Résumé de l’épisode précédent :
Roxane se rend en Écosse dans une maison d’hôte située au milieu de nulle part afin de pouvoir compléter sa thèse sur les lacs d’eau douce d’altitude. Pendant son séjour, elle est attirée par des bruits vers une pièce où le propriétaire, le duc Albert Mean, et ses trois amis le duc Nicolas Du Moulin, le comte Charles Stethen et le comte Philibert de Malt, baisent avec des femmes différentes à chaque fois. Roxane se laisse convaincre de les rejoindre, passe de bons moments puis retourne en France pour avancer sur sa thèse.
- — Roxane ! Mais quelle heureuse surprise !
- — Bonjour, monsieur le duc, répondit-elle tout sourire.
- — Oh quel dommage ! Tu n’es pas trempée ! lança-t-il amusé.
Roxane sourit au double sens de la phrase.
- — Ce doit être Méline, continua le duc en se tournant vers la demoiselle à côté de Roxane. Celle au nom de qui est la réservation !
- — Méline, je te présente le duc Albert Mean, notre hôte, indiqua Roxane à la blonde se tenant à ses côtés.
- — Monsieur le duc, salua Méline en effectuant une légère révérence. Votre demeure est magnifique ! Roxane m’avait vanté les beautés de l’Écosse en omettant votre intérieur sublime.
Le duc ne rebondit pas au compliment, se contentant de le savourer silencieusement.
- — Puis-je prendre vos bagages ? dit une voix masculine en provenance du dos des femmes.
- — Bonjour, Ronald, lança Roxane. Avec plaisir, je vous remercie.
- — Non, ne vous inquiétez pas ! s’interposa Méline. Je vais le faire moi-même ! Ne…
- — Tu es en train de le vexer, indiqua Roxane.
- — Je cherche juste à ne pas déranger, répliqua Méline.
- — Tu sous-entends qu’il ne sert à rien. C’est sa mission de servir. Si tu la lui enlèves, que lui reste-t-il ? murmura Roxane.
Méline fit un pas en arrière et Ronald se saisit de la valise, le visage neutre comme à son habitude.
- — Comment se portent Betty et Julie ? s’enquit Roxane.
- — À merveilles, mademoiselle. Je vous remercie.
- — Vos filles, je suppose, proposa Méline.
- — Ce sont ses juments, précisa Roxane et Méline fit une moue dégoûtée. C’est une citadine, se sentit obligée de préciser Roxane. Elle ne s’est jamais tenue devant un animal plus gros qu’un chien de sa vie.
- — Vous êtes sûre d’avoir amené votre amie au bon endroit ? intervint le duc. Nous sommes au beau milieu de la campagne.
- — L’air frais me fera du bien, contra Méline. Et puis, Roxane n’arrête pas de me bassiner avec son excellent voyage en Écosse et combien son séjour a été merveilleux.
Roxane devint plus rouge qu’une tomate sous le regard appuyé du duc qui sourit, amusé.
- — Il me tarde de découvrir les environs, indiqua Méline.
- — Roxane vous guidera, car nous sortons, Ronald et moi, indiqua le duc.
- — Elles peuvent nous accompagner, indiqua le majordome.
Le duc se figea et cligna plusieurs fois des yeux, clairement abasourdi par la remarque de son serviteur. Il se tourna ensuite vers Roxane puis déclama :
- — Hé bien, ma chère, vous avez sacrément fait de l’effet à mon cher Ronald, car il n’a jamais invité quiconque à cet évènement dont il se cache habituellement, à mon plus grand dam !
- — Vraiment ? s’exclama Roxane qui se sentit émue par cette attention.
Ronald conserva son flegme typiquement anglais, si étrange pour un écossais. Rien ne semblait indiquer qu’il était touché, agacé ou enjoué.
- — Je vous remercie, Ronald.
Le majordome s’éloigna sans piper mot, les bagages à la main, monta l’escalier et disparut à l’étage.
- — Fidèle à lui-même, lança Roxane, amusée. Où allons-nous ? demanda-t-elle au duc.
- — Un peu de suspens ne vous fera pas de mal, chère Roxane, répondit le duc en souriant.
- — Votre français est impeccable ! s’exclama Méline. J’avais peur de ne pas me faire comprendre, car je ne parle que très mal la langue de Shakespeare. Me voilà rassurée !
- — Je te l’avais dit ! répliqua Roxane.
- — Je vous remercie, Méline, répondit aimablement le duc.
- — Devons-nous porter une tenue particulière ? interrogea Roxane.
- — Vous devriez vous alléger, indiqua le duc. Je sais que lors de votre dernière venue, il faisait froid, mais c’est l’été maintenant. Vous n’avez pas chaud ?
Roxane dut admettre que si. Elle avait prévu un peu trop. Le soleil tapait fort. La semaine promettait d’être belle. Évidemment, la canicule resterait sur le continent, permettant de profiter d’un été sans mourir de chaud, sous une brise agréable.
- — Puis-je vous montrer votre chambre, mademoiselle Méline ? proposa Ronald qui était redescendu. Mademoiselle Roxane, je vous ai donné la même que lors de votre dernière venue.
- — Je vous remercie, Ronald. C’est parfait, répondit Roxane.
- — Volontiers, dit Méline avant de suivre le majordome à l’étage.
- — Tu souhaites que je joue avec toi en journée ou seulement lors de soirée avec mes amis ? demanda le duc, profitant de l’éloignement de l’amie de Roxane.
- — Vous n’y allez pas par quatre chemins, constata Roxane, amusée.
- — La réservation n’est que pour une semaine, rappela-t-il.
- — La maison d’hôte est horriblement chère.
Le duc ricana.
- — Je serais ravie de jouer en journée avec vous, maître, répondit Roxane.
- — Alors, va passer une robe légère sans sous-vêtement, dit-il. Tu as ce qu’il faut dans ta valise ? Sinon, je peux demande à Ronald de te trouver…
- — Je vous remercie. J’ai amené de quoi vous contenter.
- — Et c’est moi qui vais droit au but ?
Roxane ricana.
- — Je suis très heureuse de vous retrouver.
- — Moi de même, très chère. Si tu ne te dépêches pas, nous finirons par être en retard et je devrais te punir.
Roxane lui lança un regard amusé puis monta les marches non sans perdre son magnifique sourire. Elle trouva aisément la robe légère rose qu’elle cherchait. Tombant en dessous des genoux, elle ne risquait pas de dévoiler l’absence de culotte requise par le duc.
Elle le retrouva en bas des marches.
- — Mets ça, ordonna-t-il en lui tendant un petit sachet en toile dans lequel, sans surprise, elle découvrit une paire de boules de geisha.
Elle regarda autour d’elle.
- — Ronald est déjà dans la voiture. Ton amie se fait désirer.
Roxane installa le sex-toy dans son ventre sous le regard scrutateur du duc qui ne comptait pas en perdre une miette.
Roxane sourit. Il voulait la mater dans l’escalier, sans aucun doute. Elle remonta, les sphères dans son ventre la caressant agréablement à chaque marche. Elle frappa à la porte de la chambre de son amie, à côté de la sienne.
- — Méline ? Nous devons y aller !
Elle ouvrit la porte pour se dévoiler maquillée, coiffée et habillée d’une robe courte et de chaussures à talons.
- — Toi aussi tu as choisi une robe courte ! s’exclama Méline. Il fait beau ! Je t’avais dit que ça serait chouette en été !
- — Dépêche-toi ! Ils nous attendent !
Méline hocha la tête et ferma la porte.
- — Tu m’avais vanté les mérites de ce domaine, mais c’est mille fois mieux que ce que j’imaginais.
- — Je t’avais dit que le château était magnifique.
- — Ce n’est pas cher en comparaison de ce que c’est !
- — Cela reste trop cher pour moi, grogna Roxane.
- — Je t’invite avec plaisir, répliqua Méline.
- — Je n’apprécie tout de même pas, indiqua Roxane dans sa barbe et Méline sembla ne pas entendre.
Les deux femmes sortirent du château dont le duc repoussa la porte sans la fermer à clé. Il ne semblait pas craindre le moindre cambriolage dans ce coin paumé. Il ouvrit la porte côté passager et proposa d’un geste à Roxane de s’y installer.
- — Je ne veux pas empêcher Ronald de… commença Roxane.
- — Mon majordome à la place du mort ? s’exclama le duc et Roxane fit la moue avant de s’installer.
Méline s’assit à l’arrière à côté de Ronald, sans cacher sa surprise de voir le duc conduire et son serviteur se faire porter. Quelques regards insistants du duc firent comprendre à Roxane qu’il apprécierait qu’elle relève sa jupe, ce qu’elle fit tout en regardant le paysage. Si Ronald ou Méline s’en aperçurent, aucun d’eux ne pipa mot.
Le trajet dura une bonne demi-heure avant que le duc ne gare finalement la voiture sur un parking de terre. Méline ouvrit sa portière puis grogna :
- — Je ne crois pas avoir mis les chaussures adéquates.
Roxane, qui portait des chaussures fines, mais plates et fermées, ricana. La citadine n’avait pas prévu de devoir marcher dans l’herbe ou la boue. Elle rouspéta tandis que Roxane sortait de la voiture, dont Ronald s’était extrait d’un bond, comme si elle pourrait le manger.
Les quatre compagnons rejoignirent une foule nombreuse. Ronald disparut et les deux femmes suivirent le duc jusqu’à des gradins que Méline accueillit avec joie. Elle prit place pour relever ses pieds tandis que Roxane restait debout, un peu plus loin, accoudée à une balustrade, à côté du duc.
- — C’est un évènement typiquement écossais, c’est ça ?
- — Exactement, confirma le duc. Ronald a honte d’y participer, mais adore ça.
- — Pourquoi honte ?
- — Parce que ce que chacun trouve humiliant dépend énormément du caractère, répondit le duc. Ronald a suffisamment confiance en vous pour se dévoiler.
- — Je suis consciente de l’honneur qu’il me fait, précisa Roxane. Que vous me faites aussi, d’ailleurs.
- — Que voulez-vous dire ?
- — Que veux-tu dire, le corrigea Roxane indiquant ainsi que c’était la soumise qui s’adressait au dominant et non la cliente. J’ai suivi votre conseil.
Le duc leva un sourcil interrogateur tandis que le festival commençait. Des hommes s’affrontaient dans un lancer de tronc d’arbre. Ronald n’en faisait pas partie.
- — J’ai cherché à revivre ça en France.
- — Ah… comprit le duc. Et alors ?
- — Alors je ne m’en étais pas rendu compte, n’ayant pas de point de comparaison, mais vous et vos amis êtes excellents. Vous avez été charmants, gentils et attentionnés. Je vous en remercie. C’est un véritable honneur pour moi que de me trouver en votre compagnie.
Il sourit doucement, visiblement touché et ému. La foule applaudit le vainqueur du premier Highland Game. La seconde épreuve – le lancer de pierre – commença. Toujours pas de trace de Ronald.
- — Je ne sais pas si c’est moi qui ne suis pas douée ou si c’est inéluctable, mais je ne suis tombée que sur des connards.
- — Comment ça ? demanda le duc en fronçant les sourcils.
- — Lors de la première séance, vous ne m’avez pas attachée, vous ne m’avez pas frappée, tout simplement parce que cela demande de la confiance, des uns comme des autres. Vous m’avez sodomisée, mais pas pénétrée vaginalement ni même requis de fellation. Vous avez joué sur le mental, cherchant avant tout à me posséder avant de m’utiliser. Regardez aujourd’hui ! Nous sommes l’un près de l’autre depuis près d’une heure maintenant et il n’y a eu aucun contact entre nous et pourtant, le jeu est bien présent.
Il sourit gentiment.
- — Impossible de retrouver cela. Les hommes sur lesquels je suis tombée, ils voulaient tous m’attacher, me cravacher et me baiser. Quand j’osais m’opposer, ils m’insultaient.
- — J’en suis sincèrement navrée, chère Roxane. Je puis t’assurer qu’il existe d’excellents maîtres en France.
- — Où sont-ils ? s’exclama Roxane.
- — Partout, assura-t-il. Où cherches-tu ?
- — Sur Internet, répondit Roxane. Vous voulez que j’aille dans un bar et que je demande si quelqu’un veut faire du BDSM – acronyme que j’ai appris en faisant des recherches une fois rentrée – avec moi ?
Le duc, amusé, sourit.
- — Non, certes pas. Je te conseillerais plutôt d’aller dans un club et de porter ton attention sur un maître ayant déjà une soumise plutôt qu’un célibataire en manque.
- — Comment ça ?
- — Dans ces clubs, il y a des règles strictes alors normalement, tu ne risques pas de te faire importuner. Observe les gens et choisis un maître avec soumise dont le comportement, l’attitude, les gestes, la manière d’agir te plaît. Pas forcément les pratiques, juste le charisme, ce quelque chose d’indéfinissable.
- — S’il a déjà une soumise, c’est peine perdue ! répliqua Roxane.
- — Pourquoi ? la contra le duc. J’ai une soumise et pourtant, tu m’appelles maître.
- — Vous avez une soumise ?
Il lui lança un regard surpris.
- — Tu ne le sais pas ?
- — Non, admit-elle.
- — Je croyais que tu m’avais vu en action.
- — Non, répondit-elle. J’ai observé trois soirées et à chaque fois, un de vos amis dominait, mais vous, jamais.
Il sourit.
- — Tu as pris un sacré risque en m’acceptant pour partenaire en ce cas, la rabroua-t-il. Mes manières auraient pu ne pas te convenir.
Elle allait ouvrir la bouche, mais il la prit de vitesse.
- — Non pas que cela me déplaise, j’adore ! Je te déconseille juste de recommencer.
- — Je ne suis pas certaine de savoir reconnaître un maître qui me conviendrait. Je veux dire : j’ai vu Du Moulin en action et honnêtement, ce qu’il faisait subir à sa soumise, je n’en veux pas ! Et pourtant, en soirée… comment dire ?
- — Il a ce quelque chose d’indéfinissable qui te plaît, termina le duc à sa place sans perdre son sourire.
- — Vous aussi, rassurez-vous ! se sentit obligée de préciser Roxane avant de poursuivre : Comment suis-je censée choisir un maître si je ne sais pas reconnaître ce qui pourrait me plaire ?
- — Fie-toi à ton instinct. Un bon maître ne se reconnaît pas à ses pratiques, car s’il est bon, il les adapte à sa partenaire. Recherche les jeux de regards entre sa soumise et lui, les gestes d’accompagnement, de vérification, de sécurité aussi.
Roxane hocha la tête. Elle n’était pas sûre d’en être capable, mais se sentait mieux armée pour trouver le partenaire idéal.
- — Votre soumise est mariée ? demanda Roxane.
- — Non, elle est célibataire, indiqua le duc. Pourquoi ?
- — Vous ne voulez pas vivre avec elle ?
- — La vie de couple n’est pas faite pour moi, répliqua le duc. Je suis bien trop indépendant. J’aime ma liberté. Je suis très heureux ainsi, à baiser de temps en temps, avec qui je veux, quand je veux.
Roxane sourit. Voilà qui avait le mérite d’être clair.
- — Et elle ? demanda Roxane.
- — Elle ferme sa gueule et obéit, répondit-il d’un ton léger, comme s’il racontait la dernière journée pluvieuse.
- — Elle ne veut pas vivre avec vous ?
- — Non, assura-t-il. Elle vient au coup de sifflet et trouve que cela se produit trop peu souvent, mais ne désire pas du tout une vie commune. Elle aussi aime sa liberté.
Roxane médita ces paroles. Le nouveau jeu fut installé et Roxane reconnut Ronald dans l’un des participants. Deux équipes se mirent en place, chacune d’un côté d’un fossé rempli de boue, attrapèrent la corde et sur le cri de l’arbitre, tirèrent de toutes leurs forces.
Irrémédiablement, une des équipes se retrouva dans la boue. Deux autres équipes furent appelées. Ronald se trouvait dans l’une d’elles.
- — Ne te fie pas aux apparences, indiqua le duc. Ronald dirige son équipe. Au tir à la corde, ce n’est pas celui qui est devant qui dirige.
Roxane indiqua d’un geste qu’elle avait compris. La victoire fut rapide.
- — Ronald déteste être sale, précisa le duc. Gagner est essentiel pour lui.
Roxane ricana. Cela, elle le croyait volontiers. Alors qu’un troisième couple d’équipe se mettait en place, le duc plaça une main sur les hanches de Roxane. La jeune femme se tendit et la repoussa doucement.
- — Excuse-moi, dit immédiatement le duc. Je ne veux en aucun cas te mettre mal à l’aise.
Roxane eut un regard en arrière vers Méline, dans les gradins, occupée à discuter avec un natif, dont elle ne parlait que fort mal la langue. Un jeu de séduction était en cours, c’était évident, mais la barrière linguistique compliquait les choses.
- — Tu ne veux pas qu’elle le sache, comprit le duc sans critique dans la voix.
Il enregistrait l’information, voilà tout.
- — Je n’ai pas honte de ce que je fais ni de ma relation avec vous, précisa immédiatement Roxane. Je suis certaine qu’elle serait au contraire ravie pour moi. C’est juste que… c’est elle qui paye.
- — Tu as l’impression de détourner cet argent, supposa le duc qui souriait maintenant, amusé.
- — Ne vous méprenez pas. Je suis réellement venue parce qu’elle a insisté. En réalité, elle a pris les places sans me prévenir. Je n’ai su qu’hier que nous venions ici.
Le duc ricana.
- — Je comprends mieux pourquoi la réservation n’indiquait ton nom nulle part.
Roxane rit à son tour.
- — De plus, mon maître de thèse m’a fait des critiques très intéressantes. J’avais prévu de revenir, pas chez vous uniquement parce que mes finances ne me le permettent pas.
- — Ce qui aurait été fort dommage.
- — À n’en pas douter, répondit Roxane. Méline a des parents plus aisés que les miens. Je travaille pour me payer ma chambre de bonne et je suis boursière. Méline n’a pas ces difficultés. Je crois que je l’ai vraiment bassinée avec mon séjour chez vous. Du coup, elle a tenu à le voir par elle-même. J’en ai peut-être un peu rajouté, admit-elle.
- — Je ne doute pas que tes narrations venaient du cœur, répliqua le duc.
- — J’ai vraiment adoré mes promenades en calèche avec Ronald, mais je ne comprends pas pourquoi Méline en a conclu qu’elle devait venir ici. Elle déteste la nature. Elle hait les insectes et considère toute plante comme nocive.
Le duc rit doucement.
- — Elle a réussi à convaincre ses parents de lui payer cette semaine en Écosse soi-disant pour qu’elle puisse perfectionner son anglais. N’importe quoi ! Déjà, les Écossais ne parlent pas anglais.
- — Roxane ! gronda gentiment le duc.
- — Quoi ? C’est vrai ! Votre anglais est tout de même bien différent de celui de Londres, non ? Et puis, Méline savait que vous parliez parfaitement le français.
- — Je peux lui parler exclusivement en anglais, précisa le duc. Ainsi, elle n’aura pas totalement menti à ses parents. Et puis, je doute que l’homme avec qui elle est en train d’échanger parle la langue de Molière.
- — Elle utilise davantage les gestes que la parole pour s’exprimer, rétorqua Roxane.
- — Elle vient à peine d’arriver. Et toi, comment est ton anglais ?
- — Je me débrouille, répondit-elle dans la langue du pays.
- — C’était déjà le cas lors de ta première visite ? demanda-t-il, cette fois en anglais.
Elle acquiesça.
- — Mes parents se sont saignés pour m’offrir des voyages linguistiques, précisa-t-elle en continuant l’échange en anglais.
- — Comment cela a-t-il pu m’échapper la dernière fois ?
Roxane sourit.
- — L’anglais a un énorme défaut, indiqua-t-elle en français.
Il leva un sourcil interrogateur.
- — Il ne fait pas la différence entre le vouvoiement et le tutoiement, annonça-t-elle.
Le duc sourit en retour.
- — Le duc s’exprimera envers son invitée en anglais, dit-il, et le maître envers sa soumise en français. Il en sera de même avec mes amis, que je préviendrai. L’inverse sera vrai. Si tu me parles en français, c’est que c’est la soumise qui parle. En anglais, c’est simplement la petite Française venue se relaxer et compléter sa thèse dans notre magnifique pays.
- — Comme vous voulez, répondit Roxane en français.
- — Tu as oublié mon titre, la rabroua-t-il.
- — Comme vous voulez, maître, se corrigea Roxane
Il hocha la tête, satisfait. Ronald fut de nouveau en piste et son équipe gagna de nouveau. Chaque équipe en rencontrait une autre. Le jeu se gagnait au temps et pour le moment, l’équipe jaune – celle du majordome – se trouvait largement en tête.
