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n° 21304Fiche technique18394 caractères18394
Temps de lecture estimé : 13 mn
21/11/22
Présentation:  Le temps qui passe passe, le temps qui reste passe, le reste passe aussi...
Résumé:  Un scénario des plus insipides afin d’écarter les lecteurs fâcheux. Une histoire très banale : celle d’un homme mûr qui rencontre une femme mûre qu’il a croisée et peut-être désirée dans sa jeunesse, quand il n’avait pas encore appris à vivre...
Critères:  fh hagé fagée grosseins caférestau voir pénétratio -rencontre
Auteur : GillesP      Envoi mini-message
Perce-Neige de Prônant

Perce-Neige est un prénom rare, même pas répertorié dans la base des prénoms maintenue par le gouvernement français. On se demande à quoi pensent nos énarques. J’ai connu une Perce-Neige dans mes années de fac, une fille qui me plaisait et qui étudiait la biologie alors que j’étais en section mathématique, rare matière où au Lycée, j’arrivais à obtenir de bonnes notes sans même avoir besoin de travailler, me contentant d’écouter les cours pour en comprendre les mécanismes. Perce-Neige était une fille solaire, elle était châtain et portait des cheveux longs relevés et souvent maintenus par une barrette en cuir comme c’était la mode dans les années quatre-vingt. Ses camarades l’appelaient Perce-Neige ce qui m’avait marqué et si je connaissais ainsi son prénom mais je ne lui ai jamais parlé. J’étais timide avec les filles et je me contentais donc de la regarder discrètement quand je la croisais, toujours très entourée.


Au moment des examens de fin d’année, nous nous sommes retrouvés côte à côte dans l’amphithéâtre, moi pour mon épreuve d’analyse, elle pour son épreuve de mathématiques générales. Cette année-là, j’étais un excellent élève ce qui ne dura malheureusement pas, car si je réussissais l’année suivante à passer en licence, je ne parvins jamais par la suite à obtenir un UV sur la théorie des groupes, ce qui stoppa net ma carrière de mathématicien. Pour en revenir à notre épreuve de première année, j’avais pratiquement rempli ma copie avant la fin du temps et en regardant celle de ma voisine, qui s’apprêtait à ranger ses affaires, je vis qu’elle allait rendre une feuille blanche… comme neige. Sans réfléchir, j’ai fait glisser sa copie devant moi, j’ai bien vu que son prénom était Perce-Neige et que ce n’était pas un surnom et j’ai résolu son problème sans trop de mal, et ce en moins d’une demi-heure. Elle est ainsi sortie à la fin du temps réglementaire de son épreuve, je suis resté à relire une dernière fois mon travail et à le peaufiner sachant que notre épreuve durait une heure de plus que celle des biologistes. En sortant, j’ai scruté les environs pour voir si par hasard, notre Perce-Neige ne m’attendait pas pour me remercier, elle n’était pas là et je ne l’ai jamais plus revue.


Après avoir arrêté les mathématiques deux ans plus tard, j’ai ouvert avec un ami musicien et chanteur une petite salle. Nous la louions une misère, lui chantait et jouait les jolis cœurs, moi je faisais la cuisine, la vaisselle et le service. J’avais hérité de ma grand-mère du goût pour la cuisine et d’une petite somme d’argent qui nous servit à cette occasion. Quand la mode des avocats était arrivée en France, quelques années plus tôt j’avais eu l’idée de les agrémenter d’une dose de miel et de la même dose de moutarde de Dijon, puis de quelques grains de gros sels ajoutés au dernier moment pour conserver leur croquant. Cette recette est restée longtemps citée dans les guides touristiques qui ont parlé de mes trois restaurants successifs. Je ne dois pas à cette recette ma première étoile, ni les autres d’ailleurs, mais elle m’aida dans le lancement de notre cabaret. Mon ami chanteur est toujours resté mon ami, je ne dévoilerai pas son nom car il est devenu connu mais je dois avouer que c’est un peu grâce à sa notoriété que je dois ma carrière de restaurateur.


Quarante ans après la période racontée ci-dessus, c’est-à-dire la semaine dernière, jour de démarrage de la Route du Rhum 2022, comme tous les soirs d’ouverture de mon restaurant, je me suis rendu dans la salle pour saluer mes clients. Un habitué accompagné de son épouse m’a présenté à un couple d’amis qui dînait avec eux. Charles et Perce-Neige de Prônant. Bien sûr, le nom Prônant n’est pas le vrai prénom de ce couple et la suite de mon récit en fera comprendre la raison. En tant qu’écrivain, même très amateur, je suis sensible à l’allitération et la répétition du P et du N de Perce-Neige dans ce nom fictif m’a paru judicieuse. Ne croyez pas non plus au prénom du mari, car, accompagné d’une dame au prénom si rare, même si le lecteur l’a déjà rencontré huit fois au cours de ce récit, il serait peut-être facile de reconnaître ce couple. Par contre, la particule de noblesse est authentique et j’en réponds.


