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Temps de lecture estimé : 44 mn
08/10/22
Résumé:  Copain-copain jusqu’au bout ?
Critères:  f fh ff -amouroman
Auteur : Claude Pessac            Envoi mini-message
Cœur de cible

Avertissement : il y a dans mes archives un certain nombre de textes commencés un jour, oubliés ensuite. J’ai ainsi retrouvé un début d’histoire dont je ne suis pas certain d’être l’auteur, même si certains détails… S’agirait-il d’un extrait d’un texte paru sur Revebebe ? Si c’était le cas, je présente mes excuses à l’auteur et adorerais lire le texte complet. Mais je n’ai pas résisté à l’envie de donner une suite à ce début.

L’extrait original court jusqu’à la première pause.







Une assistante nous conduit à travers les coulisses du plateau. Nous venons de perdre en demi-finale, et savoir si oui ou non nos adversaires vont emporter le cœur de cible à 32 000 euros nous titille. Nous pressons le pas vers les loges où des téléviseurs nous permettront de suivre l’épreuve. Pour l’instant, les haut-parleurs sont muets, l’enregistrement n’a pas redémarré. Aurions-nous su répondre ? Nous sommes impatients de connaître les propositions de l’animateur. Quand bien même nous serions capables de répondre correctement et dans les temps, étant désormais hors caméra, délivrés de la pression du chronomètre et du trac, nous ne saurons jamais vraiment la vérité.


Peu importe, nous avons passé un bon moment. La production, les assistantes, maquilleuses, cameramen, tout le monde s’est montré charmant. Même l’animateur, Bruno, pourtant fatigué sans doute pour ce cinquième enregistrement où nous entrons en piste.



« Applaudissements » : les panneaux lumineux clignotent et le public obéit !



Coup d’œil à Olivier et je réponds :



C’est Olivier qui prend le relais :



Gentiment indiscret, l’animateur insiste :



Un peu gêné, mon voisin confirme :



Me glissant un clin d’œil, il ajoute :



Rires dans le public.


Au centre du plateau, l’animateur nous pose encore une ou deux questions et le jeu démarre. Tout se passera sans souci, jusqu’à la chute en demi-finale, donc.


Maintenant, installés sur un immense canapé avec les candidats des tours précédents, nous suivons la finale. En fin de compte, les propositions ne sont pas très simples et Olivier et moi comprenons que nous aurions chuté, comme viennent de le faire nos adversaires. La cagnotte de l’émission va encore grossir !


Olivier relâche ma main qu’il avait prise très spontanément au début de la finale et je ressens toute l’intimité et la connivence contenues dans ce geste simple.


Olivier et moi ne nous touchons pas ! Je réalise cette évidence avec stupeur ! Bien sûr, nous nous embrassons lorsque nous nous rencontrons ou nous quittons, bisous mécaniques, rapides, sans importance, sans émotion. Simple convention culturelle et régionale qui nous amènerait à nous frotter le nez sous d’autres latitudes ! Depuis dix ans que nous nous connaissons, nous ne nous sommes que très rarement touchés.


Alors que nous quittons Marne-la-Vallée en taxi, je fouille dans ma mémoire pour retrouver quelques exemples d’attouchements précis entre nous. Une ou deux batailles de polochons qui se sont terminées au corps à corps au cours de week-ends entre amis, quelques attouchements furtifs à la piscine, une main sur l’épaule au cours de ballades, j’ai beau chercher, je ne trouve rien de très marquant. Mis à part un petit gag : il y a peu, nous étions ensemble à la librairie à fouiner dans les rayons. Nous étions dos à dos dans une allée étroite, lorsque brusquement nous nous sommes retournés l’un vers l’autre : emporté par le mouvement, Olivier m’a proprement plaqué la main sur le sein droit ! Instantanément, je l’ai vu rougir, devenir écarlate tant il était confus de sa maladresse indiscrète.


Nos relations ont toujours été effectivement limitées à une réelle et profonde amitié. Notre rencontre date du lycée où nous nous sommes retrouvés dans la même classe de seconde. Depuis, nous nous sommes toujours fréquentés, avec plus ou moins de constance. Nos aventures réciproques, nos amours plus ou moins volages ont entraîné des parenthèses variablement prolongées. Le hasard a voulu que jamais nous ne soyons libres en même temps. Jusqu’il y a un an environ. Et pour être franche, notre amitié est vraiment réelle depuis là. Le copinage s’est transformé en amitié, avec tout ce que cela sous-entend d’intimité et de franchise.


« Vous formez pourtant un couple magnifique… et vous êtes célibataires l’un et l’autre ! Entre nous, je ne vous comprends pas ! »


La phrase de Machin tourne dans ma tête. C’est vrai que nous ferions un beau couple. Olivier, grand brun ténébreux, la peau éternellement hâlée, des yeux clairs très perçants, et comme disait Sylvie Joly, beau comme corps aussi . Un corps de basketteur, musclé sans excès, bien proportionné. Un visage carré, fort, une petite fossette au menton, un mec quoi, style baroudeur casse-cou, ce qu’il n’est absolument pas. Mais le genre de mecs qui fait facilement craquer les minettes. Ou plutôt ferait, car sa timidité excessive, presque maladive, lui a fait rater pas mal d’occases. Si la fille ne lui saute pas au cou sans détour, il est incapable de faire le premier pas. Ahurissant comme ce gars, carré et indéboulonnable dans le boulot, perd tous ses moyens dès qu’un jupon intéressant croise son chemin.


De mon côté, je n’ai pas à rougir. Longtemps complexée par ma taille, 1,79 m, mon entrée dans le monde du travail m’a donné de l’assurance. Châtain, tignasse bouclée qui tombe en cascade jusqu’au milieu du dos, j’ai hérité des yeux verts de ma mère, de son nez très légèrement en trompette ; de mon père, une petite bouche aux lèvres fines, bien ourlées, et des pommettes hautes. Un visage oblong aux traits fins et une peau de pêche, délicate et lumineuse. Si vous ajoutez à cela des jambes interminables, des hanches étroites et un ventre plat, vous comprendrez que pas mal de têtes se retournent sur mon passage. Mes seins ? D’accord, léger bémol ! Un petit 90 C, rien d’extravagant certes, mais au moins ils ne tombent pas. J’ai la poitrine plutôt haute et je sais la faire pigeonner de manière convaincante quand il faut.