- — Je comprends que tu te sentes mal par rapport à ton amie, précisa le duc en français. Ceci dit, si j’ai bien compris, ce n’est pas elle qui a payé ton séjour ici, mais ses parents.
- — En effet, confirma Roxane que cela faisait se sentir encore plus mal.
S’ils savaient qu’ils lui avaient offert un séjour sexuel, comment réagiraient-ils ? Elle avait tellement honte !
- — Tu vas réellement profiter de ton séjour pour améliorer ta thèse.
- — Sans aucun doute, confirma-t-elle.
- — Et Méline va réellement améliorer son anglais et respirer un peu d’air frais.
Roxane rit doucement, voyant très bien où le duc l’amenait.
- — Si au passage, tu prends un peu de bon temps, en quoi est-ce grave ? Finit-il sans surprise. Ce sont des vacances, non ?
- — Maître, vous êtes impitoyable.
- — Puis-je t’enlacer, chère Roxane ?
Roxane jeta un œil à Méline, maintenant en discussion avec deux Écossais. Le charme français attirait tous les regards. Roxane était heureuse de se trouver proche du duc, sa présence lui permettant de faire fuir d’autres prétendants. Elle hocha la tête et le duc replaça une main sur sa hanche, se contentant de cela, un contact simple, doux et tendre.
L’équipe jaune remporta le jeu et les participants se rendirent au vestiaire.
- — Nous irons au pub ce soir ! annonça le duc en anglais. Vous constaterez que Ronald est légèrement différent quand il est ivre.
Roxane rit.
- — Il ne se permet cela que fort rarement, trop peu je trouve. Après tout, il a aussi le droit de s’amuser ! Il a terriblement honte de son comportement alors qu’il n’y a rien de mal à se faire plaisir.
Roxane sourit.
- — Ronald connaît-il vos activités sexuelles ?
- — Non, répondit le duc. Enfin, peut-être, je ne sais pas. Nous n’en parlons jamais en tout cas et Ronald est… Ronald.
Discret, neutre, tout en flegme et en retenue. S’il savait, jamais il n’aurait émis la moindre remarque, fait le moindre geste, envoyé le moindre regard. Il faisait remarquablement bien son travail.
Une nouvelle épreuve commença et le duc resta neutre dans ses gestes et son comportement. Sa main ne bougea pas, y compris lorsque Méline les rejoignit.
- — Ils sont collants ! s’exclama-t-elle. Ils veulent tous des baisers avec la langue ! Enfin, je crois… Je ne comprends pas bien.
- — Ronald a gagné, indiqua Roxane.
- — Oh ! J’ai raté sa participation ! J’en suis navrée, s’excusa Méline.
- — Votre anglais s’améliore ? lança le duc, un brin taquin, en anglais.
- — Pfff… grommela la jeune femme. Ils roulent les « r ». J’ai appris l’anglais de Londres, moi ! Je ne comprends absolument rien ! Vous, au moins, vous parlez normalement, comme je l’ai…
Méline s’arrêta de parler, car, s’étant tournée naturellement vers son interlocuteur pour lui adresser la parole, elle avait enfin constaté la présence de la main de leur hôte sur la hanche de son amie. Roxane tenta de paraître neutre, mais ne put s’empêcher de rosir.
- — L’Écosse propose de magnifiques paysages, hein ? s’exclama Méline. Bien sûr…
- — Quoi ? répliqua Roxane. C’est magnifique !
- — Je comprends mieux pourquoi tu as autant apprécié malgré la pluie et le froid, t’obligeant malheureusement à rester à l’intérieur.
Roxane allait se défendre, mais Méline la prit de vitesse.
- — Je trouve ça super ! Profite de ton amoureux !
- — Le duc n’est pas mon petit-ami, répliqua Roxane que cette idée amusa. C’est juste un plan cul.
- — Il a l’air d’accord vu qu’il n’en prend pas ombrage, dit Méline.
- — Je confirme que c’est juste du sexe, dit le duc. Comme je le disais un peu plus tôt à Roxane, la vie de couple, très peu pour moi !
- — Ce qui n’est pas ton cas, murmura Méline, soudain inquiète.
- — Ce n’est pas parce que je cherche un partenaire de vie en France que je ne peux pas m’amuser pendant mes vacances ! répliqua Roxane.
- — Certes ! lui accorda Méline. Alors, amuse-toi ma chère ! Je suis juste surprise que tu ne m’en aies rien dit. Tu m’as énormément parlé du majordome, mais jamais du duc.
- — J’ai passé davantage de temps avec Ronald qu’avec Albert, précisa Roxane. J’ai vraiment adoré les visites des environ en calèche avec Ronald ainsi que m’occuper des juments. Monsieur le duc est très occupé. La dernière fois, il était en pleine compétition de polo et donc fort peu disponible.
- — Visiblement assez pour que vous soyez intimes !
- — J’ai dû payer une semaine supplémentaire pour en arriver là, précisa Roxane, et ils ont failli perdre un match à cause de moi.
Le duc rit à ce souvenir.
- — Comment ça ? lança Méline innocemment.
- — Le sexe, ça fatigue, précisa Roxane et Méline rougit intensément.
- — Heureusement, cette fois, aucune compétition de toute la semaine. Je vais être entièrement disponible, indiqua le duc.
Roxane se mordit la lèvre inférieure. Elle n’eut pas l’occasion de répondre, car le duc lança :
Les deux Françaises observèrent le terrain de jeu sans l’apercevoir. Le duc dut le leur désigner pour qu’enfin, elles reconnaissent parmi les joueurs de cornemuse en kilt, le majordome.
- — Ronald sait jouer de cet instrument ? s’étonna Roxane en anglais. Il ne m’en a jamais parlé et je ne l’ai jamais vu s’entraîner !
- — Il prend des cours, mais n’aime pas en parler.
- — Pourquoi ? demanda Roxane, ne voyant pas bien ce qu’il y avait de honteux là-dedans.
- — Le directeur du club souhaite que la tradition soit respectée au pied de la lettre.
- — Il ne porte rien sous son kilt, lança Méline tout sourire.
Il était clair qu’elle matait les beaux Écossais en train de défiler au son d’une musique typique.
- — Il n’est pas le seul à ne rien porter sous sa jupe, murmura le duc en français aux oreilles de Roxane.
Il passa sa main sur ses fesses avant de sagement la remettre sur les hanches. Roxane resta de marbre, ne désirant pas montrer sa gêne devant le public et son amie. Son ventre se contractait de plaisir. L’envie montait. Il savait la chauffer.
Pourtant, il ne faisait pratiquement rien, mais Roxane mouillait abondamment. Elle craignait de couler sur ses jambes et se sentait, à chaque instant qui passait, un peu plus mal à l’aise, ce qui ne faisait qu’augmenter son excitation.
Elle avait envie d’avoir du plaisir. La dernière fois, le duc l’avait fait languir pendant pas moins de trois jours avant de lui offrir la délivrance en plein restaurant. Comment allait-il s’y prendre cette fois ?
Chaque pensée l’excitait davantage et rester stoïque devenait difficile. Le duc souriait à ses côtés. Il devait se douter de ce que vivait sa soumise et s’en satisfaisait pleinement.
- — Où sont les hommes comme vous en France ? répéta Roxane, agacée.
- — Partout, insista-t-il. Arrête d’y penser et profite du moment présent.
Il avait raison. Roxane inspira fortement, se recentra et balaya ses doutes. Elle aurait tout le temps de s’y replonger une fois rentrée. Les vacances étaient faites pour s’aérer l’esprit. Autant le faire à fond.
Elle écouta la musique, s’émerveilla des coutumes écossaises, découvrit au pub les boissons alcoolisées du coin, se restaura, s’amusa. Ronald montra un côté chanteur – très mauvais – et conteur de blagues cochonnes – très bonnes. Le duc resta sobre et neutre. Méline but beaucoup et fit la fête. Elle dansa, s’acoquina, mais finalement, ne termina la nuit avec personne.
Tous rentrèrent sagement au domaine, le duc et Roxane étant les seuls non alcoolisés. À l’arrière de la voiture, Ronald et Méline ronflaient.
- — Retire ta robe, ordonna le duc.
Roxane obtempéra, consciente que les deux derrières n’étaient pas prêts de s’éveiller et qu’ils ne risquaient pas de croiser quiconque en pleine nuit sur cette route paumée.
- — Tu es très obéissante, fit-il remarquer.
- — C’est une critique ? Vous préféreriez que je me rebelle ?
- — Non, c’est une remarque. Je peux te demander n’importe quoi ? Tu as des limites ?
- — Oui, plein, répondit-elle.
- — Je serais curieux de les connaître, parce que visiblement, l’exhibition n’en est pas une.
- — Il n’y a personne ! répliqua Roxane consciente qu’il cherchait avant tout à la tester.
- — Ils pourraient se réveiller !
- — Méline m’a déjà vue nue et je pense que Ronald en a vu d’autres.
- — Tu as bien évolué en six mois. Où est la Roxane pudique qui rougissait au moindre regard ?
- — Vous étiez quatre ! rappela Roxane. Et vous disiez des choses…
- — Des choses ? répéta le duc, amusé.
- — Vous me décriviez de manière osée, termina-t-elle, trouvant difficilement ses mots.
- — Écarte les cuisses et caresse-toi, ordonna-t-il tout en mettant son clignotant pour sortir de la route principale.
Roxane se crispa. Elle ne bougea pas. Cette demande était très difficile à réaliser pour elle. Cet acte intime devait le rester.
- — Ah ! J’ai trouvé un point sensible on dirait, s’amusa le duc. Exhibition oui, mais pas trop non plus.
Roxane grogna, mais ne répondit rien, trop gênée et honteuse pour cela.
- — Écarte juste les cuisses, sans te toucher.
Elle obéit avec facilité. Il sourit. Il était clair qu’il la testait, cherchant ses points de réticence, ses failles, ses difficultés. Nul doute qu’il les utiliserait plus tard.
- — Remets ta robe. Nous arrivons.
Elle passa le bout de tissu et la voiture se stabilisa. L’arrêt fit s’éveiller les deux dormeurs. Roxane aida Méline à se mettre au lit tandis que le duc s’occupait de son majordome. Finalement, le duc souhaita bonne nuit à Roxane en anglais, avant de lui préciser en français :
- — Tu peux retirer les boules de geisha.
Il disparut, laissant Roxane sur sa faim. Il adorait jouer de la sorte avec elle. Ceci dit, à cette heure avancée de la nuit, Roxane fut ravie de pouvoir retrouver son lit et elle s’endormit presque immédiatement, heureuse de se retrouver au fin fond de la campagne écossaise.
Le lendemain au petit-déjeuner, Ronald se montra égal à lui-même. Rien n’indiquait qu’il avait tiré sur une corde, porté un kilt, joué de la cornemuse, bu jusqu’à plus soif, chanté, dansé et raconté des blagues cochonnes. Il faisait comme si rien ne s’était passé et nul ne se permit de le lui rappeler.
- — J’aimerais aller en ville aujourd’hui, annonça Méline en français.
Elle ne parlait que cette langue. Elle comprenait l’anglais plutôt bien, mais avait un peu honte de le parler, son accent étant atroce.
- — Je peux vous amener, répondit le duc en anglais. J’y vais aussi.
Méline eut un regard vers Roxane.
- — Je vais au premier lac de ma liste, précisa Roxane. Je dois récolter de quoi compléter ma thèse.
- — Tu comptes vraiment bosser ? s’étrangla Méline.
- — Oui, Méline. Cette thèse compte vraiment pour moi. La faune et la flore des lacs d’altitude d’eau douce m’intéressent vraiment. Les remarques de mon professeur vont me permettre de bien améliorer l’ensemble. Grâce à cela, j’aurai une excellente note et je pourrai obtenir le doctorat tant désiré. Tu t’en fous, toi, tu as déjà ton diplôme !
- — Ça ne m’aide pas à trouver un travail, répliqua Méline.
- — Parce que tu as foiré tes entretiens d’embauche en anglais, répliqua Roxane. Profite donc de tes vacances pour améliorer ça.
- — J’aurais dû t’écouter : l’Écosse n’est pas le meilleur endroit pour ça. Je croyais que tu te moquais de moi, mais leur accent est encore pire que le mien.
- — Vous avez essayé de la faire aller ailleurs ? s’enquit le duc.
- — À croire qu’elle voulait m’éloigner de vous, cingla Méline.
- — Mais non ! s’exclama Roxane plus rouge qu’une tomate.
Le duc rit de la gêne de son invitée.
- — Bonnes recherches, chère Roxane, dit le duc en anglais. Vous serez de retour pour le thé ?
- — Oui, indiqua-t-elle. J’ai trois lacs à visiter et celui-là est le plus proche.
- — J’en suis très heureux, répondit-il.
Méline ne put s’empêcher de sourire au sous-entendu. Elle se leva pour suivre le duc jusqu’à la voiture qui les conduirait en ville. Roxane se changea pour une tenue plus sportive et, alourdie du déjeuner à emporter réalisé par Ronald, partit dans les hauteurs réaliser ses observations. Elle rentra tôt, ce qui lui permit de se laver, de se changer et même de noter rapidement quelques remarques sur son carnet de route avant le retour du duc et de Méline.
Son amie avait passé une excellente journée en ville. Elle n’avait pas prononcé un seul mot en anglais, parvenant à se faire comprendre autrement. Roxane secoua la tête. Méline était une vraie tête de mule.
- — Une partie de dames ? proposa le duc en anglais.
- — Les dames ? répéta Méline en voyant le jeu que le duc installait. Je veux bien ! continua-t-elle en jetant un regard amusé à son amie.
Roxane s’assit à côté des deux joueurs, près de la cheminée éteinte en cet été chaud. Méline perdit très rapidement la première partie. Le duc l’avait massacrée.
- — Je ne me croyais pas aussi mauvaise, maugréa Méline.
- — Monsieur le duc n’a pas été très sympa, précisa Roxane. Je l’ai connu plus gentil devant une débutante.
Il rit.
- — Une partie, chère Roxane ? proposa-t-il, toujours en anglais.
Apparemment, il ne comptait pas profiter de sa soumise aujourd’hui.
- — Avec joie, monsieur le duc.
Méline céda sa place en souriant pleinement. Roxane installa le jeu. La couleur de chacun fut tirée au sort et la partie commença. Au début, le duc sourit puis son regard se fit brûlant lorsqu’il se rendit compte qu’il perdait. Il tenta quelques percées, sans succès.
- — Vous apprendrez, cher duc, que je suis troisième au classement français, précisa Roxane alors qu’elle venait de remporter la victoire.
- — Toutes mes félicitations ! lança-t-il sérieusement.
- — Elle joue sur Internet et dans un club, dit Méline. Elle participe souvent à des compétitions. C’est donc d’ici que t’est venue cette passion subite !
Le duc s’inclina devant meilleure que lui.
- — Que de jolies découvertes en Écosse ! dit le duc en français. On dit que les voyages forment la jeunesse. Dans ton cas, c’est on ne peut plus vrai !
Roxane rougit intensément.
- — Mes amis viennent dîner, continua le duc en français.
La langue utilisée indiquait clairement la présence d’une seconde partie de soirée chaude.
- — Tu te changeras, Roxane, annonça le duc.
- — Comme vous voulez, répondit-elle.
Il lui envoya un regard brûlant. Roxane jeta un œil à Méline, assise à côté d’eux, puis, en serrant les dents, lâcha :
- — Comme vous voulez, maître.
Le duc approuva tandis que Méline ricanait nerveusement. Elle semblait trouver la situation drôle. En tout cas, elle n’était pas gênée.
- — Vous avez pu compléter votre thèse ? demanda le duc en anglais.
Roxane lui répondit positivement et développa. Mean rebondit volontiers tandis que Méline, que le sujet ennuyait, s’éloigna. Ils discutèrent ainsi un long moment avant que le duc n’accompagne Roxane dans sa chambre pour qu’elle s’y change.
Elle dut mettre une robe légère, des bas, un porte-jarretelles, mais pas de culotte, un soutien-gorge noir visible sous le tissu clair. Les chaussures fines sans talon s’avérèrent confortables. Roxane se retrouva alourdie des boules de geisha.
Méline ne fit aucune remarque. Elle ne trouva pas déplacé que Roxane fût vêtue de la sorte devant les amis du duc, qui la saluèrent poliment avec neutralité. Rien ne laissait supposer qu’ils se connaissaient intimement.
Ronald indiqua le dîner servi et les convives se rendirent à la salle à manger. Roxane constata, amusée, que les amis du duc ne parlaient qu’en anglais et agissaient comme s’ils ne parlaient pas le français. Elle envoya un regard surpris au duc.
- — Méline va vite s’améliorer, lui chuchota-t-il.
- — Vous êtes très prévenant, répondit Roxane.
- — Toujours, répondit-il.
Elle eut envie, une fois de plus, de demander où trouver le même en France, mais se retint. Elle évacua cette pensée pour se recentrer sur le moment présent. Le dîner terminé, Méline parlait effectivement mieux et plus aisément en anglais, en tout cas osait-elle enfin baragouiner dans la langue de Shakespeare. Personne ne se moquait d’elle. Bien au contraire ! Ils se montraient tous adorables et bienveillants.
Le repas prit fin. Les amis du duc disparurent dans le petit salon. Méline fit mine de les y suivre.
- — Méline ! C’est entre hommes ! gronda Roxane. Café, digestif, poker et discussions masculines !
- — Oh ! lança Méline. Pardon. Je… je n’avais pas… je ne voulais pas… excusez-moi.
- — Vous êtes pardonnée, assura le duc. Bonne soirée Méline.
- — Merci, monsieur le duc, répondit la jeune femme.
Elle s’éloigna d’un pas, mais, constatant que Roxane ne bougeait pas, se figea. Roxane lui lança un regard appuyé et enfin, Méline comprit qu’elle était de trop. Elle s’éloigna en gloussant.
- — Qu’est-ce que tu veux ? demanda le duc, prenant ainsi totalement Roxane par surprise.
- — Quoi ? Comment ça ?
- — Qu’est-ce que tu veux ? De quoi as-tu envie ? insista-t-il.
- — Je… je ne sais pas, avoua-t-elle.
Elle ne s’attendait absolument pas à ce qu’il demande quoi que ce soit.
- — Je te rassure : ce n’est pas parce que tu vas exprimer une demande qu’elle sera remplie. Je reste le seul décisionnaire. Cependant, je ne suis ni télépathe ni omniscient, donc, qu’est-ce que tu veux ?
- — Je ne sais pas, vraiment pas. Je ne me suis pas posé la question !
- — Prends le temps d’y réfléchir. Calme-toi. Respire. Qu’est-ce que tu veux ? Tais-toi ! Ferme les yeux, inspire, souffle, détends-toi. Qu’est-ce que tu veux ?
Il tentait de l’aider. Elle en était consciente. Malgré cela, elle ne savait pas. Qu’est-ce qu’elle voulait ? Qu’ils jouent avec elle. Elle n’avait pas vraiment de préférence. Elle n’en savait rien. Que voulait-elle ? Passer un bon moment. Comment exactement ? Elle n’en avait aucune idée. Le duc attendit, mais comme Roxane restait muette, il lança :
- — D’accord. Tant pis pour toi.
Roxane en fut soufflée. Elle resta muette de stupéfaction alors qu’il sortait son téléphone portable, pianotait quelques mots puis le remettait en poche avant d’ordonner :
- — Retire ta robe et tes chaussures.
Elle obtempéra, éberluée, perdue. Elle ne comprenait rien.
Il se dirigeait vers le donjon. Allait-il la torturer physiquement pour l’obliger à parler ? Aucun coup de fouet ne la dériderait. Elle ne savait vraiment pas ce qu’elle voulait ! En silence, elle le suivit dans l’escalier. En bas, l’immense pièce n’avait pas changé.
Ils contournèrent les fauteuils pour s’arrêter devant une haute cage ronde qu’il ouvrit.
Elle le fit. Il l’avait décrite comme obéissante. C’était le moins que l’on puisse dire. Il referma la porte d’un cadenas sans qu’elle ne se rebelle.
- — Voici mon unique ordre pour cette soirée alors tu as intérêt à y obéir.
Elle hocha la tête, apeurée.
- — Je te veux silencieuse. Ça ne veut pas dire que tu dois te taire. Non ! C’est plus fort que ça. Pas de bruit, aucun, que ça soit de ta gorge ou de tes doigts ou de n’importe quoi d’autre. Silence !