En serrant la main de Perce-Neige de Prônant, en inclinant la tête en marque de déférence, d’abord pour son prénom, puis pour la beauté de son regard et bien sûr pour la féliciter implicitement d’être venue dans mon restaurant, j’ai revu dans ce que les Québécois appellent un retour en arrière et que je n’aime pas appeler un flash-back, deux étudiants assis dans un amphithéâtre devant des copies de mathématiques. Tous les vieux mâles vous le diront, Marcel Proust jeune l’avait déjà expérimenté, dans ces moments-là, la notion du temps s’arrête. Je ne sais pas si je suis resté deux secondes ou cinq minutes, ma main dans cette main. J’ai ressenti une chaleur inonder ma poitrine, une envie soudaine de pleurer mes chers disparus, une immense tendresse pour cette femme. Ce n’était pas un coup de foudre non, mais un souvenir qui m’explosait en pleine face avec la force de ce que les Québécois appellent un coussin de sécurité gonflable et que je n’aime pas appeler un airbag. J’étais main dans la main avec une femme nommée Perce-Neige, un prénom dont les Québécois ont fait un rallye sans même trouver une francisation pour ce mot que je n’aime pas tant il sent la boue, le bruit et les vapeurs d’essence. La seule question qui occupait mon esprit était de savoir si c’était elle que j’avais aidée dans une épreuve de mathématiques sans me préoccuper de savoir si elle me plaisait ou pas, si j’avais envie ou pas de retirer ma main de la sienne ou de la poser sur chacune des parties de son corps. C’est mon client habituel qui me fit sortir de ma torpeur par cette phrase :



Cette phrase fut suivie d’un sourire et des premières paroles de Perce-Neige :



Elle n’avait pas enlevé sa main de la mienne et comme je n’avais moi non plus retiré ma main nous étions dans cette position étrange, moi penché vers elle de façon presque obséquieuse, elle, son bras levé et tendu vers moi. Je me suis souvenu d’un prestidigitateur aujourd’hui disparu qui venait dans mon restaurant. Il était très drôle alors que les prestidigitateurs ont toujours des têtes tristes et impassibles. Il avait une façon de saluer les gens particulière : il gardait longtemps la main qu’il serrait dans la sienne jusqu’à ce qu’il ait fini d’échanger quelques phrases. Je suis donc resté ainsi sans retirer ma main un certain temps.



Le mari de Perce-Neige, comme beaucoup de maris le feraient, tenta une diversion fort habile qui eut raison de notre poignée de main :



D’ordinaire, je ne bois jamais avec les clients sauf quand mon vieux pote débarque avec ses musiciens et que je ferme le restaurant pour les écouter chanter et jouer jusqu’à pas d’heure. La consommation d’alcool est un problème pour les restaurateurs et les cafetiers. Certains utilisent un verre à fond très épais avec de petites contenances, d’autres remplacent le whisky ou le cognac qu’ils se font servir par du thé glacé ou un jus quelconque.


Ce soir-là, j’ai accepté un verre, puis mon client habituel a remis sa tournée comme il a dit, puis j’en ai ajouté une comme je vous le dis. J’étais assis entre le mari de Perce-Neige et mon client habituel.


L’alcool aidant, nous parlions de façon détendue, eux avaient consommé une bouteille et un apéritif. Je me suis surpris à regarder Perce-Neige de façon répétée, j’ai croisé son regard plusieurs fois et à chaque fois, j’ai senti mon cœur battre. Je ne voyais d’elle que sa tête qui avait encore bien des charmes, ses épaules et son buste cachés par ce que les Québécois appellent un blazer de couleur bleu marine et que je n’aime pas écrire blazer. Décrire son blazer n’aurait pas grand intérêt si ce n’est qu’il laissait présager d’un buste de silhouette fort intéressante. Ses yeux étaient de couleur marron compatible avec la Perce-Neige de mon amphithéâtre. Sa chevelure n’avait rien à voir avec celle du temps de mes dix-huit ans, c’était la chevelure classique des femmes de son âge, coupée mi-long d’un blond châtain teint, elle faisait heureusement plus Sharon Store que Brigitte Macron. Son sourire était magnifique et quelques rides au bord de ses paupières montraient que le temps faisait quand même son travail.


