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Temps de lecture estimé : 19 mn
11/05/22
Résumé:  Ah ! la crise de la quarantaine, quelle connerie !
Critères:  fh extracon travail amour jalousie confession -extraconj
Auteur : Patrick Paris            Envoi mini-message

Collection : Confidences
Confidence d’une femme infidèle

Cela va bientôt faire 7 ans, 7 ans qu’il ne m’a plus touchée. Nous vivons ensemble, nous partageons le même lit, mais il ne me touche plus, moi non plus d’ailleurs je ne le touche plus.

Je ne peux rien lui reprocher. J’estime même avoir de la chance qu’il ne m’ait pas quittée. C’est ma faute, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. J’ai joué, j’ai perdu.


Vous l’avez compris, j’ai trompé mon mari. Oui, vous avez bien lu, moi, la mère de ses enfants, une femme infidèle, impensable ! Je n’arrive pas à y croire moi-même après toutes ces années, comment ai-je pu ? Et pourtant. J’ai tout détruit. Je n’en suis pas fière.


C’était il y a 12 ans, je venais d’avoir 42 ans, nous étions heureux. Nous devions bientôt fêter nos dix années de mariage. Ah ! La crise de la quarantaine, quelle connerie !


Laissez-moi vous conter comment tout ça est arrivé.


Nous vivions ensemble depuis 4 ans quand Stéphane m’a demandée en mariage. J’ai bondi de joie, c’était juste après la naissance de notre premier enfant. J’étais certaine de son amour et du mien, j’avais trouvé l’homme de ma vie. Le second est arrivé assez rapidement. Toujours amoureux, nous faisions l’amour comme au premier jour, de ce côté-là aussi c’était le bonheur. Il me comblait. Aucun homme n’aurait pu me donner autant de plaisir. J’avais une confiance totale en lui, comme lui pouvait avoir confiance en moi.


Les enfants grandissaient. Nous avions tous les deux un bon travail, une nounou qui s’occupait des enfants le soir à la sortie de l’école, une petite maison en banlieue, achetée à crédit.


Le bonheur parfait. Trop parfait peut-être. Le train-train quotidien, bien loin de mes rêves de jeune fille. Mais de là à tout foutre en l’air…Maintenant, je le regrette ce train-train.


Alors, me direz-vous pourquoi ? Je me pose toujours la même question, 12 ans que je me pose cette question. Pourquoi ?


C’était un nouvel embauché, un cadre supérieur, un peu plus jeune que moi. Il faisait le tour des établissements pour se former aux différents métiers de l’entreprise, avant de prendre un poste de direction au siège. Il devait rester en stage quelques mois chez nous. Vous avez compris, c’est avec lui que je… mais, je vais encore trop vite.


David était un homme ouvert, chaleureux, nous avons de suite sympathisé. Lors d’une réunion un peu houleuse, nous avons fait bloc tous les deux, complices, toujours sur la même longueur d’onde, nous comprenant à demi-mot, nous renvoyant la parole au bon moment pour contrer les requins qui pensaient nous manger tout cru. Pour fêter cette victoire, notre victoire, je l’ai invité au restaurant, ça en valait la peine.


À table, nous avons échangé sur la société, sur nos carrières, très vite la conversation est devenue plus intime. Je lui ai montré les photos de mes enfants, j’ai appris qu’il était marié, qu’il n’avait pas d’enfant mais que ce serait sûrement pour cette année. Quand il m’a servi à boire, ses doigts ont frôlé ma main par inadvertance, j’ai été troublée sans rien laisser paraître. Mais la seconde fois, je suis certaine qu’il l’a fait exprès. Gênée, j’ai souri.


