Cela faisait déjà plusieurs semaines que les ouvriers étaient là. Après avoir attendu de longs mois, mon obstination avait fini par payer. Le chef de chantier gérait ses priorités et manifestement je n’en faisais pas partie, malgré des relances régulières souvent assez abruptes. Mais à force de menaces, on finit par tout avoir !
J’avais prévu de faire retaper une partie de la baraque afin de l’aménager en chambres d’hôtes, c’était la mode dans la région, mais je regrettais un peu cette décision. Mis en retraite anticipée par une entreprise qui ne savait que faire de moi, je tournais vieux bougon, asocial et misanthrope. D’aucuns disaient que je vieillissais mal, en conséquence de quoi je ne voyais pratiquement plus personne, et je ne m’imaginais pas plus faire la risette aux touristes. Qu’importe, de ces nouvelles pièces, je pourrais toujours en faire une salle de billard ou des chambres pour accueillir mes enfants, même s’ils ne venaient quasiment jamais me voir.
Tout ce va-et-vient autour de moi m’agaçait, les plaquistes qui passaient et repassaient en laissant leurs traces de pieds partout, les ornières sur le chemin, les voix qui portaient, les allées et venues incessantes et cette musique débile en arrière-plan, égrainée par un smartphone. Qui plus est, me sentir obligé de discuter avec les artisans, de leur offrir des cafés, devoir planquer la vaisselle sale qui d’habitude s’étalait allègrement dans la cuisine, et faire un minimum de ménage pour ne pas avoir l’air d’un vieux débris qui se laisse aller, toute cette agitation inhabituelle perturbait mes habitudes et j’avais presque envie de tout laisser tomber.
Quelques jours après l’installation de la structure, plombiers et électriciens sont arrivés, ils devaient œuvrer avant que les autres posent le BA13. Ils étaient quatre mais le plus jeune était en formation en alternance et ne venait qu’en fin de semaine.
Un être bizarre que ce dernier et j’appris bientôt qu’il s’agissait d’une fille, ce qui ne m’avait pas semblé évident de prime abord. Elle avait tout du garçon manqué, une morphologie androgyne, plate comme une limande, les cheveux très courts, des gestes brusques, pas maquillée, elle n’était pas féminine pour deux sous. Bizarrement, elle m’intriguait, on ne pouvait pas lui donner d’âge, mais elle devait avoir entre 20 et 25 ans, les autres l’appelaient Livia. En la voyant passer et repasser, je me demandais si ce n’était pas un ou une transsexuel(le) et si « il » ou « elle » avait été opéré(e), à moins que ce ne soit tout simplement une lesbienne très masculine car sa façon de faire faisait qu’on ne la distinguait nullement de ses collègues hommes. En tout cas, elle m’intriguait beaucoup, ne serait-ce que parce que je me posais plein de questions vis-à-vis de sa sexualité. Comme quoi, les préjugés…
Les jours où Livia était présente, je passais moi aussi beaucoup plus de temps parmi les artisans, je ne pouvais pas m’empêcher de l’observer, disons même de la mater, ça devenait une véritable obsession. Mais quand nos regards se croisaient, je détournais invariablement la tête et faisais mine d’être occupé ailleurs, espérant qu’elle ne remarquerait pas cet intérêt malsain à son égard. Pourtant, le soir venu, il m’arrivait fréquemment de repenser à la jeune femme et même de me masturber, en imaginant diverses choses, fort peu catholiques, je vous assure ! De toute façon, au moins 35 ans nous séparaient et rien de concret ni de raisonnable ne pourrait jamais se produire entre nous. Et, aussi fou que je puisse être, je n’espérais rien de particulier, c’était une fois de plus mon comportement atypique qui divergeait et m’incitait à faire des trucs débiles.
Le week-end, au moins, j’étais tranquille, je retrouvais un peu de calme et d’intimité.
Mais ce samedi-là, quelqu’un sonna dans la matinée, un livreur probablement car j’achetais fréquemment sur internet et il en venait un presque chaque jour. Le temps de m’habiller vite fait et de sortir dans la bourrasque, je me retrouvai nez à nez avec Livia qui faisait le pied de grue devant le portail, manifestement complètement frigorifiée. Sa présence ébranla tout d’un coup mes certitudes, je m’aperçus bien vite à quel point je pouvais être mal à l’aise en sa compagnie, et encore plus en l’absence de ses collègues. Elle ne semblait pourtant pas bien méchante, mais son étrangeté était perturbatrice.
