mettent à faire de l’humour et des commentaires grivois, je suis mal barré !


Aussi ému que, lorsqu’encore adolescent, il embrassait pour la première fois une fille, sans parler de se retrouver nu avec elle, Sébastian devait se montrer à la hauteur, il y allait de l’honneur de l’humanité.

Ses lèvres picorèrent celles de sa compagne tandis qu’il lui caressait les cheveux. Ses doigts dessinaient les contours du visage d’Alexia.

Oubliée la créature cybernétique, il tenait entre ses bras une magnifique jeune femme qui entrouvrait la bouche sous ses baisers fiévreux, les langues firent connaissance, – car bien entendu, ses concepteurs l’en avaient pourvue –, et d’une main habile il baissa la fermeture de la combinaison, la fit tomber des épaules et empauma un sein.

Sébastian mordillait le lobe d’une oreille tout en passant le pouce sur un téton qui se réveillait. Il traça un chemin de baisers entre la joue et les mamelons.



Sébastian dénuda totalement sa compagne, lui mordilla les tétons, les faisant se dresser de manière insolente. Insidieusement, il se déplaçait vers le nombril de la belle – car nombril il y avait aussi – puis descendit vers le mont de Vénus. Le créateur d’Alexia avait songé au moindre détail, des grandes lèvres gourmandes et pulpeuses, des nymphes délicates jusqu’au clitoris, rien ne manquait, ni même l’anus. Seb s’imaginant aisément la raison.

Sous sa bouche, la peau de celle qu’il considérait comme une vraie femme était souple, douce et chaude.

Désireux de faire honneur à sa compagne, Sébastian fit appel à toutes ses connaissances, tant vécues que livresques.


D’abord caresser les cuisses et les hanches, les inonder de baisers, venir enfouir le nez dans la toison blonde et y souffler pour en soulever les mèches folles. Folâtrer sur la tendre colline et visiter de la langue la délicate orchidée.

Fleur qui s’épanouissait, déployant draperies et dentelles de pseudo-peau. La récente administration de nanites avait réveillé une partie du corps de l’humanoïde, jusque-là inerte. Les terminaisons nerveuses mises en place, la belle « robote » sentait ses tétons gonfler, ses nymphes éclore pour la plus grande joie de Seb qui voyait ses efforts récompensés. Oubliée l’androïde, maintenant il tenait entre ses bras une sublime créature qui ondulait et gémissait sous ses coups de langue coquins.

Elle s’ouvrit à lui comme un joli fruit. Et lorsqu’il introduisit un, puis deux doigts indiscrets dans son unité centrale tout en lui suçotant le bouton on/off, elle poussa des hurlements qui firent s’envoler la population aviaire des arbres environnants. Il éprouvait quelques difficultés à la maîtriser, tellement elle ruait telle une pouliche sauvage. Sébastian craignait de voir ses doigts se briser tant elle les enserrait, et surtout il ne pouvait bouger.

Enfin, au terme de longues minutes de gémissements et de frissons, elle se calma.



Elle avait la voix toute chevrotante. Il leva les yeux vers elle et éclata de rire.

Alexia le fixait d’un œil vert et l’autre noisette, ses cheveux ébouriffés se paraient de mèches vertes, rousses, argentées et blondes et ses seins venaient de passer d’un bonnet D à un bonnet F.



Il la fit s’étendre sur l’herbe, puis vint s’allonger sur elle. Alexia ne s’étonna pas outre mesure de la position, y ayant déjà été confrontée avec le Pr Dhalors et ses sbires. Ce qui l’étonna, ce fut la manière de faire. Aux gestes brutaux et sans tendresse du scientifique (elle n’était qu’une machine, pourquoi se gêner ?) elle s’abandonnait aux mains délicates de Sébastian, sans commune mesure avec la brutalité du pseudo-scientifique.

Une caresse du bout du gland sur les pétales de sa jolie fleur, un coucou à son pistil, puis une lente et délicate intromission, elle « sentait » toutes les nouvelles terminaisons s’éveiller en elle, surtout qu’il lui embrassait les seins et mordillait les tétons. Elle noua ses jambes autour de la taille de son amant et se laissa aller à ces nouvelles sensations.