Roxane acquiesça d’un geste. Il la transperça du regard puis s’éloigna, apparemment satisfait. Il monta les marches et disparut à l’étage, la laissant seule. Elle avait refusé de dire ce qu’elle voulait alors il l’abandonnait là pour l’obliger à réfléchir ?
Roxane testa la cage. Elle était solide et ne broncha pas sous ses assauts. Elle manipula le cadenas. La clé accrochée au mur se trouvait hors de portée. Roxane pouvait s’asseoir au sol, s’accroupir ou se lever, mais pas s’allonger. Les barreaux laissaient passer un bras, mais rien ne se trouvait à sa portée.
Seule, elle se mit à ronchonner. Allait-il la laisser ici toute la nuit ? Elle haussa les épaules. Ils y perdraient aussi. Après tout, si elle restait dans la cage, ils ne profiteraient pas d’elle et devraient eux aussi faire ceinture.
Des bruits à l’étage l’extirpèrent de ses pensées. La porte s’ouvrit et Roxane entendit les quatre amis discuter gaiement en anglais. Elle se figea en apercevant des jambes féminines dans l’escalier.
Nicolas, Charles et Philibert s’assirent dans des fauteuils sans accorder la moindre attention à la femme en lingerie fine enfermée dans la cage. Albert, de son côté, dévêtit sa partenaire tandis que Roxane sentait une rage profonde l’envahir. Il ne faisait aucun doute que cette femme était la soumise d’Albert, celle qui venait au coup de sifflet. Roxane avait refusé de jouer alors il avait appelé sa soumise en remplacement. Elle avait envie de le gifler. Elle ne s’était jamais sentie aussi humiliée. Silencieuse dans la cage, quel ordre atroce ! Elle lui en voulait tellement !
La soumise du duc, les yeux baissés, se retrouva rapidement nue. Albert ne lui parlait pas. Elle restait silencieuse. Elle arborait un corps fin muni d’une poitrine presque inexistante. Rasée de près, elle proposait un sexe doux et mignon. Brune aux yeux marron, elle était d’une banalité affligeante. Roxane ne décoléra pas, se surprenant elle-même par cet élan de jalousie dont elle ne s’imaginait pas capable, surtout vis-à-vis du duc.
C’était un partenaire de jeu et uniquement cela, mais justement, il venait de refuser de jouer avec elle pour lui préférer une autre poupée. Roxane en tremblait de rage. Des centaines d’insultes lui passèrent à l’esprit, mais elle obéit, restant totalement silencieuse, ravalant sa colère.
Le duc manipula sa soumise sans un mot tandis que Nicolas, Charles et Philibert discutaient librement du dernier match de polo comme s’ils se trouvaient dans un salon normal et non dans un donjon où deux femmes s’offraient à eux.
La brune, réagissant à merveille aux gestes de son maître, se plaça à quatre pattes au centre des fauteuils. Une plaque en bois fut placée sur son dos et elle resta ainsi, immobile, silencieuse, tandis que les quatre hommes sortaient des verres, se servaient à boire et lançaient des dés dans un plateau en bois recouvert de velours rouge.
Ils riaient ou râlaient. Ils s’amusaient. Roxane s’en trouva abasourdie. Sa rage s’éloigna. Ils offraient à la soumise du duc le même dédain qu’à elle-même. Roxane, silencieuse, ne pouvait que se tourner vers elle-même. Appréciait-elle ? Se trouver ainsi à disposition lui plaisait-il ?
Après tout, ils pouvaient à loisir la sortir de là pour l’utiliser. Elle ne pouvait pas s’enfuir. La clé de la cage se trouvait à un mètre, utilisable par n’importe quel participant.
Aurait-elle préféré se trouver à la place de la soumise du duc, utilisée comme simple table ? Roxane dut admettre n’en avoir aucune idée. Ce qu’elle vivait lui convenait-il ? Si elle demandait à sa chatte, la réponse était oui. Elle mouillait et les boules de geisha n’étaient pas les seules responsables. Non, la situation lui plaisait carrément. Être réduite à une simple décoration ne lui déplaisait pas.
Pourtant, cela ne lui convenait pas totalement. Elle avait besoin de toucher, d’être touchée. Elle comprit alors ce que le duc faisait : il l’aidait à savoir ce qu’elle voulait. Elle n’avait pas été capable d’annoncer ses volontés. Il lui donnait un moment pour se recentrer et chercher, au fond d’elle-même, ses désirs.
Il n’avait pas tort : ce n’était pas à lui de deviner. Il n’était pas un super héros. Elle ne pouvait attendre de lui qu’il la comble si elle ignorait elle-même comment réaliser ce miracle.
Une autre remarque jaillit dans son esprit : il avait été surpris et même inquiet qu’elle ne l’ait jamais vu dominer. Il lui offrait la possibilité de l’observer, lui, en pleine action. Elle n’était pas là pour être utilisée, mais pour regarder. Le silence lui était imposé non pas pour éviter qu’elle se rebelle, mais pour qu’elle profite de la scène.
Les voir en pleine action était un véritable honneur. Les dernières fois, elle avait été obligée de se mettre à plat ventre sur les marches pour n’apercevoir, dans une position douloureuse, que la moitié des évènements. Là, elle était aux premières loges. Elle sourit.
Nicolas Du Moulin explosa de joie tandis que les autres ronchonnaient. Il se leva, ouvrit un tiroir pour revenir avec des pinces à linge dans la main qu’il plaça sur les seins de la soumise qui ne broncha pas. La partie reprit.
Cette fois, Charles Stethen remporta la mise et plaça un bâillon dans la bouche de la soumise. À nouveau, elle ne bougea pas, acceptant son sort sans moufeter. Roxane fut épatée par sa docilité.
Nicolas remporta la partie suivante dans un rire tonitruant. De nouvelles pinces se rajoutèrent aux précédentes, cette fois sur le sexe de la soumise qui gémit. Roxane constata, à la partie suivante, que le support tremblait légèrement.
Philibert gagna de peu face à Du Moulin qui grogna de rage. Le comte de Malt revint avec un crochet anal. La plaque de bois fut retirée. Albert coiffa les cheveux de sa soumise pour les rassembler en une jolie natte. La boule argentée ouvrit ses chairs sans que la soumise ne se rebelle. Le duc tira doucement les cheveux de sa soumise qui dut relever le nez et ils furent attachés au crochet anal à l’aide d’une corde fine.
La soumise resta à genoux, la tête légèrement en arrière, la gorge offerte. La position était clairement inconfortable. Le duc prit les mains de sa soumise et les lia, à l’aide d’une seconde cordelette, au fil liant ses cheveux à son cul, puis retira son bâillon.
Elle n’en profita ni pour gémir, ni pour se plaindre, ni pour supplier. Elle resta parfaitement silencieuse. Avait-elle reçu un ordre de son maître en ce sens avant même d’entrer dans le donjon ou bien son silence était-il toujours requis, en toutes circonstances ? Roxane n’aurait su le dire.
Alors qu’elle fermait la bouche pour avaler sa salive, Albert lui mit tendrement un doigt sur le menton et la soumise rouvrit la bouche. Philibert sortit sa bite de son pantalon, posa le gland sur la lèvre inférieure de la soumise et commença à uriner dans sa bouche.
Roxane frémit. Elle savait que cela pouvait se faire, mais n’avait jamais vu ni pratiqué. La soumise avala une première gorgée, puis une deuxième et une troisième, jusqu’à ce que Philibert se retire, soulagé. Charles prit sa place. Pour la première fois, la soumise gémit.
- — Non ! gronda Albert. Silence !
Sa voix était sèche et autoritaire. Roxane en frissonna, autant de peur que de plaisir. Le voir à l’œuvre lui plaisait énormément. Il lui avait dit de ne pas regarder les pratiques, qui s’adaptaient à la personne, mais de s’intéresser aux jeux de regards, aux échanges non verbaux, à la communication sensorielle.
Elle dut admettre qu’il observait sa soumise avec attention, guettant ses tremblements. Dès que le support s’était mis à frétiller, il avait changé de scène afin de ne pas blesser sa soumise. Si elle tentait une rébellion, il intervenait immédiatement.
L’uro faisait probablement partie des pratiques permises et discutées en amont avec sa soumise. C’était peut-être quelque chose de difficile pour elle. Nicolas prit la place de Charles et se vida à son tour. Albert termina la tournée. Roxane constata que la soumise pleurait.
Albert essuya gentiment la larme qui coulait puis détacha la natte. Avec des gestes tendres, il massa le cou douloureux de sa soumise qui ronronna à ce contact agréable qui dura, visiblement, trop peu longtemps pour la brune qui ne se plaignit que d’une grimace boudeuse sur le visage, ce qu’Albert ne releva pas.
Tandis que les amis du duc plaçaient une vraie table entre les fauteuils, Albert allongeait sa soumise au sol à côté. Ses chevilles reçurent un adroit assemblage de cordes qui, une fois reliées à des anneaux au plafond, permirent au duc de relever les jambes de sa soumise.
Elle suivit le mouvement sans s’opposer, se retrouvant rapidement le sexe largement écarté en l’air. Seules ses épaules et le haut de son dos touchaient encore le sol. Il écarta ses bras comme si elle fut crucifiée sur le sol, ce qui n’était pas le cas. Rien ne liait ses poignets qu’elle ne bougeait pourtant pas, maintenant la position voulue par son maître.
Alors que les amis du duc sortaient un jeu de cartes et distribuaient, Albert plaça une large et longue bougie blanche dans chaque main de sa soumise et les alluma. Une de diamètre moyen se retrouva coincée entre ses dents. Les deux dernières pénétrèrent son sexe et son cul.
Enfin, Albert éteignit la lumière et le jeu commença à la seule lumière du chandelier vivant. La soumise gémissait par moment. Roxane supposa que la cire chaude coulait sur elle. Les hommes ne s’intéressaient pas à elle. Ils jouaient et discutaient. Roxane n’en revenait pas. Ils avaient à leur disposition deux femmes offertes et préféraient jouer aux cartes.
Elle avait envie de rire. C’était nerveux. Elle respira calmement, s’efforçant de ne pas exploser de rire, chaque cri de la soumise augmentant son envie. Non pas que la scène fut drôle, mais les nerfs de Roxane étaient à vif. Elle voulait sortir de la cage. Elle voulait qu’on s’intéresse à elle, mais aussi à cette pauvre femme, là, qui ne recevait que du mépris, humiliée, rabaissée au simple rang de meuble.
Elle tremblait tandis que Philibert, qui venait de gagner, exultait. Ils jouèrent ainsi longtemps, ne s’arrêtant que lorsqu’une des bougies, consumée, s’éteignit.
Albert ralluma la lumière et détacha sa soumise, qui, le corps recouvert de cire, resta totalement silencieuse. Roxane admira une fois de plus sa docilité. Albert retira une bonne partie de la cire durcie à la main, avec douceur, tandis que ses amis installaient un nouveau jeu sur la table.
Roxane secoua la tête. Ils comptaient vraiment passer la soirée avec des dés, des cartes et des pions ? Après tout, peut-être n’en avaient-ils vraiment rien à faire de ne pas baiser. Elle avait supposé qu’ils souffriraient de ne pas pouvoir profiter d’elle. Elle se trouva soudain bien arrogante et présomptueuse.
En soupirant silencieusement, elle observa trois hommes se mettre autour du jeu et lancer une partie. Charles, qui ne jouait pas à ce jeu nécessitant apparemment trois participants, fit signe à la soumise d’Albert d’approcher.
Elle le fit sans hésiter et entreprit de réaliser une fellation au comte. Elle semblait douée, car le comte ne tarda pas à jouir. La brune n’en perdit pas une goutte. Charles remit son sexe dans son caleçon et la soumise se plaça à genoux, les mains sur les cuisses, près des hommes, dans une position d’attente.
Le jeu se termina sur la victoire d’Albert. Une nouvelle partie fut lancée, mais cette fois-ci, Nicolas ne participa pas. La soumise le suça et Albert gagna de nouveau, très vite.
- — Elle a perdu, dit Nicolas et Albert lui fit signe de procéder.
Du Moulin se leva. Roxane perçut un regard entre Albert et sa soumise, un regard terrifié. La petite était en détresse. Albert s’approcha d’elle, l’enlaça tendrement et murmura de douces paroles à ses oreilles. Il lui parlait pour la première fois depuis son arrivée. Roxane vit les épaules de la soumise se détendre.
Finalement, elle se leva pour rejoindre le duc Du Moulin. Elle arborait un visage fermé et triste, mais plus terrorisé. Nicolas jeta un regard à Albert. Roxane y lut une demande de confirmation et Albert la lui donna. Ces hommes se montraient précautionneux et respectueux. Si Albert refusait à Nicolas la permission d’agir sur sa soumise, nul doute que ce dernier reculerait et n’agirait pas. Ils jouaient ensemble, mais un seul détenait l’autorité.
Nicolas plaça la soumise sur une table haute, le dos touchant le plateau, mais les pieds reposant sur le sol. Il lui écarta les jambes, l’obligeant à offrir son sexe. La pauvre tremblait. Savait-elle ce qui l’attendait ? Roxane en trembla pour elle. Nicolas posa les mains de la jeune femme sur le rebord de la table et la soumise serra.
Du Moulin se saisit d’une cravache dont il posa le bout sur le clitoris gonflé de la soumise qui gémit, et ce, alors que le contact était doux.
Elle gémit fortement en retour et ses doigts serrèrent le plateau.
- — Tu n’avais qu’à être meilleure, répliqua Du Moulin d’un ton froid et cassant.
Il frappa et la soumise cria sa douleur, mais ne réclama aucune amnistie. Roxane se recula dans la cage, comme pour échapper au dominant sadique à l’œuvre. Elle observa la punition être distribuée avec précision et intransigeance. Les cinq coups terminés, la soumise reprit sa position.
Cette fois, Albert ne jouait pas. Il avait gagné les deux premières parties. Son absence rééquilibrait un peu le jeu. La soumise suça avec application, davantage qu’avec les autres, sembla-t-il à Roxane. Qu’elle se donne à fond pour son maître n’était pas à remettre en doute.
Pourtant, lorsque Philibert gagna, Albert annonça à la brune entre ses jambes :
- — Tu as perdu. Pas de plaisir pour toi ce soir.
Roxane en fut scotchée. La soumise ne pipa pas un mot, acceptant son sort sans broncher. Philibert jouit dans la bouche de la soumise d’Albert bien avant la fin de la partie suivante qui dura longtemps.
Les amis du duc rangèrent la pièce tandis qu’Albert remontait les marches avec sa soumise. Une fois la salle propre et en état, Nicolas, Charles et Philibert disparurent à l’étage, laissant Roxane seule.
Elle ne savait pas si elle avait envie de rire, de pleurer, de gémir, de hurler, de frapper, de se masturber, de les maudire ou de les aimer. Elle s’assit sur le sol en position fœtale et se consola de cette manière.
Elle resta un long moment ainsi, seule, à réfléchir, à penser intensément, centrée sur elle-même, n’ayant rien d’autre à faire. Puis la porte s’ouvrit et Albert descendit les marches, un peignoir à la main. Il ouvrit la cage et lui tendit le vêtement. Roxane le passa puis le duc Mean invita la Française à s’asseoir sur un fauteuil tandis qu’il prenait place dans celui en face.
- — Tu m’en veux ? proposa-t-il.
- — Oui, admit-elle, mais je vous remercie aussi. C’était très instructif.
Il sourit, ravi de constater que ses intentions avaient été comprises.
- — Que veux-tu ?
- — Je ne sais pas, répondit Roxane. En revanche, je ne veux pas Du Moulin.
Albert explosa de rire.
- — Pourtant, tu m’as dit toi-même qu’il a ce quelque chose d’indéfinissable, rappela-t-il.
- — Il dégage un charme, un charisme incroyable. Son ton, sa posture, il est parfait, mais…
Roxane secoua la tête.
- — Il est sadique, admit le duc, mais il sait adapter ses pratiques.
- — Sa soumise doit être couverte de marques !
- — En effet. La baronne revient nous voir dès qu’elles ont disparu. Elle a besoin de ça pour… aller mieux. Elle était très malheureuse… dépressive ? Un jour, elle a demandé à son mari de la frapper. Le pauvre baron à l’éducation très morale n’a jamais réussi ne serait-ce qu’à lui tapoter les fesses.
Roxane voulait bien croire qu’il soit difficile de porter atteinte physiquement à la femme que l’on aime.
- — Le baron, très triste de ne pouvoir satisfaire son épouse, en a parlé à ses amis, dont Nicolas fait partie. Il s’est proposé d’être le bourreau.
- — Vous voulez dire que le baron sait que sa femme et Du Moulin sont en relation ?
Albert hocha la tête.
- — Il ignore en revanche le contenu des séances et ne veut surtout pas le savoir. Il se contente des sourires ravis de son épouse et de l’assurance qu’il n’y a jamais de pénétration vaginale.
- — Il sait que Nicolas n’est pas seul avec son épouse ?
- — Non, dit Albert. Il ne veut pas connaître le contenu des séances, répéta-t-il, tout sourire.
Roxane rit doucement avant de redevenir sérieuse.
- — Hé bien, je ne suis clairement pas Cécile alors, ça, non.
- — Comme je te l’ai dit, je prends note de tes volontés, mais je reste seul décisionnaire au final.
- — Oui, bien sûr. Votre soumise semble ne pas aimer Du Moulin non plus.
- — Elle n’est pas masochiste, en effet.
- — Pourtant, elle a accepté la punition physique.
- — Parce qu’elle est obéissante, dit Mean, et me fait confiance. La souffrance a été forte, mais rapide et sans conséquence. Crois-moi, ma punition lui a fait bien plus de mal que celle de Nicolas.
- — Je le conçois aisément, assura Roxane qui préférait aussi quelques coups de cravache à l’interdiction de jouir.
- — Que veux-tu ? répéta le duc.
- — Je vais y réfléchir, je vous le promets, dit Roxane qui, épuisée, ne rêvait que de son lit.
- — Ce que tu as vu ce soir, ça te plaît ?
- — Ça ne me déplaît pas, admit Roxane. Au début, j’ai trouvé votre dédain horrible. C’était comme si cette pauvre femme n’existait pas. Et puis, j’ai compris que c’était tout l’inverse. Elle était au centre de la scène.
Le duc sourit.
- — C’est un monde à explorer et c’est terrifiant, admit Roxane. Qui sait, peut-être qu’en revenant en France, je saurai ce que je veux.
Le duc rit doucement. Il ne cachait pas sa joie de se savoir compris.
- — Je vais passer ma semaine à me contenter de regarder afin de déterminer ce que j’aime ou pas, c’est ça ?
Le duc sourit pleinement. Il la tenait en son pouvoir et ne cachait pas son contentement.
- — Je ferai ce que vous voudrez, assura Roxane.
- — Puis-je te noyer dans la mare ?
- — Non ! s’exclama-t-elle avant de froncer les sourcils.
Elle venait de lui promettre obéissance avant de refuser la première proposition, volontairement provocatrice du duc.
- — Il faut que j’arrête de dire ça, c’est ça ? lança Roxane.
Il lui faisait la leçon. Elle se sentit très bête, telle une enfant rabrouée par son professeur.
- — Je dois être en mesure d’annoncer mes limites, comprit-elle, et mes envies.
- — Tes limites devront être respectées. Tes envies, pas forcément, mais si elles ne sont jamais assouvies, ça ne va pas non plus. N’oublie pas que le dominant aussi a le droit d’avoir des limites et des envies. Ses limites devront être respectées. Ses envies pas forcément assouvies, comme les tiennes.
- — Le dominant est toujours comblé, non ? Vu qu’il choisit la scène !
- — Me crois-tu comblé ce soir ?
Roxane réfléchit un instant. Sa première soumise ne sachant pas ce qu’elle voulait, le duc avait jugé dangereux de l’utiliser et avait préféré lui faire la leçon. La seconde avait raté sa fellation. De ce fait, le duc n’avait pas joui durant cette séance.
- — Je suppose que non, admit Roxane. Vous voulez que je vous satisfasse ?
- — Je serai satisfait quand tu m’auras dit ce que tu veux. Es-tu en mesure de le faire ?
Roxane secoua négativement la tête.
- — Tu ne peux donc pas me satisfaire. Je ne doute pas de ta volonté, que j’apprécie, mais tu n’en es pas capable, tout comme ma soumise a raté son moment. Il y a des soirs, comme ça…
Roxane rit doucement.
- — Du Moulin non plus n’a pas joui, se rappela Roxane.
- — Il y a des soirs, comme ça… répéta Albert. Allez, au lit ! Une fois dans ta chambre, retire les boules de geisha, lave-toi puis couche-toi… nue.
- — Oui, maître, répondit-elle en se levant à sa suite.