- — Bonjour, monsieur Boulard, excusez-moi de vous déranger, j’ai oublié ma Parka hier dans le débarras et j’aimerais la récupérer.
Ouf, ce n’était donc que ça. J’en étais presque déçu mais surtout fort soulagé car j’avais quelques craintes sur sa présence en ce lieu. Je la laissai passer et la suivis dans la baraque. Il gelait à pierre fendre et mieux valait ne pas rester dehors. Elle revint bientôt avec son vêtement de pluie et je m’apprêtais à la voir partir. Pourtant, elle n’avait pas l’air spécialement décidée. Je la voyais se balancer d’un pied sur l’autre en essayant d’entamer une conversation. Avec moi, le vieil ours, ce n’était pas gagné, pourtant elle insistait :
- — Alors, vous êtes content de notre travail ?
- — Oui, c’est très bien, ça avance.
- — Les autres m’ont dit que c’était pour faire un gîte.
- — C’était le but initial, effectivement, ai-je répondu évasif.
- — Vous n’avez pas l’air bien convaincu !
C’était le genre de personne (ou de fille devrais-je dire, mais était-ce réellement une fille ?) qui n’avait pas sa langue dans sa poche. De prime abord, elle était assez effacée quand rien de spécial ne la motivait, mais elle était tout sauf timide quand le besoin de s’exprimer se faisait sentir.
- — Je ne sais pas… je ne sais plus, ai-je bafouillé. Au départ, je voulais faire des chambres d’hôtes pour gagner un peu d’argent, mais je ne suis plus aussi certain de vouloir me lancer dans cette entreprise. Je n’ai pas l’esprit commercial.
- — Vous pourriez louer cette partie à des étudiants puisqu’il y a une entrée séparée. Il suffirait d’agrandir un peu la kitchenette qui n’est pour le moment prévue que pour des petits déjeuners.
- — Nous sommes quand même assez loin de la ville et de la faculté.
- — J’ai vu qu’il y a un arrêt de bus juste au coin de la rue.
- — Oui, mais il n’y a que trois ou quatre cars par jour, même en période scolaire. Et encore moins pendant les vacances.
- — Ah, OK, je vois, évidemment c’est pas top, il faudrait que ce soient des étudiants motorisés. Un peu comme moi en somme ! ajouta-t-elle en me décochant un clin d’œil.
Devant mon air stupéfait, elle éclata de rire.
- — Parce que vous seriez intéressée ? ai-je cru bon de demander, me demandant soudain si ce n’était pas pour cette raison qu’elle avait fait le déplacement ce matin-là.
- — Oui, pourquoi pas, ça dépendrait aussi des conditions, déclara-t-elle évasive, je ne roule pas sur l’or. En tout cas, vous devez être très bien ici, en rase campagne, vraiment au calme, c’est mon rêve aussi d’habiter au milieu des champs et des forêts. Mes grands-parents étaient cultivateurs mais, malheureusement, je les ai très peu connus. Je me souviens que toute gamine c’était pour moi un vrai bonheur d’aller les voir à la ferme…
- — C’est vrai que vivre loin de la ville a ses avantages, mais aussi ses inconvénients.
- — Oui, c’est un choix, il faut savoir ce dont on a envie… Et vous, vous êtes nouveau dans la région ?
Et moi de m’épancher sur mon parcours professionnel, en particulier sur cette petite ordure de technocrate qui m’avait congédié après plus de vingt ans de bons et loyaux services, sujet sur lequel j’étais intarissable et qui me permettait de déverser tout mon fiel.
- — Les vieux, comme moi, ne s’adaptent pas suffisamment vite aux nouveautés informatiques et ne sont plus au fait des nouvelles technologies. Et hop, expulsé du monde du travail du jour au lendemain, comme si je n’étais plus bon à rien, comme si j’étais un incapable, par un jeune con diplômé de mes fesses.
Je jouais un peu à ma pleureuse !
- — Pour la retraite, j’avais décidé de changer de région, cela faisait longtemps que j’avais envie de me mettre au vert et d’échapper aux embouteillages et à la populace.
- — Vous avez bien raison… j’aurais fait le même choix.
Et ma visiteuse de continuer à danser d’un pied sur l’autre. Un être normal lui aurait, depuis longtemps, poliment proposé de s’asseoir ou l’aurait poussée gentiment vers la sortie. Mais je n’étais sans doute pas un être normal.
- — Vous désirez boire quelque chose ? ai-je soudain eu pitié, mais c’est surtout parce que moi je désirais prendre un café.