De nouveau, elle assista à un feu d’artifice à l’intérieur de son organisme, se retrouva avec les cheveux multicolores et un sein plus gros que l’autre.



Ainsi continua leur périple, ponctué de séances de jambes en l’air acharnées. Sébastian dut informer Alexia qu’il ne pouvait remettre le couvert de suite, et qu’il lui fallait parfois des temps de récupération. Elle expliqua à son compagnon d’infortune que si elle découvrait les sensations, elle connaissait sur le bout des doigts moult positions pour satisfaire un homme. C’est ainsi qu’elle lui prodigua la plus mémorable fellation jamais pratiquée, mais qu’elle découvrit aussi le goût du sperme.




*

**



Alors qu’ils venaient de découvrir un lieu paradisiaque pour installer leur campement, près de l’embouchure d’un fleuve bordé d’arbres au feuillage bleuté, les collines descendaient en pente douce vers une plage de sable blanc léchée par les vagues.

Au loin, d’autres vagues se fracassaient contre de monumentales falaises ocre.

C’est alors qu’ils entendirent des cris, hurlements et autres feulements de rage et de terreur.

Ils contournèrent prudemment d’épais buissons épineux et découvrirent une scène digne de l’Enfer de Dante. Un animal velu, du double de la taille d’un grizzly terrestre, ressemblant vaguement à un raton laveur se battait contre un monstre caparaçonné, à douze pattes, bardé de pinces et plus grand encore que son adversaire. Il disposait surtout d’un redoutable aiguillon d’où sourdait un liquide peu engageant. Le raton laveur possédait des pattes préhensiles et se tenait souvent debout.

Le pseudo raton défendait avec acharnement l’entrée d’une grotte d’où provenaient des gémissements. Quatre petits s’étaient réfugiés dans la cavité en attendant que leur mère vienne à bout de l’agresseur, mais l’opération semblait mal engagée. Elle souffrait d’une blessure à la patte avant, une longue estafilade striait son flanc droit, elle perdait du sang et reculait sous les assauts de son adversaire.



Sébastian fut surpris du ton véhément de sa compagne. Il voyait pour la première fois le joli minois d’Alexia se renfrogner, exprimer des sentiments autres que la joie et le plaisir – sentiments qui étaient intégrés d’office à son programme d’androïde sexuel.

Il voyait la tristesse, la crainte dans les yeux de sa belle, mais aussi l’espoir, l’espoir qu’il trouve une solution. Certes, les petits faisaient la taille d’un poney, mais ils étaient mignons, comme tous les bébés animaux. Il n’empêchait que la mère possédait des griffes et des crocs acérés impressionnants.



Pendant ce temps Alexia amassait une belle quantité de pierres allant de la taille d’une balle de tennis à celle d’un ballon de handball. Ils surgirent en hurlant et se précipitèrent vers les belligérants. L’un agitait ses torches, l’autre jetait des pierres avec une précision diabolique, visant la tête et surtout les yeux de l’arachnide.

Tout d’abord, les deux monstres ne semblèrent pas s’intéresser aux nouveaux arrivants, puis l’espèce de scorpion géant reçut une caillasse dans un de ses yeux pédonculés et daigna s’occuper des nouveaux intervenants. Il eut tout d’abord des difficultés à repérer ces ridicules personnages, mais lorsqu’il sentit la chaleur des flammes il se fit plus circonspect.

Alexia le bombardait toujours de roches et de temps à autre lui envoyait une lance dans la gueule.

L’autre bestiole grogna mais ne dédaigna pas un peu d’aide apportée par ces étranges animaux à deux pattes.

Elle renifla ses petits pour les rassurer, puis, voyant passer une patte arrière du pseudo scorpion, elle y planta les dents, secoua la tête et finit par arracher le membre. Alexia et Sébastian en profitèrent pour le rouer de coups, et il se retira en clopinant, agitant ses pinces et son aiguillon en tous sens.