Quand on est retourné à sa voiture sur le parking, il m’a embrassée en m’ouvrant la porte. Je l’ai laissé faire, sans aucune arrière-pensée, comme si c’était naturel. C’est là que ça a dérapé. Nous étions complices dans le travail, nous devenions complices dans la vie. Assis dans sa voiture, il m’a prise dans ses bras, nous nous sommes à nouveau embrassés, il m’a caressée pendant plusieurs minutes, glissant sa main sous mon chemisier. Je me suis laissé aller, sans penser à rien. C’était agréable. Réalisant ce que nous étions en train de faire, cachant mon trouble, je me suis ressaisie. J’ai regardé ma montre :



Après un dernier petit baiser, il a démarré. Au bout de 5 minutes, nous n’étions pas à la porte du bureau, mais sur le parking d’un hôtel. C’est là que j’ai vraiment merdé, j’aurais encore pu dire non, je n’avais aucune envie de prendre un amant. Sans un mot, je l’ai suivi.

Pourquoi ? Pourquoi, j’en sais rien.


Nous sommes ressortis deux heures après. J’avais pris soin de téléphoner à ma secrétaire pour dire que je ne repasserais pas de l’après-midi. Lui n’avait pas de compte à rendre, son retour à 16 heures n’a surpris personne.


Je me suis promenée en ville avant de rentrer chez moi, pour mettre mes idées en place. Étrangement, je n’avais aucun remords, j’ai bien sûr pris conscience que pour la première fois je venais de tromper mon mari, mais quelle importance, il n’y avait eu aucun sentiment, juste une attirance physique. Le coup d’un soir comme quand j’étais célibataire. Pas grave.


Le soir, j’ai accueilli Stéphane avec un grand sourire, comment aurait-il pu se douter. J’étais toujours la même, une épouse aimante. J’ai préparé le repas et couché les enfants comme tous les jours.

Au lit, j’ai été heureuse qu’il veuille de moi, notre étreinte a été merveilleuse. En prenant ma douche, je me suis fait la remarque « l’amour change tout », j’avais eu tellement plus de plaisir avec lui qu’avec mon amant d’un jour.


On aurait pu en rester là. Pourtant, l’habitude a vite été prise. Je n’ai jamais réfléchi, je n’ai pas établi une liste des pours et des contres. Une fois par semaine, un 5 à 7 à la pause du déjeuner, pendant presque six mois. Quel plaisir de me sentir désirée par un autre homme !


J’étais mariée depuis longtemps et fidèle, enfin je me comprends. Lui en couple, sérieux. Je me suis dit que j’étais l’exception dans sa vie comme il était l’exception dans la mienne. Rapidement, on n’a plus utilisé de préservatifs.


Organisés, nous l’étions. Nos mensonges tenaient parfaitement la route. Nous ne prenions aucun risque, aucun geste au bureau qui aurait pu nous trahir. On partait en décalé avec des excuses bidon pour ne pas attirer l’attention des collègues. Il faisait croire qu’il rentrait de la salle de sport, moi je filais à un déjeuner de travail pour me fournir un alibi. Nos rendez-vous étaient chronométrés, jamais plus d’une heure. Une heure de plaisir, de plaisir pur. On ne s’attardait pas, pas d’intimité après l’amour, c’était réservé à mon mari, et puis ça faisait gagner du temps.


Nous étions la prudence même. Jamais de SMS ni de coup de téléphone en dehors du bureau. À la maison, je n’avais pas changé, j’étais certaine que Stéphane ne se doutait de rien. Comment aurait-il pu savoir ?


Comment j’ai vécu cette période ? … J’avais l’impression d’être une ado, jouant à cache-cache avec mes parents. Je me suis dit que c’était certainement la dernière fois de ma vie que je ressentais ça, alors je le retrouvais sans me poser de questions. Sur le coup, je n’ai jamais regretté, je n’ai jamais éprouvé la moindre culpabilité par rapport à mon mari, ni même le sentiment de le tromper. C’était hors du temps. Je savais que dans quelques mois, David partirait, refermant cette parenthèse de ma vie de femme parfaite. Ce serait la première et la dernière fois, la seule. J’aimais mon mari, aucune envie de prendre un amant.


