n° 21331 | Fiche technique | 35423 caractères | 35423 5921 Temps de lecture estimé : 20 mn |
06/12/22 |
Résumé: Dans l’avion qui vient de décoller de Varsovie pour Paris, mon patron me fait la tête. Je peux le comprendre, je viens de lui annoncer que c’était fini entre nous | ||||
Critères: fh extracon hotel travail amour -regrets -extraconj | ||||
Auteur : Patrick Paris Envoi mini-message |
Dans l’avion qui vient de décoller de Varsovie pour Paris, je suis assise à côté de Vincent, mon patron. Il me fait la tête.
Je peux le comprendre, après avoir partagé la même chambre d’hôtel pendant ces quelques jours, je viens de lui annoncer que c’était fini entre nous, que j’aime mon mari, que je ne veux pas mettre mon couple en danger. Vu sa surprise, il avait dû espérer m’avoir à sa disposition, pas question pour moi de devenir la maîtresse du Président.
Devenir « la maîtresse de », quelle horreur !
Pourtant, je viens de tromper Alain, mon mari. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mais c’est fini, juré, plus jamais. Je vais retrouver mon foyer après cette parenthèse que j’essaie déjà d’oublier.
---oOo---
Mariée depuis bientôt cinq ans, nous avions décidé avec Alain d’agrandir notre famille durant les prochaines vacances. Restait à choisir le lieu où nous allions concevoir notre premier héritier, certainement au soleil, sur une île paradisiaque.
Pour le moment, impossible d’envisager prendre un congé. Nommée directrice Recherche et Développement, je venais d’intégrer le Comité de Direction. J’ai suscité des jalousies, mais qu’importe, j’avais assez bossé pour y arriver. Dès la première réunion, j’appris les règles à ce niveau de la hiérarchie, « Tout le monde se tutoie et on s’appelle par son prénom ».
Appeler « Vincent » le PDG et lui dire « tu » va me faire bizarre, moi qui depuis trois ans l’appelle Monsieur et baisse la tête quand je le croise dans l’ascenseur.
Muriel, la directrice des Ressources Humaines, m’accueillit avec un joyeux « Bienvenue au club, Claire », et me confia que j’allais avoir du travail, beaucoup de travail :
J’ai pris bonne note de son conseil, mais je ne me voyais pas raccrocher au nez de mon patron s’il m’appelait chez moi le soir.
Pour fêter dignement cette promotion, Alain m’a emmenée au restaurant, une petite auberge où nous avions l’habitude d’aller en amoureux. Je crois qu’il était fier de sa femme. J’avais passé un temps fou dans la salle de bain, et choisis ma tenue avec soin pour lui faire honneur. Il a fait un peu la tête quand je lui ai annoncé qu’il nous fallait reporter nos prochaines vacances d’au moins un an, mais ça n’a pas duré, c’est un amour.
En rentrant, ça a été ma fête. Alain me prouvant que j’étais la plus belle, la seule dans son cœur. Doublement heureuse.
Quelques jours tard, en sortant du Comité de Direction, le président, enfin Vincent, m’invita à déjeuner avec lui dans un restaurant du quartier où il a ses habitudes. Pour mettre au point la dernière campagne, il fallait terminer un dossier, et Vincent n’avait que ce créneau à me consacrer.
Après quelques considérations techniques, la conversation s’orienta vers des sphères plus privées. Il désirait mieux connaître ses collaborateurs.
Il était marié, sans enfants, d’ailleurs je connaissais sa femme de vue, elle venait parfois au bureau. Ce fut ensuite une série de questions plus personnelles, sur mon mari, ce qu’il faisait, sur notre couple. J’étais un peu gênée, mais il le faisait avec tellement de naturel et de désinvolture. J’ai été surprise quand il posa sa main sur la mienne. En une seconde, je compris ce qu’il avait en tête. Je retirai brusquement ma main lui faisant comprendre que j’étais fidèle à mon mari et que lui aussi était marié. Sa réponse me glaça le sang :
Son peu de scrupule me choqua. Je lui fis comprendre avec des mots choisis que ce n’était pas ma vision du couple, et qu’il fallait en rester là, tout en le remerciant de son attention toujours flatteuse pour une femme. Je ne voulais pas le braquer contre moi.
Il sembla l’admettre sur le moment, mais dans les jours et les semaines qui suivirent, il ne manquait pas de me faire des compliments, des petites remarques sur mes tenues, ma coiffure. Toujours agréable à entendre, mais très équivoque, je devais garder mes distances.