Plus vive que l’éclair, elle s’est empressée d’accepter avec un enthousiasme qui m’a désarçonné. Je venais de la soulager d’un gros poids, semble-t-il, elle ne voulait surtout pas partir.
Nous nous sommes retrouvés face à face dans la cuisine et j’ai très vite compris qu’elle n’avait plus aucune intention de me lâcher, parce qu’elle ne laissait aucun blanc dans la conversation et s’évertuait sans cesse à me brancher sur de nouveaux sujets, délaissant rapidement ceux qui n’avaient pas l’air de me passionner. Je voyais ses doigts graciles et osseux s’agiter sur sa tasse, tandis que le temps défilait lentement sur la grosse pendule, et loin de m’énerver, cela me fascinait. Cette fille exerçait sur moi une attraction étrange.
Était-elle en train de me draguer ? Il aurait fallu être crétin pour ne pas s’en apercevoir ! Son vêtement de pluie n’était assurément qu’un prétexte pour s’introduire dans la bastide. Mais qu’espérait-elle ? Un vieux comme moi ! Un gros taré sans intérêt ! Et elle qui n’était peut-être même pas une fille… Nous n’étions peut-être pas si différents que ça en termes de spécificités, mais chacun dans notre propre domaine.
- — Et si vous me racontiez pourquoi vous n’arrêtiez pas de me reluquer ces jours-ci… Est-ce parce que je vous plais ou est-ce simplement parce que vous me trouvez bizarre ? attaqua-t-elle subitement à un moment où je ne m’y attendais pas.
C’est ce que l’on appelle « mettre les pieds dans le plat ». J’ai avalé une nouvelle gorgée pour ruminer ma réponse. Je l’ai regardée, elle souriait vaguement, mais de ce sourire énigmatique propre à la Joconde.
- — Un de mes collègues m’a même dit : « Je crois que tu as fait une touche », vous n’étiez pas très discret, renchérit-elle, histoire de me mettre un peu plus au pied du mur.
- — Euh… je suis désolé, me suis-je platement excusé. Je ne voulais pas vous mettre dans l’embarras.
- — Pas grave, c’est parfois agréable de se sentir désirée !
Mais où allait-elle chercher tout ça ? Moi, la désirer ? Putain oui, je m’étais même branlé pour elle.
- — On ne regarde pas une femme comme ça quand on n’a pas une petite idée derrière la tête, insista-t-elle lourdement.
Mais elle semblait sereine, complètement décomplexée, et me regardait avec beaucoup de bienveillance, attendant juste de voir comment j’allais réagir pour m’en sortir.
- — C’est vrai, je dois reconnaître que vous m’intriguez.
- — Ça ne m’étonne pas trop, c’est souvent l’effet que je fais, en particulier aux hommes… Ceux qui ne me connaissent pas se demandent souvent si je suis un homme ou une femme, certains supposent même que je suis une trans, avec une bite ou pas, ils aimeraient éclaircir ce mystère…
- — C’est vrai que cela m’a effleuré l’esprit.
- — Ah, vous voyez ! Ça m’amuse toujours de les voir se torturer les méninges et alimenter leurs boîtes à fantasmes, ça m’incite même à jouer, moi aussi, sur l’ambiguïté. Et alors, admettons que je sois un homme, pourvu d’une grosse queue de préférence, vous feriez quoi ?
- — Je crois qu’une aventure avec un transgenre ne serait pas pour me déplaire, ai-je lâché… j’y ai déjà pensé mais n’ai jamais testé la chose. Et même s’il était bien monté et qu’il lui prenne l’envie de m’enculer.
- — Vous êtes un vieux cochon alors. Mais au moins, vous êtes éclectique, et je trouve ça vraiment sympa, je crois que j’aime les vieux cochons… Malheureusement, au risque de vous décevoir, je ne suis qu’une femme, génétiquement « XX », certes un peu différente des autres femmes mais une femme quand même. Et pour la sodomie, si toutefois vous y tenez, il faudra user d’artifices car je ne suis pas équipée pour…
- — Tant pis, ce n’était qu’un fantasme et ce n’est pas une obligation.
- — J’adore parce qu’on peut vraiment parler de tout avec vous. L’autre a priori qu’ont les gens vis-à-vis de moi, c’est que je dois être forcément lesbienne. Parce que j’ai une apparence plutôt « masculine » et que je préfère bricoler plutôt que de faire la belle, cela me classerait d’emblée parmi les homosexuelles patentées.