Un jour à midi, au lieu d’aller à l’hôtel, nous nous sommes retrouvés dans un café, David voulait me parler. J’étais intriguée, ce n’était pas dans nos habitudes. J’ai emmené un dossier pour donner le change. Il a voulu me prendre les mains, mais je les ai vite retirées de peur que quelqu’un ne nous voie. Il m’a regardé dans les yeux et m’a tout raconté. C’était pour me dire qu’il venait de se rendre compte qu’il était positif à l’herpès. Il avait peur que moi aussi je ne sois infectée. Il s’est excusé. Je devais me faire tester au plus vite.


J’avais du mal à comprendre, tout s’embrouillait dans ma tête. Je croyais être l’exception dans sa vie rangée, comme c’était le cas pour moi, il faut croire que non. Je m’étais fait des illusions, là-dessus aussi je m’étais trompée.


Les MST ne me concernaient pas, je n’avais jamais fait de test de ma vie. Je ne savais même pas ce que c’était exactement l’herpès, un mot rien de plus. D’un coup, j’ai réalisé les risques que j’avais pris. Le monde s’écroulait. David avait vraiment l’air désolé, c’est là que j’ai pris conscience que ce pouvait être grave :



J’étais dévastée. J’avais besoin de réfléchir.

Avant de partir, je lui ai quand même dit que c’était fini entre nous. Il n’a rien dit, il était d’accord. On s’est fait la bise, je savais qu’on ne se reverrait plus jamais, enfin plus jamais à l’hôtel.


Il a trouvé une excuse pour raccourcir son stage. Quelques jours plus tard, il partait sans essayer de me revoir. Je préférais, nous n’avions plus rien à nous dire.

Nous nous sommes croisés plusieurs années plus tard, lors d’un séminaire. Nous étions heureux de nous revoir, mais ni lui ni moi n’avons voulu revenir sur ce qui nous avait réunis ni sur ce qui nous avait séparés.


Bouleversée par ce que David venait de m’apprendre, j’ai marché pour reprendre mes esprits. Je me suis longuement promenée dans le parc, essayant de mettre mes idées en place. J’avais agi comme une idiote, sans faire attention aux conséquences. Je me suis assise sur un banc. En tremblant, j’ai regardé internet sur mon smartphone, je voulais savoir. J’ai frappé « Virus herpès » dans Google. Et là, j’ai su.


Quelle horreur ! Vous, vous savez ce que c’est, l’herpès ? Un virus dont on ne guérit jamais. Une cochonnerie que l’on peut refiler à ses partenaires. Si j’étais positive, Stéphane devait l’être aussi. Comment pourrait-il me le pardonner ?


Il fallait me faire tester au plus vite. Je suis allée directement à l’hôpital, après avoir prévenu mon bureau pour signaler mon absence.


En rentrant chez nous, pas très rassurée, j’avais l’impression que la honte était inscrite sur mon front. Stéphane était là, souriant, un gros bouquet sur la table. Je me suis souvenue que ce soir nous fêtions notre anniversaire de mariage, en amoureux comme tous les ans.


Dix ans de mariage, ça compte. Il avait tout préparé, la table était mise, le champagne au frais, il avait passé commande auprès de notre traiteur habituel. Une enveloppe dans mon assiette avec ce simple mot « Je t’aime ». Il m’a prise dans ses bras et a voulu m’embrasser, j’ai éclaté en sanglots :



J’ai été obligée d’inventer un problème au bureau. Impossible de lui dire la vérité, pas ce soir.


En nous couchant, j’ai dû prétexter une grande fatigue, il voulait aussi fêter notre anniversaire au lit. Normal. J’en avais aussi terriblement envie. Impossible, je ne voulais pas lui faire courir le moindre risque. Il a un peu bougonné, mais jamais il ne m’aurait forcée. J’étais triste de lui imposer ça, en me blottissant dans ses bras, j’avais envie de lui demander pardon.