Enfin, une stagiaire attira son attention. Il m’oublia en regardant les fesses de cette jeune femme dans les couloirs. Ce n’était pas la petite stagiaire du lycée qui vient là quelques jours pour faire des photocopies, mais une femme, sûre d’elle, en dernière année d’une grande école de gestion faisant un stage de six mois dans le groupe, quelques semaines chez nous, avant de prendre un poste dans la filiale italienne.
Je soupirais, j’allais être enfin tranquille. Mais quand il la regardait passer, je ressentais comme une pointe de jalousie, ridicule.
Un matin, comité spécial pour organiser le symposium annuel réunissant tous les responsables des filiales du groupe. Enfin, un symposium, un grand mot pour désigner une réunion des dirigeants européens venus se congratuler mutuellement aux frais de leur boîte.
Cette réunion devait se tenir cette année en Pologne. Vincent me surprit quand il déclara :
Toutes les têtes se tournèrent vers moi, Muriel me fit un grand sourire complice. Et voilà, il disposait de moi sans m’en avoir parlé avant, c’était tout lui.
Il me fallut l’apprendre à Alain le soir même. Dire qu’il fut emballé serait beaucoup, mais il ne fit aucune remarque, lui comme moi avions l’habitude de partir en déplacement. Même si cette fois, je serais absente une semaine, départ lundi matin, retour vendredi.
Me souvenant de ce déjeuner en tête à tête avec Vincent, j’imaginais qu’il allait essayer de me draguer, mais je me sentais assez forte pour résister à ses avances. Je n’en avais pas parlé à Alain, inutile de l’affoler pour rien, il me fait confiance, comme moi je lui ai toujours fait confiance.
Ça me rappelait un déplacement fait avec un collègue dans mon poste précédent, où les deux nuits passées loin de Paris furent très chaudes. À l’époque, je n’étais pas mariée, et ne rechignais pas pour un coup d’un soir si l’occasion se présentait.
Et l’occasion allait se présenter, mais cette fois j’étais mariée.
Le programme prévoyait une soirée de gala, j’avais prévu une robe un peu habillée à cet effet, et jeudi l’après-midi était libre. Nous aurions pu rentrer plus tôt, je ne comprenais pas pourquoi Vincent avait choisi un avion vendredi, enfin j’ai vite compris.
Le dépaysement dans cet hôtel 4 étoiles et la rencontre avec les autres participants venant de toute l’Europe me changeaient de mon train-train quotidien. J’étais dans une bulle, hors de chez moi, comme dans un songe.
Déjà dans l’avion, Vincent m’avait caressé négligemment la main, il me disait être heureux de passer ces quelques jours ensemble, pour mieux se connaître, pour la cohésion de l’équipe. Je savais ce que cela voulait dire, je ne suis pas si naïve. J’avais accepté de l’accompagner, mais pas prête à lui accorder ce qu’il espérait.
Une fois installés, il m’a invité à dîner le soir même. J’ai juste eu le temps d’appeler mon chéri à Paris pour lui dire que j’étais bien arrivée.
Nous étions face à face. Très prévenant, me félicitant pour ma tenue, style jeune cadre dynamique, Vincent me prit la main à plusieurs reprises. À la troisième fois, je ne l’ai pas retirée.
Après dîner, il m’a proposé de nous promener le long de la Vistule avant de rejoindre notre chambre, je ne pouvais pas refuser. Appuyés sur la rambarde, nous regardions le fleuve couler. Il faisait frais, pas très couverte, je grelottais. Galamment, il a passé son bras autour de moi et m’a attirée contre lui. Mauvais réflexe, j’ai posé ma tête sur son épaule. Il m’a caressé tendrement le visage en effleurant mes lèvres d’une main légère. Troublée par cette familiarité, je l’ai laissé faire. Nous nous sommes embrassés presque innocemment, puis ses baisers devinrent plus profonds tandis qu’il me caressait lentement les seins d’une main experte. Je tremblais, mais cette fois pas de froid.
Après quelques minutes à faire connaissance du bout des doigts, sans prononcer la moindre parole, nous sommes rentrés la main dans la main. Tout naturellement, je l’ai suivi dans sa chambre, et suis restée avec lui toute la nuit.
Je n’ai pensé à mon mari qu’une fois sous la douche, me sentant un peu coupable, sans trop de remords. Ce n’était pas grave, ce n’était qu’une partie de sexe sans aucun sentiment. Alain ne le saurait jamais.