Dans ces conditions, comment expliquer que je me trouve seule depuis un an environ ? Je n’ai plus de régulier. Quelques aventures express, pour l’hygiène, mais sinon : calme plat. Le boulot bien sûr explique, en partie, cette situation. Tableau identique pour Olivier, depuis la même période. Tout aussi incompréhensible comme situation. À moins que le couple virtuel que nous formons n’éloigne naturellement les occasions.


Mais la mission qu’il vient d’effectuer en Pologne pendant plusieurs mois nous a tenus éloignés. Nous avons correspondu régulièrement, découvrant l’angoisse de la virtuelle page blanche, l’impatience du retour, la déconvenue de la boîte mail vide lorsque la réponse tarde. Mais nous nous sommes téléphoné bien souvent.


Olivier est définitivement rentré de l’étranger il y a dix jours environ. Son retour a été une véritable fête pour moi.




oooOOOooo




Ce matin, les petites remarques gentiment insidieuses de l’animateur télé me reviennent et je réalise certains détails. Ainsi, l’annonce du retour définitif d’Olivier en France m’avait mise en joie, mais également, j’en prends conscience aujourd’hui, extraordinairement soulagée. Soulagée de quoi ? Quel poids cette annonce m’avait-elle enlevé ? Celui de ma solitude que le retour d’un ami véritable aurait comblé ? La perspective de soirées resto joyeuses (avec Olivier, les soirées sont toujours gaies), ses talents de réparateur malin pour me dépanner lorsque je fais des bêtises dans ma cuisine ou sur mon ordi ? Ou encore, sa disponibilité constante pour me remonter le moral quand j’ai un coup de blues ou simplement lorsque je n’ai pas envie de me faire une toile en solitaire ? Toutes ces petites choses qui ont toujours fait de lui un irremplaçable ami fidèle ?


Il me revient aussi ma frustration de ne pas l’avoir serré longuement dans mes bras quand j’étais allée le cueillir au petit matin à l’aréoport, comme dit Trudie (ma collaboratrice, irlandaise, comme son prénom ne le laisse pas supposer !). Dans le hall d’arrivée, je m’étais mise à sautiller comme une puce et à agiter les bras en l’air dès que je l’avais aperçu. Une vraie gamine ! Mais quand il s’était trouvé près de moi, bisous-bisous furtifs « Bonjour, tu vas bien ? Tu as fait bon voyage ? » : toujours la même retenue entre nous, le minimum de contact. C’est clair pourtant que j’avais l’envie de l’étreindre, de lui ébouriffer la tignasse, de le bousculer gentiment. De le cajoler en fait, de lui faire comprendre combien j’étais heureuse de le revoir. Mais non, minimum syndical. Je n’avais pas osé.


Dix jours donc depuis son retour. Hier soir, Olivier est venu chez moi, nous nous sommes offert une soirée pyjama. Cela nous arrive assez régulièrement : petit dîner – soirée DVD – dodo en copains. Lui, tee-shirt, caleçon et pantalon de survêt (qu’il quitte pour dormir), moi, veste d’un infâme pyjama rayé style pensionnaire de service psy et short homme beaucoup trop grand pour moi qui tient grâce à un cordon lacé. Tenue « tue l’amour » par excellence abominablement parachevée par une paire de chaussettes orphelines et délavées !


Comme d’hab, notre choix s’était porté sur un chef-d’œuvre nanar totalement gore. J’adore ces films nullissimes où les effets spéciaux bricolés me font hurler de rire. Celui-là s’est révélé parfait dans le genre. Une longue scène toutefois m’a effrayée et j’avais attrapé la main d’Olivier avant de me jeter tout contre lui. Une fois ma frayeur passée, j’avais réalisé combien ma position était… inconvenante : j’étais à moitié couchée sur lui, mes seins pointaient sur son torse, et ma cuisse sur la sienne, accotée à son pubis où j’avais nettement senti une certaine activité en phase de développement accélérée.


J’aurais dû, bien sûr que j’aurais dû profiter de l’instant, m’appesantir, insister, chalouper du bassin contre son sexe en éveil. Bien sûr que j’aurais dû porter ma main libre sur son torse, serrer l’autre avec plus d’insistance encore. Olivier aurait simplement légèrement tourné la tête vers moi que je lui aurais plaqué mes lèvres sur sa bouche. Mais non, Super Coincé était resté stoïque, regard vissé à l’écran. Alors, je m’étais détachée de lui, brusquement, en marmonnant un borborygme incompréhensible en guise d’excuse. Damned !




…/…




Ce matin donc, je me réveille, seule dans le lit. L’appart est silencieux : serait-il déjà parti ? Alors que je vais pour ouvrir la porte de la salle de bains, j’entends la cataracte de la douche se déclencher, suivie une seconde plus tard par l’allumage du chauffe-eau à gaz. La main sur la poignée, j’hésite, prête à faire demi-tour, à patienter cinq minutes, mais le gargouillis des chutes du Niagara n’aide pas ! Ça presse ! J’entre !



Les w.c. sont pile en face de l’entrée de la douche à l’italienne. Olivier me tourne le dos. Le bruit de la douche doit couvrir le gazouillis de ma miction : ouf, j’ai des pudeurs de princesse ! Pas assez toutefois pour ne pas reluquer en lousdé les adorables petites fesses du douché.


C’est beau des fesses d’homme ! Des demi-lunes bien pommées, serrées, ramassées, hautes et fermes. Il n’y a pas à dire, d’une manière générale, les fesses masculines sont singulièrement plus jolies que les chutes de reins féminines. Chutes de reins, l’expression est juste, car précisément nos fesses chutent généralement dans nos cuisses, sans démarcation visible. Bon, moi, je n’ai pas à me plaindre, pas de cellulite (pour l’instant…) et mon petit cul est plutôt bien ferme.