Le lendemain, je suis passée à l’hôpital avant d’aller au bureau, j’avais hâte de savoir. Tests positifs. Le ciel me tombait sur la tête. Je me décidais à aller voir notre médecin de famille. Il me reçut une heure après.


Il m’apprend que je suis bien porteuse du virus de l’herpès. Obligée de lui dire la vérité, il ne m’a pas jugée. Je n’avais pas encore fait de poussée, pas vu de boutons, donc je ne savais pas ce que c’était. Je savais juste que ça ne se soignait pas. Il m’a bien expliqué quelles pouvaient être les conséquences et quelles étaient les précautions à prendre, comment nous devions maintenant nous protéger pour faire l’amour. La catastrophe. J’ai compris que j’allais devoir en parler à mon mari.


Il fallait absolument le protéger, pour cela je devais tout lui avouer. Le soir même, prenant une grande respiration, je lui ai tout raconté. Je me suis excusée. Je lui ai répété cent fois que ça ne remettait pas en cause mon amour pour lui ni mon envie de finir ma vie à ses côtés. J’avais juste été conne et j’avais agi comme une gamine. J’avais surtout peur de l’avoir déjà contaminé.


Il n’a rien dit, comme assommé, sa tristesse faisait peine à voir. Je me sentais doublement coupable, l’avoir trompé et l’avoir infecté. Sans le moindre mot, au bout d’une minute, il s’est levé, je devinais la boule dans sa gorge, je l’ai suivi des yeux, il est allé dans la cuisine boire un grand verre d’eau, il se cramponnait à l’évier, l’eau continuait de couler, il avait le regard fixe, des larmes ont commencé à couler. À ce moment-là, j’ai vraiment eu honte.


J’ai murmuré ce simple mot « pardon », il ne m’a pas entendu.

Pardon de quoi ? De l’avoir trompé, de lui faire de la peine, d’avoir détruit notre si belle entente, d’avoir trahi sa confiance ?


En revenant dans le salon, les yeux rouges, il ne disait toujours rien. J’aurais aimé qu’il crie, qu’il me traite de tous les noms. Il me regardait comme si j’étais une inconnue, ça m’a donné la chair de poule. Cette tristesse que je lisais au fond de ses yeux était pire que tout :



C’en était trop, je suis partie en pleurant. J’avais tout gâché.


J’ai bien vu qu’il serrait les dents, qu’il avait du mal à parler, je m’en voulais de le faire tant souffrir. Que pouvais-je lui dire d’autre ?

Depuis notre chambre, en cherchant le sommeil, j’ai entendu des sanglots dans le salon. Je voulais aller le consoler, le rassurer, mais je n’ai pas osé, j’avais honte, tellement honte de moi, « pardon mon chéri ».


Le lendemain, je l’ai retrouvé dans le fauteuil, il avait dormi là, tout habillé. Je lui ai fait une bise :



Je savais qu’il ne pensait pas ce qu’il disait, je devinais sa souffrance. Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même.

Que pouvais-je dire d’autre ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?


Sur la table, j’ai trouvé l’enveloppe avec les mots « je t’aime », déchirée en quatre. Dedans, deux billets d’avion pour les Baléares, et la réservation d’un hôtel, le même que celui de notre voyage de noces. Nos rêves détruits.

Nous n’y sommes jamais retournés.


Le soir, nous nous sommes couchés côte à côte, comme deux inconnus. Chaque fois que mon bras ou ma jambe le touchait, il s’éloignait brusquement comme si j’étais pestiférée. Le matin, il s’est levé rapidement, j’étais encore endormie, j’ai eu l’impression qu’il me fuyait, qu’il redoutait mon contact.


Les jours suivants, il rentrait tard du bureau, nous mangions face à face, sans trop savoir quoi nous dire. Ça a duré une semaine, 10 jours, je ne sais plus.


Puis un jour, je ne me suis pas méfiée, à minuit il n’était pas encore rentré. Je me suis couchée sans manger. Au matin, j’ai trouvé le dîner sur la table, il n’était pas revenu. J’ai attendu plusieurs jours avant que la porte ne s’ouvre. Il n’a rien dit.


