n° 20978 | Fiche technique | 53432 caractères | 53432Temps de lecture estimé : 29 mn | 29/06/22 |
Résumé: Vingt ans après (mais le titre était déjà pris…) et plus, la narratrice a retrouvé l’héroïne de "Histoire de Colette". Une vieille dame timide, ou indigne ? | ||||
Critères: ff fagée inconnu campagne voir exhib noculotte fmast uro -lesbos -dominatio | ||||
Auteur : Dyonisia (Rêves et autofictions…) Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Diotime Chapitre 01 / 15 | Épisode suivant |
Il y a plusieurs années, en nettoyant les tiroirs d’une commode de brocante, j’avais trouvé un petit cahier – apparemment un journal oublié – et j’avais essayé d’en tirer un récit qui ne trahisse pas trop les pensées de la première rédactrice (voir « Histoire de Colette »). Poussée par la curiosité, je me suis mise en quête de retrouver celle-ci.
Le meuble avait connu différents propriétaires, mais, avec beaucoup de patience et plusieurs échecs, j’ai pu arriver à mes fins. La personne que je recherchais est une vieille dame qui vit retirée dans l’arrière-pays provençal et qui a accepté de me recevoir.
Quant à Me L*, qui jouait un rôle majeur dans l’histoire, j’ai pu identifier certains textes des archives de la presse locale où cette personnalité est mentionnée, dans les rubriques mondanités de l’époque ou à l’occasion d’évènements officiels. Rien de bien croustillant, hélas, sur sa vie privée sinon une vague biographie évoquant son ascendance familiale fortunée et son mariage précoce avec le vieux tabellion qui lui avait transmis son office. La bonne bourgeoisie provinciale sait taire ce que doit ignorer le profane.
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J’étais partie tôt – gros effort – ce matin-là, en prévision d’erreur ou de contretemps toujours possible sur la route. Je n’avais certes rendez-vous qu’à 14 h 30, mais, d’une part, la Haute-Provence n’est pas la porte à côté de la Côte d’Azur et, d’autre part, ce que j’avais pu repérer de l’itinéraire n’incitait pas à l’optimisme sur la facilité à trouver l’adresse de ma destination. Pas question d’arriver bêtement en retard lorsque l’on n’est déjà pas très rassurée sur l’accueil qui, en définitive, vous sera fait.
J’avais téléphoné l’avant-veille à Colette (continuons à l’appeler ainsi) et dû argumenter longuement pour qu’elle consente à m’accorder cette visite. L’objet, au départ, lui en avait déplu. Elle manifestait une réticence affichée à revenir sur une période qu’elle me disait totalement sortie de sa mémoire. Elle soutenait même ne pas se souvenir d’avoir jamais écrit quoi que ce soit dans le moindre cahier. J’en étais venue à douter de mes propres certitudes, au point d’hésiter à poursuivre la conversation.
Mais, soit que mon charme bien connu ait opéré vocalement, soit que j’aie mentionné par hasard un détail suscitant son intérêt, Colette s’était enfin montrée plus conciliante et avait admis être bien l’auteure des notes que j’avais trouvées. Ensuite, tout avait été très vite sans que j’aie plus à insister pour convenir d’une rencontre. Elle avait toutefois décliné mon offre amicale de l’inviter à déjeuner, au motif qu’il n’y avait pas le plus petit restaurant à trente kilomètres autour de chez elle. Ni d’hôtel, bien sûr, avait-elle ajouté, avant de préciser qu’elle préférait que je vienne en début d’après-midi.
Je m’étais donc résignée à faire le voyage dans la journée avec l’obligation d’un retour nocturne. Maintenant, en grignotant mon pique-nique, je me reprochais mes doutes sur mes capacités d’orientation. L’aller avait été plus rapide que prévu, et le chemin indiqué, plus facile à découvrir que je le craignais. Pas de souci, je me trouvais largement en avance. Mon inquiétude portait par contre sur l’étourderie de n’avoir emporté qu’un méchant petit pull-over peu approprié à la fraîcheur probable de la soirée dans ce coin perdu des Préalpes, fussent-elles du Sud !
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À 14 h 30 pétantes, j’achevais le parcours tortueux, montant, sablonneux, malaisé, qui conduisait à l’entrée discrète du jardin au milieu duquel trônait la vieille ferme où mon hôtesse avait fait élection de résidence. Une dame avenante, vêtue avec une sobre élégance, m’attendait sur le seuil.