Les deux « humains » se sourirent, tout étonnés de s’en sortir sans dommage. Ils se tournèrent vers la grotte d’où provenaient des grognements. Les petits se pressaient autour de leur mère qui venait de s’effondrer alors qu’elle les léchait.

Alexia s’approcha avec circonspection de l’animal et repoussa tant bien que mal les jeunes animaux.




*

**



Après de prudentes recherches, Seb découvrit que leurs protégés étaient du genre omnivore tendance piscivore. Des restes de poissons ornaient les abords de la grotte, mais aussi des noyaux de fruits. Sébastian alluma un feu destiné à éloigner les prédateurs, mais qui terrorisa les « petits » qui se réfugièrent au fond de la cavité.

Pendant ce temps, Alexia soignait la mère qui geignait, montrait les dents mais ne tentait pas de mordre l’androïde. Sébastian alla pêcher dans la rivière toute proche. Une décharge de laser dans l’eau et une vingtaine de poissons gros et gras remonta le ventre à l’air.

Le repas se déroula dans de bonnes conditions, d’abord effrayés par les flammes, les jeunes animaux furent quand même attirés par l’odeur du poisson. Sébastian finit même par les nourrir comme on nourrit les toutous sur terre, directement dans la gueule.



La mère, inquiète, se traîna vers ses petits pour les protéger, mais elle finit elle aussi par succomber à la tentation.

Les deux « humains » se retrouvaient entourés de museaux qui quémandaient de la nourriture.

Rassasiés, les petits allèrent se blottir contre leur mère. Sébastian rechargea le feu et rejoignit Alexia, allongée sur un lit de feuilles.



Tout en devisant, Sébastian caressait la poitrine dénudée de sa compagne.



Ce faisant, elle s’installa à califourchon sur lui.



Quelques jours plus tard, les deux bipèdes se réveillèrent entourés de boules de poils, les petits venaient se serrer contre eux, et même la mère, qui ne semblait plus rien craindre des étrangers, se mêlait au fouillis de poils et de pattes. Souvent, Sébastian émergeait du sommeil en serrant Alexia contre lui. Elle appréciait la sensation, même si, elle, ne dormait jamais, électronique oblige.

Les « Ratons », comme ils avaient décidé de nommer les animaux, s’alimentaient de poissons qu’ils pêchaient avec une rare efficacité, mais pratiquaient aussi la cueillette de fruits, de baies, ainsi que de racines qu’ils déterraient avec habileté.

S’inspirant d’eux, Sébastian se mit aussi à consommer ce genre de produits, sans effets secondaires notoires. Les deux humains songeaient un temps à quitter cet endroit dès que la mère serait rétablie, mais la cohabitation se déroulant bien, ils décidèrent de rester. Ils aidaient leurs nouveaux « amis » à ramasser des victuailles, soignaient les petits bobos ou passaient quelques heures à jouer avec ces animaux qui appréciaient aussi les caresses et les gratouilles.

Chaque soir, ils allaient s’asseoir au sommet d’une colline, et admiraient le soleil se coucher dans les flots. Parfois, lorsque le temps était à la pluie ou trop nuageux, ils restaient près de la grotte avec les animaux, blottis autour du feu.



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De temps en temps, Alexia partait en expédition pour dénicher d’autres sources de nourriture. Elle explorait d’autres vallées, plaines ou collines. Elle laissait seul Sébastian au campement, emmenant avec elle un ou deux des « ratons », ces derniers grandissaient de jour en jour. La portée comprenait un mâle et trois femelles. Si le mâle, baptisé Édouard, était casanier et timide, ses trois sœurs tenaient du « garçon » manqué, toujours prêtes à explorer les environs. Surnommées Hétéphérès, Néfertari et Arsinoé, la belle droïde entraînait souvent les « filles » en vadrouille.

Il savait qu’Alexia ne risquait rien, qu’elle pouvait se défendre seule, mais il préférait la savoir accompagnée par une de ces grosses boules de poils au caractère bien trempé.

