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n° 21366Fiche technique70422 caractères70422
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Temps de lecture estimé : 39 mn
22/12/22
Présentation:  Un petit coup d’eau de rose pour les fêtes, à lire sans modération.
Résumé:  Dos coincé, kiné thaïe de toute beauté, mais... coincée elle aussi.
Critères:  fh couleurs asie amour mélo -rencontre -amouroman
Auteur : Roy Suffer  (Vieil épicurien)            Envoi mini-message
L'essayer, c'est l'adopter

Ça s’appelle, je crois, la réussite. Du moins une certaine forme de réussite. C’est ce que je pense en rentrant chez moi et en franchissant la haute grille de la propriété. Les larges pneus de ma Jaguar crissent délicieusement sur le gravier, j’entrouvre la vitre juste pour mieux les entendre, petit plaisir. Arrêt devant les larges marches du perron, oui décidément cette maison a de la « gueule ». Je n’en aurais jamais rêvé autant, et puis c’est arrivé. Alors il faut prendre et dire merci à sa bonne étoile. Au moins, sur le plan professionnel et social, j’ai réussi. Pour le reste…


Pour réussir, il faut la conjonction de différents paramètres : travailler beaucoup, saisir les opportunités qui se présentent, avoir un peu d’ambition et beaucoup de chance, mais surtout rester honnête et fidèle à ses convictions. Un cocktail bien dosé de tout cela à la fois, on agite et on boit dans un grand verre, c’est comme ça que je l’ai vécu. J’y pense en sirotant mon traditionnel petit whisky, les yeux perdus dans la verdure du parc. Ma chance est venue de la malchance, au pire moment de ma vie…




ooo00O00ooo




J’avais monté un cabinet de conseil en formation pour les entreprises avec un copain. Ça fonctionnait plutôt bien, mais j’y passais beaucoup de temps. Effet ou conséquence, mon couple s’est mis à battre de l’aile. Et puis j’ai commencé à avoir des divergences de point de vue avec mon associé, qui courait les « coups gagnants », comme il disait, sans forcément asseoir une notoriété respectable pour le cabinet. Puis la comptabilité est venue amplifier mes craintes, ses agissements n’étaient pas neutres… pour sa poche.


La même année, j’ai divorcé et j’ai quitté le cabinet que j’avais fondé. Il y avait trop de têtes que je n’avais plus envie de voir, alors je suis parti loin. Bien sûr, j’avais en poche à peu près la moitié de la valeur de la maison que j’avais construite, mais vendue en urgence à vil prix, et la valeur de mes parts dans ma société, largement sous-évaluées, mais peu m’importait. Fuir tous ces pourris était la seule chose qui comptait vraiment. Et puis j’avais de quoi tenir plus d’un an, largement le temps de retrouver un emploi. En fait, il ne m’a guère fallu plus d’un mois.


C’est un groupe qui m’a recruté, fabricant de pièces détachées. Pour quoi ? Eh bien un peu tout, c’était là sa force, mais aussi sa faiblesse. Le grand-père du dirigeant actuel avait un atelier ; son père en a fait une usine et lui a racheté d’autres usines un peu partout, cherchant à devenir le numéro UN français de la pièce détachée. Si bien que telle usine travaillait pour l’automobile, telle autre pour l’aéronautique, telle autre encore pour des machines-outils, une autre enfin fabriquait des rangements modulaires, ces supports métalliques qui peuplent les hangars de stockage et font la structure des gondoles de supermarchés. Mon rôle était à peu près le même que dans mon emploi précédent, une sorte de DRH spécialisé dans la formation, la politique du PDG étant de faire évoluer les productions en passant par la formation des personnels. Cette politique me plaisait, car avec des gens mieux formés et des robots à commandes numériques, on évite de délocaliser. Première mission en région toulousaine pour faire face aux demandes croissantes du principal client, « Bussair ». Je m’en suis plutôt bien sorti, bossant presque nuit et jour et sept jours sur sept, n’ayant plus d’attaches ni d’obligations familiales.