Je termine mon pipi, m’essuie l’abricot consciencieusement histoire de gagner du temps de réflexion : qu’est-ce que je fais ? Je vire mon pyjama et mon short et j’entre dans la douche ? (en chaussettes – pas le temps de les enlever.)


Mais non ! Comme d’hab : courage-fuyons ! Je me rhabille, tire la chasse d’eau et m’éclipse en renouvelant mes excuses !


La conne que je suis ! Appuyée contre la cloison, j’enrage, je me foutrais bien des claques, mais ma main droite a pris une tout autre destination que mes joues. La garce s’est glissée dans mon short : ah ! c’était bien la peine de m’essuyer aussi soigneusement il y a trente secondes, je suis complètement trempée !


Lucifer me souffle qu’il n’est pas trop tard : « Vas-y, fonce, rejoins-le sous la douche et astique-lui le kiki ! » . Mon ange gardien me morigène : « Tempère tes ardeurs, ma fille, et file dans la cuisine préparer les cafés ! » . Comme de bien entendu, c’est elle qui gagne. Pas fun, la Sancte Carola !


Rasé, pomponné, habillé, Olivier fait un passage express dans la cuisine, avale son café en trois lampées, refuse les toasts que j’ai préparés.



Excuse à deux balles, je le sais : son bureau est tout près de chez moi et il est à peine huit heures moins vingt.


Ô, Lucifer, fait-lui faire demi-tour avant de refermer la porte : s’il revenait vers moi maintenant, il me trouverait debout, appuyée sur le mur, mi-nue, caleçon effondré sur les chevilles et un majeur dans la minouche.


… Mais le diable doit être en RTT et la porte claque…


Je n’en peux plus ! Je ne peux pas oublier ton cul Olivier, son image m’embrase, m’incendie, j’ai la boutique en faillite crapuleuse. Il faut que j’agisse : je file dans la chambre, me jette à plat ventre sur son côté du lit où je me saoule du parfum qu’il a laissé sur les draps. Ma main droite glissée sous le ventre, mes doigts caracolent sous mon buisson ardent et mes replis frisottés à moins que ce ne soit l’inverse, buisson frisotté, replis ardents ! Quelle importance ? C’est sûr, j’ai pété un boulon, mais je trouve mon bouton, douloureux éperon exacerbé, douloureux de frustration, de désir, d’envies. Mes chairs sont aussi brûlantes qu’inondées. Courageux sapeurs, mes doigts s’emploient à miner mes dernières pudeurs, fourragent dans l’atelier de Vénus, s’affolent dans mes tissus trempés. Ils s’affolent, mais force est de reconnaître qu’ils ne m’affolent pas : ni les odeurs de l’oreiller, ni l’image des petites fesses musclées, ni même le souvenir de mes tétons durcis pointant sur son torse ou celui de ma cuisse pressée contre son pieu hier soir ne parviennent à embrayer le mouvement. J’enrage de stagner ainsi au pied du mont Olympe, il faut pourtant que je grimpe – mon corps le réclame –, que je calme mes sens.


Je capitule : j’ouvre le tiroir à malice de mon chevet, en extirpe le fabuleux godemichet turbo à tête chercheuse déportée : c’est un terrible, Vibro Lapin T-Rex, 4 modes – 3 vitesses ! Peu m’importe d’être misérable, lamentable et obscène, je roule sur le dos et entre mes cuisses écartées je promène la pine électrique. Mais les vibrations m’horripilent juste, m’exaspèrent en fait : si Olivier était là, près de moi à me reluquer, pour lui je tanguerais, chalouperais, heureuse de me donner en spectacle, de m’avilir pour lui, putain obscène sans retenue aucune, juste impatiente que sa queue ne vienne remplacer finalement le jouet ridicule et nous emporte vers les cimes. Mais il n’est pas là, Olivier et je réalise que T-Rex ne me procurera au mieux qu’un plaisir coupable et honteux, un orgasme plat et froid. Froid comme ma chaufferie en panne de fioul, froid comme mon cœur désespéré. Je balance l’inefficient gadget.


Il ne me reste plus qu’à pleurer. De rage, bien plus que de dépit. De colère contre moi !


Dans la matinée, au studio, Trudie a bien remarqué mon humeur massacrante, mais n’a pas osé moufter. Nous travaillons en silence, ce qui est loin d’être notre habitude et la pauvrette n’ose émettre la moindre remarque ou suggestion qu’après moult précautions oratoires. L’ambiance est tendue comme un… ressort de pendule !


Un appel va tout changer. En acceptant la communication, je me lève et m’éloigne, le cœur battant.



Libre ? Mais plutôt deux fois qu’une ! Est-ce que par hasard mon timide nourrirait quelques regrets sur nos impasses ?



Rendez-vous pris ! Mon petit cœur bat la chamade : le bonheur, c’est simple comme un coup de fil !


Autant dire que c’est une autre Carole qui revient au banc de montage. La rousse irlandaise perçoit immédiatement mon changement d’humeur.



Je lui fais les gros yeux pour couper court à tout interrogatoire, mais mon sourire ne la leurre pas.



Sacrée Trudie ! J’imagine le petit lot en question : grande blonde à forte poitrine, sûrement. Si ça peut la calmer et lui éviter de me poser la main sur la cuisse à tout bout de champ…


Cela dit, elle ne s’est pas trompée : à six heures moins juste, j’ai rangé mes crayons (façon de parler) et filé chez moi. Je sais déjà comment je vais m’habiller !