D’après mes calculs, Colette devait approcher les quatre-vingts ans, voire les dépasser. Celle qui se présentait à mes yeux en paraissait dix de moins, sinon plus. Sur le coup, je crus être en présence d’une aide familiale ou d’une obligeante voisine venue suppléer à une quelconque faiblesse. Coiffée avec soin, visage discrètement maquillé, silhouette encore svelte, elle s’avança d’un pas alerte.
J’obtempérai avec un étonnement qui s’accrut pendant que je sortais de voiture.
Ma méprise semblait l’avoir mise en joie, ou peut-être flattée. Elle ne m’en tenait pas rigueur en tout cas et m’observait de haut en bas en souriant. Malgré cette bonhomie affectée, je me sentis soudain déstabilisée par l’examen soutenu auquel j’étais soumise. Détaillée, soupesée, étudiée dans les moindres petits détails de ma tenue et de mon physique, il me revenait en mémoire les premières pages du fameux cahier.
Le ton était amical, le regard moins. Un brusque raidissement de l’attitude donnait un tour impératif à la banalité du propos. Je bredouillai un vague assentiment en tendant les feuillets que j’avais apportés. Un bref remerciement accompagna le passage d’une main à l’autre. Je m’en voulais de rester plantée là, immobile et indécise, tandis que les pages étaient rapidement tournées et parcourues en diagonale. Et pourtant, impossible de bouger ni de jouer l’insouciance.
Ma petite confusion la fit sourire à nouveau, mais avec une bienveillance sincère dans l’expression qui dissipa mon trouble. Je bus une gorgée à son invitation. Le café était bon et revigorant. J’en félicitai Colette qui le dégustait à son tour. Puis elle s’adossa dans sa chaise en me fixant dans les yeux.
L’aveu était sans ambages, d’une franchise brutale à faire frémir.
Elle affichait un air radieux en achevant sa réponse, une pointe de malice dans les yeux. Je mis quelques secondes avant de me risquer à rompre le silence.
J’acquiesçai silencieusement. Au fond, la proposition provoquait ma petite vanité. Je me demandais seulement où cela allait nous mener, et surtout jusqu’à quelle heure ? Je pris de sa main manucurée le recueil de ma « prose », finis mon café, et me préparai à m’acquitter au mieux de ma lecture.
Sans s’occuper de mon éventuelle réaction à cette requête incongrue, elle alla s’installer dans un fauteuil à l’autre bout de la pièce, m’obligeant à me tourner pour lui faire face. Assise confortablement, sa tasse à proximité sur un petit guéridon, elle attendait que je me lance.
Les premières phrases sortirent d’une gorge mal assurée. Mais ma voix s’affermit peu à peu grâce à l’écoute attentive que je constatais. La première page passée, la suite en fut plus aisée. L’exercice devenait même agréable et, prise au jeu, encouragée par l’intérêt manifeste (et parfois indulgent) de mon auditrice, j’éprouvais du plaisir à nuancer ou soutenir ma lecture.
À plusieurs reprises, des hochements de tête approuvèrent mes interprétations. D’autres fois, des moues dubitatives ou négatives m’informaient que j’avais fait fausse route. Mais Colette ne m’interrompait pas. Elle me pressait plutôt de continuer, se contentant de consigner sa remarque. L’après-midi s’avançait ainsi, sans y prendre garde, et j’avais de plus en plus l’impression de gagner l’estime de mon public. Public on ne peut plus réduit, bien sûr, mais que l’ambiance de mon récit captivait peu à peu.
Les prémices avaient fait naître quelques sourires, teintés néanmoins d’un soupçon de nostalgie ou peut-être embrumés de souvenirs inopportuns. L’évocation de la rencontre équivoque avec Me. L* avait amené un léger frisson dont je n’aurais pu dire sur-le-champ s’il ressortait du retour de la peur vécue ou du regret de ce passé. Tout au plus avais-je cru voir s’embuer le regard lorsque j’avais prononcé les mots « Madame Ève ».
