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22/09/22
Résumé:  La réputation de légèreté de la reine Margot a été établie par le roman d’Alexandre Dumas et ses interprétations au cinéma. La véritable Marguerite de Valois a-t-elle été aussi délurée que le prétend sa légende noire ?
Critères:  #nonérotique #historique #personnages fh fagée extracon freresoeur nympho sales campagne exhib odeurs
Auteur : OlgaT  (Quadragénaire, j’aime mêler culture et érotisme)      Envoi mini-message

Collection : Histoires de femmes libres

Numéro 08
La reine Margot, intrigues, fureurs et amants

Cette collection parle de femmes qui, par leur pensée, leurs écrits, la liberté de leurs mœurs, ont été des précurseurs dans l’histoire.







Marguerite de France (1553-1615), dite la reine Margot, était la fille d’Henri II et de Catherine de Médicis. Elle a été rendue célèbre et sa réputation de légèreté a été établie par le roman éponyme d’Alexandre Dumas père, publié en 1845, qui a fait l’objet de nombreuses interprétations au théâtre et au cinéma, en particulier à travers le film de Patrice Chéreau en 1994. On imagine ainsi l’épouse d’Henri de Navarre sous les traits de la belle Isabelle Adjani, au milieu des intrigues de la Cour des Valois et des Guerres de religion, en particulier le terrible massacre de la Saint-Barthélemy. La vie de « la vraie » Marguerite de Valois fut, en effet, pleine d’intrigues, de fureur et d’amants.




***




« D’une grande beauté », c’est ainsi que ses contemporains qualifiaient la reine Margot. Consciente de ses atouts physiques, Marguerite de Valois en prenait le plus grand soin. Elle prenait deux bains par jour, y incorporant, comme Cléopâtre avant elle, du lait d’ânesse pour conserver une peau blanche.


Blanc était également son visage. À la Renaissance, époque où elle vécut, on se devait dans la noblesse d’arborer un teint diaphane. Marguerite usait, comme cela se faisait en cette seconde moitié du XVIe siècle, de préparations à base de plomb (la céruse) ou de mercure, deux substances particulièrement dangereuses pour la peau et l’organisme. La fille de Catherine de Médicis utilisait des baumes et des onguents et se parfumait : on savait par les écrivains de l’époque, notamment Brantôme et même Ronsard, que ce parfum avait « un sillage principalement de jasmin ». S’y ajoutaient de l’ambre et du musc. Le musc donnait « une note un peu animale, très sensuelle au parfum », souligne dans « Secrets d’histoire » Nicolas de Barry, ajoutant qu’à l’époque « il faut oser un parfum aussi spectaculaire, c’est un parfum sensuel qui s’impose au voisinage », mais comme il le fait remarquer à juste titre : « Margot ce n’est pas n’importe qui, et son parfum est à cette image-là ».


Margot était fine, élégante, lettrée, intelligente. La princesse a reçu une éducation soignée et possède toutes les qualités pour briller à la cour, à commencer par son éclatante beauté. Dans son ouvrage « Les vies des Dames illustres de France de son temps », son contemporain, le chroniqueur Pierre de Bourdeille, dit Brantôme, parle ainsi de Marguerite :


S’il y en eust jamais une au monde parfaicte en beauté, c’est la royne de Navarre.




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Marguerite a peu connu son père, le roi Henri II, mortellement blessé lors d’un tournoi en 1559. Avec sa mère, Catherine de Médicis, « la veuve noire », elle entretient des rapports distants, éprouvant pour elle un mélange d’admiration et de crainte. Elle est principalement élevée avec ses frères Alexandre, duc d’Anjou (le futur Henri III) et le dernier-né Hercule (ensuite renommé François), duc d’Alençon. Elle entretient d’abord d’excellents rapports avec ses frères, à tel point que des rumeurs persistantes feront par la suite état de ses relations incestueuses avec Henri et François d’Alençon, voire Charles IX. Le futur Henri III a-t-il pris la virginité de sa sœur un soir de bal, dans une alcôve du Louvre, comme il s’est dit ? Certains auteurs imaginèrent même qu’elle fut violée par ses frères.