J’ai servi le dîner comme tous les soirs. On s’est assis l’un en face de l’autre… l’habitude. Un peu irrité, il m’a juste dit :



Sans le vouloir, j’ai poussé un soupir de soulagement.



Je n’ai pas osé lui demander le résultat de sa réflexion.


Pendant son absence, je l’avoue, j’ai fouillé dans ses papiers. J’y ai trouvé la carte de visite d’un avocat des affaires familiales, voulait-il me quitter ? En regardant dans tous les tiroirs, je n’ai trouvé aucun dossier. Tous les jours, je guettais le facteur, dans l’attente de la lettre qui signerait ma condamnation. Rien, aucun courrier. Une chance. Mais il y avait pensé. Dans une enveloppe, le résultat de ses tests, il était négatif, « Merci mon dieu », au moins je ne l’avais pas contaminé. J’étais soulagée, mais il ne m’en avait rien dit, il n’avait pas voulu me rassurer.

Qu’étais-je devenue pour lui ?


La vie a repris son cours, mais plus rien n’a été comme avant. Il y a toujours un avant et un après. Il n’a plus été le même. Lui, si expansif, me racontant tous les soirs sa journée, il est devenu taciturne, perdu dans ses pensées, le regard triste.


Moi aussi je n’étais plus la même, je n’osais plus lui reprocher la moindre chose, de ne pas ranger ses affaires, de… de… de peur… je culpabilisais pour tout. Presque à m’excuser sans arrêt et le remercier de ne pas m’avoir quittée.


Lui qui n’oubliait jamais les fêtes de famille, il pensait toujours à celles des enfants, mais il n’a plus jamais fêté notre anniversaire de mariage. Les premières années, j’ai acheté des fleurs pour le lui rappeler, puis j’ai fini par oublier la date.


Bien sûr, on a refait l’amour. Il avait accepté qu’on aille voir notre médecin ensemble pour qu’il nous explique comment nous protéger. Mais je n’ai jamais retrouvé sa douceur, sa tendresse. Ni notre complicité ni le bonheur d’avant.


Notre vie intime aussi a changé. Il me laissait prendre ma douche toute seule, et allait dans la salle de bain quand j’en sortais, fini le second round sous l’eau. Pour s’endormir, il ne me prenait plus dans ses bras pour me protéger pendant mon sommeil. Je sentais bien qu’il pensait encore à l’autre, moi je l’avais oublié, pas lui. Je repensais à notre conversation, « que pour le sexe », c’est certain, je l’avais blessé, atteint dans son honneur, dans sa dignité. Dieu m’est témoin que je n’ai jamais voulu ça.


Nos étreintes, souvent trop rapides, me laissaient insatisfaite. J’imagine que Stéphane devait être frustré lui aussi.

Je me masturbais régulièrement sous la douche, déclenchant l’orgasme libérateur.

Ce n’était pas assez, il me manquait le regard d’un homme, cette petite lueur de désir que suscitait la vue de mon corps nu. Je laissais la porte de la salle de bain ouverte, je m’habillais et me changeais dans notre chambre devant lui. Je sentais bien ses yeux qui me suivaient, mais je n’ai jamais retrouvé son regard amoureux qui m’avait séduite, j’avais éteint ce regard.


Nous suivions à la lettre les conseils de notre médecin. Se protéger signifiait les crèmes, les préservatifs, plus de fellation ni de cuni. Finie la spontanéité, on décidait les jours avec et les jours sans. Pas très glamour, il fallait se préparer, je me passais de la crème, il enfilait un préservatif, machinalement. Y a mieux comme préliminaires. Un vrai tue-l’amour. On n’a pas résisté. Nos étreintes se sont espacées au fil du temps, pour disparaître totalement. Cela fait bientôt 7 ans qu’il ne m’a plus touchée, disons plutôt que nous n’avons plus eu de relations intimes. Ça a été le prix à payer pour quelques heures de folie.