Lorsque j’arrivai à la description de l’essayage forcé des bas, les choses évoluèrent. Colette réagit ouvertement au rappel d’avoir été obligée de montrer son ventre nu, de révéler sa touffe négligée au milieu d’une boutique de luxe, et d’y avoir consenti malgré sa pudeur. Une main sur la poitrine, l’autre sur son ventre, elle se caressait à travers le tissu comme si je n’eusse pas été là. La discrétion commandait de détourner le regard de cet abandon, mais en rapportant l’injonction d’oublier à jamais le port d’une culotte, la pensée que ce « jamais » impliquait un « toujours » l’emporta sur ma réserve. Si rapide que fût mon coup d’œil, il n’échappa pas à celle qui le recevait. Retroussant sa jupe d’un geste aussi bref que probant, elle mit un terme à mes spéculations. J’en ai peut-être rougi, mais cette confirmation donnée sans gêne ni provocation créa entre Colette et moi le début d’une première complicité.
Dès lors, tout me parut moins contraignant. La tournure nouvelle prise par notre relation avait refoulé les scrupules de convenances qui me retenaient. C’était tout uniment que j’acceptais les curieuses sensations que faisait naître en moi la lecture des promesses de sévices énumérées par Me. Ève L* à l’intention de sa future soumise. C’était en toute conscience que je regardais Colette glisser les doigts sous sa jupe pendant la description de l’exhibition publique qui lui avait été imposée. C’était tout naturellement que je la voyais se masturber en lui relatant le nettoyage de son intimité auquel elle avait dû se prêter. C’était toute hésitation envolée que je pressai d’une main fébrile la fourche de mes cuisses en détaillant les humiliations qu’elle avait volontairement subies pour mériter le cadeau d’une robe de prix.
L’impudeur de notre échange, l’incongruité de la situation, l’excitation inhabituelle chez une femme de son âge, la différence singulière entre nos générations, rien de tout cela ne me traversait l’esprit. Une seule interrogation, absurde, me trottait dans la tête : cette décisive robe de tulle fin existait-elle encore dans la garde-robe de Colette ?
La tentation prégnante de ma curiosité et le besoin de reposer ma voix aidant, je finis par lui poser la question.
Sa réponse me donnait un aperçu de l’évolution psychologique qu’elle avait accomplie et m’invitait à mesurer l’importance des changements qu’elle avait désiré réaliser, ou qui lui avaient été imposés, dans sa personnalité. Elle respecta le silence de ma réflexion avant de proposer gaiement une collation.
Le soleil baissait, en effet, et il y avait beau temps que la cafetière était épuisée. J’avais soif, je fis part de mes choix, sans façon comme elle le souhaitait. Puis, l’offre de mon aide ayant été déclinée, je calculai qu’il me restait en gros la moitié du récit à restituer devant mon hôtesse. J’en terminerais à la nuit pour peu que le goûter se prolongeât. Quelques échanges sur l’interprétation que j’avais extrapolée de ses notes, un minimum d’éclaircissements ou de rectifications à solliciter, la moindre politesse dictant, après, de m’intéresser aux suites qu’avait connues son aventure, je devais donc me résigner à ne retrouver mon domicile qu’au-delà de minuit, et encore !
Colette avait dû parvenir aux mêmes conclusions, à moins qu’elle n’ait surpris les regards que j’avais jetés à la dérobée par la fenêtre et sur ma montre. Elle s’était abstenue de commentaires en apportant la théière, mais avant de poser le plateau des tasses et des douceurs elle s’arrêta devant moi.
Elle éclata d’un rire juvénile. C’était la première fois et je fus étonnée par le timbre clair et frais qu’elle soutenait. Il me fallut renouveler tant mes remerciements que mes regrets pour qu’elle consente à m’écouter.
Sa proposition était sincère et dénuée d’affectation. Elle semblait beaucoup y tenir, je dirais même inquiète que je la refuse. Évidemment, d’après ce qu’elle sous-entendait, je devais envisager un séjour au-delà d’une nuit. Néanmoins, mon hésitation fut de courte durée et je la rassurais sur mes aptitudes à m’accommoder d’un confort aléatoire comme sur mes indifférences de choix en matière de tenues, celle de ce jour étant simplement plus pratique pour conduire.
Nous devisâmes, effectivement. Nous papotâmes aussi librement que si nous nous étions connues de longue date. De fait, n’était-ce pas mon cas vis-à-vis d’elle ? J’avais pénétré une époque déterminante de sa vie en déchiffrant son journal intime, j’avais interprété, sans doute parfois à tort, ses sentiments les plus secrets en me passant indûment de son autorisation ; elle avait parfaitement le droit de vouloir tout savoir de moi. Je le lui dis, par amitié autant que par recherche d’absolution.