- — J’y ai pensé aussi…
- — Ça ne m’étonne pas, mais je ne vous en veux pas, la société est ainsi faite, bourrée de préjugés. Mais je m’inscris en faux car j’aime aussi les hommes. D’ailleurs, je suis très éclectique en matière sexuelle, un peu comme vous, je pense… Et puis toutes ces différences hommes/femmes et le fait d’avoir toujours à se justifier m’agacent, je suis tout simplement moi-même, avec des spécificités qui me sont propres, je ne veux pas être catégorisée. Enfin, bon, je ne vais pas non plus faire ma Jeanne d’Arc et bouter l’ennemi hors de France, je ne suis pas une militante.
- — Pas militante, mais presque aussi impliquée que moi quand je parle de mon licenciement.
- — Normal, nous, on n’aime pas les injustices, nous ne sommes pas des Balances pour rien.
- — Comment connaissez-vous mon signe astrologique ?
- — Ben, je connais votre date de naissance. Partant de là ce n’est pas bien compliqué !
- — Vous êtes vraiment un sacré numéro !
- — Je ne vous le fais pas dire, mais je vous retourne le compliment. Ne dit-on pas « Qui se ressemble s’assemble » ?
- — Et vous l’avez trouvée où cette date de naissance ?
- — Monsieur laisse beaucoup de traces sur Internet ! Comme je suis curieuse, vos amis, vos hobbies, vos enfants, votre parcours professionnel, j’ai récolté un maximum d’informations sur vous. Alors, est-ce que je vous « intrigue » toujours autant ?
- — Plus que ça, vous me plaisez ! Je vous trouve énigmatique, intéressante, vous avez une sacrée personnalité, vous êtes attachante.
- — N’en jetez plus !
- — Mais vous savez, je ne suis qu’un vieil homme en bout de course et vous une très jeune femme qui a toute sa vie devant elle, ce ne serait pas raisonnable d’entamer une relation avec une telle différence d’âge.
- — J’étais certaine que vous alliez répondre quelque chose comme ça. Habile façon pour vous de contourner l’obstacle le « je suis trop vieux pour vous, n’insistez pas »… La raisonnabilité, quelle connerie, je suis tout sauf raisonnable ! Votre âge m’importe peu, c’est tout sauf un problème pour moi. Pourquoi croyez-vous que je sois venue ici ? Parce que quelque chose me plaît en vous, parce que j’ai envie de cette relation, voyez-le comme une évidence, sinon je ne serais pas là à essayer de séduire un homme revêche.
- — Un homme revêche…
- — Oui, un grincheux qui quelque part s’intéresse à moi mais qui n’ose pas assumer ses envies et qui préfère abandonner plutôt que de prendre des risques… Selon les conventions du siècle dernier, c’est vous qui devriez être en train de me faire la cour, alors que là les rôles sont inversés. Mais j’aime bien votre style, le style vieil aigri désabusé qui s’est mis en marge du monde, ça m’a toujours fasciné… Et moi au moins je sais ce que je veux.
- — Ça signifie que vous désirez que l’on fasse l’amour ensemble ?
- — Bah oui, entre autres, c’est une des choses que l’on fait assez souvent à deux… Alors, si vous en avez envie, oui, pourquoi pas. Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous violer et nous ne sommes pas obligés d’aller tout de suite au lit… nous avons tout le week-end pour ça.
Tout le week-end… Assurément un sacré numéro ! Elle avait tout planifié à l’avance et j’allais passer à la casserole, c’est certain. Mais ce n’était pas pour me déplaire car j’en avais envie, envie de la découvrir. Question esthétique et canons de la beauté, ce n’était pas une jolie fille mais elle était tout ce qu’il y a de plus fascinante. Et c’était aussi pour moi inespéré, des mois que ma sexualité était en berne…
- — J’ai vu que vous avez dans votre salon un superbe jeu d’échecs. Ça vous dirait de faire une partie ? proposa-t-elle avec des yeux pétillants de malice.
Un échiquier fait main, c’était un splendide cadeau qui m’avait été offert pour mes cinquante ans, mais je n’avais jamais trouvé qui que ce soit pour jouer avec moi car, sur ce plan-là, mes rares amis étaient incultes.