Le lendemain matin, j’étais gênée de me retrouver allongée nue auprès de mon patron. C’était le président de ma société tout de même. Lui, très à l’aise, m’a pris dans ses bras, j’ai fermé les yeux et l’ai laissé m’embrasser. Il était tendre, j’essayais de ne pas trop penser. Nous avons refait l’amour.
Regagnant ma chambre rapidement pour prendre une douche et me changer, je me trouvais ridicule dans ce couloir d’hôtel au petit matin, espérant ne croiser personne.
Nous nous sommes retrouvés dans la grande salle du petit-déjeuner avec tous les congressistes. Vincent, ou plutôt mon patron, ne faisait plus attention à moi.
Je somnolais en écoutant les différentes présentations, me demandant ce que je faisais là. Dans deux jours, Vincent devait faire une communication. Son discours était prêt depuis longtemps à partir des éléments que j’avais préparés et qu’il allait mettre en valeur avec sa maestria habituelle. Alors que faisais-je là ? J’avais la vague impression qu’il ne m’avait demandé de l’accompagner que pour occuper ses nuits.
Dans quelle galère je m’étais fourrée ! La seule décision à prendre, la plus raisonnable, s’imposa à moi. Il ne devait pas y avoir de seconde nuit. Comment le lui annoncer sans me mettre professionnellement en porte-à-faux ?
Lors des pauses et du lunch, je fis connaissance avec plusieurs congressistes, dont le représentant allemand, très bel homme, qui rapidement me fit comprendre que j’étais à son goût. Certainement un de ces hommes qui croient que toutes les femmes seules sont prêtes à partager leur lit. Cela me flattait, et me permit de mettre un peu de distance avec Vincent.
Celui-ci avait remarqué le manège de son collègue, il m’en fit la remarque avec un brin de jalousie dans la voix. Je n’essayais pas de l’en dissuader, espérant qu’il me laisserait tranquille.
En fin d’après-midi, en regagnant nos chambres, il me dit avec un sourire complice « j’ai fait transférer tes affaires dans la mienne. Une seule chambre, ça nous fera des économies et comme tu ne l’utilises pas ». Il me mettait devant le fait accompli. Que pouvais-je dire ? Pouvais-je me rebeller ? Je dois reconnaître que la nuit avait été agréable, autant pour lui que pour moi. Normal qu’ils veuillent d’autres nuits. Et puis l’hôtel était plein, où aller ?
Je l’ai suivi, oubliant mes bonnes résolutions. Même si partager son intimité pendant encore trois jours m’effrayait un peu.
Mercredi soir, soirée de gala, avec remise des prix pour les filiales les plus performantes. Vincent m’expliqua que tout était arrangé, chaque année une société différente était mise à l’honneur, il en faut pour tout le monde. D’ailleurs, le trophée qu’il avait reçu l’année dernière trônait en bonne place dans son bureau.
La soirée fut somptueuse. Ils avaient fait les choses en grand, repas très class et orchestre live pour faire danser les convives. La robe que j’avais prévue pour l’occasion mettait mes formes en valeur. Plusieurs hommes se sont retournés, Vincent était fier de m’avoir à son bras. Ah, ces hommes !
Il essaya de me monopoliser, mais ne put empêcher le représentant allemand de m’inviter à danser. Après une série disco où chacun danse à un mètre de son partenaire, la musique est devenue plus douce. Les lumières tamisées, mon cavalier me prit dans ses bras pour une série de slows tous plus langoureux les uns que les autres. L’ambiance, le champagne, je ne savais plus vraiment où j’étais. Bien dans ses bras puissants, je posais ma tête contre lui et me laissais bercer par la musique.
Les lumières rallumées, je remerciai mon cavalier en lui faisant un grand sourire. Vincent m’attendait à notre table. Bougon, il ne put s’empêcher de me faire une remarque « C’était bien ? Bel homme, Kurt ? », j’appris ainsi le nom de mon cavalier.
Dans notre chambre, après l’avoir aidé à répéter son intervention, ce n’est pas de gaîté de cœur que j’acceptais de me retrouver dans son lit. Trop rapide, trop direct, j’ai préféré simuler.
Après, je me suis vite endormie sans aucun regret.
Le lendemain, le succès de sa présentation lui rendit sa bonne humeur. Le congrès était terminé, nous avions l’après-midi libre. Le soleil au rendez-vous, petite visite de la ville, Vincent était un bon guide, il connaissait tout. De temps en temps, il me prenait la main, j’étais bien, sans me poser de questions.