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Une idylle naît en tout cas entre la princesse et Henri de Lorraine, duc de Guise (1550-1588), l’ambitieux chef de file des catholiques intransigeants, qui sera à l’origine de la Ligue ultra-catholique. « Henri le Balafré » est le premier d’une longue série d’amants prêtés à Marguerite. Les Guise sont partisans d’une monarchie placée sous la tutelle des Grands et préconisant des mesures radicales contre les protestants, soit l’opposé de ce que souhaitent les Valois, en particulier la reine Catherine et le futur Henri III. Une union avec Guise est donc absolument inenvisageable. La réaction de la famille royale est donc très violente, d’autant que des négociations matrimoniales avec Henri de Navarre, pour réconcilier protestants et catholiques, sont en cours. Cet épisode est peut-être à l’origine de la « haine fraternelle durable » qui s’établit entre Marguerite et son frère Henri, ainsi que du refroidissement, non moins durable, des relations avec sa mère.


À la fin des années 1560 resurgit l’idée d’une union avec le jeune chef du parti protestant, Henri de Navarre. Lointain cousin des Valois, issu de la branche des Bourbons, Henri est aussi l’héritier de vastes possessions dans le Sud-Ouest. Cette union a surtout pour objectif la réconciliation entre catholiques et protestants, à la suite de la troisième guerre de religion. Quant à Marguerite, c’est non sans réticences qu’elle consent à épouser le souverain hérétique : les noces ont lieu le 18 août 1572. Elle aurait manifesté de la résistance pour ne pas épouser Henri de Navarre. Le jour du mariage, le roi Charles IX lui aurait même poussé la tête pour qu’elle donne son consentement.


L’entente entre réformés et catholiques dure peu, à cause de la tentative d’attentat fomentée par les Guise contre l’Amiral de Coligny, le chef militaire du parti protestant, et qui est à l’origine du massacre à Paris et en province de milliers de protestants lors de la Saint-Barthélemy. Les protestants sont assassinés jusqu’à l’intérieur du Louvre : un gentilhomme, le comte de La Môle, gravement blessée, trouve même refuge dans la chambre de Marguerite. L’adultère qui en résulte est au cœur de l’intrigue du film de Patrice Chéreau.


La proximité du massacre a valu au mariage le surnom de « noces vermeilles ». Il n’est alors plus question de conciliation et la dissolution du mariage pourrait être prononcée, mais Marguerite choisit de faire preuve de loyauté envers son mari. L’époux de Marguerite, Henri de Navarre, n’est certainement pas vraiment le mari dont on rêve : le couple fait très vite chambre à part, car la pauvre Margot ne supporte pas l’odeur d’ail et de bouc du futur Henri IV. La reine de Navarre tombe follement amoureuse de Boniface de La Môle, un beau seigneur, aux nombreuses conquêtes. Ce dernier est impliqué dans un complot contre le frère de Marguerite, le roi Charles IX. Boniface de La Môle est décapité, causant un profond chagrin à la reine Margot. Il a été dit, mais c’est une légende, que Margot racheta la tête de son amant et l’enterra dans le jardin de l’abbaye de Montmartre.




***




À l’avènement d’Henri III, Navarre et Alençon, le cadet des Valois, sont laissés en liberté sous surveillance à la cour. Les rapports du couple de Navarre se détériorent, Marguerite n’arrive toujours pas à être enceinte. S’il n’a jamais été question d’amour entre les époux, Henri continue à remplir assidûment son devoir conjugal.


Celui qu’on appellera « le Vert Galant » a, quant à lui, de nombreuses maîtresses et trompe ouvertement Marguerite avec la belle Charlotte de Sauve.


Arrêtons-nous un instant sur cette Charlotte de Beaune-Semblançay, baronne de Sauve et marquise de Noirmoutier (1551-1617), qui fut dame d’honneur de la reine mère, avant de passer, en 1574, au service de la Reine Margot. Un contemporain dira d’elle qu’elle a « la cuisse longue et la fesse alerte ». La Baronne faisait partie du mythique « escadron volant » de l’entourage de la reine Catherine de Médicis, constitué de demoiselles de compagnie de la reine mère, toutes de très bonnes familles, belles, cultivées et peu farouches. L’austère Catherine de Médicis encourage, à l’occasion, quand cela sert ses intérêts, le caractère extrême de ces jeunes femmes et leur goût pour leur libertinage ! Leur beauté et leur corps servent la cause de la reine mère et donc celui du royaume, contre les chefs des factions et les grands qui menacent le trône des Valois ! C’est ainsi que Charlotte de Sauve provoque une brouille entre Alençon et Navarre, tous deux ses amants, alors que Marguerite s’employait à les rapprocher. C’était ce que voulait Catherine de Médicis, dans l’intérêt d’Henri III.