Ou plus exactement, me couvrir en fait, très partiellement, car ma longue robe noire ne cache que le strict minimum syndicalement admissible. Une longue robe toute simple, très près du corps. Le nœud à l’arrière du cou assemble les deux pans du bustier qui moule très précisément mes seins. Le décolleté, vertigineux, rase les aréoles pour que l’on aperçoive bien les traces de mon bronzage sélectif et plonge en une fente se resserrant jusque sous le nombril. La robe est longue, jusqu’aux chevilles, ou plutôt jusqu’à la cheville droite. Car elle est en effet coupée de biais, depuis l’aine gauche jusqu’à ma cheville droite où les pans sont retenus par une chaînette en or : la cuisse gauche était donc totalement découverte, le fendu remontant quasiment à la ceinture ! Dans le dos, le décolleté plonge jusqu’au creux des reins. Évidemment, aucun sous-vêtement possible sous une robe aussi vertigineusement échancrée ! Cette tenue, je le sais, est époustouflante de classe et de simplicité. Mais également furieusement osée ! Si sensuelle que je ne suis pas encore tout à fait certaine d’oser la porter à Monte-Carlo le mois prochain. Mais bon, ce soir, lorsque j’enlèverai la grande cape rouge sous laquelle je vais me dissimuler pudiquement pour traverser la ville, je gage qu’Olivier sera aussi cramoisi que ma pèlerine et qu’il explosera en vol ! Yahoo ! J’ai trop trop hâte !




oooOOOooo




Lorsqu’il m’ouvre, je manque de faire un bond en arrière. Olivier n’est pas seul : une splendide blonde se tient à son côté. Pour un peu, je prendrais mes jambes à mon cou et détalerais aussi sec. Je déglutis avec peine, m’accroche un sourire hypocrite avant de faire un pas en avant.



J’avais prévu une explosion en vol dès mon entrée chez lui, je n’avais pas imaginé que ce serait moi qui m’atomiserais.



Merveilleux ! Absolument ver-mei-lleux !


Non, mais attendez, c’est une blague : surprise-surprise ? Elle est où la caméra ? Et puis, comment je m’appelle déjà ? Et je vais me retrouver dans quel état quand l’ascenseur va s’écraser au trente-sixième dessous ? Help, parachute please !


Ça carbure à donf dans mon petit cerveau :

Non mais quoi-caisse ? Elina ? Riga ? Non ! Non, t’inquiète, c’est juste une pétasse qui a voulu s’extirper du bourbier dans lequel elle croupissait et se faire payer son vol pour Paris-Tour Eiffel – bateaux-mouches – rue Saint-Denis. Elle va te le ratisser en cinq sec le candide pour le plaquer dans huit jours. Elle l’a violé, forcément : mon Olivier n’aime pas les blondes ! Alors, esthéticienne-toiletteuse, chauffeuse de trolley hippomobile, repiqueuse de bulbes ou entraîneuse de bar inter(sa)lope, elle va pas faire long feu la Lettonne ! Et alors, moi, je serai là pour ramasser les morceaux de l’Olivier fendu en deux par la foudre quand elle l’aura plaqué plumé lessivé ! Allez, tu te calmes, Carole, c’est juste un mauvais moment à passer ! Courage !



Ah oui, quand même ! Rien que ça ! Il y a… y a autre chose, tant qu’on y est ?



Oh, mais oui ! Mais bien sûr ! Ah ah ! Euh… dites… elle est… elle est où ma cuisine ?




oooOOOooo




La pire soirée de ma vie !


Imaginez le topo : l’annonce du mariage m’a rétamée, je suis dans les limbes et il faut que je fasse bonne figure, que je félicite les fiancés alors que je voudrais juste un peu étrangler la Lettonne ! Un tout petit peu beaucoup… Longtemps surtout !


Et pour parfaire la situation, cerise sur le gâteau, il y a ma putain de robe ! Absolument idéale pour me mettre en situation de stress ! Parce qu’il a bien fallu que j’enlève ma cape !


Oh le regard kalachnikov de la Slave ! Pas besoin de lui faire un dessin, elle a compris illico que la visiteuse du soir a bel et bien débarqué avec certaines intentions très précises au sujet de son fiancé. Lequel d’ailleurs a paru encore plus estomaqué qu’elle par ma tenue. Autant dire que je me suis dépêchée de m’asseoir directement à table sans passer par la case salon-apéro-canapé bas. Au moins la nappe couvrait-elle la moitié inférieure de mon corps.



Heureusement, Olivier a insisté pour servir tout de même un apéritif. J’optai illico pour le spécial Ehpad, puisqu’il paraît que le porto est l’apéro le plus appétant qui existe.




… /…





Elle m’énerve Miss Poitrine Farcie ! Non, mais tes compliments, tu peux te les garder ! « Pas si mal » qu’elle a dit la bouffie des tétines !



Waouh, je monte dans les tours : deux banderilles dans l’échine coup sur coup ! Ne me pousse pas trop la grognasse ou tu vas te prendre un méchant coup de cornes !



Et alors ? Non, mais c’est qu’elle voudrait m’apprendre mon job, la neurochienne ?



,Mais retenez-moi ou je ne réponds plus de rien !



Merde, en plus, elle n’a pas tout à fait tort la Far Eastern Girl ! Évidemment que je préférerais écrire pour Cameron ou Almodovar, mais il se trouve justement qu’ils n’ont besoin de personne pour rédiger leurs scénars. Qu’elle rajoute un mot de plus et je la claque, la babouchka !


Olivier a bien senti qu’on entrait en zone rouge.



Je me lève illico. Si dix minutes plus tôt je tentais par tous les moyens de planquer ma quasi-nudité, plus rien à fiche désormais, je ne vais plus me cacher ! Au lieu de louvoyer discrètement par la gauche, je frôle Barbie par la droite pour qu’elle profite bien de ma hanche nue, des fois qu’elle ne l’aurait pas bien remarquée plus tôt.


En revenant quelques instants plus tard, très serviable, je pousse l’amabilité à servir ma copine, me penchant juste assez pour faire bâiller les pans de ma robe et lui exhiber mes poupées gigognes. Ridicules sans doute à côté de ses pomelos, mais indemnes de silicone, elles ! Et surtout, tétons érigés : ils ne l’étaient pas jusque-là (bien au contraire !), mais deux petites minutes en cuisine avec son cher fiancé et voilà qu’ils pointent insolemment sous la mousseline. Tiens tiens ! Félicitations, les petits, ça tombe à point nommé et je suis certaine que la garce remarquera cette transmutation an…atomique.