Elle n’en profita pas outre mesure, questionnant sans insister. De mon côté, je ne lui cachai rien. Mon enfance, ma jeunesse, mon mariage, mes activités, mes relations, mes amours, je les lui décrivis succinctement avec promesse d’y revenir dans les détails au gré de ses désirs. Sur l’instant, seul le fait que je fusse toujours en couple l’intriguait, voire, semblait la chagriner. L’explication de ma liberté de mouvement pendant plusieurs jours due au déplacement de longue durée de mon conjoint pour un projet européen n’effaça pas cette impression de contrariété. J’en tirai, à mon grand étonnement, une petite pointe de fierté séductrice.
À cause de ma confession, l’entracte, pour reprendre ce terme, s’allongea plus que prévu, mais Colette ne m’en fit pas reproche, ayant, dit-elle, apprécié ma franchise et ma confiance. Ce fut en me levant pour reprendre ma lecture à son invitation que je réalisai ne pas l’avoir vue se laver les mains avant de nous faire déguster thé et gâteaux, excellents, au demeurant. Je n’en explorai pas plus avant les raisons, une autre surprise m’en détourna.
Je jetai un coup d’œil à l’endroit où je m’étais arrêtée pour lui confirmer le passage. Elle prit une grande inspiration et posa sur moi un regard appuyé.
Son long chemisier lui conservait un semblant de décence. Elle avait été assez indulgente pour pardonner mes intrusions indiscrètes, je n’eus pas le cœur de la décevoir.
Cuisses nues, je repris ma lecture, la voix aussi serrée que celles-ci. Colette s’était très naturellement réinstallée dans son fauteuil, sans souci particulier de pudeur. J’évitais de porter les yeux dans sa direction et m’obstinais à les garder baissés sur ma page. Mais je percevais bien qu’elle observait avec amusement la pudibonderie de mon attitude. Moi-même, à vrai dire, j’en ressentais le ridicule et je n’arrivais pas à me concentrer, dépitée d’apparaître aussi timide que stupide. Mon ton était monotone, je sautais des mots, je me reprenais, je bredouillais un récit sans couleur, une vraie débâcle !
Elle n’ajouta rien, c’était inutile. Le malaise que j’éprouvais ne trouvait ses racines qu’en moi. Si je ne voulais pas la regarder, c’était parce que j’en avais trop envie. Une curiosité que je jugeais malsaine me poussait à voir une intimité dont j’avais imaginé les formes en décryptant les premiers feuillets dénichés. Ma pruderie affectée n’était qu’un prétexte pour retenir mon penchant voyeuriste… Et l’évidence m’apparut toute simple. Étais-je bête ! Si la Colette du cahier avait si bien décrit son sexe, c’était pour satisfaire son désir d’exhibition ; la Colette d’aujourd’hui recherchait le même plaisir. Je me montrais idiote et surtout ingrate en le lui refusant. Qu’avais-je à craindre en le contentant ?
Les quelques secondes de ma prise de conscience durent paraître plus longues à mon hôtesse. Quand je relevai la tête, je découvris ses yeux inquiets fixés sur moi. Et tout s’enchaîna. Je desserrai mes genoux et son visage s’éclaira. J’aventurai mon regard entre ses jambes et nous échangeâmes un sourire. Elle scruta mon ventre et j’écartai plus franchement les miennes. Elle poussa son bassin en avant et me révéla les festons rosacés de sa fente. Je m’ouvris largement et lui offris le détail des plis de ma culotte.
Ce discret remerciement était pour moi un encouragement à me transporter dans un monde nouveau. Il n’était pas désagréable d’être exposée volontairement à la vue d’une autre. Peu m’importait qu’elle inspectât la transparence du voile ni qu’elle supputât les sillons qu’il enveloppait. Peu m’importait non plus de ressentir la moiteur de ma vulve, ni les frémissements qui en montaient. Ma voix était plus chaude et plus rauque, plus déliée aussi, plus adaptée à l’atmosphère érotique des péripéties que je contais à celle-là même qui en était l’héroïne.
De fait, je me délectais en insistant sur les humiliations auxquelles l’avaient soumise les amies de Me L*, sur les explorations poussées auxquelles elles s’étaient livrées, sur les satisfactions honteuses qu’elles avaient suscitées chez leur victime. Les visions qui avaient enflammé mon imagination en rédigeant la scène me revenaient à l’esprit et m’affolaient les sens. Je voyais Colette s’abandonner à la lascivité de ses souvenirs et son excitation avivait la mienne. Elle retrouvait dans mes paroles les effets du trouble qu’elle avait ressenti et les mots que je prononçais nous liaient l’une à l’autre. Elle se masturbait en me regardant et je me représentais à sa place, nue au milieu de ce salon d’essayage, entourée de ces inquisitrices qui la – qui nous – tripotaient.