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Le couple de Navarre multiplie donc les infidélités. Henri ne se rapproche de sa femme que lorsque cela sert ses intérêts, mais n’hésite pas à la délaisser dans le cas contraire. De son côté, Marguerite profite de l’absence de jalousie de son époux pour prendre un nouvel amant, en la personne du fameux Louis de Bussy d’Amboise (1549-1579). Durant quatre années, Margot sera la maîtresse de Bussy.


Henri et Margot se disent tout. S’ils font chambre à part, il n’y a pas entre eux de jalousie. Henri dira, à propos de Bussy d’Amboise :


D’Amboise ? Je l’ai même surpris maintes fois en train de baiser ma femme sur la porte de sa chambre

rapporte l’historien Alain Dag’Naud.


Candauliste, le futur Henri IV ? Certainement pas, mais tolérant pour le moins ! Il est vrai que lui non plus ne se gênait pas !


Navarre, puis Guise, réussissent à s’enfuir de la Cour. Marguerite sera retenue plus longtemps au Louvre. En 1577, elle est autorisée à se rendre aux Pays-Bas, pour plaider la cause de son frère Alençon, qui cherche une couronne. Elle aura, à cette occasion, une brève liaison avec Don Juan d’Autriche, demi-frère du Roi d’Espagne, gouverneur des Pays-Bas espagnols et vainqueur des Turcs à la bataille de Lépante. Puis elle se réfugie à Cambrai, dont le gouverneur, le comte d’Inchy, est « un homme tout en grâce et en toutes belles parties requises pour séduire Margot », nous dit Alain Dag’Naud.


Son frère, François d’Alençon, la rejoint alors pendant deux mois au château de la Fère, en Picardie. Le frère et la sœur « couchaient dans le même lit, tendrement accolés, au vu des dames de chambre et s’embrassaient en public sans aucune honte », dit un familier. Margot dit, elle-même, dans ses Mémoires :


J’avoue que ce fût un de mes grands contentements. Nous passâmes près de deux mois qui ne furent que deux petits jours en cet heureux état.


Voilà qui étaye fortement l’accusation d’inceste qui pèse sur Margot !


Marguerite revient à la cour, où l’atmosphère est toujours aussi tendue. Les combats se multiplient entre les fameux mignons d’Henri III et les partisans d’Alençon, au premier rang desquels Bussy d’Amboise, l’amant de Marguerite. La situation est telle qu’en 1578, Alençon demande à s’absenter. Mais Henri III y voit la preuve de sa participation à un complot : il le fait arrêter en pleine nuit et le consigne dans sa chambre, où Marguerite le rejoint. Quant à Bussy, il est conduit à la Bastille. Quelques jours plus tard, François s’enfuit de nouveau, grâce à une corde jetée par la fenêtre de sa sœur.




***




Marguerite obtient enfin l’autorisation de rejoindre son mari, le roi de Navarre. L’hypersexuelle Margot prend avec elle un amant de voyage, un beau joueur de luth, Guillaume Raspault. Le cortège fait une pause en forêt de Chinon, la reine de Navarre s’éloignant dans un fourré avec le beau jeune homme, prise d’une envie soudaine : forniquer ! Les amants trouvent un accueillant tapis de mousse et commencent à copuler, sans s’interrompre quand un magnifique cerf vient les déranger !


La cour de Navarre, à Nérac, devient surtout célèbre pour les aventures amoureuses qui s’y seraient multipliées, au point d’avoir inspiré Shakespeare pour sa pièce « Peines d’amour perdues. « L’aise y amena les vices, comme la chaleur les serpents », dénonce Agrippa d’Aubigné, écrivain, partisan des protestants. Le roi et la reine de Navarre multiplient, chacun de leur côté, les frasques. Les dames de compagnie de Margot sont bien entendu les proies du Vert Galant et, parmi elles, Françoise de Montmorency, dite la « Belle Fosseuse ». Bien que celle-ci cherche à écarter Marguerite, la reine, pas rancunière, assistera la maîtresse de son mari, lors de son accouchement.