J’allais probablement lui foutre la pâtée car j’avais été un cador dans ma jeunesse, j’avais même gagné des tournois. Mais je m’aperçus au bout de quelques coups que ce ne serait peut-être pas aussi simple, car elle était futée, la renarde. La gamine était même extrêmement douée, elle m’offrit sa reine que je m’empressai de prendre un peu trop vite, pensant que c’était une erreur de sa part et, quand elle annonça « Échec et Mat » dix minutes plus tard, je ne pus que constater qu’elle m’avait entraîné dans un piège que je n’avais pas vu venir. Elle me proposa de prendre ma revanche, mais je préférai temporiser en lui offrant l’apéritif. Plus de deux heures qu’elle était là et, fait surprenant, je ne m’ennuyais pas avec elle, sa compagnie pourtant un peu envahissante m’était au contraire très agréable. Et je n’avais plus du tout envie qu’elle s’en aille !
Tandis que nous sirotions un bon whisky douze ans d’âge, elle sur la banquette et moi dans le fauteuil juste en face, lui vinrent à peu près ces propos :
- — Paul, il faut quand même que je vous avoue deux ou trois trucs me concernant, avant que nous continuions. Tout d’abord mon ambiguïté sexuelle, même si je l’assume, elle n’est pas entièrement voulue. Je suis atteinte de ce que l’on appelle une hyperplasie congénitale des surrénales, dans une forme heureusement bénigne. La conséquence visible c’est que je suis beaucoup plus poilue que la normale et surtout que j’ai un clitoris hypertrophié, je fais même partie des intersexes comme on dit maintenant. Avant on parlait de pseudohermaphrodisme féminin mais il paraît que ce n’est plus politiquement correct. Hermaphrodite, c’est mon côté « escargot », mais sans la bave ! C’est vrai qu’il faut aimer, mon clito c’est presque une petite bite, j’aurais pu me faire opérer, faire une clitoridoplastie, mais j’ai préféré laisser comme ça, je ne suis pas fan des médecins et encore moins des chirurgiens, moins je les vois, mieux je me porte. Et pour ce qui est de mes seins, je ne suis pas embêtée non plus avec les soutiens-gorges, ma poitrine est tout ce qu’il y a de plus minuscule, les tétons sont à peine saillants. Il paraît que ce n’est pas directement lié à mon autre problème, mais, pareil, hors de question d’aller me faire injecter du silicone, il y a déjà suffisamment de plastique par le monde. Enfin bon, il s’agit de moi, je suis comme ça, et c’est un peu à prendre ou à laisser. C’est comme pour les poils, ça m’emmerde d’entretenir tout ça alors je laisse pousser. Je suis un peu « brute de fonderie » comme dit l’autre, mais au moins, garantie 100 % bio et naturelle.
- — Chacun est comme il est, moi aussi j’ai des petits défauts et, avec l’âge, ils ne s’améliorent pas.
- — Arrêtez donc de toujours mettre en avant cette barrière de l’âge, ça pourrait devenir lassant à la longue. J’ai l’impression que vous vous autoflagellez avec ça. Moi je m’en fiche que vous soyez plus vieux ou plus jeune que moi.
- — C’est que j’approche la soixantaine…
- — Je sais, c’est dans trois mois.
- — Mais je vous promets de faire un effort…
- — Je compte sur vous ! Mis à part ça, je suis à peu près normale… SAUF QUE…
Un ange passa. Ô temps suspend ton vol !
- — Sauf que… ai-je répété au bout d’un certain temps car je la sentais vraiment très embêtée pour continuer.
- — Sauf que… je suis séropositive, finit-elle par cracher après avoir repris sa respiration. Quand je dis ça, en général, la plupart des garçons s’enfuient en courant. En tout cas, ils n’ont plus envie de faire quoi que ce soit avec moi… et quelque part je les comprends. Je suis, bien entendu, sous traitement antirétroviral depuis plusieurs années et la charge virale est désormais indétectable, donc théoriquement il n’y a plus aucun danger de contamination, mais je préfère quand même faire l’amour avec préservatif, on ne sait jamais et il ne faudrait pas non plus que je me réinfecte.
- — Eh bien dis donc ! ai-je évacué en soufflant à mon tour. Quelle nouvelle !
- — Comme vous le dites, ce n’est pas gagné pour que vous ayez envie de moi… Enfin si toutefois vous envisagiez quelque chose, je vous ai sans doute tout coupé, sachez toutefois que je suis ouverte à toute proposition !
- — Je crois que vous me devez une revanche, Livia, ai-je proposé en désignant la table de jeu qui n’attendait que nous, pensant que cet intermède nous permettrait de nous remettre de nos émotions.