En lui servant surtout un sourire suffisant, ouvertement moqueur. Et hop, une pique dans le lard. Ce n’est pas que sa robe soit moche, mais elle serait d’une banalité affligeante si elle ne faisait exagérément pigeonner son arrogante poitrine. Décolleté bimbo USSR ! Mon compliment, aussi fallacieux qu’hypocrite, est juste destiné à l’obliger à me retourner la politesse.



J’enfonce le clou :



Je la laisse patauger un peu dans sa mouise avant de reprendre :



Hey, c’est qu’elle rebondit vite fait, la salope !



Poum, prends ça dans les dents. Là, j’ai touché le cœur de la cible. Elle encaisse difficilement le coup, la madone de Riga, et lisse nerveusement sa robe sur ses cuisses. Et puis d’abord, non, rien ne m’oblige à lui dire que Maria Grazia me prête cette sublime toilette.





… /…




La suite du repas s’est déroulée dans une ambiance style début de fin de Guerre Froide. J’ai rangé mes Pershing II, elle, ses SS20 et Olivier a joué la Glasnost. Sans grand succès. Quelques piques sournoises ont encore fusé de part et d’autre, mais personne n’a tenté la mise à mort. Je me suis éclipsée au dessert, refusant le café. J’étais bien assez énervée comme ça !


Putain de sale journée : colère du matin, chagrin, colère du soir, désespoir !


Tout m’agace : ma carte du parking souterrain qui m’échappe des mains et tombe dans la rigole où je me coince un talon dans une grille, l’ascenseur qui met trois plombes à arriver, un soûlographe qui entre dans la cabine au premier, ressort au troisième en appuyant par mégarde sur le bouton « Parking » ! Et comme ce couillon de lift est visiblement Alzheimer, j’ai droit à une redescente aux catacombes avant de remonter.


Enfin arrivée à bon port, je découvre Trudie, assise par terre, affalée contre ma porte, jambes écartées tendues devant elle, jupe troussée au raz de la cigale. Elle dort.


Mais qu’est-ce qu’elle fiche ici ?


Léger coup de pied sur sa jambe, elle se réveille et relève la tête. Cata : son rimmel a coulé, ses yeux sont si noirs qu’on a presque l’impression qu’ils sont clos, des traces noirâtres marbrent ses joues où se mêle une coulure de sang aussi, me semble-t-il. De toute évidence, pour elle non plus, ça n’a pas été le grand soir !


Je l’aide à se relever, l’invite d’un geste à entrer.



Elle a vraiment une sale tronche la Vénus yeux mi-clos, les bras m’en tombent. Oui, je sais, elle est facile celle-là, mais ça me fait rigoler, moi, les jeux de mots ringards. Je n’ai pourtant pas le cœur à rire, mais du coup, j’ai l’impression d’avoir touché le fond, un coup de patte, et là, je remonte un peu vers la surface. Bon, bref, j’assieds Trudie dans le canapé.



Comme j’enlève ma cape, Trudie découvre ma robe.



Dans la salle d’eau, je me déshabille. Vu ma robe, c’est vite fait, deux secondes trois dixièmes, une toilette de chat et en passant dans mon dressing, j’attrape un slip et un t-shirt blanc au hasard avant de repasser dans ma chambre. Bon, le slip satin écarlate est mini-mini et… merde, c’est pas un t-shirt, c’est un crop top rikiki ! Bon, tant pis, pas grave !


Lorsque je reviens dans le salon, Trudie ouvre de grands yeux, j’y vois comme une lueur maligne. Allez savoir pourquoi, je n’ai pas osé revêtir ma tenue « tue-l’amour ». Peur de passer pour une ringarde sans doute. Ma tenue visiblement la surprend, mais elle ne dit rien et je lui ouvre le chemin vers la douche.



Pelotonnée sous les draps, je déprime un chouïa : il faut croire que nous formons un duo d’enfer Trudie et moi. Les reines du flop ! J’ai hâte d’en savoir plus sur sa mésaventure, tout en sachant que cela ne risque guère de me consoler…


Lorsque sa silhouette apparaît dans l’encadrement de la porte, Trudie est en train de se frotter vigoureusement la tignasse avec une serviette qu’elle noue ensuite en turban. Mis à part ce bout de tissu, elle ne porte, en guise de cache-sexe, que son triangle pubien, dru, bouclé et auburn. Dire que je suis étonnée par son impudeur serait exagéré : je connais trop bien cette aguicheuse pour être surprise. Mais, surprise, je le suis néanmoins, et pas qu’un peu : je me doutais bien que côté poitrine, elle faisait dans le menu menu et je me suis souvent demandé pourquoi elle s’embêtait à porter toujours des soutiens-gorge que je devinais sévèrement armaturés et largement ouatinés. Mais là, je percute : ces harnachements encombrants ne sont pas destinés à soutenir ces seins – Trudie est plate comme une limande –, mais servent juste à masquer quelque érection intempestive de ses mamelons rouge-brun foncé.


Ahurissant ! Ces guignolots sont plus gros que mes pouces et presque aussi longs. Alors qu’elle s’allonge sur le lit, je ne peux détacher mon regard de ses phénoménales proéminences. Il me vient immédiatement une image totalement saugrenue, celle des sentinelles du Kalahari ! Je pouffe intérieurement : et si jamais j’approche mes mains, est-ce qu’ils s’évanouiront instantanément comme les suricates en cas de danger ? J’imagine bien que non ! Au contraire, quoi qu’il me paraisse impossible qu’ils puissent s’ériger davantage !