Ce jour-là, Alexia explorait une région plus lointaine, accompagnée de Arsinoé, la plus dégourdie des Giga-Ratons comme ils les nommaient. Vers le milieu de l’après-midi, – les journées duraient vingt-huit heures – Arsinoé revint seule particulièrement affolée, elle houspillait ses frères et sœurs, aussi sa mère qui se déplaçait en boitillant, sa patte blessée pas encore totalement rétablie, et même Sébastian eut droit aux gesticulations et bousculades de la grosse bête.

Se faire secouer par une bestiole de trois cents kilos très énervée ne relevait pas de la rigolade, alors que là les cinq lui tombaient en même temps sur le râble.

Il sut immédiatement qu’un problème venait d’arriver à sa compagne. Arsinoé semblait vouloir l’entraîner à sa suite elle. Le gros raton partait en trottinant, rebroussait chemin, l’attendait en lui lançant un regard insistant, tournait sur elle-même, affolée.

Il récupéra dans leur campement quelques provisions, des sagaies et le petit laser, bref le peu d’armes qu’il possédait, ainsi que le kit médical.

La mère, surnommée Cléopâtre, resterait sagement à la « maison », il lui fit une gratouille entre les oreilles en l’enjoignant d’être sage et rejoignit les quatre jeunes qui l’attendaient avec impatience.

Le voyage dura environ quatre heures. Ils se trouvaient dans une région totalement inconnue mais Arsinoé avançait toujours d’un pas décidé.

Le guide s’arrêta soudain au sommet d’une colline escarpée, leva le nez et se mit à renifler, agitant la tête de droite et de gauche, sa truffe remuait, humant des effluves que Seb ne savait déceler. Les autres se mirent à faire de même, émettant des grondements sourds ou de faibles gémissements.

Sébastian s’étonnait toujours de l’aptitude de ces animaux de près de cinq cents kilos à se déplacer sans faire bruisser une feuille. Comme ils semblaient agités, il se mit lui aussi à quatre pattes et s’approcha du rebord de la falaise, camouflé par les roches et la broussaille. Il découvrit un spectacle qui lui fit dresser les cheveux sur la tête et gronder les « Ratons » tout hérissés.



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Alexia visitait une région inconnue, elle recherchait de nouvelles sources de nourriture et éventuellement un endroit pour installer un autre campement. L’actuel se révélait parfait, mais il fallait prévoir l’irruption de prédateurs ou une période de mauvais temps, se trouver un plan B en quelque sorte.

Alors qu’elle sortait d’une zone broussailleuse et que Arsinoé vadrouillait aux alentours, elle débarqua sans crier gare au milieu d’un campement de naufragés, apparemment des rescapés du vaisseau pirate.

Une quinzaine d’hommes travaillaient dans une clairière. Certains découpaient un morceau de viande en vue de le faire rôtir, d’autres s’affairaient autour d’une navette qu’ils semblaient réparer. Elle n’eut pas le temps de s’esquiver et se fit repérer de suite.



Le conditionnement d’Alexia reprit le dessus, « toujours obéir aux ordres d’un humain » faisait partie de son programme, niché au plus profond de son disque dur. Aussi approcha-t-elle du groupe, sans tenter de résister ni de fuir.



Elle opina du chef, tendant l’oreille pour entendre le moindre bruit provoqué par Arsinoé. Sûre que si la gentille bestiole rappliquait ces truands n’hésiteraient pas à la tuer. Elle ne résista pas non plus lorsqu’ils lui ôtèrent ses vêtements.




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Sébastian sentit la rage l’envahir. Il étudiait la configuration des lieux avec attention, à l’aide de ses vidéojumelles. Il ne vit tout d’abord qu’Alexia exposée nue sur un rocher telle la petite sirène d’Andersen. Elle ne bougeait pas, ne se rebellait pas. Elle ressemblait à un trophée qu’ils allaient se partager.

Au centre d’une grande clairière trônait une énorme navette, qui devait venir de l’autre vaisseau. Des pirates s’affairaient autour des moteurs ou enfournaient des provisions dans les soutes.