Le soir, il délaissa le dernier dîner à l’hôtel pour me faire connaître un restaurant en ville, des spécialités régionales arrosées d’un petit vin local. Pas habituée à boire, je flottais en sortant, il dut me soutenir jusqu’à notre hôtel.
Une journée de vacances, nous allions la terminer agréablement. Les soirées se suivent et ne se ressemblent pas, j’ai aimé qu’il me caresse les seins, longuement, tendrement. Je l’ai aussi caressé et sucé avec plaisir. Nous avons fait l’amour à plusieurs reprises, et il m’a prise en levrette sous la douche. Dire que Vincent est un super amant, ce serait beaucoup. Mais il savait y faire pour me mener à l’orgasme et me faire oublier que j’étais mariée.
Avant de trouver le sommeil, je me suis rendu compte que je n’avais pas donné de nouvelles à mon mari, je l’avais complètement oublié.
D’un coup, j’ai pris conscience de ce que je venais de faire. J’ai eu honte, honte de m’être laissée aller dans les bras d’un autre homme, d’avoir pris du plaisir avec lui, honte de cette journée en amoureux. Je n’aimais pas Vincent, alors pourquoi ?
Me souvenant de mes bonnes résolutions, la décision fut vite prise. Demain, je lui parlerais. Je prenais conscience que le retour à la vie normale devait signifier que c’était fini avec lui, pas question de me lancer dans une double vie. Pas question de mettre mon couple en danger. Cette semaine serait mon secret, ma première et dernière aventure.
Au matin, j’ai été réveillée par ses mains expertes. Non, il ne fallait pas ! Prétextant notre avion à ne pas rater, je fonçais sous la douche, m’enfermant dans la salle de bain. Je devais absolument lui parler.
M’isolant quelques instants, j’envoyais un SMS à mon mari lui donnant l’heure de retour de notre avion, en m’excusant de n’avoir pas eu le temps de l’appeler la veille. Je ne reçus aucune réponse de sa part, il devait être occupé au bureau.
Pendant le petit-déjeuner, impossible de parler à Vincent, trop de monde. Le taxi, ce sera idéal.
Sur le chemin de l’aéroport, je tournais et retournais les phrases préparées dans ma tête, comment lui dire ? Il posa sa main sur la mienne. J’étais tétanisée, impossible de lui parler maintenant.
Une fois assise dans l’avion, je me suis lancée :
Ça n’a pas été facile, d’une traite, je lui ai annoncé ma décision en essayant de le ménager. Vu la taille de son ego, je ne voulais pas m’en faire un ennemi. J’espérais qu’il était assez intelligent pour comprendre.
---oOo---
Et voilà où j’en suis !
Pas étonnant que Vincent me fasse la tête. Il n’a pas dit un mot du reste du voyage.
À l’aéroport, je cherche mon chéri, en vain. Avec le SMS que je lui avais envoyé, j’étais certaine qu’il allait venir me chercher, j’avais envie de me blottir dans ses bras. Il faut me résigner à prendre un taxi, refusant que Vincent me raccompagne dans sa voiture qui attend au parking.
J’envoie un nouveau message à Alain pour lui dire que je suis bien arrivée, terminé par un « à ce soir, mon chéri, je t’embrasse ». Toujours pas de réponse, à cette heure, il est encore au bureau.
J’arrive avec plaisir dans notre appartement. Alain a fait le ménage, tout est net, il sait que je n’aurais pas apprécié trouver du désordre en rentrant ni ses affaires sales sur le tapis de notre chambre. Même le lit est fait. C’est un amour.
Une fois installée, valises défaites, la machine à laver déjà en route, je prépare un petit repas pour l’accueillir comme il le mérite.
L’heure tourne, toujours pas rentré, que fait-il ? Déjà, j’avais espéré qu’il serait là à m’attendre, aussi impatient que moi de nous retrouver. Je suis surprise de son peu d’empressement.
Repensant à ces quelques jours, je regrette d’avoir cédé à mon patron, cela ne m’apporte rien, pas vraiment de plaisir, et le goût amer d’avoir trahi la confiance de mon mari. D’accord, il ne le saura jamais, mais moi je le sais, c’est déjà beaucoup. Pourrais-je oublier ?
Je me demande comment je vais pouvoir gérer cette situation au quotidien, mon bureau étant très proche de celui de Vincent. Bah ! Il doit avoir l’habitude, je ne suis certainement pas la première. On se rassure comme on peut.