Je suis fascinée, hypnotisée par ces petits malins chocolat. Il me vient l’irrésistible envie de les toucher, de les mâchouiller, d’en tester la fermeté élastique. Oh oui, oui, j’aimerais les lécher, les goûter, les sucer. Oh, Carole, tu vires ta cuti ? Il faut croire, si j’en juge par la décharge que je viens de ressentir entre mes cuisses ! Je viens de péter le joint de culasse, il y a comme une fuite ! Allez allez, on se calme !



Je me lance, histoire de me débarrasser au plus vite de mon étincelant ratage et de passer à autre chose. Trudie compatit, elle a la décence de ne pas se moquer de moi, mais me rejette gentiment les torts :



Gros soupir de la donzelle :



Aïe, sud-américaine ? Je crois bien que j’entrevois la chute !



Cuisses serrées ? Aïe-aïe-aïe !



Je l’interromps :



Trudie a complètement repoussé mes draps et vient se pelotonner contre moi. Les yeux embués, elle reprend :



Effondrée, la gamine ! Attendrissante ! Elle est craquante la rousse éplorée !



Trudie se redresse sur un coude et me surplombe.



Ah mais c’est qu’elle se requinque vite fait, la garcette ! Et elle me fout le frisson à promener comme ses doigts sur mes seins.



Mais c’est évident que j’aime ! J’adore même !


En guise de réponse, je la saisis aux épaules, épaulé-jeté, je la retourne comme une crêpe, je la plaque sur le dos et ma bouche fond sur un de ses tétons alors que mes doigts s’emparent de l’autre.



Je savoure, je me délecte, je m’amuse avec son téton caoutchouc, si dur et si tendre, magnifique et surprenant. C’est ââchement bon en fait ce truc ! J’en arrive à comprendre la fixette des mecs sur nos nichons : ça n’a pas de goût, mais c’est quand même totalement addictif !


Je suis totalement chamboulée, mon corps est en transe continue, chaque mouvement des doigts de la roussette provoque d’irrésistibles radiations. J’ai craint un instant, connaissant l’impatiente gourmande, qu’elle ne me ravage l’entrejambe, qu’elle ne m’en fourre ses doigts sans ménagement. Mais pas du tout : des phalanges légères rampent sous l’élastique fragile de mon slip, farfouillent délicatement dans mon buisson, coulent doucement dans la nef, contournent l’alliciant sacristain avant de glisser dans le chœur encensé où le nectar de myrte amoureux submerge déjà mon sacré tabernacle.


Je flotte dans la voluptueuse ivresse d’un fantasme qui se réalise avant même que je ne l’aie jamais formulé. Pas même imaginé, encore moins désiré, mais qui me transporte résolument vers un paroxysme que je devine inédit.


Et c’est moi, l’impatiente gourmande, moi qui me défais rageusement de mon encombrant cache-sexe en satin, moi qui m’ouvre pleinement à sa fouille légère, moi qui presse mon sexe sur sa paume, moi qui provoque l’intrusion de ses doigts en moi.


Un mini séisme me chahute à cet instant, me faisant lâchement abandonner les joyeux gaillards de sa poitrine. Attentionnée, Trudie garde ses doigts immobiles en moi, le temps que je m’habitue à leur présence et reprenne mon souffle. Je suis attendrie par cette tempérance inhabituelle qui me change tellement des manœuvres précipitées de bon nombre de partenaires trop pressés. Aucune urgence, aucune précipitation, aucune impatience dans ses gestes, mais la volonté lumineuse de savourer, faire apprécier et partager l’instant, chaque instant, chaque tressaillement de mon corps, chacune des transes qui me chavirent.


Je voudrais, ô je voudrais tant lui donner même rien qu’une infime partie des bonheurs qu’elle m’offre, mais j’en suis incapable à cet instant. Je ne suis qu’une marionnette pantelante et librement asservie, téléguidée par ses phalanges espiègles qui ballottent mon corps de droite à gauche. Heureuse victime éblouie qui gravit résolument les pentes radieuses et aperçoit déjà le soleil vainqueur de l’orgasme.


Le plaisir m’engloutit brutalement quand un pouce s’en vient frôler mon petit bouton roide. Asphyxiée, je crie, je ris, je pleure, je chavire sous les soubresauts convulsifs qui bouleversent mes sens. Que pourrais-je bien dire de ce bonheur qui dénoue mes tensions, évanouit mes chagrins : aucun mot, aucune expression ne serait assez puissante et étincelante pour traduire ma béatitude.


Quand, que de nymphette angélique je redeviens femme de ce bas monde, quand, effondrée sur le lit, je reprends doucement mon souffle, le visage de Trudie me surplombe. Son sourire attendri et gentiment moqueur me fait fondre. Me fait fondre et m’aiguillonne :





oooOOOooo




La journée du lendemain a été particulièrement pénible. Problèmes techniques en cascades, mises à jour interminables des ordinateurs, Trudie que je dois rembarrer sèchement, car elle paraît vouloir prolonger nos débordements de la nuit, et coup de fil d’Olivier qui me demande de m’expliquer sur ma tenue provoc de la veille. Finalement, je me dépatouille avec lui, on fait la paix et pour fêter cette réconciliation, je me rabiboche avec Trudie qui en profite lâchement pour venir fouiner dans mon entrejambe… Je suis bonne fille, je la laisse faire, ça me déstresse ein bißchen. À peine…


Aucune envie de rentrer chez moi : je zone au studio jusqu’à vingt et une heures trente, je vague et erre dans les rues, je m’offre une pizza dont je jette les trois quarts dans une poubelle. Même pas faim ! Chez moi, moral en berne, un quart de Lexo et aux plumes. Je plombe comme un sonneur jusqu’à deux heures du mat… Hou ! Seulement deux heures ? La nuit va être longue !




…/…





,Mais trois nuits par semaine

C’est sa peau contre ma peau

Et je suis avec elle





oooOOOooo





Poufff ! Je ne suis pas fière ! Pelotonnée dans mon peignoir, je me fais toute petite au fond du canapé. Je bois une gorgée de café, je fais la grimace.



Elle est vénère, Trudie ! Ça peut se comprendre…



J’en reste comme deux ronds de flan. Et la suite va finir de m’assommer… Et de m’exciter !