Le besoin de me caresser m’étreignait, la culotte me gênait, les gestes que je réfrénais me trahissaient, mes yeux étaient rivés sur Colette. Elle inclina silencieusement la tête, ma main glissa sous l’élastique. Le regard de ma complice brillait, ma chatte était chaude et humide… Mon Dieu que c’était bon !
Les doigts sur mes lèvres, les pupilles écarquillées et les joues brûlantes, j’essayais de poursuivre ma lecture sans rien perdre du spectacle que me proposait l’initiatrice de nos turpitudes. J’arrivais vaille que vaille à la séance d’exhibition masturbatoire qu’elle avait donnée à contrecœur et corps consentant. Ses mouvements s’accéléraient encore au fil des réminiscences que mes phrases lui imposaient. Elle étirait et froissait ses longues nymphes – anormalement longues, en effet – sans arrêter de se branler et de se fouiller, emportée par une transe rageuse qui accroissait mes pensées lubriques.
C’était trop. Ma vue se brouillait, les lignes s’entremêlaient, ma voix hoquetait, ma gorge se nouait, il me fallait libérer la tension sexuelle qui vrillait mon ventre et gonflait mes seins. Je jetai aux orties vergogne et bienséance. Ma main s’agita sous le nylon, pressa le clitoris, massa les chairs et s’englua dans la fente. Ce n’est jamais que le premier pas qui coûte : comme Colette, je me caressais et me pénétrais sans retenue. Après tout, il n’y avait pas de mal à se faire du bien !
La vertu n’avait plus cours, ni la raison. L’obscénité du tableau que nous composions ne m’apparaissait pas, l’inconvenance de notre différence d’âge ne m’effleurait pas, le faible temps écoulé depuis notre rencontre ne comptait pas. Nous n’étions que deux femmes qui communient dans la même folie charnelle au gré d’un scénario sadomasochiste, fantasmé par l’une et vécu par l’autre. Deux femelles libidineuses et heureuses de l’être…
Miracle du plaisir partagé, ma gorge se desserra et ma voix se dénoua. Je lisais sans contrainte, les lignes s’enchaînaient à merveille, les phrases décrivaient à flux continu les étapes qui avaient amené jadis Colette au paroxysme de sa débauche et qui nous menaient de conserve à l’orgasme. Une miction involontaire en avait alors sanctionné le point d’orgue, son évocation déclencha ce soir-là l’exultation simultanée de nos deux corps. Du mien en tout cas, car si je ressentais profondément les effets physiques de la jouissance, je me demandais si la sienne pouvait être autrement que cérébrale.
Quelle qu’en fût la forme, elle avait visiblement comblé Colette. Son visage rayonnait de reconnaissance autant que si je lui avais fait moi-même l’amour. M’identifiait-elle, par la grâce d’une reviviscence virtuelle, à la jeune vendeuse dont elle avait bénéficié des soins affectueux après son exhibition éhontée ? L’idée m’en vint et ne me choqua pas. J’en fus même tentée, au point d’en projeter une inversion des rôles. S’abandonner aux mains de Colette, que je devinais douces, aurait été une expérience nouvelle. Cette vision trouble m’accompagnait agréablement dans le brouillard des sens et l’apaisement des nerfs.
Les errements de mon esprit se trahissaient sans doute dans la vacuité de mon regard, assez, du moins, pour que Colette s’enquît de mon état avec une pointe de bienveillante inquiétude. Je faillis, mais n’osai lui avouer les raisons réelles de ce flottement. L’appel de ma vessie, trop sollicitée par l’absorption de multiples tasses de café et de thé au cours de l’après-midi, me fournit un dérivatif d’autant plus manifeste que la décontraction des muscles le rendait plus pressant.
Embarrassée par des mains poisseuses, je dégageai à la hâte mes chevilles des jambes tirebouchonnées du pantalon en envoyant valser mes baskets pour la suivre jusqu’à la salle de bain. Ne découvrant là que douche et lavabo, mais point de cuvette, je crus à une erreur d’interprétation.