J’en suis à ces réflexions, quand la porte s’ouvre. Alain entre comme tous les jours, en posant sa sacoche sur le petit bureau de l’entrée et dépose une bise rapide sur mes lèvres.
Un peu déçue de son peu d’entrain après une semaine de séparation, je n’ose le regarder de peur qu’il ne lise ma trahison sur mon visage. Il me demande sans grand enthousiasme :
En l’entendant, je crois que j’ai rougi. Un peu mal à l’aise, j’ai envie qu’il me prenne dans ses bras, qu’il m’embrasse, qu’il me fasse l’amour là tout de suite, pour effacer ces nuits, pour me faire oublier. Mais non, il veut savoir, savoir quoi ? Un congrès, c’est un congrès, il sait très bien comment ça se passe.
De plus en plus mal à l’aise, je lui propose de passer à table. Entre deux bouchées, je lui parle du congrès, je lui explique mes journées entre les communications, les poses et les repas, au milieu de plein de monde que je ne connaissais pas, évitant certains détails qui pourraient me compromettre.
Attentive à ses réactions, je fais attention à ne pas trop en dire.
Il est tard, j’espérais que nous irions nous coucher rapidement. Mais il me montre mon ordinateur.
Je savais que les organisateurs envoyaient un compte rendu de chaque journée. Mais des photos, je ne suis pas rassurée. Je fixe l’écran qui affiche mes messages sans oser les ouvrir :
Un peu inquiète, je fais défiler les photos rapidement. Aucune n’est compromettante, je reprends espoir, je peux les commenter sans aucune appréhension :
Me prenant la souris des mains, à ma grande surprise, il la trouve d’un seul clic :
Merde, ils avaient insisté pour être près de moi et Kurt en avait profité pour me toucher la main comme si… oublions.
Je jette un coup d’œil à Alain, il a l’air calme, pourquoi suis-je si tendue, il n’y a rien de répréhensible. Il continue à faire défiler les photos :
J’essaie de faire défiler rapidement les photos, Alain m’arrête :
Il s’arrête net :
Alain me regarde fixement, je sens que quelque chose ne tourne pas rond. Je dois me faire des illusions, s’il avait des doutes, il me le dirait.
Je tremble, que vais-je découvrir. Je comprends qu’il les a toutes regardées, comme les photos. La lumière est tamisée, la musique est douce. Aïe !
Sous mes yeux horrifiés, je vois Kurt me serrer contre lui, et délicatement je pose ma tête sur son épaule. Que va dire Alain ?
Je ne sais plus quoi dire. À quoi joue-t-il ?
Je sursaute quand il me demande à brûle-pourpoint d’un ton désinvolte :
Je blêmis, de plus en plus inquiète :
Où veut-il en venir ? Je tremble, en essayant de masquer mon trouble pour ne pas me trahir. Il clique sur un message ancien que je n’ai pas encore eu le temps de lire :
Je reste sans voix, la gorge nouée. Il continue d’un ton trop calme :
Voyant son regard dur, son ton incisif, je comprends qu’il n’a aucun doute, il sait. Il sait depuis le début. En un éclair, je réalise qu’il savait quand je l’appelais le soir, pire il savait quand j’ai oublié de l’appeler. Témoin de mes mensonges, il a dû souffrir en m’imaginant, ça, je ne l’ai jamais voulu.
J’éclate en sanglots et me jette dans ses bras :
En pleurant, je lui avoue tout… Je cherche mes mots, tout s’embrouille dans ma tête… Comment mon patron m’avait draguée ? Comment j’avais été troublée et que j’avais répondu à ses avances… ? Que je voulais tout arrêter, mais qu’il m’avait piégée en annulant ma chambre ! C’est vrai, j’aurais dû réagir… Je lui dis aussi mes remords tous les soirs… Enfin ma décision… le retour en avion… En bafouillant, je jure que maintenant tout est fini, que c’est pour ça que j’aurais aimé le voir à l’aéroport. Dix fois, je lui répète que je n’ai jamais cessé de l’aimer.
Alain ne dit rien, prostré dans son fauteuil, le regard fixe. Je ne l’ai jamais vu aussi triste. Je préférerais qu’il laisse éclater sa colère, qu’il m’insulte, je le mérite. Tout plutôt que le voir si calme.
Les minutes passent. Je vais me coucher, seule, sans pouvoir trouver le sommeil. Avais-je tout gâché, avais-je détruit notre couple ? Je m’en veux de ma faiblesse, mais plus que ma faiblesse, c’est ma désinvolture à tromper Alain que je n’arrive pas à comprendre. Comment avais-je pu l’oublier si vite, comment avais-je pu penser que ce n’était pas grave tant qu’il ne savait rien ?