Marguerite entretient de son côté une liaison avec l’un des plus illustres compagnons de son mari, le vicomte de Turenne, père du futur Maréchal de Louis XIV. Marguerite s’éprend ensuite du grand écuyer de son frère Henri III, Jacques de Harlay, seigneur de Champvallon. En 1582, Marguerite revient à Paris. Sans doute veut-elle échapper à une atmosphère devenue hostile, peut-être aussi se rapprocher de son amant Champvallon et surtout soutenir son frère cadet François d’Alençon, devenu Duc d’Anjou. La reine Margot cause scandale sur scandale, en s’affichant avec des amants, au grand mécontentement de son frère, le roi Henri III.


Le 7 août 1583, un bal est donné au Louvre. Henri de Navarre est bien loin de son épouse, laquelle a compensé son absence par ses nombreux amants. C’est ce soir-là qu’Henri III reproche publiquement à sa sœur son comportement et l’insulte de tous les noms possibles et inimaginables. Il qualifie Margot de « putain à chiens, bagasse sans pudeur, fille à muletiers ». Elle est également accusée par le roi d’intriguer avec son plus jeune frère François-Hercule, contre la couronne et d’en être la maîtresse ! Le roi, qui ne se maîtrise plus, finit par vociférer que Marguerite a donné un enfant à Champvallon. La reine de Navarre s’évanouit en entendant les accusations et injures de son frère. Elle est finalement chassée de Paris et exilée. Navarre se fait prier pour la récupérer. Il lui témoigne peu d’intérêt, passionné qu’il est par sa maîtresse du moment, « la belle Corisande ». Aux malheurs de Marguerite s’ajoute encore la nouvelle de la mort de son frère François, en juin 1584, décès qui fait du protestant Henri de Navarre l’héritier d’Henri III.


En 1585, alors que la guerre reprend, Marguerite, rejetée par sa famille comme par son mari, rallie la Ligue, qui rassemble aussi bien les catholiques intransigeants que toutes les personnes hostiles à la politique d’Henri III. Elle prend possession d’Agen, ville faisant partie de sa dot et dont elle est la comtesse, et en fait renforcer les fortifications. À l’arrivée des troupes royales, Marguerite doit fuir précipitamment, « avec un désarroi si pitoyable qu’elle et ses suivantes ressemblaient mieux à des garces de lansquenets qu’à des filles de bonne maison », rapporte le « Divorce satyrique », pamphlet contre la reine Margot, qui fut attribué sans preuve à Agrippa d’Aubigné.


Marguerite s’installe alors au château de Carlat, situé dans l’actuel département du Cantal. Le gouverneur de la forteresse entre en conflit avec son amant du moment, Gabriel d’Aubiac, dit le Bel Athis, qu’elle a nommé capitaine de ses gardes. Elle veut trouver refuge un peu plus au nord de l’Auvergne, au château d’Ibois (dans l’actuel Puits de Dôme). Mais elle s’y retrouve assiégée par les troupes royales qui s’emparent de la forteresse. Elle doit alors attendre près d’un mois que l’on statue sur son sort. Son amant Aubiac, quant à lui, est pendu. Le roi décide finalement de l’assigner à résidence dans le château d’Usson, au cœur de l’Auvergne.


À partir de 1586, Marguerite est donc retenue prisonnière. Elle parvient néanmoins rapidement à adoucir sa détention, en achetant son gardien, Monsieur de Carillac : un amant de plus ! Durant les longues années passées à Usson, Marguerite épaissit, ce qui ne l’empêche pas de séduire encore. C’est une femme qui désire et c’est la force de son désir qui séduit. Elle a auprès d’elle un doux jeune homme blond aux yeux pervenche, Silvio, fils de son apothicaire. Un autre prétendant, Lignerac, jaloux et refusant de la partager, entre dans la chambre où les deux amants font l’amour et poignarde son rival !