C’est environ un mois plus tard que je fus convoqué chez le grand patron. Aïe ! Que va-t-il m’arriver ? Secrétariat désuet, mais affable, bureau désuet, mais impressionnant, homme désuet, mais redouté, quoique fort courtois, d’un chic suranné dans son costume trois-pièces, arborant rosette, épingle de cravate, boutons de manchettes et chaîne de montre (si !). Il me fit asseoir et attaqua directement :



En effet. Mais de toute façon, je n’avais pas le temps de regarder « un ciel si bas qu’un canal s’est perdu », ou pendu, ou les deux. L’usine aussi était grise, presque noire, et redoutablement bruyante. Glaciale également, avec des courants d’air partout. Je venais de voir une usine qui travaillait pour l’aéronautique, plutôt agréable, même si le façonnage de pièces métalliques est inévitablement bruyant. Là, ça dépassait tout. Et puis de larges portes grandes ouvertes à tous les vents, des norias de chariots dans tous les sens, rentrant de la boue et des gaz d’échappement, des ouvriers courant d’une machine à une autre cinquante mètres plus loin… Bref, une désorganisation totale, effrayante. « Cauchemar en usine », une prochaine émission de télé-réalité ! Et personne ne s’en souciait vraiment, car, compte tenu de ces conditions, les bureaux étaient dans une maison à l’écart où l’on retrouvait dans des pièces confortables et silencieuses tous les services nécessaires, mais aussi les chefs de production et quelques personnes de la maîtrise, en costume-cravate, qui n’avaient rien à faire là. Sauf que les bureaux représentaient une sorte de paradis, de Saint-Graal couronnant une fin de carrière réussie. Je passais une semaine épuisante dans l’usine, une autre semaine dans les bureaux. J’avais trouvé logement comme à mon habitude dans une chambre et table d’hôtes, chez une petite mamie qui cuisinait comme un chef. Elle aurait pu engraisser les oies dans le sud-ouest ! Donc le dîner et le solide petit-déjeuner proposés me suffisaient amplement. Je continuais donc de bosser pendant la pause méridienne et m’enquis auprès des secrétaires, le second jour, du pourquoi tous ces messieurs en cols blancs disparaissaient vers midi et ne réapparaissaient bruyamment que vers quinze heures.



L’examen des comptes montrait une ligne « Frais de réception » ahurissante, et les archives prouvaient qu’elle était régulièrement explosée. Comme le comptable était du lot, il essaya vaguement de justifier :



Oui, je l’avais vu. Mais comme nous étions à peu près les seuls en France sur ce type de produits, avec en plus des savoir-faire très spécifiques liés à certaines marques automobiles par brevets, ça n’expliquait pas tout. Loin de là. Après avoir décliné l’invitation du directeur à plusieurs reprises, j’ai fini par les accompagner pour voir. J’ai vu. Une grosse brasserie-restaurant à deux pas de l’usine, le personnel qui appelle tout le monde par son nom, sauf moi, une petite salle quasiment réservée à l’année, tournée d’apéro, tournée du patron pour entamer et l’on sort gavé et presque rond vers quatorze heures trente. Tous les jours ! Aux frais de la princesse ! J’ai jeté un grand froid en exigeant de payer mon repas. La semaine suivante, j’ai entamé la visite de certains fournisseurs dont les factures de matériaux m’avaient un peu étonné. Bien que je n’y connaisse pas tout de la spécialité, j’avais encore dans mon portable des éléments comptables prouvant que les matériaux très spécifiques pour l’aviation étaient moins chers que des matériaux assez courants pour l’automobile. Mystère à élucider. Les discussions s’éternisaient avec des gens visiblement mal à l’aise, gênés, qui disaient effectivement pouvoir peut-être faire un petit effort… Jusqu’au moins malin qui s’isola avec moi pour me dire :



Je fus obligé de retourner voir les autres pour attaquer sous le bon angle, et recueillir les montants de trois ou quatre « petites enveloppes ». Coup de fil au PDG, rendez-vous pris, chez lui, le week-end suivant pour ne pas attirer l’attention des coupables. C’est plaisant la vie d’un PDG en week-end. Pépère était toujours aussi élégant, mais décontracté : pantalon blanc, mocassins blancs, sweat-shirt en cachemire et énorme cigare. Maison cossue, grand chien tout dévoué à son maître, belle Madame beaucoup plus jeune et chargée de bijoux, mais fille et gendre un peu niais qui détonnaient dans le décor. Déjeuner royal servi par une bonne en tenue, puis discussion en tête à tête dans le bureau fermé. La description que je lui fis le terrifia.