Sébastian identifia le véhicule comme un VRS1780, un appareil de cent soixante-dix tonnes capable de décoller d’une planète et de voyager en espace relatif, donc susceptible – dans des conditions spartiates, certes – de regagner une planète habitée. Et aux vues de l’activité régnant dans la clairière, cela n’allait pas tarder.

Il réfléchit à la meilleure manière de venir en aide à sa compagne. Il était seul, ou presque, les ratons géants observaient eux aussi les autres humains en grinçant des dents et en grognant, signe chez eux de fortes contrariétés.

Il vit les boucaniers se préparer pour une grande fête, repas, boissons, surtout boissons. Sébastian en conclut qu’Alexia serait la vedette de ces festivités, qui allaient certainement se dérouler en soirée, avant le décollage prévu pour le lendemain.

Il lui restait quelques heures pour mettre son plan au point.



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Alexia regardait les forbans se hâter à terminer les préparatifs. La navette semblait réparée et apte au décollage, ils enfournaient autant de provisions qu’ils pouvaient dans les soutes.

La jolie androïde savait que bientôt ils allaient s’intéresser à sa petite personne. Sa programmation lui interdisait de fuir, programmation qui faisait le meilleur des liens, mais elle songeait néanmoins à Sébastian. Qu’allait-il devenir, solitaire sur cette planète. Unique satisfaction, les pirates ne s’étaient même pas posé la question de vérifier si elle était seule ou accompagnée. S’ils étaient tombés sur lui, ils l’auraient exécuté sans hésitation.

Leurs préparatifs tiraient à leur fin. Le chef des truands s’approchait d’elle en ôtant ses frusques, l’air de celui qui a déjà obtenu la victoire et qui s’apprête à recevoir son butin.

Alors qu’elle le regardait venir vers elle, elle remarqua une infime odeur de végétaux brûlés ainsi que de légères volutes de fumée à près d’un kilomètre de là où elle se tenait.

Des crépitements se firent entendre au loin, cependant les pirates ne semblaient guère se faire de souci.



Les sens exacerbés d’Alexia décelaient aussi d’étranges vibrations dans le sol.

L’enfer se déchaîna soudain dans la clairière.



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Sébastian avait observé attentivement la configuration des lieux et en avait tiré une stratégie. Un peu du quitte ou double.

Des pentes raides et boisées surmontées par de hautes falaises blanches enserraient une vallée encaissée. Au fond de cette vallée, la fameuse clairière où séjournaient les pirates et leur prisonnière. Clairière elle-même entourée de falaises, une chute d’eau de plus de cent mètres de haut donnait naissance à une rivière qui serpentait dans la vallée.

Des plaines giboyeuses s’étendaient plus loin, le long du cours d’eau qui s’élargissait. Parmi les animaux paissant calmement se trouvaient des bestioles ressemblant à des rhinocéros terrestres, mais dotés de trois cornes et de trompes, pesant près de trois tonnes pour les femelles et quatre pour le grand mâle qui régnait sur son troupeau.

Quelques foyers allumés aux endroits idoines provoquèrent la panique chez ces paisibles ruminants qui s’engouffrèrent ventre à terre dans la vallée.

Juché sur le dos d’Arsinoé, une sagaie à la main, Sébastian entraînait à sa suite Édouard, Hétéphérès et Néfertari. Rapides, agiles, les Gigas-ratons n’éprouvaient aucune difficulté à suivre le rythme des rhinophants.

Ils déboulèrent comme des démons dans la clairière, surprenant les pirates, le pantalon sur les chevilles.

Le premier à se ressaisir fut le commandant du vaisseau pirate, qui pointait un pistolet à fléchettes vers l’homme qui menait cette cavalcade insensée.



Au lieu de fuir, elle fit un bond prodigieux et fracassa la tête du grêlé à l’aide d’une barre d’acier qui traînait. Coincés entre les animaux et une furie blonde qui faisait tournoyer son arme autour d’elle comme une faux, les pirates ne savaient que faire. Certains tentèrent de s’échapper avec la navette, Sébastian dirigea Arsinoé vers l’appareil, poussant quelques rhinophants devant eux.