Grand sourire satisfait de l’Irlandaise.





oooOOOooo





Je ne suis pas très à l’aise ce matin. L’impression d’être Dalila juste avant qu’elle ne coupe les cheveux à Samson. Sauf que là, c’est plutôt les couilles qui vont lui être coupées !



Olivier sourit.



Maligne, la matriochka ! J’imagine une nuisette diaphane : tu regardes, mais tu ne touches pas, garçon. Excellent teaser, il n’y a pas mieux pour faire grimper les androgènes sans divulgâcher l’essentiel !



Super timide, regarde le bout de ses mocassins :



Il n’a pas le temps de finir sa phrase, la porte de ma chambre s’ouvre. Olivier fait un bond sur le canapé et pousse un cri de surprise : un trio gabardine débarque dans le salon.


Le plus petit des trois hommes exhibe une carte tricolore et se présente :





…/…




Oh, ça, il a parlé le barbouze, il lui a tout expliqué, comme il me l’avait fait la veille. Au début, Olivier m’a jeté des coups d’œil assassins. Petit à petit, il s’est effondré, ses œillades vers moi se sont adoucies. Puis, un pauvre sourire, avant de me prendre la main qu’il n’a plus lâchée ensuite.



Triple bip-bip de son téléphone, l’officier consulte ses SMS. Grand sourire.



Anéanti, Olivier demande d’une voix plaintive :



Back in USSR, fredonne-t-il en guise de conclusion.




…/…




Après le départ des trois sympathiques, Olivier reste prostré, serrant toujours ma main dans la sienne. Je n’ose pas bouger, pas parler. Longtemps. Tout à coup, Olivier réagit, se lève brusquement. Je l’imite.



Moue dubitative d’Olivier. Il me toise, fronce les sourcils :



Oups ! Là, je suis dans mes petits souliers bien que je sois pieds nus. Mais bon, je lui explique, Trudie d’abord, sa copine hackeuse, l’enquête officielle transmise à la DGSE.



Vague sourire. Haussement d’épaules.



Nous sommes debout, face à face, je n’attends qu’une chose : qu’il m’embrasse !

J’en tremble, je m’affole ! Si là il ne m’embrasse pas, je fais pipi dans ma culotte. Bon… s’il m’embrasse… itou ! Sûrement !


Il se recule, doucement, affiche un petit sourire navré.



J’acquiesce : bien sûr que je comprends. Je comprends, mais je me dis aussi qu’il ne faudrait pas qu’il attende dix ans « avant de… »



Pas l’heure ? Oh ! Tu plaisantes ? Il est déjà… huit heures quarante-sept quand même !



Je lui sers son whisky (mais je range la bouteille – des fois que…). Je lui prépare volontiers un double expresso d’enfer (ça masquera le goût de l’alcool si… enfin quand…), expresso que je dépose sur la table du salon avant de passer dans la salle d’eau (j’ai réussi à me retenir jusque-là, mais il y a des limites à la continence !). Je l’entends passer un coup de fil, son job sûrement : « … pas bien… fiévreux… mal foutu… Demain, oui… »


« Top ! Je l’ai pour moi toute la journée ! Yahoo ! »


Du coup, je me regarde dans la glace : jean-polo, pas super top comme tenue. Je fouille dans mon dressing : une petite jupe plissée, raisonnablement courte, un chemisier deux boutons (à ouverture facile donc !), diaphane, ample et dont le tissu gaufré masque plus ou moins mes tétons. Slip ou pas slip ? Slip ! Après tout, je suis une « hétéro coincée » ! Enfin…


J’ai droit à un petit sourire appréciateur lorsque je reviens au salon. Je constate, surprise, qu’il n’a pas touché au pur malt.



Retour à la cuisine ? J’en profite et tournicote vivement trois fois sur moi-même, histoire de faire voleter ma jupe au plus haut.


Olivier a un regard étrange en finissant son second expresso. Il se lève, contourne la table de salon, s’approche de moi en me détaillant ostensiblement de la tête au pied et… lycée de Versailles. Il fronce les sourcils, plisse ses yeux, hoche la tête. Il pose sa main sur ma joue. Je frissonne, ferme les yeux une seconde.



Il sourit !



Comme je ne réponds pas, il enchaîne :



Hey ! Cette aventure aurait-elle fait grandir le bonhomme ? L’aurait-elle déniaisé, affranchi, libéré, la tsarine ? Olivier, capable de parler sans détour, crûment, sans circonvolutionner à l’infini ! Unbelievable !


Et là, sans crier gare, sans tambour ni trompette, il m’embrasse ! Bingo ! Il s’empare du frémissant coquelicot rouge de ma bouche : un petit bisou, du bout des lèvres. D’abord. Un deuxième, plus appuyé. Un énorme baiser ensuite, une galoche de compète aussi. Étourdissant, asphyxiant.


Gentil pelotage des agrumes :



J’ai les genoux castagnettes, je tremble de tout mon corps. Je vais m’effondrer ! Heureusement, il me passe un bras sous les fesses, me soulève. Je m’accroche à son cou comme à une bouée du Titanic.


Olivier me dépose doucement sur le lit, je comate à moitié. Lui se déshabille vitesse grand V. Il est nu, s’allonge à mon côté. Il m’effeuille savamment, mon chemisier baille, ma jupe vole dans les airs, mon slip suit la même asymptote gracieuse.


Docteur Olive, il y a urgence, je tachycarde, je défibrille ! Respiration artificielle, please, massage cardiaque !