Puisqu’il ne voulait plus de moi, vous devez vous dire que j’aurais pu le quitter, refaire ma vie avec un autre. J’y ai pensé, sans jamais en avoir vraiment envie. On ne tourne pas la page si facilement, les enfants, la famille. Je culpabilisais. Si lui restait, de quel droit moi la fautive… tout un tas d’excuses pour ne pas prendre la décision.


Pourtant, je me sentais encore jeune, j’avais toujours besoin de plaire. Qui aurait voulu de moi ?


Que je vous raconte… Un jour où il était en déplacement, je suis allée au cinéma en fin d’après-midi. J’ai senti le coude de mon voisin appuyé sur mon bras, je n’ai pas reculé. Son genou est alors venu au contact du mien, puis contre ma cuisse. Vous avez compris, lui a compris que j’étais disponible. Je l’ai suivi chez lui. J’étais stressée, je ne voulais pas d’un amant, juste retrouver le regard d’un homme quand il me déshabillerait. Aucun risque, pour un coup du soir, le préservatif est obligatoire. Je ne lui ai rien dit.

Était-ce lui ou moi ? Trop tendue, ou était-ce un mauvais coup… Fiasco, c’est le terme non ? Un véritable fiasco. Après quelques caresses rapides, il a enfilé un préservatif et m’a baisée, cherchant juste à éjaculer… Je suis peut-être un peu dure avec lui, c’est ce que j’ai ressenti sur le moment. Je n’ai même pas eu besoin de simuler, il était content de lui. Il m’a même remerciée, et n’a pas compris que je ne lui laisse pas mon numéro pour renouveler cet exploit. Heureusement, j’ai évité le « alors, heureuse ? ». Ce n’était pas grave, Ça n’avait pas fonctionné, voilà tout.

Je ne pensais pas tromper mon mari, non, c’était quasi thérapeutique.


Je voulais toujours me rassurer. Deux, trois mois après, je ne sais plus, Stéphane devait s’absenter quelques jours. J’ai décidé de retenter une expérience, cette fois en étant honnête. C’était certainement ce qui m’avait bloquée la première fois.

Je me suis préparée, ni trop sage, ni trop sexy, dans la tenue d’une femme qui sait ce qu’elle veut. Dans le miroir de ma salle de bain, je me suis trouvée belle.


Direction un bar dansant d’un quartier branché loin de chez nous. J’avais le choix, plusieurs hommes sont venus m’inviter et m’offrir un verre. Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ? Va savoir, je n’ai même pas eu le temps de lui demander son prénom. Après quelques tours de piste, il m’a prise par la main, nous sommes sortis.

Dans sa voiture, nous nous sommes embrassés. Il a ouvert mon chemisier, m’a pelotée, doigtée, une main sous ma jupe. J’étais aux anges, je me suis dit « lui au moins, il me fera jouir ».

Quand il a dit « On va chez moi ? », j’ai voulu être honnête. Ce n’était pas le bon plan. Il est parti en courant, enfin, il m’a demandé de descendre et a démarré en trombe comme s’il venait de voir le diable. Comme tous les hommes l’auraient certainement fait, vous ne croyez pas ?


Tragique… Comme une conne sur le trottoir, même pas envie de pleurer.


Cette fois, je me suis dit que c’était la dernière, je n’étais vraiment pas douée. Ça m’a fait réfléchir, pourquoi Stéphane ne m’avait-il pas quittée, je pouvais à tout moment lui transmettre mon virus. Il devait être aussi frustré que moi, alors, que faisait-il avec moi ? Pourquoi ne fuyait-il pas comme les autres ?


Sur ce trottoir vide, d’un coup, ça m’a éclatée en pleine figure, une évidence, je l’avais trompé, je l’avais trahi, et pourtant il était toujours là… Stéphane m’aimait, comme je suis. J’ai éclaté en sanglots. Cette fois, je versais des larmes de bonheur. Mon mari m’aimait, plus rien d’autre n’avait d’importance.