La navette se retourna bien vite sous les coups de bélier des animaux. Les ratons déchiquetaient avec leurs griffes et leurs dents tout humain qui passait à portée de pattes. Ils réglaient leurs comptes avec ceux qui allaient faire du mal à leur bienfaitrice. Les autres mouraient écrasés sous les pattes des ruminants en furie. Sébastian maniait avec efficacité sa sagaie, ajoutant sa touche personnelle au carnage.

Quelques minutes plus tard, il ne restait plus rien de la bande de truands, à part des cadavres éparpillés. Sébastian rejoignit Alexia sur une éminence rocheuse et il la serra dans ses bras. Sa voix tremblait quand il lui dit :



Elle posa sa tête sur l’épaule de son homme, ils restèrent un long moment ainsi enlacés. Dans la clairière les gros ruminants se calmaient, Édouard, Arsinoé, Héphétérès et Néfertari vinrent faire des câlins à leur amie et quémander quelques caresses.

Après avoir récupéré armes, outils, vêtements ayant appartenu aux flibustiers, ainsi qu’un peu de nourriture, ils repartirent vers leur campement. Sébastian tenait Alexia par la main, les grosses bestioles faisaient la fête autour d’eux.



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De retour à la maison, le soir tombait, Sébastian insista pour baigner lui-même sa compagne sous une cascade, la fit s’allonger sur un matelas de feuilles, la recouvrit d’une couverture épaisse et s’allongea à ses côtés. Selon lui, sa belle avait besoin de repos.

Le matin les surpris enlacés, elle ne dormait pas mais appréciait cette intimité. Intimité vite troublée par l’intervention des grosses bestioles qui venaient faire la fête. Alors que Sébastian prenait un petit-déjeuner fait de fruits et de racines, Alexia rechargeait ses batteries en se dorant au soleil.

Cependant, un détail chiffonnait Séb.



Alexia haussa les épaules, agita la main d’un geste désinvolte et ronchonna.



Il se gratta la tête, souffla un grand coup.



Sébastian la serra contre lui, lui embrassa les cheveux.



Ils restèrent longtemps ainsi serrés l’un contre l’autre.



Alexia posa la tête sur le torse de son compagnon, murmura dans un soupir :




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Pour les retrouvailles, Sébastian organisa une grande fête, mit les petits plats dans les grands, prépara du poisson, des racines, des légumes et des fruits, le tout accompagné d’une bouteille de vin récupérée dans la navette pirate.

Les animaux s’amusaient, venaient chercher quelques friandises et surtout faisaient la fête aux humains. Tard dans la nuit ils se couchèrent et firent l’amour, d’abord de façon très féroce, tels des fauves en rut, pour exorciser toute la peur emmagasinée lors de cette séparation et de la bataille.

Alexia gémissait comme une damnée, feulant comme elle ne l’avait jamais fait, ses longs cheveux flottant dans le vent alors qu’elle s’empalait sur le dard fièrement dressé de son homme.

Plus tard encore, Sébastian inaugura la cavité secrète de sa belle, un pertuis qu’il n’avait que peu visité chez les humaines.

Une main glissée sur le ventre d’Alexia, il lui lutinait le clitoris tandis qu’il lui investissait la citadelle. Elle fut prise de spasmes alors qu’elle se malaxait les seins, murmurant des propos incohérents. Il la serra contre lui, embrassant sa nuque, ses épaules.

Ils passèrent la nuit serrés l’un contre l’autre, bras et jambes emberlificotés. Lorsque Sébastian se réveilla, Alexia lui caressait les bras, un grand sourire aux lèvres, elle avait les cheveux couleur arc-en-ciel. Sitôt éveillés, ils furent assaillis par de grands coups de museaux affectueux.


La vie s’organisa paisiblement. Chaque matin, après le bain auquel participaient les bestioles à grand renfort d’éclaboussures, Sébastian défrichait une zone de terrain. Il en avait assez de partir à l’aventure à la recherche de fruits, légumes et racines comestibles. Il installa un potager juste à côté de Chez Eux.