- — Tu m’en veux toujours hein ! lança-t-il dans l’escalier.
Elle acquiesça. Elle devait admettre avoir beaucoup de mal à avaler sa frustration et le dédain dont elle avait été la cible.
- — Que suis-je en train de faire ? demanda-t-il une fois dans le couloir.
- — Vous m’aidez à me construire, répondit Roxane. J’en suis consciente et je vous en remercie. Ça n’en reste pas moins difficile.
Le duc rit doucement.
- — Rassure-toi : tu as le droit de m’en vouloir… tant que tu restes polie, sage et obéissante.
- — Votre soumise est d’une docilité incroyable !
- — Je n’ai jamais levé la main sur elle, si c’est ce que tu penses. Non pas que je m’oppose à ces pratiques. Ce genre de dressage porte ses fruits. Je ne veux simplement pas d’opposition. Alors je ne réprime pas. Si ma partenaire ne veut pas m’obéir, c’est son droit. Je me contente de la congédier.
- — Elle ne vient que sur ordre et repart à la moindre désobéissance. Pas étonnant qu’elle vous soit acquise !
- — Ah ! Nous avons trouvé quelque chose qui te plaît.
- — Je détesterais être traitée de la sorte, répliqua Roxane.
- — Ton sourire dit le contraire, rétorqua Albert.
Roxane ricana nerveusement et fit une moue boudeuse.
- — C’est une lutte contre ton éducation, lui expliqua le duc devant la porte de sa chambre, contre la moralité acquise, contre la construction précédente. Il faut détruire pour bâtir. C’est difficile et parfois douloureux. Personne ne pourra te dire ce qu’il te faut. Tu es la seule à avoir les clés.
Roxane ouvrit la porte de sa chambre.
- — Donne-toi le droit de te tromper, d’essayer, de recommencer, de refuser pour accepter plus tard, d’accepter pour refuser plus tard. Ne laisse personne te faire la morale ou te juger. Bonne nuit, chère Roxane.
Il avait prononcé ces derniers mots en anglais.
- — Passez une agréable nuit, monsieur le duc, répondit Roxane.
- — Bonjour Roxane ! lança Méline en français dans la salle à manger, devant un copieux petit-déjeuner. Bien dormi ?
- — Excellemment, je te remercie.
- — Bien le bonjour, chère Roxane, lança le duc en anglais.
- — Bonjour, monsieur, répondit Roxane.
- — Oh la vache ! s’exclama Méline. Je ne t’ai jamais entendu dire « Bonjour » de manière aussi froide à quelqu’un. Ça s’est mal passé hier soir ?
- — Excellente question ! lança le duc. Cela se serait-il mal passé hier soir ?
Roxane lui envoya un regard noir.
- — Apparemment, oui, en conclut Méline, partagée en l’amusement et la gêne.
Roxane s’installa à table et commença à se remplir l’estomac, le corps empli de frustration. Le duc dégusta son petit-déjeuner sans insister, un grand sourire sur le visage, tandis que Méline hésitait entre partager le rire du duc et être triste avec son amie.
- — J’aimerais retourner en ville aujourd’hui, indiqua Méline. Pouvez-vous de nouveau m’y amener, monsieur le duc ?
- — Non, aujourd’hui, je passe la journée ici, avec Roxane, répondit le duc en français.
La langue utilisée indiqua à Roxane que son avis n’était pas requis. Elle le transperça des yeux. Elle avait indiqué détester l’idée d’être ainsi à disposition. Il en jouait à merveille.
- — Ah bon ? s’étonna Méline. Je croyais que tu voulais aller au deuxième lac. J’ai mal compris ?
- — J’irai un autre jour, ce n’est pas grave, répliqua Roxane.
Le duc sourit, ravi de sa victoire. Il sortit les clés de sa voiture pour les tendre à Méline.
- — Conduire à gauche ? s’exclama-t-elle. Non, je risque trop d’abîmer votre véhicule !
- — Seule solution : la calèche. Ronald ?
- — Je vais la préparer, monsieur, annonça le majordome en sortant précipitamment pour satisfaire les besoins de son patron.
Méline soupira. Elle détestait déranger Ronald. Elle termina le petit-déjeuner boudeuse. Le majordome vint annoncer que le véhicule était prêt.
- — Je serai de retour pour le thé, promit-elle avant de disparaître.
- — Nous passons la journée ensemble ? lança Roxane au duc en français.
- — Mes désirs sont des ordres, répondit-il tout sourire.
- — Oui, maître, déclama Roxane que l’idée de rester avec Albert enchantait carrément.
- — Je compte bien profiter un peu du splendide jardin. Connaissant Ronald, il va profiter de sa venue en ville pour faire des courses et ne reviendra que ce soir.
- — Cela dérange-t-il monsieur si je ne reviens que ce soir pour le thé avec mademoiselle Méline ? demanda Ronald en entrant dans la pièce.
- — Pas du tout, Ronald. Je vous en prie. Profitez-en pour aller au cinéma ! Ça vous fera du bien.
- — Je vous remercie, monsieur, répondit Ronald avant de disparaître à son tour.
- — Nous voilà seuls, annonça Albert, pas peu fier.
- — Seule avec un inconnu dans un château paumé au milieu de nulle part. Ça fait très « film d’horreur ».
- — Ce n’est que maintenant que tu te préoccupes de ta sécurité ? Pas en février, alors que tu étais seule avec cinq hommes dans ce même château paumé et qu’au beau milieu de la nuit, tu n’as eu d’autre idée que d’aller vers des cris de douleur féminins ?
Roxane ricana. À bien y repenser, oui, elle avait été un peu inconsciente.
- — Tu ne prends pas assez soin de toi, la rabroua le duc. Ta sécurité, ta sécurité, nom d’un chien !
Roxane rougit intensément.
- — Tu m’as laissé te mettre en cage ! rappela-t-il. Heureusement que tu m’as dit avoir dit « non » à certains hommes en France sinon, honnêtement, je serais très inquiet pour toi.
- — J’ai confiance en vous.
- — Tu ne devrais pas. Tu ne me connais pas.
- — Vous m’avez dit de me fier à mon instinct, rappela-t-elle.
Il ne put rien contrer à cette remarque.
- — De plus, je vous ai trouvé très attentif envers votre soumise, hier soir.
- — Tu as porté ton regard où il fallait et quand il le fallait.
- — Vous m’avez observée, comprit-elle.
- — Évidemment, confirma-t-il. Allez, déshabille-toi ! Je te veux nue toute la journée. Garde juste tes chaussures.
Elle retira sa robe, sa culotte et son soutien-gorge devant lui.
- — Et si on profitait de ce magnifique soleil et du jardin dont Ronald prend soin avec tant d’attention !
Il la mena dehors. Roxane se retrouva entièrement nue sous les rayons du soleil, ce qu’elle n’avait pas fait depuis ses trois ans. Elle dut admettre apprécier tout en étant terriblement gênée. Ici, personne ne pourrait la voir. Le domaine du duc était éloigné de tout. Nul ne venait jamais. Méline et Ronald étaient loin. Pourtant, elle ne put s’empêcher de regarder à droite et à gauche, s’apprêtant à rencontrer des visiteurs impromptus à n’importe quel moment. Elle n’était pas sereine du tout.
- — J’ai autant envie de m’amuser que de te permettre de te tester, annonça le duc. N’hésite pas à me le dire si je vais trop loin.
- — Mais vous restez seul décisionnaire, j’ai compris, répondit Roxane en souriant.
- — Le but n’est pas de t’ôter ta dignité. Quand ma soumise est une table, elle n’en reste pas moins digne et fière et si elle se sent humiliée, ce n’est pas de mon fait. C’est son ressenti à elle. Je n’y suis pour rien. Chacun place le curseur de l’humiliation où il le souhaite. C’est un concept très personnel.
- — Vous ne pouvez pas deviner si votre demande m’humilie ou pas, comprit Roxane. C’est à moi de vous le dire.
- — C’est plus fort que ça, Roxane. Ma soumise se sent humiliée à mort lorsqu’elle sert d’urinoir. Pourtant, je le lui fais subir parce que…
Il laissa sa voix porter et Roxane comprit qu’elle était censée finir la phrase. La jeune femme indiqua d’un geste de la tête qu’elle ignorait comment terminer cette remarque.
- — Parce qu’elle adore ça, expliqua le duc. Il y a l’humiliation qui t’excite, qui te fait mouiller, qui te fait fondre de plaisir, celle qui transcende la morale et te donne des papillons dans le ventre. Et il y a celle qui te répugne, te révulse, te donne la nausée et envie de fuir. Celle qui transgresse non pas la morale établie, mais tes valeurs personnelles, celles qui te sont chères, qui te définissent. Tu comprends ?
Roxane hocha la tête.
- — Ce que vous ne pouvez en aucun cas deviner, comprit Roxane. Je vous mets réellement en difficulté en refusant de vous dire ce que je veux.
- — Je risque à tout moment de franchir une ligne rouge. C’est désagréable pour moi d’avancer à l’aveugle.
- — Je comprends, assura Roxane. Et je peux vous assurer que je ne souhaite pas vous gêner. Je ne sais réellement pas répondre à cette question.
- — Je te crois. De ce fait, n’hésite pas à refuser de faire quelque chose qui franchit la ligne rouge. En revanche, si ça t’est juste désagréable ou neutre, fais l’effort pour moi, tu veux bien ? Je ne te précise pas de le faire si ça te plaît, car la question ne se pose pas. Tu obéiras en sautillant dans ce cas de figure là !
Roxane rit doucement.
- — On peut commencer ?
- — Avec plaisir, répondit Roxane.
Il lança la promenade. Roxane le suivit tandis qu’il décrivait les espèces d’arbres, les plantes et certaines anecdotes de son enfance dans ces bosquets. En dehors du fait que Roxane vivait ce moment nue, rien de particulier ne se produisit. Il ne la touchait même pas.
- — N’hésite pas à me le dire si ça ne te convient pas, rappela soudain le duc.
Il sortit un objet de sa poche. Cela ressemblait à un os, mais c’était très coloré et en plastique. Il le jeta à une dizaine de mètres avant de murmurer :
Son ton était neutre, simple. Pas autoritaire. Un chuchotement. Il la testait. Roxane observa l’herbe sur laquelle brillait l’objet. Aller le chercher et le ramener au duc ne la dérangeait pas spécialement. Cela ne l’émoustillait pas, mais ne la révulsait pas non plus. Il avait dit d’essayer de faire les choses qui lui semblaient neutres pour lui faire plaisir. Elle avait envie de lui faire plaisir alors elle s’exécuta.
Elle traversa le gazon, se pencha en avant pour récupérer l’objet en plastique dur et tendre à l’extérieur, parfaitement consciente de la vue qu’elle offrait au duc. Elle fit le trajet inverse et lui tendit son bien.
- — Mets-toi bien en face de moi et rends-le-moi d’une manière correcte.
D’une manière correcte ? Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ?
- — C’est chiant quand l’autre n’est pas clair, hein ? Devoir deviner est agaçant ? cingla le duc. Débrouille-toi !
Elle lui tira la langue puis se mit en face de lui, posa l’objet dans ses deux mains jointes tendues paume vers le haut et baissa les yeux.
- — Pas mal, dit-il en prenant l’objet avant de la contourner pour poursuivre la promenade.
Il continua à raconter tout en agrémentant son discours, de temps en temps, d’un « Va chercher » juste après le lancer de l’objet. À chaque fois, Roxane se plia de bonne grâce à la demande, se prenant finalement au jeu. C’était plutôt amusant et le duc la matait sans honte. Se savoir ainsi appréciée plaisait beaucoup à Roxane qui n’hésitait pas à en rajouter pour séduire le duc.
- — Accepterais-tu que je t’attache les mains dans le dos ? demanda le duc en sortant une corde d’un cabanon posé en plein milieu du jardin.
- — Si je dis « oui », vous allez vous plaindre que je ne prends assez soin de moi, que je me mets en danger ?
- — Si je t’attache brutalement et sans te laisser le choix, apprécieras-tu davantage ?
- — Quoi ?
- — Si je t’attache sans te demander ton avis et alors que tu te débats, cela me retire toute possibilité de te culpabiliser. On dirait que ça te tente.
- — Non ! s’exclama Roxane complètement déstabilisée.
- — Tu connais les « non » qui veulent dire « oui » ? demanda le duc. Ce sont ces « non » liés à la morale ou à l’éducation que l’on transgresse et pas au franchissement d’une valeur personnelle.
- — Comment faites-vous la différence ? demanda Roxane, plus abasourdie qu’apeurée.
Le duc explosa de rire.
- — Je ne la fais pas. C’est impossible. Si le partenaire ne le dit pas clairement, comment veux-tu que je le sache ? D’où l’importance de la discussion, de l’échange, du retour sur expérience, d’une communication saine et libre, en l’absence de jeu de pouvoir, avant ou après la séance, rarement pendant.
- — Nous sommes pendant !
- — Parce que tu as refusé de me répondre avant ! rappela le duc. Je fais ce que je peux !
- — Pardonnez-moi, dit Roxane, sincèrement désolée.
- — Viens là ! ordonna-t-il d’une voix sévère.
Elle s’approcha, honteuse, les yeux baissés. Il la fit se tourner sans ménagement, attrapa ses bras et les lia adroitement dans son dos. Une fois les nœuds terminés, Roxane testa l’assemblage. Il ne broncha pas. Elle était prisonnière. Elle n’en ressentit aucune peur. Elle avait confiance en son hôte. En revanche, elle en fut terriblement excitée. Se savoir à sa merci la fit mouiller et son ventre se contracta.
De son côté, le duc reprit tranquillement sa promenade, comme si de rien n’était, ne regardant Roxane que dans les yeux. Roxane, étrangement, s’en sentit outrée. Il disposait de son corps et ne s’en servait pas.
Elle ronchonna sans parvenir à lui en vouloir. Certes, elle était impuissante face à lui, mais il ignorait où se situait la ligne rouge et ne souhaitait pas la franchir. Elle comprit que celui des deux qui était pieds et poings liés n’était pas celui auquel on pouvait penser de prime abord. C’était lui qui naviguait dans un marais, craignant à chaque instant de rencontrer des sables mouvants.
- — Va chercher, dit-il soudain.
L’objet vola pour tomber une douzaine de mètres plus loin. Elle fixa le duc qui lui sourit en retour. Avec les mains attachées dans le dos, cela se complexifiait. Elle partit chercher le machin et dut s’agenouiller pour le récupérer de ses mains liées. Elle se releva avec difficulté puis se mit devant lui et se tourna un peu pour lui tendre l’objet.
Le duc observa le don et fit la moue. Il était clair que cela ne lui convenait pas. Roxane admit que la manière « correcte » requise n’y était pas. Avec un soupir d’exaspération, elle lâcha l’objet au sol, s’agenouilla puis descendit son visage jusqu’au sol, attrapa l’objet dans sa bouche avant de se tourner vers le duc et de le lui offrir de cette manière.
Le duc sourit pleinement. Roxane se sentit bien. Elle avait réussi à le satisfaire. Ce petit jeu lui plaisait. Non pas l’animalisation en elle-même, mais le fait de réussir à le combler. Il prit l’offrande et Roxane put se relever.
Elle dut refaire le don trois fois avant qu’ils n’atteignent une fontaine à eau avec pompe. Le duc activa la pompe et une eau fraîche et claire sortit.
- — Elle est potable, précisa-t-il. Vas-y ! Tu dois mourir de soif après autant d’exercices !
Roxane ne s’opposa pas. Elle se pencha et but à même le gros filet d’eau, peu gênée par le fait de s’en mettre partout. Il faisait assez chaud pour que cela ne soit pas désagréable.
- — J’aime quand tu es trempée, indiqua le duc lorsqu’elle se releva.
Il la matait et Roxane rougit intensément. Elle tira sur ses liens qui ne bronchèrent pas. Elle aurait voulu pouvoir cacher son corps, car son regard se faisait transperçant. Il ne l’avait que fort peu regardée depuis le début de la promenade si bien que ce moment fut difficile pour Roxane qui accepta toutefois sans broncher. En réalité, elle aurait adoré qu’il fasse bien davantage, mais comprenait fort bien sa retenue. Il tenait à avancer lentement.
- — J’ai très envie de faire pipi, annonça Roxane.
L’eau avait réveillé ce besoin.
- — Fais, je t’en prie ! dit-il.
Roxane ne comprit pas.
- — Mes fougères ne vont pas mourir parce que tu vas leur pisser dessus !
- — Mais…
Elle tira sur ses liens. Uriner là, comme ça, devant lui, en pleine nature ?
- — Franchirait-on une ligne rouge ? demanda le duc, amusé.
- — Non, répondit immédiatement Roxane, mais une limite morale, clairement oui.
- — Merci de ta précision. Si ce n’est pas une ligne rouge, alors fais l’effort pour moi.
Roxane ferma les yeux et respira plusieurs fois intensément. Elle s’accroupit sur le bord du chemin et, les yeux fermés, urina sur l’herbe, faisant en sorte d’ignorer la présence du duc qui n’en perdait pas une miette. Lorsqu’elle se releva, il se contenta de reprendre la route sans lui accorder le moindre mot et elle l’en remercia. Pas de mot vulgaire, pas de remarque cinglante. Ce silence lui convenait parfaitement.
- — Va chercher, dit soudain le duc en lançant l’os.
Roxane se tourna vers la direction, prête à aller ramasser l’objet, mais se figea en découvrant la zone d’arrivée.
- — Mais, maître ?
- — Dois-je aller le chercher moi-même ? cingla-t-il.
Roxane observa le champ d’orties. Il ne faisait aucun doute que le duc l’avait fait exprès. Il connaissait son domaine par cœur. Il savait qu’il en trouverait là. Les plantes, bien nourries, arrivaient au nombril de la jeune femme. Nue, elle ne pourrait éviter leurs morsures, d’autant qu’elle allait devoir se baisser pour ramasser l’objet au sol.
- — Maître ! supplia Roxane.
- — Ligne rouge ? demanda-t-il.
- — Non, mais…
- — Alors, va !
- — Maître ! quémanda Roxane.
- — Va ! insista-t-il.
Sa voix n’était pas pleine de colère. Il s’amusait follement.
- — S’il vous plaît ! murmura Roxane, dégoûtée d’en être réduite à supplier.
Ce champ d’orties lui faisait peur.
- — Va chercher, répéta-t-il en hachant chaque mot et cette fois, son ton était ferme et autoritaire.
Roxane fondit devant le duc. Elle hocha la tête avant de se tourner, perdue, vers les plantes redoutées. Elle s’avança, mais arrivée devant la première, elle se figea, craignant les morsures de dame nature.
- — Allez ! Obéis ! Ramène-le-moi !
Roxane s’avança et les piques la chatouillèrent. La plus grande douleur s’avéra toucher ses cuisses et son entrejambe. Elle cria sans cesser d’avancer, se pencha, gémissant alors que ses bras et ses mains se faisaient transpercer de multiples aiguilles.
Le chemin en sens inverse ne fut pas plus agréable, certains plants ayant réussi, par elle ne sut quel miracle, à prendre la place de ceux écrasés à l’aller. Finalement, elle lâcha l’objet, se pencha pour le prendre en bouche et l’offrir convenablement à son maître.
- — Merci, Roxane, dit le duc en saisissant l’os en plastique. Je suis très satisfait de ton comportement.
Elle voulait se gratter. Sa peau la brûlait à de nombreux endroits. Des cloques apparaissaient de-ci, de-là. Le duc poursuivit sa promenade sans porter attention aux grognements de la jeune femme à ses côtés.
Finalement, le château fut en vue. Le duc s’installa sur un transat. Roxane se mit à genoux à côté de lui sur son indication gestuelle.
- — Jouer en extérieur, tu valides, commença-t-il.
- — Carrément ! s’exclama-t-elle. J’adore ! C’est très agréable.
- — L’uro, c’est à réfléchir. Ça n’a pas l’air d’être une ligne rouge, mais ça demande de sérieuses négociations.
- — Ça a été tellement dur ! s’étrangla Roxane.
- — Et encore, je t’ai permis de t’enfermer dans ta bulle. J’aurais pu t’obliger à me parler ou te toucher pour t’empêcher de t’enfuir de la sorte.
Roxane hocha la tête.
- — Être attachée te plaît, c’est une évidence.
Roxane ne nia pas. Elle appréciait énormément le contact de la corde sur ses poignets.
- — C’est dangereux, compléta-t-elle. Seulement avec des gens de confiance.
Il acquiesça.
- — Quant à la douleur, si elle est légère, ça passe, continua le duc.
- — Douleur ? répéta Roxane.