Comment lui montrer que moi aussi je l’aimais ? De la façon la plus simple, en restant avec lui, en le respectant.


J’étais heureuse, je chantonnais en rentrant chez nous. Je me suis trouvée bête avec mes petits problèmes d’orgasme.

J’ai fait le ménage à fond, j’ai préparé de bons petits plats pour son retour. La maison, comme moi, devait être accueillante.

Il a dû être surpris que je me blottisse contre lui en regardant la télé. Il n’a rien dit, il m’a serrée dans ses bras. J’étais bien.


Paradoxalement, le fait de ne plus avoir de relations intimes a modifié notre intimité, en bien. J’ai eu l’impression qu’il n’avait plus peur, qu’il m’avait pardonnée. Nous revivions comme avant, Ah ! toujours cet avant… Oui, c’est ça, nous étions redevenus un couple, sans relation physique, mais sans fausse pudeur, en partageant tout… tout le reste.


Pendant 12 ans, il a fallu donner le change. Pour notre famille, nos amis, et surtout pour nos enfants, tout allait bien, personne n’a jamais rien su. J’étais la femme parfaite, il était le mari idéal, le père idéal. Par exemple, il était papa poule et ne manquait jamais une seule réunion de parents d’élèves. Ou alors, il ne rechignait pas quand mes parents nous invitaient à déjeuner le dimanche. Le rêve, non ?


Encore aujourd’hui, nous sortons régulièrement, au cinéma, au restaurant, chez des amis. Un couple presque normal, je vous dis.


Quand j’ai des poussées de fièvre, c’est lui qui me soigne avec beaucoup de délicatesse, et quand des boutons se forment sur mes lèvres, ce qui malheureusement arrive encore de temps en temps, il trouve toujours une bonne excuse pour que personne ne se pose de questions.


Si le soir, dans le silence de notre chambre, il me tourne encore le dos, je ne lui ai jamais reproché. Je ne suis pas juste, non, il ne me tourne pas vraiment le dos, c’est une image. Et souvent, s’il ne me prend pas dans ses bras pour nous endormir, le matin nous nous réveillons l’un contre l’autre. Je l’entends respirer contre moi, cela suffit à mon bonheur, même si j’ai tellement envie qu’il me caresse, tellement envie de lui donner du plaisir.


A-t-il eu une maîtresse, peut-être, je ne sais pas, je ne veux pas le savoir. Ce serait normal. Depuis 12 ans, il souffre à cause de moi, comme je souffre à cause de moi. Pour quelques heures de plaisir, même pas de bonheur.

Ai-je aimé David ? Peut-être sur le moment j’y ai cru, mais je m’aperçois que si j’avais des sentiments pour lui, je ne l’ai jamais vraiment aimé, pas de l’amour que j’ai toujours eu pour Stéphane.


Pourquoi je vous raconte tout ça aujourd’hui ? … Le besoin de parler, de me confier. À la ménopause, le besoin de faire un bilan de ma vie de femme. J’ai été honnête, j’espère que vous n’allez pas me juger, j’ai payé ma faute au prix fort. Stéphane, lui, ne m’a jamais jugée.


Lui non plus, ne le jugez pas, c’est le plus merveilleux des hommes. Il aurait pu fuir, partir loin comme les autres. Il est resté. M’a-t-il pardonné de l’avoir trompé, d’avoir trahi sa confiance ? Je l’espère.


Je crois qu’il avait accepté les risques du virus, à contrecœur, mais il les avait acceptés. D’ailleurs, il m’aidait à me soigner sans aucune réflexion. Mais devoir utiliser un préservatif avec sa femme l’a profondément blessé. Ça, je peux le comprendre.


Cela fait 12 ans, et nous sommes toujours ensemble. Je sais maintenant que je finirai ma vie avec lui.