Il doit lire dans mes pensées le bougre : son souffle m’oxygène, ses mains massent mes seins. Oh ce n’est pas un massage vigoureux ! Des caresses, des effleurements et le résultat est là : des flots d’adrénaline se déversent dans mes veines, tonifient mon corps, calcinent mes synapses. Comme un flambeau enduit de poix, je brûle, brûle d’une impatience douloureusement contenue, je brûle de désir, brûle et me consume sous ses caresses, horripilantes papouilles qui tendent mes seins, exaspèrent mes tétons dressés. D’Invincibles Armadas déferlent en houles ravageuses vers ma combe ravinée submergée de miel incandescent. Princesse dévoyée, je m’impatiente déjà, je n’attends, je n’espère qu’une chose : que le sabre orgueilleux qui barre ma cuisse glisse enfin, déjà, maintenant, tout de suite dans mon fourreau ardent, plonge jusqu’à la garde et porte l’estocade. Qu’il soit sur moi, qu’il soit en moi, qu’il parachève et atteste ma victoire.


Je pourrais le bousculer, le plaquer sur le dos, grimper sur lui et m’enfiler le cimeterre. Mais je connais les bonshommes, ce n’est pas à moi de le prendre, ce n’est pas à moi de mener la danse. Pas cette fois. Pas cette première fois ! Je dois m’ouvrir, m’offrir. Me soumettre librement à son joug. Il doit vaincre, chevaucher, dominer, m’assujettir ! En me prenant, il me sera redevable : qu’il me prenne donc, et c’est moi qui, en fait, l’attraperai, l’entortillerai dans mes nasses dont il ne pourra plus se défaire. Jamais !


Alors, je l’attire sur moi, lui ouvre mes cuisses, offre le passage. J’adorerais qu’il fasse glisser son instrument dans mon ravin inondé, qu’il déniche et fasse iodler mon petit chantre décapuchonné, vibrer toute la manécanterie. J’adorerais. Une autre fois. Plus tard ! Tout à l’heure ! Nul besoin en effet du vibrato staccato du soliste rosé, je le sais, pour faire résonner les Grandes Orgues de madame. Un petit coup de piston dans le soufflet et l’harmonium céleste trompettera les accords puissants du chœur des esclaves affranchis. L’emballement au sérail !


Le sentir en moi, enfin, palpitant, fougueux, si délicieusement envahissant est la consécration, l’aboutissement de ce rêve que j’ai cru voir échapper. Nous vibrons à l’unisson, savourons ensemble mes spasmes renversants, ses convulsions irrésistibles. L’imminence du séisme nous réjouit, nos frénésies nous portent. Ma chambre, tout l’étage, l’immeuble tout entier sont soudain satellisés, fondus, amalgamés à nous, dans l’unicité de nos corps réunis. Un et un font un : un sexcenti de cellules atomisées refusionné dans une tête d’épingle satellisée dans les éthers. Le vide intersidéral nous avale, le trou noir nous recrache dans la folle lumière de la voûte céleste.


Waouh ! L’univers est trop trop beau !




…/…




Plus tard, après d’autres excès délicieux qui nous ont comblés sans pour autant nous rassasier, Olivier m’annonce qu’il sort un petit moment : « Mais je reviens, ne t’inquiète pas. Et au fait, qu’est-ce que je rapporte pour midi ? Sushis ? »


J’appelle Trudie. Il faut bien que je lui livre les dernières nouvelles. Je lui dois bien ça. Mais je n’ai pas l’occasion d’en placer une :



Trop tard, elle a déjà raccroché !


Vingt minutes plus tard, elle débarque. Avec une blonde. Forte poitrine, bien sûr ! Michelle ? Et une grande boîte de sushis ! Les grands esprits…



J’ai à peine le temps d’informer mes deux curieuses des derniers rebondissements (Ah, génial, ils l’ont coincée la salope, elle va morfler !) qu’Olivier revient, son carton de sushis dans une main, un énorme bouquet de roses dans l’autre. Il commence par faire une drôle de tête quand je lui ouvre. Tu m’étonnes ! Face à lui, dans mon profond divan, deux poulettes chamarrées qui, il s’en aperçoit au premier coup d’œil, ne s’encombrent de rien sous leurs jupettes minimalistes. À la moue étonnée succède un large sourire, vaguement carnassier ! Petite panique pour moi !


Non non non ! Rêve pas mon loulou ! Tu te calmes tout-suite !


En définitive, notre dînette nipponne s’est fort bien passée. Les deux fofolles nous ont bien amusés avec le récit de leurs (més)aventures saphiques débridées. Un peu moins, en ce qui me concerne, quand elles ont un peu trop insisté à mon goût sur leur bisexualité occasionnelle (non, mais, elles préparent le terrain ou quoi ?). Heureusement, Trudie a eu le tact de ne pas évoquer nos petites folies récentes. J’avais craint aussi que la présence de la bimbo blonde ne rappelle quelques mauvais (ou trop bons) souvenirs à mon chéri, mais visiblement ses grosses Navel, non siliconés m’a-t-il semblé, n’ont guère capté son attention.


Michelle et Trudie ont tenu parole : sitôt les cafés avalés, elles ont levé le camp, non sans une petite provocation :



Les deux filles se sont alors embrassées à bouche que veux-tu tout avant de se frotter si fort l’une contre l’autre qu’elles se sont quasiment retroussé leurs jupes jusqu’à la ceinture.



Je suis sciée ! Non, mais lui, alors ! Nous nous étions levés pour saluer les filles et mon chéri ne trouve rien de mieux à faire que de les imiter : il vient se frotter le kiki résolument contre ma fauvette avant de me rouler une pelle monstrueuse !


Les filles applaudissent et éclatent de rire en sortant !



Je pense alors que les choses vont réembrayer, mais mon bonhomme recule.


Ah non, mec, tu ne vas pas me faire lanterner ?



Euh… sympa, mais tu crois que c’est le moment ? Tu n’as rien de plus urgent ? D’abord… on sort juste de table ! Alors bon, si par hasard, on faisait assez d’exercice d’ici ce soir, je ne dis pas, mais…



Je fais semblant de réfléchir, d’hésiter avant de répondre :



Un ange passe. Petite voix implorante du vrai-faux timide :



Merde ! C’est bien les mecs ça ! Il vient à peine de découvrir mes petits trésors, il est loin d’en avoir fait le tour, mais il lui faut déjà un emballage cadeau pour réactiver ses hormones ?


Tous les mêmes !