Tandis que nous nous dirigions vers l’endroit, profitant que nous étions côte à côte, je l’ai attirée à moi, avant de l’embrasser à pleine bouche, nos langues furieusement enlacées pour un baiser qui n’en finissait plus. Et je la serrais très fort contre moi pour bien lui faire comprendre que j’étais de tout cœur avec elle.
Alors que nous nous asseyions :
- — Eh bien ça, c’est une super bonne nouvelle, a-t-elle proclamé, les yeux pétillants d’amour, à peine remise de ses émotions. Beaucoup d’hommes n’auraient même pas posé leurs lèvres sur les miennes, pour beaucoup je suis comme une pestiférée.
- — Je vous trouve au contraire touchante.
- — J’espère que ce n’est pas juste de la pitié.
- — Qu’en pensez-vous ?
- — Vu la façon dont vous m’avez embrassée, ce serait étonnant que ce ne soit pas de l’amour.
Cela ne l’empêcha pas, une demi-heure plus tard, de me mettre à nouveau « Échec et Mat ».
- — Et qu’est-ce qui vous a transmis le virus ? ai-je demandé par curiosité.
- — Le VIH ? Bah, une erreur de jeunesse, les conneries d’un beau parleur, des rêveries d’adolescente. On regrette après coup, on se dit qu’on a eu tort de faire confiance à quelqu’un qu’on ne connaissait pas vraiment. Mais c’est trop tard, la vie est faite. J’étais tombée amoureuse, c’était la première fois qu’un garçon voulait de moi, mais ça a été un beau fiasco. En plus de me transmettre cette saloperie, il m’a brisé le cœur.
- — Je n’ai pas connu les années d’avant le Sida, j’étais beaucoup trop jeune. Mais j’ai deux amis d’enfance qui sont morts de cette foutue maladie. Ils étaient homosexuels. Dans les années 90, quand on parlait du VIH on faisait souvent un lien avec les gays…
- — C’est sûr, regardez Freddie Mercury, en plus ils ne devaient pas trop faire attention à l’époque.
- — Enfin, on va peut-être éviter de parler de ça pour éviter de plomber l’ambiance.
- — Bien sûr, tout cela c’est ma faute, c’est moi la contaminée.
- — Fautive, certainement pas, vous êtes plutôt victime dans cette histoire. Mais n’ayez pas d’inquiétude, nous allons faire avec, on fera juste plus attention. Mais c’est vraiment très louable de me l’avoir avoué.
- — J’aurais été une grosse salope de ne pas le dire. De toute façon, je ne suis pas comme ça, j’ai horreur des mensonges et des cachotteries, et je préfère que les choses soient dites. Vous me trompez, vous me le dites, je vous débecte, vous me le dites ! C’est toujours beaucoup plus simple.
- — En tout cas, tout ceci n’enlève rien à mon envie d’avoir une relation avec vous.
- — J’en suis vraiment très heureuse, l’envie est partagée. Et maintenant, c’est quoi le programme ?
- — Eh bien, j’ai cru comprendre qu’on allait passer tout le week-end ensemble et qu’on finirait à un moment ou à un autre dans mon lit où nous ferions l’amour.
- — Oui, c’est ce que j’avais imaginé dans ma tête… D’ailleurs, je peux, peut-être, aller chercher mon sac dans la voiture…
- — Votre sac ? Tout était donc prémédité !
- — Je ne fais jamais les choses à moitié !
- — Tu peux même rentrer ta voiture sur le terrain si tu veux… enfin, je voulais dire si vous voulez…
- — Le tutoiement me convient très bien, surtout si je suis amenée à te dévoiler mon intimité.
À son retour, elle attaqua direct :
- — Et si nous prenions une douche ensemble, ce serait pas mal pour que tu découvres… la bête qui est en moi.
Elle ouvrit son sac, sortit une boîte de capotes, une brosse à dents, du lubrifiant.
- — J’ai amené des préservatifs au cas où tu n’en aurais pas chez toi.
Elle avait tout prévu !
Puis elle me prit par la main et m’entraîna vers la suite parentale, c’est vrai qu’elle connaissait déjà les lieux, puisque ses collègues avaient dû raccorder l’écoulement de la nouvelle salle de bain sur les canalisations actuelles. En entrant dans la chambre, je crus bon de m’excuser, car le lit n’était pas fait et du linge traînait un peu partout, un vrai foutoir en somme. Mais elle n’en avait visiblement rien à foutre.
- — Si ça ne te dérange pas, pour une première fois, on va commencer très cool, j’ai besoin de beaucoup de douceur, de câlins, de tendresse et surtout pas de précipitation, c’est peut-être con de dire ça, mais bon, sauf mes airs de camionneuse je suis une petite fille très fragile et aussi un peu fleur bleue… on peut peut-être commencer par retirer le haut ?