- — Les orties, précisa le duc.
- — C’est atroce ! précisa Roxane. Non seulement ça fait mal, mais je me donne moi-même cette douleur. Vous ne tenez même pas la cravache ou le fouet. Vous n’avez rien à faire. C’est mentalement très difficile.
- — Et physiquement ?
- — Ça me brûle un peu, mais ça n’est pas aussi insupportable que je l’aurais cru. Ça va.
Le duc sortit un petit sachet d’un coffre de jardin. Il ouvrit la fermeture éclair et des pinces à linge apparurent. Il attrapa un sein de Roxane et en plaça une sur l’aréole, à côté du téton. Elle se tendit, mais la douleur était fine. Sa sœur jumelle la rejoignit de l’autre côté puis l’autre sein fut agrémenté de la même manière.
Il attacha une barre en fer entre les jambes de Roxane, maintenue à ses chevilles par des menottes en cuir. Puis, il se rassit sur le transat, attrapa l’os en plastique, le lança puis murmura « Va chercher » avant de fermer les yeux pour profiter du soleil.
Roxane n’en revint pas. Il la mettait au défi et son dédain était feint. En réalité, il s’amusait follement, elle n’en doutait pas. Elle fit un premier pas, avançant difficilement avec la barre, apprenant à l’apprivoiser. Elle parvint à marcher lentement. Elle ne sut s’il ouvrit finalement les yeux pour profiter du spectacle de cette femme nue, les jambes écartées, les seins ornés de pinces, les mains dans le dos, se démenant pour aller récupérer un os en plastique pour le seul plaisir de son maître.
Roxane se mit à genoux devant l’objet, l’attrapa avec la bouche puis le ramena à son maître, devant qui elle s’agenouilla pour le lui présenter. Il resta les yeux fermés durant de longues minutes avant de finalement le prendre, le relancer et répéter son « Va chercher » amusé.
Roxane sentit son entrejambe se tremper et son ventre se contracter à ces mots. Putain ! Elle adorait être traitée de la sorte. Ce petit jeu lui allait à merveille. Elle le haït pour cela. Elle voulait le couvrir d’insultes et en même temps l’envelopper de remerciements et de baisers.
Elle se releva et alla péniblement chercher l’objet, prenant son temps. Il semblait ne pas chercher la rapidité, mais plutôt profiter du soleil, tranquillement installé dans son transat. Elle revint et lui proposa l’os. Elle dut attendre encore plus longtemps avant qu’il ne s’en saisisse et le renvoie une troisième fois. Elle gémit, mais il se contenta de répéter son ordre d’un ton neutre. Elle obéit et lui rapporta l’objet pour la troisième fois.
- — Tu as été bien plus rapide cette fois ! la félicita-t-il. Tu commences à mieux maîtriser la barre d’écartement pour tes déplacements. Reste où tu es !
Il se leva et délia la corde maintenant les poignets. Alors qu’il se dirigeait vers le coffre, Roxane en profita pour masser ses bras. Le répit fut de courte durée, car le duc revint avec une seconde barre de fer, agrémentée de trois entraves.
La première entoura son poignet gauche, la deuxième le droit. La dernière le cou. Bras et jambes écartés, elle lui était totalement offerte. Pourtant, le duc ne sembla aucunement intéressé par ce corps féminin à sa libre disposition.
- — J’ai soif. Apporte-moi un verre de jus de fruits, indiqua-t-il après s’être rassi dans son transat.
- — Vous voulez un… mais…
- — Tu en trouveras à la cuisine. Frais, s’il te plaît !
Il avait dit cela sans même ouvrir les yeux. Roxane galéra à se remettre debout et il ne l’aida nullement ni ne réagit. Il semblait vraiment prendre un bain de soleil et se moquer éperdument de la scène qui se jouait à côté de lui. Ce dédain, ce flegme anglais, Roxane le trouva méprisant. Était-ce une ligne rouge ? Non, certes pas, car elle le savait joué. Il aurait été réel que cela l’aurait vraiment blessée.
- — Maître ? Vous appréciez ce moment ? demanda-t-elle.
- — Énormément, chère Roxane. N’en doute surtout pas ! répondit-il en ouvrant les yeux, son regard fixé dans le sien.
Il lui fit un clin d’œil puis referma les yeux. Rassurée, elle fit le tour du transat, se dirigeant vers la première porte qu’elle vit. Elle s’ouvrit sous sa poussée, qui l’avait obligée à se pencher, écartant ainsi les cuisses. Le duc regardait-il ? Roxane n’en avait aucune idée. Occupée à remplir sa mission, elle ne s’en préoccupait pas vraiment.
Certaines portes trop étroites l’obligèrent à marcher de côté et avec la barre d’écartement entre les jambes, ce fut tout, sauf aisé. Elle parvint, triomphante, à la cuisine, trouva le frigo et sa bouteille de jus d’orange. Elle avisa un verre, mais se dit que le transporter plein serait mission impossible.
Elle choisit donc de refaire le trajet en sens inverse avec le verre vide dans une main et la bouteille pleine dans l’autre. Arrivée sur place, elle posa le verre sur une table de jardin.
- — Quelle vue magnifique ! dit le duc, faisant rougir Roxane, qui, dans cette position, offrait son sexe au regard de son hôte.
Alors qu’elle posait la bouteille et tenta de l’ouvrir avec les dents, elle sentit un doigt pénétrer son intimité.
- — Encore plus trempée que lors de notre première rencontre, s’amusa le duc.
Roxane gémit… et ce bouchon qui refusait de céder. Le duc appuya davantage ses gestes, n’hésitant pas à remplir de deux doigts l’intimité offerte. Enfin, le petit morceau de plastique tomba et Roxane put remplir le verre. Le duc se remit en position sur son transat et Roxane, à genoux, lui offrit le rafraîchissement demandé.
- — Nettoie ! ordonna-t-il en tendant ses doigts de la main droite tandis qu’avec la gauche, il dégustait son jus d’orange.
Elle retira sa mouille des doigts de son maître, la suçant avec application, mimant à la perfection le geste de la fellation. Il retira les pinces des seins de sa soumise, les caressa tendrement pour faire disparaître la douleur fugace puis annonça :
- — La contrainte est clairement ton acte préféré. Plus c’est difficile et plus tu es excitée.
- — J’ai tellement envie d’avoir du plaisir. Je n’en peux plus ! admit Roxane.
- — On avance, fit remarquer le duc. Pour la première fois, tu me dis ce dont tu as envie : d’avoir du plaisir. Tu parles de plaisir physique, je suppose.
- — Oui ! s’exclama Roxane au bord des larmes. J’ai envie que vous me caressiez, que vous me remplissiez !
- — J’adore quand ta langue se délie ! Elle dit des choses délicieuses !
- — Je vous en prie ! Touchez-moi !
- — Qu’est-ce qui serait le pire pour toi ? Que je ne te touche pas ou que tu ne puisses pas me toucher ?
Roxane sursauta puis réfléchit à la question. C’était difficile.
- — Que vous ne me touchiez pas, finit-elle par répondre.
Il posa sa main sur ses hanches et caressa doucement.
- — Voilà, je te caresse, indiqua-t-il.
Roxane avait envie de l’insulter, mais elle resta sage.
- — Merci, maître, dit-elle docilement. Accepteriez-vous de caresser mes seins et mon sexe ?
- — Que ces mots sont agréables ! Encore, continue ! dit-il en prenant soin des seins de Roxane qui en ronronna de plaisir.
- — Plus fort, oui, c’est ça !
Il pétrit et titilla les tétons bien droits et tendus.
- — Accepteriez-vous de les lécher, de les mordiller et de les sucer, s’il vous plaît ?
Il s’y plia de bonne grâce. Roxane n’en revenait pas. Suffisait-il de demander pour obtenir ? Il réclamait qu’elle lui dise ce qu’elle voulait. C’était aussi simple que ça. Roxane se sentit lui pousser des ailes. Son esprit embrumé par l’envie réfléchissait à mille à l’heure. Que voulait-elle ? Que voulait-elle ? Elle devait absolument trouver la réponse !
- — Je voudrais être remplie, maître, s’il vous plaît !
Le duc se leva en souriant. Roxane resta à genoux, les barres aux chevilles et aux poignets l’obligeant à s’offrir au premier venu. Fort heureusement, l’endroit était désert à l’exception du duc.
Il revint et son premier acte fut de placer un bandeau sur les yeux de Roxane. Elle ne dit rien. Cela ne constituait pas un franchissement de ligne rouge. Elle avait toute confiance en son hôte. Être privée de ce sens exacerba immédiatement les autres. Roxane prit conscience du vent tiède sur son corps et du chant des oiseaux.
Un objet pénétra son intimité ruisselante et un bruit de pompe à main se fit entendre. Roxane sentit quelque chose gonfler dans son ventre et elle gémit.
- — Trop ? demanda le duc.
- — Non, surprise, le rassura Roxane.
La pompe reprit son œuvre et l’objet grossit encore.
- — Stop, s’il vous plaît, demanda Roxane.
Il pompa une fois supplémentaire, la faisant sursauter puis cessa. Elle se sentait bien pleine. Quelque chose se posa sur son clitoris. Lorsque la chose se mit à vibrer, Roxane se recula et fut libérée de la pression. Ainsi, elle pouvait décider de la présence ou non de l’objet.
- — Suce-moi, ordonna-t-il.
Elle dut s’avancer un peu pour trouver le sexe à moitié dur du duc. Ce faisant, son clitoris entra en contact avec l’objet vibrant et elle en gémit de plaisir. Son ventre bien rempli se contractait sur cet intrus qui ne bronchait pas. Roxane sentit qu’elle jouirait très vite à ce rythme.
- — Interdiction de jouir la première, annonça le duc.
Roxane gémit tout en maintenant sa fellation.
- — Débrouille-toi ! Tu gères la magic wand sur ton sexe.
Roxane recula ses hanches afin de ne plus du tout être en contact avec l’objet vibrant. Ainsi, elle était certaine de ne pas décoller.
- — Après que j’ai joui, tu disposeras très exactement de trente secondes pour faire de même, après quoi j’arrêterai la machine, prévint le duc.
Roxane grogna. Si elle s’en éloignait, elle risquait de ne pas obtenir le plaisir tant désiré aussi vite. Si elle s’en approchait, elle craignait de perdre le contrôle trop tôt. Elle le haït pour ce choix cornélien atroce. Elle tentait des approches rapides, mais la magic wand la faisait décoller tellement vite !
Finalement, elle se concentra sur ses succions, se disant que dans son état, jouir en trente secondes était largement faisable.
- — Avale ! dit-il juste avant d’éjaculer dans sa bouche.
Roxane n’en laissa pas une miette puis se colla à la machine tandis que le duc, intraitable, comptait les secondes à voix haute. À dix, il retira le bandeau de sa soumise et l’obligea à jouir en le regardant dans les yeux. Jamais elle n’avait été capable de prendre du plaisir aussi vite et jamais jouissance ne fut aussi forte.
Comme promis, il coupa l’objet au bout de trente secondes. Roxane en gémit de dépit. Elle aurait aimé plus, tellement plus !
- — Ton sexe réclame qu’on s’occupe de lui ? lança le duc.
Il attrapa des pinces et les plaça sur les grandes lèvres. Une dernière pince, posée sur le clitoris, fit grogner Roxane.
- — Ligne rouge ? demanda-t-il.
- — Non, humiliation, répondit Roxane.
- — Excitante ou repoussante ?
- — Excitante, admit Roxane et le duc sourit en hochant la tête, ravi d’enfin obtenir les réponses.
- — Debout, ordonna-t-il.
Roxane gémit. Elle avait les jambes en coton. Elle parvint cependant péniblement à se dresser.
Elle obéit. Les pinces sur son sexe bougeaient à chaque mouvement, la transperçant de douleur. Quant à son ventre bien rempli, chaque pas le caressait de l’intérieur, augmentant l’excitation de Roxane, faisant gonfler son clitoris qui, serré par une pince, hurlait son envie de liberté et de caresses douces.
En gémissant, elle suivit son maître qui contourna le bâtiment pour se rendre jusqu’à la grille du château où une voiture inconnue se trouvait garée. Roxane se figea, incapable de faire un pas de plus. Elle avait trop honte ! Son corps était exposé et trempé de son propre plaisir.
Le duc se tourna vers elle et lui fit signe d’avancer. En réponse, Roxane secoua négativement la tête, soudain incapable de prononcer un mot. Il s’approcha d’elle et chuchota à son oreille :
- — Dans la voiture, c’est Charles. Il nous apporte le déjeuner.
Roxane en fut soudainement rassurée. Putain de quatuor infernal ! Le duc avait dû le contacter par téléphone pendant qu’elle allait chercher le jus d’orange à la cuisine. Naturellement, le comte Stethen avait sauté sur l’occasion. Il sortit de son véhicule tandis que le duc ouvrait la grille.
- — Bonjour Roxane, lança-t-il en laissant son regard errer sur le corps offert, n’omettant aucun détail.
- — Bonjour, monsieur le comte, répondit Roxane les yeux baissés, terrifiée à l’idée de croiser son regard.
- — Tu restes déjeuner ? proposa le duc.
- — Très volontiers ! répondit Charles.
Tu m’étonnes ! pensa Roxane.
- — Ta femme n’en sera pas dérangée ?
- — Penses-tu ! Elle n’en saura rien, précisa Charles. Je dois juste être en ville dans une heure. J’ai un rendez-vous.
- — Sans problème ! lança le duc.
Les deux hommes se dirigèrent vers la terrasse de l’autre côté du manoir, où se trouvaient plusieurs chaises et une table de jardin. Roxane, à genoux entre les deux hommes, mangea dans les mains des deux amis qui discutaient de tout et de rien en caressant de temps en temps la femme à disposition près d’eux.
- — Toujours aussi délicieuse, Roxane, précisa Charles avant de prendre congé pour retourner travailler.
- — Merci, monsieur, répondit Roxane, surprise que le comte se soit contenté de lui caresser le dos et les seins et de la faire manger dans sa main.
Ce monde lui semblait décidément bien étrange.
- — Charles a été ravi.
- — Je vous crois volontiers, dit-elle toujours abasourdie.
- — Il va penser à toi tout l’après-midi et sa femme sera ravie qu’il lui saute dessus dès son retour à la maison.
- — J’en suis heureuse pour eux deux, assura Roxane, amusée.
- — Tu as l’air déçu.
- — Je le suis, grogna Roxane.
Elle avait envie qu’on s’occupe d’elle. Albert ne semblant pas intéressé, elle avait espéré que Charles lui… peine perdue. Il l’avait à peine touchée. Comment pouvait-on se trouver en face d’une femme offerte de la sorte et ne pas l’utiliser ? Roxane ne comprenait pas et surtout, elle se sentait humiliée, de manière excitante, elle devait bien l’admettre, même si elle commençait à voir poindre une sensation de malaise. Elle sentit qu’on approchait d’une ligne rouge. Il n’avait pas intérêt à jouer trop longtemps de la sorte avec elle. Elle finirait par en souffrir.
- — Je suis épuisé, annonça-t-il et Roxane, qui avait couru toute la matinée derrière un os en plastique, contrainte par des barres de fer à des mouvements peu naturels, lui envoya un regard noir. Lève-toi !
Elle se mit très péniblement debout. Il lui fit de nouveau faire le tour du château pour retrouver le transat en plein soleil. D’un coffre, il sortit un crochet anal.
- — Penche-toi ! Offre-moi ton joli petit cul !
Elle obtempéra. Il retira les pinces douloureuses puis inséra doucement la boule lubrifiée.
- — Relève-toi, ordonna-t-il.
Au bout du crochet, il attacha une corde qu’il lança par-dessus une branche solide d’un chêne proche du transat. Roxane dut presque se mettre sur la pointe des pieds pour ne pas souffrir de la traction.
- — Pas un bruit, indiqua-t-il en s’installant dans le siège confortable. Tu me laisses dormir.
Il posa sur ses yeux le bandeau qu’elle avait porté un peu plus tôt et se détendit. Roxane n’en revenait pas. Il avait osé ! Il allait réellement la laisser dans cette position inconfortable, offerte, nue, pendant qu’il dormait ! Elle le haït pour ça. Elle mouilla abondamment. Elle voulait l’insulter. Elle en voulait encore. Elle était perdue. Elle se noyait et adorait.
Elle était fatiguée. Elle aurait voulu, elle aussi, pouvoir dormir sous ce beau soleil d’été. Elle ne fit cependant rien pour déranger le duc endormi.
Le soleil avait pas mal bougé dans le ciel lorsque le duc s’ébroua, s’étira puis se tourna vers Roxane et sourit pleinement.
Roxane comprit que c’était vraiment le kif total du duc : savoir une femme à sa disposition. Sa soumise venait au coup de sifflet. Le reste du temps, elle était priée d’attendre en silence. C’était cela qui le faisait bander. Il n’utilisait en fait que très peu sexuellement sa partenaire. Il aimait juste la savoir là, prête pour lui, réactive et sensuelle, douce et ouverte.
Roxane en fut certaine : elle détesterait cela. Elle ne pouvait pas. Pour une journée ou même une semaine, pourquoi pas ? Elle ne se sentait en revanche pas capable de le supporter en permanence. Elle avait besoin de bien davantage. Elle comprit que le duc ne lui conviendrait pas comme maître. En plan cul, pour des vacances, ça passait, mais pas au-delà. Il venait de lui donner de quoi réfléchir.
Il la détacha sans la toucher outre mesure, retira crochet anal et gode gonflant puis l’emmena dans sa chambre.
- — Je suis sûr qu’une douche chaude te serait agréable. Délasse-toi. Tes muscles doivent être douloureux. Méline et Ronald ne vont pas tarder à revenir.
Roxane n’en revint pas. Il comptait vraiment arrêter la séance comme ça, sans la toucher, sans jouer avec elle, sans rien lui offrir.
- — Tu as eu trente secondes, rappela-t-il taquin.
Elle lui envoya un regard noir en retour.
- — Interdiction de te masturber. Dois-je te mettre la ceinture de chasteté pour m’en assurer ou bien seras-tu capable de te tenir ?
- — Je me tiendrai, assura Roxane.
- — Je choisis de te faire confiance. Bonne douche, Roxane.
- — Merci, maître.
Le duc sortit. Roxane se délassa d’une longue douche chaude. Ses muscles hurlaient leur douleur. En revanche, plus aucune trace des orties. Tout avait disparu au soleil. Roxane en fut rassurée. De même, son sexe n’était plus douloureux. Les pinces n’étaient qu’un lointain souvenir. Seul son clitoris gonflé et sensible hurlait son besoin d’être assouvi.
Ses épaules et ses cuisses furent plus longues à détendre, mais finalement, Roxane sortit, passa une culotte et une robe légère puis descendit au salon. Elle venait à peine de franchir la dernière marche que le bruit de la calèche se fit entendre sur les cailloux. Roxane sortit pour rejoindre son amie aux écuries.
- — Alors cette virée en ville ? lança Roxane.
- — J’adore ce mode de transport ! s’exclama Méline d’une voix aiguë. C’est si pittoresque !
Ronald soupira. Roxane ne l’avait jamais vu se permettre la moindre émotion. Méline devait vraiment l’avoir exaspéré pour qu’il agisse de la sorte. Roxane ne releva pas. Elle imaginait très bien comment son amie, citadine pure souche, avait pu se montrer hautaine et méprisante envers Ronald.
Méline s’éloigna vers la terrasse où elle emmena Roxane. Elle avait clairement envie de lui parler seule à seule. Elles prirent place sur les chaises où Charles et Albert avaient déjeuné, Roxane à leurs pieds. Cette dernière ne put s’empêcher de sourire à ce souvenir.
- — Nicolas Du Moulin, tu vois qui sait ?
- — Oui, très bien, répondit Roxane.
- — Je… l’aime bien… beaucoup même, annonça Méline.
Roxane cligna plusieurs fois des yeux, n’en revenant pas.
- — Il m’a tapé dans l’œil hier soir, alors aujourd’hui, j’ai fait en sorte de me trouver là où il était. Je l’ai joué « oh quelle surprise ! C’est le destin ». Je lui ai sorti le grand jeu et ça a marché.
- — Qu’est-ce qui a marché ? demanda Roxane, incrédule.
- — On a passé toute la journée ensemble. Il m’a invité à le suivre dans ses activités. On s’est promené, main dans la main, dans toute la ville. Il m’a fait visiter. On a vu une expo et l’église du coin. Il m’a invité au pub ce soir. Je dîne avec vous et ensuite, je vous laisse tranquille. Et toi ? Ta journée avec le duc ? Agréable ?