Margot se console avec le fils d’un chaudronnier du Puy, nommé Claude François, « qui n’a de remarquable que son énorme laideur et sa belle voix ». Elle aura pour ce « rustre » une violente passion, au point de faire graver son nom sur une boîte d’argent qu’elle porte en pendentif, comme talisman d’amour. Elle finira par se lasser et par marier cet homme avec une de ses demoiselles d’honneur. Lui succède le jeune Dat, « Ils pouvaient demeurer ensemble enfermés dans un cabinet sept à huit jours avec les nuits entières ». Insatiable Margot à en croire les chroniqueurs de l’époque.




***




En 1589, à la mort d’Henri III, Marguerite devient reine de France. Bien qu’à son nom s’attache un lourd parfum d’intrigues et de scandales et que sa stérilité soit avérée, elle sait que le nouveau roi veut un fils légitime pour consolider son pouvoir. Pour cela, il a besoin de l’appui de son épouse, car il souhaite se remarier et avoir enfin cette descendance légitime qu’il espère. Les négociations commencent en 1593, après l’abjuration d’Henri IV : « Paris vaut bien une messe » ! Pour appuyer la non-validité du mariage auprès du pape, le roi et son épouse mettent en avant la stérilité de leur couple, sa consanguinité, et les vices de forme du mariage.


Pendant les pourparlers, la situation financière de la reine s’améliore, mais Henri songe à épouser sa maîtresse, Gabrielle d’Estrées, mère de son fils, César. Marguerite refuse de cautionner un remariage qu’elle juge déshonorant et lourd de risques politiques avec celle qu’elle qualifie de « bagasse ». Elle exige que la future épouse soit « une princesse de sa qualité », ce qui bloque les négociations, mais, après la mort « providentielle » de Gabrielle, dans la nuit du 9 avril 1599 au 10 avril 1599, elle revient sur son exigence, en échange de fortes compensations financières et du droit de conserver l’usage de son titre royal. Le pape Clément VIII prononce la bulle d’annulation le 24 octobre 1599. Henri IV épouse un an après Marie de Médicis.


De bons rapports désormais peuvent se rétablir entre les deux ex-époux. Marguerite regagne Paris en 1605. Alors qu’elle a été belle en sa jeunesse, elle est devenue « horriblement grosse » à en croire Tallemant des Réaux, autre écrivain protestant du XVIIe siècle. Elle est aussi désormais très dévote et Vincent de Paul est un temps son aumônier. Face au Louvre, elle se fait construire un hôtel particulier qui va vite devenir le nouveau rendez-vous des écrivains et des artistes. Elle y donne de nombreuses réceptions et s’y entoure de poètes et de philosophes ; son hôtel devient un lieu important de la vie culturelle, intellectuelle et politique de la vie parisienne.


À cette époque, la grande beauté de la reine Margot n’est plus qu’un souvenir, laissant place à une femme laide et obèse, mais qui collectionne toujours les amants ! Elle aura toujours un homme dans son lit, jusqu’à la fin de sa vie. Jusqu’au bout, elle aura aimé et aura été aimée. Désormais, elle pouvait mener librement la vie fantasque qui lui plaisait, en compagnie de nombreux jeunes favoris, sans que personne puisse trouver à redire contre cette grande et généreuse dame qui savait perpétuer le souvenir de la brillante cour des Valois. Selon la légende forgée par les enjolivements de romanciers, elle porte dans les poches de son vertugadin le cœur embaumé de ses divers amants.




***




Dans la « légende noire » de la Reine Margot, elle fut accusée d’avoir eu recours aux « faiseuses d’anges ». Marguerite de Valois doit donner un héritier à son époux Henri de Navarre. N’étant pas enceinte aussi vite qu’on l’aurait souhaité, la reine est d’abord allée faire une cure à Bagnères pour favoriser sa fécondité. Dans Paris, on racontait bel et bien que la reine de Navarre avait dû avorter d’un enfant de l’un de ses amants, Champvallon. À l’époque, l’avortement était très dangereux, car on utilisait des aiguilles à tricoter pour déloger l’embryon ou piétinait le ventre de la future mère jusqu’au moment où l’enfant qui n’était pas encore à son terme sorte. Dans de nombreux cas, la mère ne survivait pas à l’avortement.