Je commençais à comprendre ce que Colette avait en tête et s’il m’était resté un doute, elle s’empressa de préciser ce qu’elle désirait malgré la rougeur que je sentais me venir aux joues.
Après l’avoir mise en scène sans scrupule, comment lui refuser d’honorer un tel plaidoyer et de quel droit m’abstenir de réparer ma faute ? Surtout quand l’urgence commandait…
Je retirai ma culotte et la lui remis. Par bravade, j’ôtai aussi mon pull, puis, pour faire bonne mesure, j’enlevai également mon tee-shirt. Couverte du seul soutien-gorge, je m’accroupis dans la douche. En vain ! Pas une gouttelette ne sortit. Une lueur d’ironie passa dans les yeux qui m’observaient.
J’essayais pourtant de me concentrer. Mais quoi qu’en fut la cause, retour de timidité puérile ou sourire narquois de Colette, ma bonne volonté restait inefficace.
J’étais pivoine (ce n’était que la troisième fois !). Comme au début de notre rencontre, sa voix douce que démentait son air sévère rendait ses ordres d’autant plus inéluctables. J’obéis, j’ouvris ma chatte à deux mains. Je m’exposai, impudique et obscène, honteuse d’accepter de le faire et accablée par ma veulerie. J’en aurais pleuré… j’en pissai.
J’en pissais à grand flot, à jet dru, à longs traits, avec un incommensurable et inattendu plaisir sexuel, inexplicablement béate sous le regard entendu et satisfait de Colette.
Je cherchais mes mots. Je tremblais, incapable d’expliquer, de m’expliquer, ce que je venais de vivre, figée sur mes jambes fléchies, sans penser à les refermer ni même à retirer mes doigts pour me clore, indifférente à l’examen intime que Colette continuait de me faire subir.
J’étais toujours sans réaction, comme abasourdie. Elle prit mon silence pour un accord. Je ne la dissuadai pas.
La raison me revenait doucement. Néanmoins, je ne voyais pas d’offense aux privautés que s’arrogeait mon hôtesse. Cette infantilisation ne me blessait pas. Elle m’apparaissait au contraire comme une marque d’affection qui répondait au secret espoir que j’avais refoulé. J’acceptais l’essuyage des débordements de mon urètre avec reconnaissance.
Cette passivité incitait Colette à prolonger sans doute plus que nécessaire ses attentions. Elle s’enhardissait jusqu’à rechercher la présence de traces humides dans les moindres replis, sans s’occuper des exhalaisons qu’elle y débusquait ni des émois nouveaux que ses attouchements éveillaient.
J’aurais dû être gênée des parfums prononcés qu’avaient provoqués les moiteurs du jour, l’orgasme du passé récent et l’urine du moment présent. Je ne songeais pas plus aux uns qu’aux autres. Les mains qui œuvraient étaient douces, en effet. Lorsque leurs doigts remplacèrent les miens, sous le prétexte d’une meilleure efficacité, pour garder ma chatte ouverte, je ne m’y opposai pas.
Durant les quelques instants où ma pensée dérivait entre ces sentiments divers, Colette, tiraillant par ici, étirant par-là, nettoyant partout, déroulait ses propres réflexions et ses observations à mon endroit.
Elle n’attendait pas vraiment de réponse, et moi, fort en peine de lui en donner une, je me contentai de hocher la tête tandis qu’elle changeait de sujet.
La surprise de tels compliments acheva de me tirer du brouillard dans lequel je flottais. J’en étais certes flattée, mais j’avouai franchement n’être guère tentée par une épilation intégrale.
J’y consentis, ne fût-ce que par correction, pour ne pas décliner brutalement une proposition qui semblait motivée par un sincère intérêt. Et, puisqu’elle avait mis notre échange sur un terrain d’absolue intimité, je me permis de la questionner sur un détail que j’avais aperçu lors de notre tête-à-tête masturbatoire.
À son invit', je constatai sur les chairs qu’elle me présentait largement déployées deux marques creuses, symétriques, et légèrement boursouflées autour comme des cicatrices.
Ainsi fut fait. Je ne me rhabillai pas. À quoi bon ? Je troquai mes socquettes trempées contre de confortables chaussons en peau de mouton retournée prêtés par Colette. Elle me réclama mon soutien-gorge pour le mettre au lave-linge avec le reste. En échange, elle me fournit une douillette cape en cachemire, véritable houppelande pour bergère de luxe. Elle en revêtit une semblable après s’être dépouillée de son chemisier, découvrant un bustier qui dégageait le haut de ses seins aux tétons singulièrement longs.