Roxane resta muette. Elle était toujours choquée par la nouvelle apportée par son amie. Méline sortait avec Du Moulin ?
- — Roxane ?
- — Tu sors avec Nicolas ?
- — Oui, qu’est-ce qui t’étonne ? On a les mêmes goûts ! Il déteste la campagne. Il a toujours des trucs intelligents à dire.
- — Tu comprends ce qu’il dit au moins ?
- — Je comprends l’anglais et il le parle avec un accent parfaitement compréhensible, que je ne situe pas d’ailleurs.
Roxane sourit à cette remarque, hallucinée que son amie ne comprenne pas par elle-même.
- — C’est pour ça qu’il tolère ta présence, lança Roxane.
Méline lui lança un regard interrogateur.
- — Tu es obligée de te taire vu que tu ne parles pas l’anglais.
Méline lui tira la langue.
- — Il m’apprécie énormément, figure-toi. Il m’a embrassée, sur la bouche, pour me dire à ce soir. Il embrasse divinement bien !
Roxane voulait bien le croire. Elle ressentait des sentiments divergents par rapport à cette nouvelle. Elle était heureuse pour son amie, heureuse pour Nicolas et en même temps terrifiée à l’idée que son amie souffre et terriblement jalouse. Du Moulin l’attirait, elle aussi, énormément. De ce fait, elle ne savait trop que penser, noyée dans ses sentiments opposés.
- — Et toi ? Ta journée ? insista Méline.
Roxane grogna.
- — Toujours en froid avec le duc ? s’étonna Méline. Qu’est-ce qu’il t’a fait ?
- — Ça serait plutôt ce qu’il ne fait pas, gronda Roxane.
- — Mesdemoiselles ! Le thé est servi, annonça Ronald.
- — Tu as envie de baiser et pas lui ? murmura Méline en se levant.
- — Un truc du genre, ronchonna Roxane qui n’avait guère envie de s’étendre sur le sujet.
Les femmes rejoignirent le duc au salon. Ils dégustèrent le thé et les biscuits. Albert interrogea Méline sur sa journée qui, étrangement, ne parla pas du tout de Nicolas. Roxane comprit qu’elle souhaitait, pour le moment, que cela reste entre elles.
- — Je sors ce soir. J’ai beaucoup aimé le pub. J’y retourne !
- — Vous êtes la reine de la nuit, mademoiselle Méline, sourit le duc. Comment vous y rendez vous ?
- — On vient me chercher, annonça Méline.
- — Qui est le galant ?
Méline rougit, mais resta silencieuse.
- — Pardonnez ma curiosité, dit le duc.
Il se tourna vers Roxane qui resta de marbre. Il n’obtiendrait aucune information d’elle, même sous la torture. Le duc n’insista pas. Il lança la conversation sur un tout autre sujet, banal et classique. Il était très doué dans cet art que Roxane ne maîtrisait pas du tout. Méline en profitait pour déblatérer, ravie de pouvoir enfin parler français. Roxane resta très silencieuse. Elle repensait à cette journée. Elle avait envie de pleurer. Elle se sentait très seule.
Dès que Méline fut partie, Albert proposa à Roxane de s’asseoir à côté de lui devant la cheminée éteinte.
- — C’est difficile émotionnellement, supposa-t-il.
Roxane se trouva incapable de répondre. Elle ne put réprimer une larme.
- — Détruire pour rebâtir, dit le duc. Tu vas y arriver.
Roxane hocha la tête. Elle n’en doutait pas. Elle était juste au fond du trou. Il lui tendit la main et elle la saisit. Ce fut le seul contact qu’ils eurent de toute la soirée, lui lisant, elle réfléchissant. Il lui lâcha la main lorsque son téléphone vibra. Il le déverrouilla, lut le message puis annonça :
- — Vous êtes invitée à une fête donnée par Nicolas.
- — Vous semblez étonné.
- — Carrément ! Ce n’est pas le genre de fête entre amis, mais plutôt relationnelle et professionnelle. Ça sera plein de nobles et de riches. Le but est avant tout politique. Personne ne s’amuse. Vous allez vous ennuyer à mourir. Vous seule êtes invitée, pas votre amie.
Roxane sourit. Elle douta carrément que Méline ne fût pas invitée elle aussi. Elle avait juste reçu son invitation à l’oral, sans besoin de passer par Albert.
- — C’est quand ? demanda Roxane.
- — Après-demain, pour le brunch, annonça le duc.
- — Je vais prévenir Ronald, en ce cas, indiqua Roxane. J’irai demain au lac le plus éloigné, car c’est aussi le plus important pour mes recherches. J’aurai besoin de la calèche et d’un déjeuner.
- — Bien sûr Roxane. Je suis désolé de vous empêcher de travailler.
- — Pas de souci. Si je n’arrive pas à me rendre au dernier lac, ce n’est pas grave. Celui-là, en revanche, est essentiel.
- — Je comprends.
- — Bonne nuit, monsieur le duc.
- — Bonne nuit, chère Roxane.
Elle fit un détour pour exposer ses volontés à Ronald qui acquiesça sobrement, comme à son habitude.
Elle monta dans sa chambre et se changea. Elle venait à peine d’éteindre la lumière qu’on frappa à sa porte. Elle ralluma en bougonnant. Méline fit son apparition.
- — Tu n’es pas au pub ? s’étonna-t-elle.
Même s’il était tard, elle ne s’attendait pas à ce que son amie rentre avant minuit.
- — Nicolas a eu une urgence, indiqua Méline en s’asseyant en souriant sur le lit. J’ai passé une soirée fantastique !
- — J’en suis ravie pour toi, répondit Roxane.
- — Ça n’a pas l’air d’aller, toi, par contre.
- — Je vais au lac demain.
- — Oh ! Et je t’empêche de dormir. Excuse-moi !
- — Non, non, ça va.
- — Tu as l’air éreintée.
Chaque muscle de Roxane la faisait souffrir. La journée avait été harassante.
- — Ne t’inquiète pas pour moi, assura Roxane. Nicolas est toujours aussi charmant ?
- — Il est merveilleux ! Il boit avec retenue. Charles nous a rejoints. Le comte… ?
Méline laissa traîner sa voix. Elle cherchait visiblement à se rappeler son nom.
- — Le comte Stethen, indiqua Roxane qui compléta dans sa tête « J’ai déjeuné avec lui ». Le dernier du quatuor est le comte Philibert de Malt.
Méline hocha la tête. Elle les avait rencontrés lors du premier dîner, mais n’ayant d’yeux que pour Nicolas, elle n’avait pas enregistré le nom des autres convives.
- — Je ne l’aime pas trop, Charles. Il a un côté un peu menteur que je n’apprécie pas. Il a fait croire à sa femme qu’il avait un rendez-vous mondain pour venir au pub avec nous. Je n’apprécie pas. Pourquoi ne pas lui dire la vérité ? Elle comprendra, non ? Tout le monde a le droit de se détendre !
Roxane sourit.
Méline se figea. Un cri de femme venait de se faire entendre. Roxane comprit la nature de l’urgence de Nicolas. La baronne venait probablement de réclamer une séance.
- — C’était quoi ?
- — C’était rien, assura Roxane. Tu disais que tu n’aimais pas le mensonge ?
Ben ça partait mal pour sa relation avec Nicolas ! Roxane se sentit mal. Devait-elle annoncer à son amie qu’elle avait couché avec son petit copain ? Qu’elle l’avait vu vider sa vessie dans la bouche d’une femme avant de lui administrer des coups de cravache sur le sexe ? Non, probablement pas. Roxane se sentait terriblement mal. La baronne hurla de nouveau.
- — Il y a quelqu’un qui crie, là ! s’exclama Méline.
- — T’inquiète pas ! Ce n’est rien.
- — Rien ? s’étrangla Méline alors que les cris s’intensifiaient et s’accéléraient.
Nicolas y allait fort. La baronne devait vraiment être mal.
- — Une femme se fait torturer ou quoi ?
- — Oui, mais de manière consentie, tenta d’expliquer Roxane.
- — Quoi ? Comment ça ?
- — La baronne est volontaire… et même demandeuse, en fait.
- — Cette femme qui hurle…
Un cri coupa la phrase de Méline qui attendit qu’il soit terminé pour reprendre.
- — A demandé à se faire torturer ?
- — Oui.
- — Pourquoi ?
- — Parce que ça lui fait du bien.
- — C’est sexuel tu veux dire ? Et le duc tient le manche du fouet ?
- — Exactement, répondit Roxane qui techniquement, ne mentait pas puisque Nicolas était duc.
La baronne hurla de nouveau.
- — Et tu le sais parce que tu es en relation avec le duc.
- — C’est ça, répondit Roxane qui commençait à trouver la conversation dérangeante.
Comment se sortir de ce guêpier ?
- — C’est pour ça que vous êtes en froid ? Parce que tu as découvert ses penchants…
- — Sadiques ? Non, pourquoi cela devrait-il être un problème ? demanda Roxane devenant soudain très grave.
- — Hé bien… Il aime frapper les femmes. Il t’a frappée ?
- — Non, répéta Roxane, et le duc ne lève la main que sur des personnes consentantes et dans un cadre précis déterminé à l’avance avec accord des participants.
- — Il s’est passé de ton consentement ?
- — Méline, si le duc s’était passé de mon consentement, je ne serais pas juste en froid avec lui. Il serait interrogé par des policiers !
Méline sembla prendre la mesure de la situation.
- — Au Royaume-Uni, le sadique et le masochiste risquent la prison, indiqua Roxane. Si cela se sait, ils peuvent tous les deux se retrouver derrière les barreaux.
- — Je tiendrai ma langue, promit Méline. Le duc risque sa liberté pour donner à cette baronne ce qu’elle veut ? Quelle abnégation !
- — Le duc est consentant. Il apprécie de tourmenter Cécile. Il la libère d’un poids, certes, mais c’est du sexe. Elle jouit. Ce n’est pas tant la douleur, mais l’orgasme qui la détend.
- — Elle ne peut pas prendre du plaisir normalement ?
- — C’est quoi la normalité ? demanda Roxane qui se sentit insultée par la remarque de son amie. Une bite dans une chatte ? Ben y’a pas beaucoup de femmes qui ont du plaisir juste avec ça !
Méline ne sut trop quoi répondre. Elle dut sentir que l’atmosphère s’était alourdie, car elle n’insista pas.
- — En tout cas, je trouve ça très noble de la part du duc de faire cela, annonça Méline. Je vais me coucher, en espérant qu’elle va rapidement prendre son plaisir et se taire.
Elle s’entendrait bien avec Albert, elle, pensa Roxane en souriant. Les rois du silence !
Roxane put enfin éteindre la lumière et se reposer. Elle s’endormit malgré les hurlements de la baronne, simple bruit de fond auquel elle ne porta aucun intérêt.
Roxane rentra éreintée, mais heureuse, de sa journée au lac. Elle fut surprise de ne pas trouver Méline au château malgré la tombée de la nuit.
- — Elle reste dormir chez Nicolas, lui apprit le duc.
Roxane en conclut que Du Moulin avait annoncé sa romance avec Méline à son ami.
- — Oh ! Super !
- — Nous dînerons en tête à tête, chère Roxane.
Elle sourit.
- — Tu penseras à me dire ce que tu veux pour la séance de ce soir.
Roxane se crispa. Il lui proposait de jouer.
- — À moins que tu ne préfères que j’appelle ma soumise ? lança-t-il, amusé. Après tout, peut-être que tu préfères te contenter de regarder. Il n’y a rien de mal à observer. On apprend beaucoup !
- — Je préfère autant ne pas la déranger.
- — Elle serait ravie de recevoir une invitation, précisa le duc.
- — Je n’en doute pas, gronda Roxane avant de monter dans sa chambre pour se laver et passer une tenue plus légère.
Elle redescendit et Ronald indiqua que le dîner était servi. Nul doute qu’il avait attendu son retour pour appeler. Ce majordome était un amour. Le duc lança la conversation sur la thèse de Roxane et rebondit adroitement sur ses remarques, rendant le repas très agréable.
Le dessert terminé, Roxane devint nerveuse. Elle savait ce qui l’attendait après et s’en crispait d’avance. Roxane suivit le duc dans le petit salon où il lui demanda :
- — Que veux-tu ?
- — Qu’on s’occupe de moi, répondit Roxane. Je n’en peux plus d’être regardée et à peine caressée. C’est extrêmement égoïste, non ?
- — Non, lui assura le duc. Aucune de tes demandes ne sera égoïste. Je te rappelle que rien ne m’oblige à assouvir tes désirs. Je te demande simplement de les énoncer afin que je puisse savoir si ce que je fais va dans ton sens ou pas.
- — Je comprends, assura Roxane.
Comme elle ne disait rien d’autre, le duc insista :
- — Peux-tu développer, Roxane, s’il te plaît ?
- — Comment ça ?
- — Tu veux qu’on s’occupe de toi, ça, j’ai compris. Peux-tu préciser ?
- — Préciser ? répéta Roxane. Préciser quoi ?
- — Comment souhaites-tu qu’on s’occupe de toi ?
Roxane rougit jusqu’à devenir cramoisie. Était-elle censée détailler précisément ?
- — L’ignorance, je la tolère. La pudeur en revanche n’est pas acceptable. Tu ne sais pas comment tu veux qu’on s’occupe de toi ou bien tu refuses de le dire parce que tu as honte ?
Roxane baissa les yeux, prouvant qu’elle se trouvait clairement dans la seconde catégorie.
- — Fort bien, annonça le duc. Suis-moi.
Il la mena jusqu’à la porte du donjon. Il regarda son portable, mais n’envoya pas de message. Roxane eut soudain peur qu’il n’appelle sa soumise. Elle en aurait été peinée. Elle avait fait l’effort de dire ce qu’elle voulait ! D’accord, elle n’avait pas précisé, mais ne méritait-elle pas une récompense pour sa peine ?
La lumière était déjà allumée en bas. Roxane découvrit que Charles et Philibert se trouvaient déjà là, bavardant tranquillement. Elle ne s’attendait pas du tout à leur présence. Elle supposa que Nicolas se trouvait avec Méline, ceci expliquant son absence.
Albert plaça Roxane au milieu de la pièce et non dans la cage. Cela partait bien. Elle était le centre de l’attention. Albert prit ses amis à part et leur chuchota ses consignes.
Ils s’activèrent ensuite tous les trois. Roxane avait du mal à suivre le trio dans ses œuvres. Cela devint de toute façon impossible lorsque Philibert passa un bandeau très couvrant sur la tête de Roxane, la privant de la vue. Ses poignets furent enlacés d’entraves puis liés au plafond de manière à ce qu’ils restent écartés et levés.
- — Nicolas ! entendit Albert s’exclamer.
- — Désolé du retard, annonça Nicolas.
Roxane se crispa. Du Moulin était là malgré sa romance avec Méline. Roxane n’était pas tout à fait certaine d’apprécier de se trouver entre sa copine et son petit-ami.
- — Un problème avec la présence de mon ami ? lança Albert et il était clair qu’il s’adressait à Roxane.
- — Non, maître, assura Roxane.
- — Tu n’as pas l’air d’apprécier.
- — Ça va, je vous assure.
Albert murmura quelque chose à l’oreille de son ami. Roxane entendit un « Tu es sûr ? » en anglais en retour. Elle se tendit, tentant de comprendre ce qui allait se produire par les sons, mais les bruits ne lui apprirent rien. Plus que tout, Roxane portait toujours sa robe. Elle voulait du sexe ! Ils faisaient exprès de ne pas comprendre, les salops !
Il y eut un immense silence. Roxane se tendit, sentant que le moment était solennel et la douleur stria son ventre et son dos. Ce fut une brûlure, une coupure, un choc, un traumatisme. Le hurlement de Roxane emplit la pièce.
- — Ceci, chère Roxane, est un fouet, annonça Nicolas. Je suis le seul du groupe à savoir le manier. Les autres se blessent s’ils l’utilisent.
Les ricanements des hommes confirmèrent.
- — Il paraît que tu veux qu’on s’occupe de ton corps. C’est ce que je fais.
Le deuxième coup la transperça. Finalement, elle fut très heureuse de porter encore sa robe, maigre, mais ô combien importante protection contre la lanière mordante.
- — Je veux que vous posiez votre fouet ! hurla Roxane en tremblant.
- — Je t’interdis de lui adresser la parole, gronda Albert. Qui est ton maître ?
- — Vous, répondit-elle soudain terrorisée.
- — Et tu oses lui parler ? Nicolas n’est que ma main, l’instrument qui réalise mes désirs. En aucun cas tu n’as l’autorisation de t’adresser à lui.
- — Je veux que Nicolas pose son fouet, se corrigea Roxane.
- — Nicolas ? répéta Albert. Nous sommes qui exactement ?
- — Je veux que monsieur Du Moulin pose son fouet, rectifia Roxane, de plus en plus terrifiée.
- — Je veux ? répéta Nicolas. Ce n’est pas très poli ni humble.
- — C’est ma demande, précisa Albert. Si déjà elle arrive à dire ce qu’elle veut, je suis heureux. Le fond en premier. La forme ensuite.
- — C’est toi qui vois, assura Nicolas.
- — J’apprécierais énormément que monsieur Du Moulin pose son fouet, maître, dit Roxane.
- — Pas mal, admit Albert. Peut mieux faire, mais c’est un bon début. Jolie tentative, Roxane. J’apprécie l’effort.
Il y eut un silence et soudain, des dizaines de lanières cinglèrent les fesses de Roxane qui cria.
- — Ceci, chère Roxane, est un martinet, présenta Nicolas et elle entendit dans son ton son amusement.
La situation lui plaisait énormément.
- — Je ne veux pas qu’il me fasse mal, lança Roxane.
- — Je me fiche de ce que tu ne veux pas, répliqua Albert. C’est ce que tu veux qui m’intéresse.
Le martinet s’abattit et retomba, de manière régulière, visant les fesses et le dos de Roxane qui criait à chaque coup.
- — Je veux qu’on me touche ! parvint-elle à grogner.
- — Tu es touchée ! répliqua Albert. Tu ne sens pas les lanières du martinet toucher ta peau ? Nicolas, frappe plus fort. Elle ne se rend pas compte de leur morsure !
- — Non, s’il vous plaît, monsieur !
- — Monsieur ? répéta Albert. Elle vient de s’adresser à toi ou j’ai rêvé ?
Il y eut un petit silence. Roxane ne pouvait nier. Elle venait en effet de parler à Nicolas.
- — Deux coups de fouet en punition, annonça Albert.
- — Maître, je vous en prie ! Non !
Le premier coup tomba, suivit du deuxième et Roxane remercia encore la présence de la robe.
- — Elle ne remercie pas ? lança Nicolas.
- — Sois sympa ! répondit Albert. Elle débute.
Roxane comprit qu’elle avait beaucoup à apprendre. Elle fut soudain heureuse qu’Albert bride Nicolas. L’avoir lui comme dominant lui sembla absolument terrifiant.
- — Quelle pensée excitante vient de lui traverser l’esprit selon vous ? demanda Charles. Son mouvement de hanche vient de la trahir.
- — Toujours aussi observateur, mon ami ! s’amusa Albert.
Charles avait-il raison ? S’imaginer la soumise de Nicolas venait-il vraiment de l’exciter ? Roxane dut admettre que oui. Se retrouver sous sa coupe la terrifiait, mais elle désirait physiquement Du Moulin. Le martinet recouvrit son dos et Roxane sentit la différence. Nicolas appuyait beaucoup plus les coups.
- — J’aimerais que monsieur Du Moulin cesse de me faire mal, demanda Roxane.
Les coups cessèrent un instant avant de reprendre. Lequel avait repris le flambeau ? Visiblement, le martinet n’était pas l’apanage de Nicolas. Les autres pouvaient également le manier.
- — J’aimerais qu’aucun de vous ne m’apporte de douleur, gémit Roxane.
Le martinet s’éloigna et Roxane soupira d’aise. Un objet pointu parcourut son corps, l’électrisant. Roxane se contorsionna. Un second objet rejoignit le premier.
- — Tu es touchée et ça ne fait pas mal, lança Albert, clairement amusé.
- — J’aimerais que vous me touchiez avec vos mains, grogna Roxane.
- — Ça avance, non ? lança Philibert.
- — Vous croyez qu’Albert aura obtenu ce qu’il veut avant minuit ? répliqua Nicolas.
- — Tu es pressé ? répliqua Charles.
- — Absolument pas. Je m’amuse beaucoup, assura Nicolas. Je trouve juste cela bien trop lent !
- — Je fais de mon mieux, monsieur ! assura Roxane.