L’ambassadeur d’Angleterre prétendait, quant à lui, que Marguerite de Valois, enceinte, avait accouché. Elle aurait également eu un deuxième enfant en 1586 né au château de Carlat. Le père de celui-ci serait d’Aubiac, son amant du moment. Cependant, il paraît un peu illogique que Marguerite de Valois ait pu être enceinte : si elle et son époux faisaient chambre à part, c’était une fois le devoir conjugal accompli. Connaissant l’ardeur de l’un comme de l’autre, comment expliquer que Margot pût être enceinte d’un de ses amants et pas de son mari, lequel eut de nombreux enfants de ses favorites, puis de sa seconde épouse Marie de Médicis ? Les rumeurs de grossesse de 1583 sont probablement basées sur le fait que la reine de Navarre avait pris du poids au cours de cette année. En tout cas, s’il y eut un ou même plusieurs enfants illégitimes, personne ne sait ce qu’il est ou sont devenus, ce qui renforce la probabilité que tout cela ne soit que pure invention. Ces ragots, crus par Henri III, auront fait beaucoup de tort à Marguerite. Celle-ci nia toute sa vie avoir avorté ou accouché d’un enfant.




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Cible de pamphlets violents de son vivant, les calomnies répandues à son époque ont voilé son histoire et créé le mythe de la « Reine Margot », une femme lubrique née dans une famille maudite. Marguerite de Valois a incontestablement mené une vie amoureuse qui a alimenté sa mauvaise réputation. La littérature romantique, Alexandre Dumas en tête, l’a stigmatisée comme une intrigante et une femme aux mœurs dépravées. Le nom même de la reine Margot, sobriquet lancé par Dumas en 1845, évoque en effet une princesse pervertie dès l’enfance par la cour décadente des derniers Valois. Margot a été accusée de s’être vautrée dans l’inceste, faisant successivement succomber ses trois frères Charles, Henri et François à ses charmes. La libido de la princesse aurait été, à grand-peine, assouvie par les plus beaux mâles de son temps et la liste des amants qu’on lui prête est infinie.


Broyée entre les deux camps et entraînée dans les conflits qui déchiraient sa fratrie, elle fut la cible d’attaques qui en fait visaient à travers elle sa mère, ses frères ou son mari. Pamphlet protestant rédigé contre Henri IV, le « Divorce satyrique » (1607), attribué à Agrippa d’Aubigné, présente Margot comme une nymphomane. C’est le trait de sa légende le plus persistant. Son séjour à Usson est souvent présenté comme une période de décadence, où la reine occupe son temps à se donner à de jeunes paysans robustes du pays.


Margot a certes enchaîné les amants, se faisant prendre de toutes les façons, n’importe quand et par n’importe qui de beau et bien bâti, contre un mur du palais ou sur le sol d’une rue pavée. Il est vrai que Margot aimait les hommes, qu’elle aimait l’amour et qu’elle était hypersexuelle. Et alors ? Personne ne stigmatise le comportement d’Henri IV, « le Vert Galant », dont il est impossible de comptabiliser le nombre de maîtresses ! Le Donjuanisme est accepté et considéré avec sympathie, une hypersexuelle comme Margot est, quant à elle, qualifiée de nymphomane, de putain, de salope. On se doit toutefois de relever la tolérance du futur Henri IV, qui certes collectionnait les maîtresses, mais qui, chose bien rare à l’époque, tolérait les frasques de son épouse et n’y faisait pas obstacle. La liberté de ce couple royal est à souligner.




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Pour ceux et celles qui voudraient aller plus loin :


• Dans son ouvrage « iconoclaste » intitulé « Les Dessous croustillants » de l’histoire de France » (Larousse, 2017), Alain Dag’Naud consacre un chapitre entier aux frasques du « Vert Galant » et de la Reine Margot.


À signaler également les biographies suivantes :


• Jean Castarède, « La Triple vie de la reine Margot. Amoureuse, comploteuse, écrivain » (Éditions France-Empire, 1992)

• Janine Garrisson, « Marguerite de Valois » (Fayard, 1994)

• Jocelyne Godard, « Les amours de la Reine Margot : les amants sacrifiés » (Le sémaphore, 2003)

• Éliane Viennot, Marguerite de Valois : « Histoire d’une femme, histoire d’un mythe », (Payot, 1993. Réédition éditions Perrin, 2005, avec un nouveau sous-titre : « Marguerite de Valois, la reine Margot »)



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À suivre (9) : « Ninon de Lenclos, une courtisane intellectuelle »