Ils ont parlé de repartir vers une heure du matin après que les derniers clients eurent quitté l’établissement. Je me suis inquiété de leur moyen de locomotion. Mes clients habituels rentraient chez eux à pied. Perce-Neige était venue en voiture qu’elle avait garée dans le parking du restaurant accompagnant ainsi son mari. Elle m’a demandé si elle pouvait la laisser la nuit et appeler un taxi. Je lui ai proposé de venir rechercher sa voiture le lendemain vers dix heures, c’est ce qu’elle fit. Je lui ai offert un café. Nous avons parlé de notre ami commun, j’allais lui parler de ses études pour enfin savoir si c’est elle que j’avais aidée dans son partiel de mathématiques quand elle me demanda si j’avais des photos de notre ami commun, celui qui devait l’embrasser à l’heure où je faisais la vaisselle et autres tâches de nuit dans mon restaurant. Je lui ai dit que j’avais effectivement un album photo en haut. Nous sommes montés. Elle portait une robe légère bleu marine à poids blancs dotée d’une ceinture dans le même tissu. L’échancrure de la robe ne laissait aucun doute sur l’épanouissement de sa poitrine. Dans la montée de l’escalier, j’ai bien sûr admiré son postérieur, un beau postérieur large sans être excessif. Quand elle eut franchi le tournant de l’escalier, j’ai pu admirer le dodelinement de sa poitrine à chacune des marches gravies. Elle m’a attendu sur le plateau supérieur de l’escalier en admirant la vieille pendule à balancier en face d’elle. Elle m’a demandé d’une voix amusée :



Je suis arrivé derrière elle et lui ai fait remarquer que le balancier passait devant la lucarne toutes les secondes. Elle a ainsi remarqué la tête de Pierre Desproges sur le plateau du balancier.



Elle s’est reculée pour voir la tête de Desproges se balancer, j’étais là. J’ai pensé à la phrase de Boby Lapointe dans le film de Sautet les « Choses de la vie » qui racontait comment la voiture de Piccoli avait eu son accident :



Je n’ai pas reculé. Elle ne s’est pas avancée, j’ai laissé ma verge s’épanouir contre ses fesses. J’ai fait la seule chose que je pouvais faire. J’ai mis ses mains sur ses hanches en pensant à la chanson de Salvator Adamo. J’ai caressé ses hanches un moment. Nous écoutions le tic-tac de la pendule. Nous écoutions le temps passer encore. Je repensais à Jean Gabin mettant les mains sur les seins de je ne sais plus quelle actrice dans je ne sais plus quel film, en lançant une phrase du genre :



Je revoyais des plans séquences à la télé où Audiard parlait. Puis Brel. Puis Brassens. La liste des chanteurs, des écrivains, des acteurs de mon enfance qui n’était plus là, défilait. Toutes les autres célébrités qui étaient venues régulièrement dans mon restaurant qui n’étaient plus et qui repassaient avec eux dans mes rêveries. Mes mains sont montées sur sa poitrine, était-ce elle que j’avais jadis aidée ? Ses fesses ondulaient sur ma verge tendue comme à vingt ans. Notre désir de jouir encore de la vie était là. Mes caresses se faisaient plus appuyées. Nous ne disions rien. Peut-être rêvaient-elles aussi à tout le temps passé, à Desproges disparu et à tous les autres. La pendule marquait 10 h 20. J’ai tiré sur la ceinture de sa robe, le nœud s’est défait comme s’il avait été mis là pour faciliter les choses. J’ai caressé son ventre longtemps, patiemment. À 10 h 23, sa robe est tombée au sol. Elle portait un soutien-gorge noir et ce que les Québécois appellent une tondue, et que je n’aime pas écrire un string, de couleur assortie. Quand la mode du string est arrivée dans les années deux mille, nous avions tous les deux quarante ans. J’avais besoin de sa peau. Je me suis débarrassé de mon pantalon libérant mon sexe tendu. J’ai fait glisser le morceau de tissu affublé d’un nom ridicule en Québécois afin de pouvoir appuyer ma verge sur ses fesses épanouies. Desproges regardait son pubis que je n’avais pas encore vu en passant toutes les secondes. Ma verge a eu besoin de s’aventurer entre ses cuisses afin d’en explorer chaque recoin. À 10 h 24, j’ai dégrafé son soutien-gorge qui est tombé à terre. J’ai soupesé, caressé, peloté, énervé ses seins. Son postérieur est devenu furieux, cherchant à chaque balancement la caresse de mon sexe entre ses cuisses. Mes doigts en pinçant ses tétons ont provoqué les premiers gémissements de la toujours belle Perce-Neige. J’ai arrêté le temps en profitant de cet instant, j’ai répété mécaniquement chaque geste de mes doigts, chaque frottement de la paume de ma main, chaque mouvement de mon sexe, et ce pendant quatre bonnes minutes. Quatre minutes, c’est long, quatre minutes c’est si bon. Elle s’est retournée pour offrir ses fesses à Desproges qui a continué à l’admirer toutes les secondes. Le mot fougueusement ne suffit pas pour décrire la façon dont on s’est embrassés. À pleine bouche, à pleine langue, à pleines lèvres. Sa langue me rendait toutes les caresses que ma verge et mes doigts avaient prodiguées. J’ai eu cette surprenante impression qu’elle me masturbait la bouche qui éprouvait une sensation de plaisir formidable. Je l’ai plaquée contre la pendule, massant ses seins, me frottant contre son pubis. Elle a fini par s’accrocher à mon cou, à relever une jambe puis l’autre atour de ma taille. Mon sexe a glissé en elle.