- — Quatre coups de fouet, indiqua Albert. Deux pour avoir adressé la parole à Nicolas et deux de plus pour ne pas avoir commencé ta phase par « J’aimerais ». Je t’avais dit que le reste ne m’intéressait pas.
Roxane baissa la tête et ne tenta pas de négocier.
- — Elle aime le style punitif, indiqua Nicolas.
- — Elle n’est vraiment pas faite pour toi, indiqua Charles.
- — Trouver son style est précisément le but de tout ça, rappela Albert.
Le premier coup cingla et Roxane hurla. La douleur explosa dans son dos et son ventre, mais étrangement, elle la reçut comme une libération. Le deuxième lui parvint dans une surprenante gangue de coton. Le troisième fut accueilli par un silence total. Roxane ne hurlait plus. Le quatrième la fit s’envoler. Elle flottait dans un univers merveilleux.
- — Elle est en subspace ! s’exclama Nicolas. Incroyable ! Roxane est masochiste !
- — Elle est faite pour toi, mon vieux ! s’exclama Philibert.
- — Tout va bien, murmura Nicolas à l’oreille de Roxane. Tu planes grâce aux endorphines et à l’adrénaline produites par ton corps. Profite. Nous sommes là. Tu es en sécurité.
Roxane se plongea avec ravissement dans ce monde coloré et doux. Elle ne s’était jamais droguée de sa vie, mais avait toujours imaginé cela ainsi. C’était sans aucun doute extrêmement agréable.
La sensation s’éloigna doucement et la proximité avec Nicolas la percuta de plein fouet. Depuis combien de temps la tenait-il dans ses bras ?
- — Elle revient, annonça-t-il.
- — Bienvenue sur Terre, annonça Albert.
- — Je veux que cette séance s’arrête, annonça immédiatement Roxane en larmes. J’aimerais juste un câlin.
Elle fut immédiatement détachée et tout le monde remonta à l’étage. Sur le canapé du salon, elle se pelotonna contre Albert tandis que les hommes sortaient un jeu de dés. Elle s’endormit contre son maître qui l’enlaçait tendrement.
Elle s’éveilla dans le canapé, sous une couverture, le soleil filtrant à travers les fenêtres l’ayant tirée de son sommeil. Elle bâilla, s’étira puis monta se changer avant d’aller dans la cuisine.
- — Vous êtes matinale, mademoiselle Roxane ! s’exclama Ronald.
- — J’ai très bien dormi, dut-elle avouer.
Le subspace l’avait totalement détendue. Elle sourit à ce souvenir troublant et déroutant. Puis elle grimaça. Albert devait être dégoûté. Il pensait l’obliger à se dévoiler en usant de punition physique et voilà que sa soumise y prenait goût et en jouissait même ! Masochiste ? Elle ne s’était jamais imaginé l’être ! Et pourtant, elle devait bien admettre avoir ressenti un plaisir inouï à cette séance de fouet. Elle y goûterait volontiers de nouveau.
- — Quitte à être là, autant que je vous aide, Ronald, lança Roxane en commençant à s’activer en cuisine.
Le majordome ne se plaignit pas et guida même la jeune femme pour qu’elle agisse au mieux. Il refusa en revanche qu’elle amène quoi que ce soit dans la salle à manger. Une action invisible en cuisine oui, mais que le duc se rende compte de son implication, certainement pas. Roxane ne comptait pas dévoiler au duc avoir aidé le majordome.
- — Bien le bonjour, chère Roxane, lança le duc installé devant son thé matinal. Le canapé a-t-il été confortable ?
- — Vos genoux aussi, précisa-t-elle. Je ne vous ai pas du tout entendu partir.
- — Tu étais épuisée et détendue.
- — Je viens de vous ôter une arme.
- — Nous ne sommes pas en guerre, répliqua le duc.
Roxane sourit à cette réplique.
- — Je suis au contraire ravi d’avoir pu te faire vivre cette expérience, très inattendue au demeurant.
- — Pour moi aussi.
- — Je n’en doute pas. Les vraies masochistes sont rares. Il faut du doigté pour réveiller ces plaisirs-là.
- — Nicolas est un expert.
- — Sans aucun doute, confirma le duc. J’aimerais le rejoindre dès maintenant afin de l’aider dans sa mise en place, si cela ne vous dérange pas.
- — Pas du tout.
- — Ce brunch risque d’être ennuyeux à mourir pour toi. Tu souhaites que je l’agrémente ?
Le tutoiement ne laissait aucun doute quant à la nature de l’amélioration proposée.
- — Je vous remercie de votre proposition, maître, mais je vais refuser votre offre au demeurant très agréable. L’expérience d’hier soir a été intense. J’ai besoin d’y réfléchir.
- — Je comprends totalement, chère Roxane. Nul doute que tu auras tout le loisir d’y réfléchir, car personne ne t’adressera la parole. Les invités forment un groupe fermé de personnalités de la haute qui se connaissent et méprisent les roturiers.
- — Charmante journée en perspective, ironisa Roxane.
Le duc sourit. Ils se levèrent ensemble et partirent pour la réception, laissant Ronald tranquille au château pour toute la journée.
- — Bonjour, monsieur le duc, salua Roxane en agrémentant son propos d’une légère révérence.
- — Bonjour, Roxane. Votre présence ici va éclairer ma journée, répondit Nicolas Du Moulin.
- — Je suis honorée, répondit Roxane.
- — Bien dormi ? demanda-t-il.
- — Excellemment, assura-t-elle. Je suis complètement paumée ce matin, mais le sommeil a été de qualité. Je suis en pleine forme pour tenter de m’extraire de cet océan dans lequel vous m’avez plongée.
- — Les marques sont belles ? demanda-t-il.
Roxane rougit intensément.
- — Tu les as regardées ce matin, n’est-ce pas ?
Elle hocha timidement la tête.
- — Elles sont belles ?
- — Magnifiques, monsieur. Je vous remercie.
Nicolas lui envoya un clin d’œil avant de se tourner vers Albert et de commencer à discuter en anglais des invités. Roxane s’écarta pour les laisser discourir tranquillement.
- — Roxane ! hurla une voix féminine.
- — Bonjour Méline ! répondit gaiement Roxane et son amie l’attira à part, loin des hommes qui s’éloignaient de leur côté pour vérifier la mise en place et les préparatifs des serveurs.
Méline sautillait plus qu’elle ne marchait. Un immense sourire barrait son visage. Elle effectua une vérification visuelle autour d’elle et, constatant qu’elles étaient seules, ouvrit son minuscule sac à main d’où elle sortit un écrin rouge dévoilant une bague.
- — Je vais lui demander sa main ! annonça Méline.
- — Tu vas… quoi ? s’exclama Roxane, abasourdie.
- — Je l’aime. C’est l’homme de ma vie. Je le sais. Pardonne-moi, mais je ne rentrerai pas en France avec toi.
- — De là à lui demander sa main ! s’étrangla Roxane.
- — Les hommes n’ont plus le monopole ! Les femmes aussi peuvent le faire ! Ce que tu peux être vieux jeu ! gronda Méline en fronçant son joli visage.
Faire quoi ? Une connerie ! Ça oui, Méline en avait le droit. De là à dire que l’idée était bonne…
- — Mais enfin, Méline, tu le connais à peine !
- — Je l’aime. Il m’aime.
- — Il te l’a dit ?
- — Oui, figure-toi. Hier soir et aussi ce matin. Je vis un conte de fées !
- — Et vous avez… pardonne mon indiscrétion, mais tu n’es pas Blanche-Neige ni lui le prince charmant. Je veux dire… un cheval, ça s’essaye avant de s’acheter…
- — Nous avons fait l’amour hier soir ! s’exclama Méline tout sourire, prouvant qu’elle n’était pas gênée, voire au contraire ravie que son amie ait posé la question, lui offrant ainsi la possibilité d’en discuter.
- — Et c’était ? commença Roxane avant de s’en vouloir.
Elle n’aurait pas dû demander. Certes, c’était ce qu’attendait Méline, mais Roxane n’avait pas envie d’entendre la réponse. Elle se força à écouter pour faire plaisir à son amie, mais aurait clairement préféré se boucher les oreilles et s’enfoncer la tête dans le sable.
- — Fantastique ! s’écria Méline et Roxane sentit son ventre se tordre de douleur. Je n’ai jamais eu amant aussi délicat, tendre, doux et attentionné.
Délicat, tendre, doux et attentionné ? répéta Roxane en pensées. Elle eut du mal à associer cela avec la personne.
- — Nous parlons bien de Nicolas Du Moulin ! s’exclama Roxane, éberluée.
- — Il m’a caressée comme aucun homme auparavant. Il sait utiliser ses mains, ses doigts, sa langue, sa bite comme personne !
Roxane serra la mâchoire, consciente d’être envahie d’un profond sentiment de jalousie intense.
- — Je l’aime. Je veux passer ma vie avec lui ! Pourquoi attendre ?
- — Tu ne le connais pas, insista Roxane.
- — Qu’est-ce que je pourrais bien ignorer qui m’empêcherait de l’épouser ?
- — Qu’il est français, par exemple, proposa Roxane. Qu’il ne parle anglais que parce qu’Albert lui a demandé de le faire, qui a fait cela uniquement parce que j’ai dit que tu étais là pour améliorer ta maîtrise de la langue de Shakespeare.
- — Nicolas est français ? s’exclama Méline.
- — Il s’appelle Du Moulin. Du Moulin, répéta Roxane. C’est anglais comme nom, ça, peut-être ?
- — Mais il est duc !
- — Et alors ? La noblesse existe aussi en France ! rétorqua Roxane.
- — Nicolas est français. Nicolas est français ! répéta Méline en criant de joie. Mais c’est encore mieux ! Merci Roxane !
Méline s’éloigna en courant pour rejoindre les premiers invités qui arrivaient, salués par Nicolas, en parfait hôte de cérémonie.
- — Et merde, souffla Roxane.
Dire qu’elle avait échoué à amener son amie à renoncer était peu dire. Elle venait de l’encourager encore davantage. Roxane sentit sa gorge se serrer. Méline allait vraiment demander Nicolas en mariage. Elle eut une bouffée de chaleur. Son cœur accéléra et elle dut l’admettre : elle était jalouse. Nicolas lui plaisait énormément et Roxane n’aurait jamais osé le draguer. Elle en voulait à son amie de lui avoir coupé l’herbe sous le pied tout en étant extrêmement heureuse pour elle et pour lui.
Elle observa le jardin qui se remplissait de monde et soudain, Roxane fut inquiète. Son amie débordait de bonnes intentions et d’amour, elle n’en doutait pas. Roxane observa Nicolas, qui faisait des sourires faux et des ronds de jambe.
Les gens ici ne s’appréciaient pas. C’était une réunion de travail camouflée en fête. On mangeait, on buvait, on riait, mais ça n’était pas de l’amusement. L’apparence comptait plus que tout et Roxane frémit. Méline bavardait comme si elle se trouvait en soirée. Elle ne se rendait pas compte de son environnement et des implications de ses propos et de ses manières sur Nicolas.
Roxane en fut maintenant certaine : elle devait intervenir. Pas par jalousie, mais par amitié, à la fois pour Méline et Nicolas, deux êtres qu’elle appréciait énormément et qui risquaient de souffrir si elle n’agissait pas.
Roxane se plaça près de Nicolas et Albert et attendit que l’hôte de la soirée se tourne vers elle et lui adresse la parole.
- — Vous arrivez à vous occuper ? demanda-t-il gentiment.
- — Est-ce que beaucoup de gens parlent français autour de nous là tout de suite ?
Nicolas eut un rapide coup d’œil puis annonça :
- — À ma connaissance, en dehors d’Albert, non, pourquoi ?
- — Je viens de parler avec Méline et je suis inquiète, indiqua-t-elle en français avant de se tourner vers son amie en train de papoter avec des dames de haut rang tout en sirotant un verre de cocktail alcoolisé.
- — Inquiète ? répéta Nicolas surpris. Tu penses que je vais lui faire du mal ?
Roxane se figea à cette réponse à laquelle elle ne s’attendait pas et pourtant, elle ne pouvait pas la lui reprocher. Dans le contexte, elle était même prévisible. Le français était censé être la langue de la soumise. Elle venait d’emmener Nicolas sur le mauvais chemin.
Le duc Albert Mean n’apprécia pas du tout le sous-entendu. Il gronda :
- — Roxane ? Tu nous fais quoi là ?
Le tutoiement permit à Roxane de constater que les deux amis étaient sur la même longueur d’onde, soit pas du tout la bonne.
- — Ce n’est pas la soumise qui parle. Je veux juste être sûre de n’être comprise que par vous. Pour répondre à votre question, Nicolas, c’est l’inverse que je crains, précisa Roxane en usant volontairement du prénom du duc pour confirmer un peu plus la nature non sexuelle de l’échange.
- — Vous craignez qu’elle me fasse du mal ? ricana Nicolas qui semblait trouver l’idée très drôle.
Roxane apprécia le vouvoiement, indiquant que Du Moulin avait compris. Albert ne cacha pas son incrédulité.
- — Nicolas, je vous apprécie énormément et j’espère de tout mon cœur que Méline va me pardonner.
- — Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il, nageant en pleine incompréhension.
- — Dans un instant, Méline va vous demander votre main.
- — Non, répliqua immédiatement Nicolas que l’idée révulsait visiblement.
- — Si, le contra Roxane. Elle a la bague dans son sac à main. Elle vient de me la montrer.
Les deux hommes s’en figèrent de stupeur.
Nicolas ricana, mais c’était clairement nerveux.
- — Elle ne peut pas…
- — J’ai essayé de l’en dissuader, assura Roxane, mais je m’y suis super mal prise. Au lieu de lui expliquer que ce n’était pas le bon moment, que cette réception n’était pas une soirée entre amis comme elle a l’habitude d’en faire, qu’elle devait la prendre comme une rencontre avec une entreprise adverse, je suis partie sur le côté émotionnel, en essayant de la convaincre qu’elle mettait la charrue avant les bœufs et que prendre son temps serait pas mal. De ce fait, je lui ai révélé ce que votre nom ne lui a apparemment pas suffi pour comprendre par elle-même, à savoir que vous êtes français.
Il sourit brièvement à cette remarque.
- — Je voulais qu’elle comprenne qu’elle en savait assez peu sur vous et au lieu de l’éloigner, elle a sauté de joie en l’apprenant.
- — Elle va demander ma main en public ? répéta Nicolas incrédule. Qui fait ça ?
- — Les roturiers ? proposa Roxane et le duc soupira. Vous avez envie de l’épouser ?
- — Oui, là n’est pas la question. On ne fait juste pas les choses ainsi !
Il voulait bien l’épouser. Roxane sentit la jalousie exploser en elle. C’était tellement dur ! Elle dut contrôler sa respiration pour ne pas fondre en larmes.
- — Il faut absolument éviter ce massacre ! gronda Nicolas. Albert, Roxane, vous voulez bien m’aider à raisonner Méline ?
- — Bien sûr, mon ami, répondit Albert.
- — Oui, bien sûr, monsieur, répondit Roxane.
- — Allez dans le petit salon. Je vous y rejoins avec Méline.
Albert fit signe à Roxane de le suivre et elle lui emboîta le pas. Elle vit Nicolas toper un serveur et lui parler, avant de se diriger droit sur sa petite-amie, l’air sévère et concerné.
- — Je m’excuse, Roxane, d’avoir imaginé un seul instant… commença Albert alors qu’il refermait la porte du petit salon joliment décoré.
Il commença à en fermer les rideaux intérieurs, permettant à ce lieu de devenir très intime. Roxane l’aida.
- — Je ne vous en veux pas, le rassura Roxane. Je comprends. Cela prêtait à confusion. Je suis consciente de la confiance que vous me portez. Un mot de ma part et votre réputation – celle de vous quatre et celle de la baronne d’ailleurs – s’écroulerait. C’est un véritable honneur pour moi d’avoir la chance de jouer en votre compagnie. Je ne veux surtout pas vous nuire.
- — Merci de comprendre, murmura le duc.
Il venait de fermer le dernier rideau et la porte s’ouvrit, dévoilant Méline et Nicolas.
- — Roxane ? s’étrangla Méline en apercevant son amie. Non ! Non ! Tu lui as dit ! Pourquoi tu as fait ça ?
- — Elle a bien fait et je l’en remercie infiniment, répondit Du Moulin.
- — Tu parles super bien le français, ronronna Méline les yeux brillants d’amour.
- — Il est français, Méline ! s’exclama Roxane, éberluée. Le vrai compliment serait de lui dire qu’il parle bien l’anglais !
Méline envoya un regard noir à son amie avant de se retourner vers Nicolas.
- — Tu vas dire non, c’est ça ? C’est pour ça que tu m’as amenée ici ! crut comprendre Méline.
La porte s’ouvrit pour dévoiler une femme d’une cinquantaine d’années, les cheveux longs noirs coiffés avec goût, portant une robe de haute couture taillée à la perfection agrémentée de bijoux hors de prix.
- — Cécile, fais en sorte que personne ne me dérange et prends en charge la réception.
Nicolas avait usé, en anglais, d’un ton sec et frappant, très éloigné de sa voix mondaine sensuelle et charmeuse.
- — Oui, monsieur, répondit la baronne avant de refermer la porte.
Même Méline ne passa pas à côté de l’incongruité de cet échange. Nicolas aurait dû lui demander poliment de le faire, voire de s’excuser de la prendre ainsi en défaut, lui promettre qu’il lui revaudrait ça. Elle n’avait pas passé beaucoup de temps dans le milieu mondain, mais même en conversation normale, nul ne s’adressait ainsi à une personne pour lui demander quelque chose. Cécile venait très clairement de recevoir un ordre et de s’y plier sans sourciller.
- — Cécile ? répéta Méline avant de dévisager intensément Nicolas, puis Albert et enfin se tourna vers son amie. Roxane, quand tu m’as confirmé que c’était le duc qui tenait le manche du fouet, de quel duc parlais-tu ?
Roxane, prise en flagrant délit, se trouva à court de réponses. Le regard des hommes sur elle fut amusé.
- — Merci de m’avoir mis ça sur le dos, lança Albert.
- — Je devais bien répondre quelque chose ! Ses cris résonnaient dans tout le château. J’étais censée dire quoi à Méline ? Alors oui, l’homme dont tu admirais l’abnégation était Nicolas et alors ?
- — Elle a réellement dit ça ? s’étonna Nicolas.
- — Je pensais que c’était monsieur Mean ! s’étrangla Méline.
- — Parce que si c’est Nicolas, cela devient moins noble de sa part d’offrir à cette femme incapable d’avoir du plaisir autrement cet orgasme tant désiré ?
Albert explosa de rire. Il était clair qu’elle ne parlait pas de la baronne, mais d’elle-même. Nicolas resta de marbre, le regard planté dans celui de sa petite-amie.
- — Non, je n’ai pas dit ça, c’est juste que… commença Méline avant de se tourner de nouveau vers son amie pour lancer : Roxane ? Comment sais-tu qui manie le fouet ?
- — C’est vrai, ça, Roxane, comment peux-tu le savoir ? lança Albert, décidément d’humeur taquine.
Roxane devint rouge de la tête aux pieds.
- — Ne m’aidez pas, surtout ! accusa Roxane.
- — Et rater l’occasion de te voir fondre de honte ? lança sensuellement Nicolas. Certainement pas ! Tu es tellement belle quand tu es pourpre, chère Roxane.
La couleur ne se référait clairement pas qu’à son visage, mais également aux marques.
- — C’est pour ça que tu viens de détruire ma demande en mariage ! Tu es jalouse ! l’accusa Méline.
- — Il est évident que Roxane est rongée de jalousie, intervint Albert le ton grave. Son acte n’en est que plus noble !
- — Je suis d’accord, confirma Nicolas. Roxane a très bien compris les enjeux de la situation. Elle aurait pu laisser faire et notre relation se serait arrêtée là, Méline. En intervenant, elle t’a empêchée de faire une bêtise, permettant à notre mariage d’avoir lieu.
- — Tu veux bien m’épouser ? s’exclama Méline.
- — Bien sûr, mon amour ! répondit vigoureusement Nicolas, faisant se tordre de douleur le ventre de Roxane. Mais d’abord, tu vas devoir apprendre quelques bases de vie mondaine, en commençant par « pas de vie privée durant les réceptions ».
Méline sauta au cou de Nicolas et l’embrassa. Roxane constata que bien loin de se séparer, ils se lançaient dans des caresses plus appuyées. Elle décida qu’il était temps de sortir et Albert lui emboîta le pas.
- — Merci, Roxane. Je suis conscient de la difficulté de ce que vous venez de faire. Vous venez de sauver leur couple, en mettant de côté vos propres sentiments. Ce que vous venez de faire pour mon ami n’a pas de prix.