Je m’émerveillais de sa taille bien prise et de sa poitrine pigeonnante. Je lui en fis part spontanément comme de mon admiration pour la sensualité qu’elle conservait à son âge. Mon étonnement enthousiaste déclencha à nouveau son rire frais, où je décelai toutefois une once de fierté.
Ce fut à mon tour de rire. Je l’assurai que je ferai mienne cette maxime et m’efforcerai de la suivre à son exemple. J’étais décidément conquise par cette charmante dame – pas si vieille que je l’avais cru – qui mêlait gentillesse et rigueur aussi bien que jouissance et sagesse. Elle avait abattu toute barrière entre nous, un élan d’affection me poussait. Je l’aurais embrassée !
La maison était plus grande qu’elle ne m’était apparue de l’extérieur. L’entrée donnait directement sur la salle où nous avions passé l’après-midi, à la fois grande pièce à vivre et cuisine. Un couloir à gauche desservait la salle de bain, une buanderie, et les toilettes. Sur la droite, une porte à double battant ouvrait sur un petit salon doté d’une ottomane et d’une bibliothèque témoignant d’un choix de simplicité cossue.
Nous montâmes l’escalier toujours enlacées. L’ambiance était agréable et chaude. Mon hôtesse précisa malicieusement que nos corps quasi nus n’y étaient pour rien. Elle avait pris la précaution de faire installer un chauffage central avant d’emménager. L’ancienne écurie mitoyenne avait été transformée en chaufferie et garage, et la grange au-dessus convertie en espace habitable.
L’étage comprenait d’abord un vaste séjour éclairé par deux fenêtres, où l’on accédait depuis le rez-de-chaussée. Canapés, fauteuils, tables et bar le désignaient comme lieu de réception par excellence pour une soirée ou un réveillon sympathique, entre amis ou entre copines. L’un des murs montrait une profonde embrasure fermée par une baie. En face, un lourd, mais simple rideau barrait le passage vers la chambre de Colette située à l’aplomb du premier salon. Quoique étriquée, elle contenait un large lit, entouré sur trois côtés par les glaces des placards qui réfléchissaient la lumière et amplifiaient le volume. L’ensemble de l’ameublement se maintenait dans le même esprit qu’au niveau inférieur.
L’impression fut tout autre en pénétrant dans la partie affectée à l’accueil « des amies ». Je m’arrêtai sur le seuil, saisie par la superficie, la blancheur et l’aspect brutal de la salle. Quatre lits de fer, par moitiés à une et deux places, une estrade de bois brut au milieu, un chevalet dans un coin, un siège au mécanisme complexe et différents dispositifs dont j’ignorais le sens, composaient le mobilier. Quelques chaînes et une balançoire échancrée pendaient des poutres de part et d’autre du vasistas zénithal. Une panoplie de fouets, de pinces, cravaches et autres, se détachait en guirlandes sur le crépi de chaux.
J’en pris un au hasard et m’y allongeai à plat dos, insouciante de l’envolée de la cape qui me dénudait. Effectivement, la literie était parfaite. Je remarquai qu’elle n’était équipée que d’un seul gros édredon.
Je pouffai à cette promesse. L’allusion était claire et l’idée de me masturber à jouir sous la surveillance de Colette ne me faisait plus rougir… Souhaiterait-elle m’accompagner ?
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J’étais dans mon lit. Celui que j’avais choisi, un des lits à deux places – autant prendre ses aises. Je repassais dans ma tête les évènements de la fin de journée. De temps à autre, je jetais un coup d’œil aux murs ou dans la pièce. J’essayais de deviner l’usage des objets qui s’y trouvaient. Pour certains, c’était facile. J’en frissonnais, au début. Puis, peu à peu, l’imagination aidant, la curiosité prit le dessus. Je m’habituais.
Cette Colette était vraiment une femme étonnante et attachante. Le parfait contraire de celle que je m’étais représentée par vieux journal intime interposé. Je l’avais figurée peu équilibrée, molle, influençable, presque méprisable, en un mot pitoyable, et l’excitation que j’avais ressentie tenait plus du sentiment de supériorité que de l’empathie. Elle s’était révélée être une femme intelligente et cultivée, une personnalité accomplie qui assumait pleinement sa sexualité et sa prédilection pour le sadomasochisme. Elle en avait tiré en outre des revenus appréciables dont elle avait eu la prévoyance d’assurer sa retraite.