Une fois torses nus, je pus contempler sa minuscule poitrine qui n’était pas plus prononcée que celle d’une prépubère. Seules des aréoles assez larges la distinguaient de celle d’un homme. Alors que j’osais une main vers un tétin, elle protesta :
- — Pour le moment, on ne touche pas, on regarde juste avec les yeux, on attend d’être sous la douche !
- — Bien madame, acquiesçai-je.
C’est vrai qu’elle avait une forte pilosité, sous les aisselles, autour du nombril et même sur les bras. De son côté, elle put constater que je n’étais pas très musclé (je n’ai jamais été sportif), que mon ventre rebondi avait tout du buveur de bière et que mes poils grisonnants révélaient bien mon âge, mais elle ne fit aucun commentaire.
Elle me fit signe d’enlever le bas et je ne tardai pas à lui dévoiler mon service trois-pièces, la situation étant un peu particulière, je ne bandais pas du tout. Elle mit un peu plus de temps à se débarrasser de sa culotte et à me dévoiler son intimité. Son clito plutôt gros ressemblait à une petite bite, mais une bite minuscule que je trouvais toute mignonne. Le bas était également fort poilu, aussi bien la forêt luxuriante de sa chatoune que ses jambes.
- — Je n’ai pas l’air de trop te déplaire, conclut-elle après cet effeuillage, en tout cas tu ne prends pas un air dégoûté ! Et toi tu me plais beaucoup également, je pense que l’on va bien s’amuser tous les deux… Alors on la prend cette douche ?
Elle m’entraîna dans la salle de bain et, une fois dans la chaleur de la cabine, nos mains fébriles entreprirent leurs explorations tandis que nous nous bécotions.
- — Tout doux avec mon clito, il est vraiment très sensible. En plus, je suis déjà passablement excitée.
Le petit bout de chair s’était durci et dressé mais le simple effleurement de mes doigts arracha un râle de plaisir à ma compagne.
- — Extrêmement sensible, insista-t-elle, c’est dingue l’effet que tu me fais.
D’un autre côté, ma queue s’était elle aussi redressée alors qu’elle la savonnait, mélange d’excitation et de savoir-faire de ses mains. Tandis que l’eau coulait entre nos corps, l’envie se fit de plus en plus pressante. Je la retrouvai bientôt agenouillée devant moi léchant mon gland avec sa langue. Elle semblait s’en délecter et le prit bientôt en bouche, le faisant aller et venir entre ses lèvres. Ses yeux me regardaient avec envie.
- — Tu es très bien monté, m’assura-t-elle ensuite en se redressant. Il va falloir que tu y ailles tout doucement car je ne suis pas bien large. Mais je te fais confiance, je vois que tu es précautionneux et très à mon écoute.
J’allais m’agenouiller devant elle pour la lécher à mon tour, mais elle m’en empêcha.
- — Nous serons mieux sur le lit pour un cunni.
Alors on se rinça, on se sécha et cela prit encore de longues minutes car nous n’arrêtions plus de nous embrasser, emportés tous les deux par une frénésie amoureuse, nos bouches ne pouvaient plus se séparer.
- — Mon petit cœur bat pour toi, m’avoua-t-elle en retournant dans la chambre.
Je ne lui répondis rien mais en ce qui me concerne, elle devenait une évidence !
Livia allongée sur le lit, son clitoris était à nouveau tout dur et dressé. Vu de près, il me semblait beaucoup plus long (peut-être trois ou quatre centimètres), j’étais subjugué et avais envie de prendre en bouche ce délicieux fruit sans défense, mais prenant en compte les recommandations de ma chérie, je pris soin de ne pas l’attaquer de front. Plongeant dans sa luxuriance, j’écartai méticuleusement les pétales roses de ses grandes lèvres pour dévoiler l’entrée de sa grotte et enfouis mon nez dans son vagin parfumé et ruisselant de délicieuses saveurs exotiques. Puis j’enfonçai lentement ma langue dans son puits d’amour pour aspirer sa liqueur, allant et venant entre ses lèvres, essayant de plonger au plus profond, son goût était divin. Puis remontant enfin vers la petite bite, je n’eus de cesse que de la contourner, l’effleurant à peine mais faisant frémir la belle à chaque passage. Et quand enfin le bout de ma langue se posa sur ce gros clito, un grognement de jouissance s’échappa de la bouche de mon amante qui fut secouée de spasmes. L’instant d’après, j’engloutis le petit sexe en prenant soin de ne pas presser dessus, me contentant juste de refermer les lèvres. Un second orgasme la terrassa, encore plus fort que le précédent.