Ils aménagèrent un bras de la rivière en pisciculture. Puis après quelques mois passés à la belle étoile ils décidèrent de construire un abri, en fait un genre de chalet. Ils supportaient de plus en plus difficilement les intempéries, tempête, pluie ou même neige. Les giga-ratons logeaient dans leur grotte, mais ils eurent droit eux aussi à leur home sweet home juste à côté de celui de leurs compagnons bipèdes.

L’année locale se décomposait en quatorze mois et quatre cent dix-sept jours, mais ils s’en foutaient royalement, vivant au jour le jour.

Chaque soir, si le temps le permettait, ils allaient s’asseoir sur un tertre, face à la mer. Ils regardaient le soleil se coucher dans les flots en un feu d’artifice de couleurs, qui illuminaient le ciel et l’océan.

Ensuite les lunes se levaient, parfois ensemble, parfois séparément. À de rares occasions, seule la lune blanche apparaissait, la bleue restant cachée. Ils regardaient ce spectacle assis l’un à côté de l’autre, la tête d’Alexia posée sur l’épaule de Sébastian. Puis ils rentraient chez eux et s’aimaient.


La présence de ces étranges visiteurs attira d’autres habitants de la planète. Une sorte de réseau social animal affirmait qu’il existait un lieu où l’on ne craignait rien, un lieu où la paix régnait et la nourriture abondait. C’est ainsi qu’ils virent s’approcher des « rhinophants », mais aussi d’autres ruminants ressemblant à des bisons, mais aussi des oiseaux. Sébastian renonça définitivement à la viande rouge. Il ne se voyait pas tuer une bestiole de plusieurs tonnes afin de se découper un unique steak.

Ils repérèrent des insectes qui produisaient un genre de miel, insectes qu’ils installèrent près du potager dans des troncs d’arbre creux.


Des prédateurs vinrent aussi traîner dans les parages, des félins longs de deux mètres, attirés par les rongeurs qui ravageaient les récoltes de Sébastian. Tout ce petit monde vivait presque en harmonie. Une seule fois, ils revirent un scorpion géant, qui fut très vite chassé.

Ils se constituèrent une pharmacopée en observant leurs animaux soigner les blessures ainsi que tous les petits bobos de la vie quotidienne. Pharmacopée composée de plantes, de baies, de feuilles ou d’écorces, et bien entendu uniquement dédiée à Sébastian. Il suspectait même Alexia de lui faire ingérer certaines plantes stimulant sa libido.

Les années passaient, la tribu des giga-ratons resta à demeure. Si la première génération s’éteignit au bout de vingt ans, leurs enfants et petits-enfants continuaient à prospérer et mettre de l’animation dans les environs, rejoints par d’autres individus de la même espèce.

Les cheveux de Sébastian se paraient de fils d’argent au fil des ans, il cultivait un peu moins vite le potager, mais il accompagnait toujours sa compagne sur le tertre et admirer le soleil sombrer dans les flots. Chaque jour, il dénichait une fleur qu’il offrait à sa belle.


Il atteignait approximativement l’âge de cent vingt ans. Pour ne pas faire de peine à son amant, Alexia elle aussi se teignit les cheveux en blanc, laissant même apparaître quelques rides autour des yeux et sur le front.


Un soir qu’ils regardaient l’astre du jour se noyer dans les flots en une apothéose de couleurs, Sébastian posa la tête sur les jambes d’Alexia, lui prit la main et s’endormit pour ne jamais se réveiller.

Elle resta ainsi toute la nuit, lui caressant les cheveux.

Dès le matin, elle recouvrit le corps de son amour de roches et de pierres, planta par-dessus des fleurs et des fougères.

Le soir, elle se rendit seule sur le tertre, vit sans le voir le soleil embraser l’océan. Cette nuit-là, une seule lune se leva.

Une larme roula sur la joue de la belle androïde.

Elle rentra chez eux, s’allongea près du cairn où reposait l’homme qu’elle aimait, ferma les yeux et débrancha sa batterie.