Après la visite de sa maison, nous avions trinqué à la naissance de notre amitié. J’avais terminé de lui lire mon récit tandis que nous étendions complaisamment l’heure de l’apéritif. Les descriptions, peut-être un peu trop enjolivées, de son « toilettage » par la jeune Mély l’avaient agréablement émue. Ma tendance à ajouter des détails coquins qui trahissaient les errements de mon esprit en rédigeant n’avait encouru aucune remarque de sa part. L’intitulé « Métamorphose » que j’avais donné au dernier chapitre lui avait paru pertinent et elle m’avait servi une nouvelle rasade en récompense.
Mais lorsque, trois ou quatre verres de whisky plus tard, j’en étais arrivée à la conclusion qui évoquait son départ dans la voiture de Me L*, j’avais encore déclenché son hilarité. Manifestement, mon interprétation n’était pas la bonne. J’en avais été désappointée, presque vexée, mais surtout j’avais craint qu’une note finale négative n’obscurcisse notre relation.
La joie et le soulagement, l’alcool aussi peut-être, en entendant son verdict, m’avaient cette fois poussée à l’embrasser vraiment pour la remercier. Chastes bises sur les joues qui ne m’avaient pas empêchée de frémir au contact de nos seins nus, et d’avantage quand elle avait passé son bras sous ma cape en me prenant le bas des reins pour m’embrasser à son tour. Nous n’étions pas allées plus loin. Nous avions pris la douche ensuite, mais l’une après l’autre. J’avais à nouveau été surprise par le physique qu’elle avait gardé. Sa poitrine était basse, certes. Pas autant qu’on aurait pu le supposer, de même que son ventre ou ses fesses n’avaient pas la flaccidité dont on aurait présumé.
Ce n’avait été qu’une fois le dîner passé en échangeant à bâtons rompus qu’elle m’avait dit m’avoir donné son affection et espérer la mienne en retour. Cette déclaration m’avait touchée bien que je n’aie pu le lui exprimer, car elle avait aussitôt retracé les principales étapes des vingt ou vingt-cinq ans qui avaient suivi la rencontre décisive de sa vie.
Colette avait d’abord subi chez Ève L* une période de formation – c’est ainsi qu’elle la considérait à présent – dont je ne me rappelais pas exactement la durée, assez longue en tout cas. Durant ce laps de temps, elle avait durement travaillé (sic) pour gagner ses galons de soumise hors pair et de dominatrice patentée. Sa maîtresse, avait-elle tenu à souligner, exigeait que ses stagiaires possèdent à la perfection les deux pans de leur art. Concurremment, un enseignement poussé de culture générale lui avait été dispensé.
Une fois adoubée, elle avait successivement servi Mme L*, collaboré auprès de Me. L*, et enfin assisté Maîtresse Ève. Les salaires inhérents à chacun de ces trois états aux côtés de la même personne l’avaient, dès le premier, largement dédommagée de la démission de son précédent emploi. Dans le troisième, son rôle s’était progressivement développé et, de simple aide pour commencer, il était devenu celui d’une efficace seconde, puis enfin de fidèle suppléante, organisant et dirigeant elle-même les réjouissances.
Quand Ève s’était retirée, pour des raisons sur lesquelles Colette ne s’était pas étendue, elle avait pris sa suite et bénéficié de son réseau de contacts. Grâce à cette clientèle, ajoutée à une réputation déjà acquise, l’exercice de l’activité de Maîtresse s’était avéré assez rentable pour la faire vivre confortablement. Aujourd’hui, dispensée de tout souci pécuniaire, elle se contentait de réunir ponctuellement quelques connaissances choisies pour entretenir la flamme et de profiter de ses souvenirs.
Sur ce, elle m’avait expédiée au dodo en me promettant de me raconter demain tous les détails de sa période de formation, si elle était satisfaite de mes travaux pratiques du matin.
J’avais pardonné de bon cœur. Maintenant, gagnée par le sommeil, je trifouillais mes poils pubiens en me disant qu’accepter un élagage de ce buisson serait finalement une bonne idée. C’était vrai que la peau des lèvres était plus sensible là où elle était nue. J’y passais et repassais mes doigts…
Je me caressais. C’était rassurant, agréable, très agréable même. Pourquoi ne pas continuer ?
À suivre…