Je le retrouve le lendemain à la même place, enroulé dans une couverture.
Dimanche morose, nous ne nous parlons pas de la journée. Je vois bien qu’il est mal, je m’en veux. Parfois, j’ai l’impression qu’il veut me parler, il hésite, il me regarde à la dérobée. Pas une seule fois, je ne décèle de l’animosité dans son regard.
Moi aussi je suis mal. J’ai tellement honte, impossible que ce soit moi. J’aimerais lui dire et redire tant de choses, ma bêtise, mes remords, lui dire que c’est la première fois, que c’est bien fini, que ce n’était qu’une erreur, que je n’aime que lui. J’aimerais qu’il me prenne dans ses bras, qu’il me dise que rien n’est changé entre nous.
Mais il me laisse me coucher seule.
---oOo---
Le lendemain, en allant au bureau, j’ai peur, peur de me retrouver face à Vincent, face au Président.
À la machine à café, difficile de répondre aux questions de mes collègues, ils veulent tout savoir du congrès. Pourquoi suis-je toujours autant mal à l’aise pour leur répondre ? Comme si ma forfaiture était écrite sur ma figure.
Dans la matinée, Vincent m’appelle, je dois passer le voir dans son bureau. Il ne tient aucun compte de ce que je lui ai dit dans l’avion. Il a envie qu’on se revoie, il a déjà tout prévu, tout manigancé. Soit à l’heure du déjeuner, soit le soir dans son bureau quand tout le monde est parti, ou à l’hôtel si je préfère, il en connaît de discrets. Déjà, il a prévu un nouveau déplacement dans une filiale du groupe, et bien sûr, ma présence est indispensable.
Il ne m’écoute pas lorsque je lui répète que j’aime mon mari, que je veux fonder une famille, que lui aussi est marié, que c’est terminé, terminé.
Il persiste. Cette fois, je résiste. J’essaie toujours de le ménager, c’est mon patron tout de même. Il faut oublier ce qui s’est passé, oui c’était bien, oui nous avons passé des nuits agréables, mais il ne faut plus.
Il essaie de m’embrasser.
Je le repousse.
Il devient lourd, il insiste. Trop !
Je ne me retiens plus, d’une voix ferme, je le remets à sa place. Le Président ! Je ne m’en serais jamais cru capable :
Au bord des larmes, d’une voix saccadée, sans vraiment me rendre compte de ce que je dis, je lui donne ma démission, et pars en claquant la porte.
Ce qui est dit est dit. À midi, ma lettre est prête, sans aucun regret je la dépose sur le bureau de son assistante.
Bien décidée à ne plus le croiser, je range mes dossiers, j’informe mes collaborateurs en trouvant une excuse bidon, et passe voir Muriel. De toute évidence, elle n’est pas dupe. Sans poser de questions, elle m’explique la procédure à suivre, elle me fera parvenir des documents à signer. Ouf ! Je ne veux plus revenir ici.
Sautant le déjeuner, je pars tôt dans l’après-midi avec un petit carton contenant mes affaires personnelles.
Arrivée chez nous, mes nerfs craquent, je fonds en larmes. Combien de temps suis-je restée prostrée dans un fauteuil… reprenant petit à petit mes esprits, je prépare comme tous les jours le repas du soir, redoutant le retour d’Alain.
Quand il arrive, je ne lui laisse pas le temps de parler, et déballe d’un trait tout ce que j’ai sur le cœur. Mon amour pour lui, mes remords, notre avenir, mon entrevue avec Vincent, ma démission. À bout de souffle, je tombe sur le canapé, la tête entre les mains.
Alain reste devant moi, debout, les bras ballants, troublé par ce qu’il vient d’entendre. Il bafouille :
Étonnée, je relève la tête. Dans ses yeux, toute colère a disparu, je ne lis toujours qu’une immense tristesse.
Je me jette dans ses bras.
Je sens qu’il hésite à refermer ses bras autour de moi. Je ne bouge plus. Déjà, il ne m’a pas repoussée, je suis rassurée. Sa main me caresse lentement les cheveux. À voix basse, il me dit des mots que j’ai du mal à entendre. Je me laisse bercer par le son de sa voix, calme et douce.
Je murmure :
Je ne sais pas s’il m’a entendu. Relâchant un peu son étreinte, Alain me regarde dans les yeux et m’embrasse du bout des lèvres. Sa voix est tendre :