Elle me poussa alors gentiment la tête pour me faire signe d’arrêter, je n’insistai pas plus de peur de la traumatiser, délaissant son sexe, je remontai vers sa bouche pour l’embrasser à nouveau.
- — Je suis désolée mais je suis vraiment à fleur de peau, tu me rends toute chose… Mais j’ai envie que tu me prennes, me glissa-t-elle à l’oreille.
Elle m’aida à enfiler le préservatif après m’avoir remis en forme en me suçant un peu. Ensuite, je vins sur elle, posai délicatement mon gland à l’entrée de sa grotte puis la laissai faire, lui laissant le champ libre pour appuyer lentement son bassin contre le mien et s’embrocher à son rythme sur ma queue raide. Elle prit tout son temps pour engloutir mon vit et, une fois emboîtés l’un dans l’autre, nous reprîmes nos baisers goulus tandis que sous l’excitation je commençai à aller et venir lentement dans sa grotte, puis de plus en plus vite au fur et à mesure que la fièvre s’emparait d’elle. Je la sentis venir, une fois, deux fois, elle n’arrêtait plus de jouir, ses yeux étaient comme révulsés, et excité par la violence de son plaisir je vins à mon tour m’épancher entre ses cuisses.
- — Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître, me confia-t-elle en me repoussant sur le côté. Fais gaffe, si tu continues comme ça, je vais devenir accroc.
- — Dans le genre, tu n’es pas mal non plus. Moi aussi je crois bien que je t’aime.
- — Nous sommes dans de beaux draps alors… mais ce n’est pas désagréable.
Nous nous glissâmes ensuite sous les draps pour nous câliner jusqu’à plus soif et on finit même par s’endormir dans les bras l’un de l’autre.
Et quand on se réveilla, l’envie était encore plus impérieuse. Nous refîmes l’amour dans l’urgence et avec plus de force. Livia était déchaînée et son excitation très communicative me donna des ailes pour la saillir à nouveau. Une véritable éruption volcanique, où des coulées de lave se mêlèrent aux explosions du tonnerre, accompagna notre jouissance. Épuisé par tant d’efforts, je m’endormis à nouveau dans ses bras.
Je retrouvai Livia un peu plus tard dans la cuisine. Elle avait enfilé un pyjama et était en train d’éplucher des légumes, elle avait trouvé ses marques et investi la maison. Elle me crédita d’un joli sourire sans arrêter ses occupations. Alors je m’approchai derrière elle, posai mes mains sur ses seins et l’embrassai dans le cou en lui susurrant un « Je t’aime ». Mais elle se retourna, révoltée :
- — Putain, merde, c’est dangereux, je suis armée ! C’est dingue l’effet que tu me fais, tu ne te rends pas compte mais je suis à fleur de peau.
Et elle s’accrocha à mon cou pour m’embrasser.
- — Sois sage cinq minutes, le temps que je mette tout ça en route.
- — Je ne savais pas que tu avais aussi des talents culinaires.
- — Tu ne sais pas grand-chose de moi, mais comme précisé dans les guides touristiques, je mérite au moins un « Vaut le détour ». Et si, au lieu de me tourner autour à m’exciter comme c’est pas permis, tu allais plutôt chercher des préservatifs, je crois que je vais encore avoir envie de toi.
Un peu plus tard dans la soirée :
- — Voudras-tu devenir ma femme ?
- — C’est peut-être un peu prématuré, répondit-elle en rigolant. Je ne voudrais pas te dire « Oui » tout de suite pour que tu le regrettes dans quelque temps. Mais en tout cas, je crois que je vais rester nettement plus d’un week-end.
- — Je parie que tu as suffisamment d’affaires au moins pour une semaine dans ton sac.
- — Comment tu as deviné ?
- — Je commence à te connaître.
- — En plus, j’ai ma sacoche de cours et une petite valise qui sont restées dans le coffre de la voiture. C’était tellement évident que ça allait fonctionner entre nous qu’hier soir j’ai tout préparé, j’ai même demandé à la voisine de nourrir mon chat pendant quelques jours. Il faudra juste que l’on fasse un peu gaffe quand mes collègues seront là, je ne voudrais pas que l’on soit la cible de leurs moqueries niaiseuses.