Roxane hocha la tête sans répondre.
- — Tu veux une interaction avec moi ? proposa-t-il.
- — Non, répondit Roxane en s’éloignant, totalement perdue dans ses pensées.
Albert Mean soupira puis se dirigea vers les invités pour soutenir la baronne avant le retour triomphant de l’hôte désormais fiancé.
Roxane trouva rapidement un serveur.
- — Bonjour, lui dit-elle.
- — Bonjour madame, répondit-il poliment.
- — J’aurais besoin d’un bloc-note et d’un stylo. Vous pourriez me trouver cela s’il vous plaît ?
- — Bien sûr, madame.
Le serveur s’éloigna pour revenir quelques minutes plus tard avec les objets demandés.
- — Merci beaucoup.
- — Bonne journée, madame, répondit-il poliment.
Roxane s’assit sur le bord d’une fontaine et commença à écrire. Elle sépara sa feuille en deux d’un grand trait vertical puis écrivit en haut « Je veux » et « Je ne veux pas ». Elle écrivit immédiatement « Je veux qu’on s’occupe de moi » dans la première colonne avant de rayer rageusement. Pas assez précis, pensa-t-elle. « Je veux qu’on me touche » non plus. Cela s’était terminé avec du fouet là où elle pensait à des caresses.
« Je veux qu’on me caresse les seins », écrivit-elle avant de soupirer. Elle ferma les yeux et s’imagina à la place de son partenaire. Est-ce que « Caresse-moi les seins » l’aiderait à savoir quoi faire ? Non. En même temps, entrer dans les détails n’allait pas non plus. Elle ne voulait pas dresser une liste des courses. Le sexe nécessitait de la surprise.
- — Ne te focalise pas sur les pratiques, lui dit Nicolas en s’asseyant à côté d’elle. Elles ne signifient rien.
- — Comment ça ?
- — Imagine que je t’invite à un barbecue, commença Nicolas. Que t’attends-tu à manger ?
- — Des côtelettes de porc, répondit Roxane.
- — Si je te propose des merguez, que ressens-tu ?
- — Rien. Je m’en fiche.
- — Quelle est ta nourriture préférée ?
Roxane réfléchit un instant puis répondit :
- — Les cerises.
- — Imagine que je t’invite à manger chez moi et que je t’annonce qu’il y aura un clafoutis aux cerises. Au moment du dessert, j’apporte un fraisier. Que ressens-tu ?
- — Je serais extrêmement déçue.
- — Est-ce que tu aimes le fraisier ?
- — Oui.
- — Mais tu seras déçue quand même.
Roxane rit doucement.
- — Je serais aussi déçue par un clafoutis. Je trouve que c’est dommage d’abîmer des cerises en les cuisant et en les mélangeant à de la pâte.
- — Tu serais insatisfaite alors même que je t’apporte ce que tu aimes ?
Roxane sourit délicatement au ton moqueur de son interlocuteur.
- — Ça ne me dit pas ce que je dois écrire !
- — Tu as passé une journée avec Albert. J’ignore totalement ce que vous avez fait, car il ne m’en a pas parlé, ce qui fait de moi l’interlocuteur idéal, car je suis neutre et extérieur. Ferme les yeux et dis-moi ce que tu as aimé ou détesté.
- — J’ai horreur de la manière qu’il a de ne pas s’intéresser à moi alors même que je suis nue et offerte. Je trouve ça méprisant.
- — Pourtant, tu as accepté de le faire. Ce n’est donc pas une pratique rédhibitoire.
- — Je n’en suis pas certaine, avoua Roxane. Je déteste vraiment ça. J’ai besoin qu’on s’occupe de moi.
- — Il s’occupait de toi ! Il a passé sa journée avec toi.
- — Je sais, soupira Roxane. C’est précisément ça que je n’arrive pas à exprimer correctement. Je veux avoir du plaisir. C’est trop demander ?
- — Non.
- — C’est tellement égoïste ! s’exclama-t-elle, en colère contre elle-même.
- — Non, insista Nicolas, allant ainsi dans le même sens que son ami. Si ton partenaire prend du plaisir, mais pas toi, que ressens-tu ?
Roxane se sentit mal.
- — Je ne te demande pas si tu le quitterais, précisa Nicolas. Là n’est pas la question. Aurais-tu des pensées négatives envers lui ? Du ressentiment ? De la colère ?
- — Sans aucun doute.
Elle inscrivit « avoir du plaisir » dans la première colonne. Nicolas grimaça en lisant son titre.
- — Quoi ? s’exclama Roxane.
- — Je n’aime vraiment pas cette tournure de phrase.
- — J’aimerais ? proposa Roxane, prête à rayer le titre de la colonne.
- — Ce n’est pas mieux, répliqua Nicolas.
Roxane soupira. Cela n’avançait pas, bien au contraire ! Elle avait encore plus l’impression d’être noyée malgré l’aide providentielle et bienvenue du duc Du Moulin.
- — Imagine que ton enfant imaginaire vienne te dire « Je veux une glace ». Que ressens-tu ?
- — De la colère. Il n’a pas à exiger.
- — Imagine maintenant qu’il te dise « Maman, j’ai besoin de manger ».
- — Je serais inquiète et j’essayerais de trouver de quoi le nourrir.
- — Si la personne sous mon autorité me dit « j’aimerais », je prends note et je décide ou pas de combler son envie. Si elle me dit « j’ai besoin de », je remplis immédiatement ce manque.
Roxane hocha la tête. Elle déchira sa feuille, la mit en boule puis écrivit « J’ai besoin de » en haut à gauche de la feuille et en dessous, écrivit « Avoir du plaisir ».
- — Toujours pas assez précis, indiqua Nicolas. Ça aurait pu passer – et encore – avant hier soir, mais maintenant, il va te falloir préciser. Tu veux du plaisir physique sexuel et non masochiste.
Roxane rajouta « sexuel ».
- — Le plaisir masochiste, tu en as besoin ?
- — Non, dit rapidement Roxane.
- — Difficile à accepter ça, comme envie, hein ? Soit. Tu aimes, mais tu peux t’en passer.
- — Je mets ça dans quelle catégorie ?
- — « J’aime », proposa Nicolas.
Elle écrivit ces deux mots en haut à droite et en dessous, inscrivit « Plaisir masochiste ».
- — Tu remarqueras que tu n’as pas écrit « me donner le fouet » ou « me frapper avec un martinet ». Tu n’as pas indiqué de pratique, mais bien un objectif, ce qui laisse à ton partenaire toute latitude pour écrire le scénario. Tout comme le plaisir sexuel peut être prodigué avec des mains, une magic wand ou un cunni par exemple.
- — Mes demandes étaient trop précises, comprit Roxane. Je dois définir les objectifs interdits et non les pratiques.
- — C’est comme si une personne pacifiste interdisait les couteaux chez elle. C’est débile. Un couteau peut servir à couper une carotte. Il peut aussi tuer quelqu’un. Ce que la personne pacifiste souhaite interdire, c’est de faire du mal à autrui, ce qui peut se faire avec ou sans couteau.
Roxane acquiesça. Cela devenait plus clair, mais pas totalement.
- — Disons que je veuille mettre l’uro là-dedans, proposa Roxane. Albert m’a fait uriner devant lui et ça ne m’a pas dérangée, mais pas excitée spécialement non plus.
- — C’est la catégorie « neutre ». Ce sont les pratiques que tu ne refuses pas, qui ne t’émoustillent pas et que tu acceptes de faire pour faire plaisir à l’autre.
Roxane rajouta la catégorie en bas à gauche et inscrivit « Uriner devant son partenaire ».
- — Trop précis, indiqua Nicolas. Où mets-tu « Uriner devant autrui » ?
- — Au même endroit, répondit Roxane après une courte réflexion.
- — Alors, pourquoi préciser ? « Uriner devant quelqu’un ».
- — Pas n’importe qui non plus.
- — Oui, alors, soyons d’accord, tout ceci se fait dans un cadre de consentement de l’intégralité des participants.
Roxane acquiesça. Elle modifia sa phrase.
- — Par contre, continua-t-elle, ce que vous avez fait faire à la soumise d’Albert, c’est hors de question !
- — Nouvelle catégorie : « je ne veux pas », annonça Nicolas.
- — Je ne veux pas ? s’étonna Roxane en insistant sur le verbe.
Il prit la feuille et rajouta lui-même deux catégories en bas. Il inscrivit « Je n’aime pas » et à côté « Je ne veux pas ». Puis, il repassa le carré autour de « J’ai besoin de » et « Je ne veux pas ». Dans la case tout en bas à droite, il écrivit « pédophilie », « nécrophilie » et « zoophilie ».
- — Je ne pense pas me tromper en écrivant ça, dit Nicolas et Roxane confirma d’un geste. Ça, continua-t-il en levant la feuille, c’est le plan de Roxane. Tu sais, quand un homme dit « C’est normal que je n’arrive pas à lui donner du plaisir, elle a été livrée sans le mode d’emploi ». Hé bien, voilà, tu es en train de l’écrire. Ce truc est inestimable.
Roxane sourit.
- — Le carré en haut à gauche, ton partenaire devra toujours mettre un pied dedans. Il ne pourra pas parcourir cette carte sans passer par cette case. S’il ne le fait pas…
- — C’est qu’il est mauvais ? proposa Roxane, peu sûre d’elle-même.
- — Ou qu’il est en train de te punir sévèrement… vraiment sévèrement… Le manquement doit être très grave.
Roxane hocha la tête.
- — Le carré en bas à droite est interdit. Il ne devra en aucun cas franchir cette ligne, en toutes circonstances, même pour te punir. Jamais ! Quitte-le s’il le fait.
Roxane acquiesça gravement.
- — Ce que tu mets dans ces deux cases est d’une importance capitale. Prends bien soin de réfléchir avant d’y inscrire quoi que ce soit. Du coup, boire de l’urine, c’est « Je ne veux pas » ou « Je n’aime pas » ?
- — Je ne suis pas sûre de voir la différence, précisa Roxane.
- — « Je n’aime pas » est généralement l’endroit où le dominant puise ses punitions, indiqua Nicolas. C’est important de lui offrir cette possibilité. Tu ne dois donc pas refuser une pratique juste parce que tu ne l’aimes pas. Ce que tu mets dans « Je ne veux pas » doit s’opposer à tes valeurs personnelles.
Roxane prit la carte et réfléchit intensément.
- — De même, continua Nicolas, peut-être que « Boire de l’urine » est trop vaste. Peut-être fais-tu la distinction entre « Boire ta propre urine », « Boire l’urine de son partenaire » et « Boire l’urine d’autres personnes ». Certaines personnes adorent boire l’urine de leur dominant, ce qu’ils considèrent comme une offrande, et le mettent donc dans « J’aime », trouvent avilissant de boire la leur et le mettent dans « Je n’aime pas » et révulsant de boire celle d’autres personnes et le mettent dans « Je ne veux pas ».
Roxane attrapa le stylo et marqua « Boire de l’urine » dans la case « Je n’aime pas ».
- — Je pense que je m’en fous de la provenance.
- — J’aime beaucoup ce « Je pense » qui prouve que tu as compris un point important : cette carte n’est pas figée. Peut-être qu’un jour, un partenaire te punira, choisira cette modalité-là et tu découvriras adorer ça. Pas de chance pour lui. Après la séance, tu lui en parleras et cette pratique changera de place. Ce n’est pas grave. Ça arrivera même souvent. De plus, tu ne possèdes pas qu’une seule carte. En réalité, tu en as plusieurs.
Roxane lui lança un regard interrogateur.
- — Déjà, tu en as une par partenaire. Tu peux vouloir quelque chose de quelqu’un et pas de quelqu’un d’autre. Tu peux attendre de moi quelque chose, d’Albert autre chose et de ton partenaire de vie encore autre chose.
Roxane ricana.
- — Votre carte pour Méline et celle pour Cécile sont totalement différentes, comprit Roxane.
- — Et j’ai créé une nouvelle carte pour toi, confirma Nicolas. C’est normal. Il n’y a rien de honteux ou d’anormal d’accepter quelque chose de quelqu’un que tu refuses à un autre. Tu peux espérer la blanquette de veau du restaurant chez machin et détester celle de chez truc. Tu peux vouloir jouer aux dames avec bidule, mais pas avec chouette.
Roxane ricana. Elle comprenait très bien.
- — Si ton partenaire de vie te comble entièrement, tant mieux pour toi. Dans le cas contraire, il doit accepter de te partager.
- — Puis-je vous poser une question indiscrète ?
Nicolas hocha la tête.
- — Méline est d’accord pour vous partager ?
- — Je lui ai expliqué mes besoins et elle a confirmé sa demande en mariage.
- — Que n’est-on pas prêt à faire par amour ! sourit Roxane.
- — Tu veux dire comme permettre à sa meilleure amie d’épouser celui pour qui notre cœur bat ?
Roxane baissa les yeux, avant tout pour ne pas fondre en larmes.
- — Ceci dit, continua Nicolas, je ne suis ni macho ni misogyne. Méline a tout à fait le droit d’aller voir ailleurs.
Roxane sourit.
- — Ensuite, poursuivit Nicolas, tu as une carte par moment. Par exemple, porter en vacances des boules de geisha toute la journée peut se trouver dans la case « J’aime » tandis que porter des boules de geisha au travail peut se trouver dans la case « Je ne veux pas ». De même que, peut-être, porter des boules de geisha pendant tes congés, tu aimes, sauf en présence de tes beaux-parents où cela devient intolérable.
Roxane gloussa. Elle comprenait et la carte y gagna en complexité.
- — Ou peut-être que tu t’en fous et que porter des boules de geisha est dans « J’aime » quelles que soient les circonstances.
Roxane hocha la tête.
- — Personne d’autre que toi ne peut le savoir, conclut Nicolas. Cela peut aussi dépendre de ton état de santé ou de ton moment du mois ou du temps qu’il fait ou de la phase de la lune…
Roxane avait compris l’idée.
- — Méfie-toi également de ton manque d’imagination, compléta Nicolas.
- — Que voulez-vous dire ?
- — Acceptes-tu d’avaler la semence masculine ?
- — Oui, répondit Roxane. C’est neutre pour moi.
- — Les sécrétions vaginales ?
- — Pareil. C’est neutre.
- — Imagine que ton partenaire éjacule dans ton ventre puis te demande de t’accroupir, récupère le sperme qui coule dans un verre et te demande de le boire.
Roxane fit une moue dégoûtée.
- — Ah ouais, mais vous allez loin aussi !
- — C’est de la semence masculine et des sécrétions vaginales ! Tu as annoncé les deux comme étant neutres !
Roxane fronça les sourcils.
- — Et si le sperme sort du ventre d’une autre femme ? proposa Nicolas.
Roxane en perdit tout sourire. Éberluée, elle resta figée de stupeur.
- — Parfois, selon comment on se sert d’une pratique, elle peut changer de case, précisa Nicolas en souriant. Je peux amener une masochiste au subspace avec un fouet ou la faire hurler de douleur et l’amener à me supplier d’arrêter. Bon d’accord, hier soir n’est pas un exemple remarquable. Tu m’as surpris. Mais normalement, je suis capable des deux.
Roxane rit doucement.
- — Avant de te laisser finir toute seule, laisse-moi préciser encore deux petites choses. Tout d’abord, je te conseille de rajouter une deuxième page.
Il souleva la carte pour écrire « Je ne connais pas, mais je veux bien essayer ».
- — Normalement, les « je n’ai jamais fait et je ne veux pas essayer » se trouvent dans « Je ne veux pas », précisa Nicolas.
Roxane indiqua qu’elle avait compris.
- — Enfin, soyons d’accord : cette carte, le but n’est pas que quiconque la lise. Elle n’a pas vocation à être donnée cinq minutes avant une première relation sur le ton « lis ça et démerde-toi ».
Roxane rit.
- — Cette carte est pour toi et seulement pour toi. Elle te sert à clarifier tes idées, à les mettre en ordre, à te découvrir, à te connaître mieux, à t’accepter aussi, mais n’est certainement pas un support de transmission d’informations. Tous les couples se porteraient mieux si chacun se forçait à faire ceci, à l’écrit ou dans sa tête, qu’il soit vanille ou BDSM, peu importe. Tu connais ces gens qui disent « Mon partenaire est incapable. Il ou elle ne sait pas me faire jouir ». Ce n’est jamais la faute du partenaire. Si quelqu’un veut avoir du plaisir, c’est à lui de dire comment son partenaire peut lui en donner et il en aura, sauf si c’est un connard ou une connasse, mais dans ce cas, il faut le virer et le remplacer par quelqu’un de correct.
Roxane sourit.
- — Bon courage pour le remplissage ! lança Nicolas en se levant.
- — Merci à vous, monsieur Du Moulin.
Le duc lui sourit puis s’éloigna pour rejoindre ses invités. Roxane ferma les yeux et repassa chaque moment vécu, chaque lecture, chaque vidéo pornographique regardée, tentant de classifier, d’ordonner, de ranger, de catégoriser.
Elle avait bien déjà avancé lorsqu’Albert vint vers elle. Il ne venait pas les mains vides. Roxane saisit le verre de jus de fruit et le plateau de petits fours avec plaisir.
- — Merci beaucoup, monsieur le duc.
- — Ce soir, nous ne pourrons pas nous occuper de toi parce que la soumise de Charles vient en séance.
- — Ah… souffla Roxane.
- — Elle a pris rendez-vous depuis plusieurs semaines, précisa Albert.
- — Ah bon ? lança Roxane, un peu surprise.
- — Charles et Olivia sont tous deux mariés à des partenaires de vie exclusifs et jaloux. De ce fait, ils doivent inventer des mensonges incroyables pour se voir, créer de fausses preuves, trouver des témoins de confiance. Charles est un expert en dissimulation et en effacement de preuves. Le fait que les séances se passent chez moi le soulage d’un énorme poids. Si sa femme appelle, je lui confirme que Charles est bien en train de jouer aux cartes avec nous et je le lui passe. Sa femme n’imaginerait jamais qu’il y a une femme nue sous le plateau de jeu.
Roxane ricana.
- — Olivia a toujours des demandes très précises. Elle sait ce qu’elle veut et Charles se plie en quatre pour la satisfaire.
Roxane lança un regard interrogateur.
- — La dernière fois, elle voulait se faire enlever et violer par des extra-terrestres.
Roxane cligna plusieurs fois des yeux en souriant.
- — Sans déconner ? Vous vous êtes déguisés ?
- — Non ! gronda Albert en lui envoyant un regard noir. Un bandeau sur les yeux, de la musique bizarre, du slime, des tissus aux textures étranges, et l’imagination fait le reste. Olivia ne parlant pas français, utiliser cette langue nous a permis de la plonger dans un monde étranger. Elle était ravie.
Roxane sourit de plus belle. Après tout, pourquoi pas !
- — Votre présence providentielle nous permettrait, si vous vouliez bien accepter notre requête, d’améliorer sacrément le scénario prévu pour ce soir.
- — Vous voulez que je fasse quoi ? lança Roxane, un peu inquiète.
- — Le service, annonça le duc. Si vous acceptez, Ronald préparera le repas puis s’en ira, ce qui permettra à Olivia d’arriver plus tôt et la scène de commencer dès le dîner, l’allongeant sacrément. Vous aurez juste à servir le repas, c’est tout. Pas de sexe vous concernant. Juste servir. Évidement, vous pourrez nous suivre, en tant qu’observatrice muette et discrète.
Roxane grogna. Elle adorait regarder ces quatre dominants experts en action. En même temps, frustrée sexuellement, elle aurait du mal à supporter de ne pas être le centre de l’attention.
- — On s’occupera de toi demain, précisa Albert. Ta carte est finie ?
- — Oui et non, répondit Roxane en la lui montrant.
- — Je la trouve bien remplie !
- — Celle-ci est terminée, mais c’est la générale. Je dois encore faire la vôtre et celle de Nicolas.
Albert rit doucement.
- — Que de travail en perspective !
- — Ce serait un honneur de vous assister dans votre scénario pour Olivia, annonça Roxane.
- — Merci infiniment, chère Roxane ! Je vais prévenir Ronald.
Albert se leva et sortit son téléphone portable en s’éloignant. Un jour, peut-être, Roxane aurait assez d’argent pour s’en payer un. Ce n’était pas demain la veille. Déjà, la thèse, on verrait le reste après. Son regard tomba sur Méline. Elle avait tiré le jackpot en épousant Nicolas. Plus besoin de travailler. Il était millionnaire. La jalousie de Roxane remonta en flèche. Elle inspira pour se calmer et se remit au travail.
À suivre