J’ai fait mon boulot de pilonneur. J’ai joué au marteau piqueur. J’ai martelé comme un jeune de vingt ans. Je l’ai propulsée contre la pendule, j’ai cogné de toutes mes forces mon sexe au fond du sien. Elle a crié des oui, des encore, des vas-y puis elle a joui en se serrant contre moi. Elle m’a serré fort, presque à m’étouffer. Nous sommes restés un moment ainsi. Puis nous sommes revenus sur terre.


J’étais encore dur, je n’avais pas joui. La vie m’a tellement endurci aussi. Elle a regardé mon sexe.



Elle s’est mise à genoux, a pris mon sexe dans sa bouche, l’a léché, bichonné, fait vibrer, j’ai senti sa langue, ses lèvres, son ardeur. J’ai senti mon désir arriver à son terme. J’ai retiré mon sexe. Je me suis caressé devant elle comme un gamin de 18 ans devant une revue porno de l’époque. Elle m’a regardé, puis admiré, ou quelque chose comme ça, puis s’est caressée devant moi. Nos regards se sont fait l’amour. Nous nous sommes fait jouir l’un devant l’autre.


Elle a regardé son portable et s’est écriée :



Elle s’est habillée. Moi j’étais assis au pied de ma pendule. Je l’ai d’abord regardée faire. Puis je l’ai admirée. Puis j’ai espéré qu’elle resterait encore un peu. Puis elle est partie en m’envoyant un baiser de la main. J’ai entendu le personnel lui dire « au revoir, madame ».

Je suis resté longtemps assis, immobile comme Desproges. J’ai pleuré un peu. Puis beaucoup. Puis longtemps. Quand j’ai regagné la salle de bain, il était 15 heures.


Depuis, je n’ai plus le goût à rien. Je pense à elle. Les minutes mettent un temps fou à passer comme quand on était gamin en cours d’anglais. Je connais son prénom bien sûr. Je connais un de ces premiers copains, qui pourrait peut-être me donner son nom de jeune fille, mais qui se rappelle des noms de famille des filles qu’on embrasse à 18 ans ? Il me faut attendre mon client habituel qui vient une fois ou deux par an. Ou peut-être reviendra-t-elle ? Les premiers de la Route du Rhum sont déjà arrivés. Il paraît qu’ils ont battu le record de la traversée, mais pour moi tout ce temps m’a paru une éternité.


En tout cas, d’écrire cette histoire m’a fait du bien. Et puis, si quelqu’un parmi vous connaît une Perce-Neige, qui aurait dans les soixante ans, il ne doit pas y en avoir trente-six, envoyez-moi un petit message pour me donner de ses nouvelles. Je ne vous demande pas forcément de me dire comment la retrouver mais au moins de me parler d’elle.


Et vous, les autres, vous qui mettez des notes et publiez des commentaires alors que vous ne savez pas réellement écrire, dispensez-vous de noter vos frères humains, vous avez beaucoup mieux à faire de votre vie. Je fais un métier où l’on n’a pas réellement le temps d’aimer, un métier ou certains confrères se sont fait sauter la cervelle pour une étoile perdue. J’ai réussi ma vie professionnelle comme beaucoup ne la réussiront pas, j’ai côtoyé des gens qui étaient dans la lumière et qui sont aujourd’hui dans l’ombre d’une tombe, vers le dernier croissant de ma vie j’ai croisé une femme qui a su arrêter le cours du temps et que j’aurais pu aimer depuis longtemps si je n’avais pas mis longtemps pour apprendre à vivre. Je sais que je ne pourrai pas l’attendre quarante ans encore.