En quittant la petite famille après le thé, je me suis dit que c’était un fameux manager, qu’il avait déjà dû dire ça à plein d’autres pour en tirer le meilleur et puis les laisser en plan par la suite. Mais bon, ça fait toujours plaisir sur le moment, et puis j’adore les challenges. Retour à Charleville en soirée. Il me restait quinze jours pour bâtir le projet et mobiliser des entreprises. J’allais peut-être commencer par là…


En fait, j’ai tout fait plus ou moins en même temps. Et j’ai bien fait, car trouver des entreprises a été plus facile que prévu, les chantiers n’étaient pas si nombreux dans le secteur et les agences d’intérim pleines de bras disponibles. Le problème, c’était surtout les matériaux, car pour plafonner et cloisonner une telle surface, il fallait des camions entiers de plaques insonorisées qu’il a fallu faire venir de toute la France et même de l’Allemagne voisine. J’ai travaillé jusqu’à pas d’heures avec l’un des chefs de production, discret, efficace et influent sur le personnel, l’un des rares en blouse bleue. Notre projet était simple. Actuellement, les nouvelles machines avaient été installées à la place de celles qu’on n’utilisait plus. Résultat, pas de ligne de production cohérente, des transports incessants de pièces et déplacements du personnel, perte de temps, de productivité, augmentation des risques, du nombre d’accidents, de maladies réelles ou de simple fatigue dans cet environnement odieusement sale, bruyant et froid, torride en été. Je ne voulais plus qu’une arrivée de matériaux à un bout, une sortie de pièces à l’autre avec des sas et des rideaux d’isolation. Et entre les deux, des lignes de production cohérentes, séparées par des cloisons avec isolation phonique, comme les murs et le plafond.


À la veille du quinze décembre, un vendredi, le chef de production demanda aux employés de tout ranger correctement en annonçant :



Lorsqu’ils virent arriver des conteneurs pour stocker les machines, il y eut un mouvement de panique du genre :



J’ai pu apprécier le calme et la force de persuasion du chef de production qui apaisa les esprits et expliqua qu’on n’avait pas trouvé mieux pour mettre les machines à l’abri le temps des travaux. Nous avions loué quatre nettoyeurs haute pression, il en aurait fallu dix. Mais le lundi soir, l’espace était presque net. Les peintres et les plombiers s’affairaient déjà dans les vestiaires et les toilettes, les camions apportaient des tonnes de plaques emballées, les monteurs érigeaient leurs échafaudages. Les employés, eux, étalaient à la pelle des tonnes de tout-venant pour recouvrir et supprimer toute la boue alentour. D’autres meulaient d’anciens scellements dépassant des murs et du sol, démontaient les circuits électriques et d’air comprimé vétustes. Le week-end entre Noël et Saint-Sylvestre, ils revinrent pour peindre le sol le samedi, certains restèrent même le dimanche pour coller les bandes de circulation et fixer les pancartes de sécurité et d’orientation. Fabuleux. Ils étaient tous passés par les mains des secrétaires, mobilisées pour prendre toutes les mensurations nécessaires aux nouveaux vêtements de travail, un petit plus pour le moral. Le trente et un décembre au soir, toutes les machines étaient à leurs nouveaux emplacements, testées et opérationnelles. J’étais carbonisé de fatigue, mais tellement content.


Ceux qui l’étaient moins, c’était l’équipe dirigeante qui avait reçu son courrier de licenciement pour faute grave. Ils iraient au tribunal, à n’en pas douter, mais avaient toutes les chances de perdre. Leurs dossiers étaient chargés comme des mules, on avait en plus trouvé quelques traces de « cavalerie financière » dans les comptes. Sur ma proposition, c’est mon complice chef de production qui fut nommé directeur et tint à installer son bureau au-dessus des vestiaires, dans l’usine même. La surface était suffisante pour y déménager le secrétariat et la comptabilité, ça se ferait dans les jours suivants. Le bâtiment des bureaux serait transformé en réfectoire et espace de détente, mettant fin aux casse-croûtes sauvages pris sur le pouce, assis sur une caisse ou un bidon.


Je fis le tour avec le nouveau directeur de tous les fournisseurs pour renégocier les prix. J’en profitai pour faire compléter une déclaration sur les fameuses « petites enveloppes », avec montants et dates, arguments massue contre l’ancien staff de direction, mais document exigé pour conserver le marché. J’y restai jusqu’au début du mois de mars, quand nous fîmes une opération « portes ouvertes » pour les familles et les amis. Les employés étaient fiers de leur entreprise, de leurs tenues de travail dans lesquelles ils posaient pour les photos souvenirs. On fit un vin d’honneur dans le nouveau réfectoire, et j’avais également utilisé ma « carte blanche » pour faire nettoyer et repeindre les extérieurs de l’entreprise. Les résultats ne se firent pas attendre. Au bout de six mois, la productivité avait augmenté de près de trente pour cent, les arrêts maladie diminué de quarante pour cent et l’entreprise renouait avec les profits et n’était plus considérée comme le « bagne » de Charleville et la « danseuse » du groupe. Même la presse locale s’en était fait largement l’écho.


J’avais perdu six kilos dans l’aventure, et il y a bien longtemps que j’avais oublié la promesse de mon PDG. Quand il me revit, il me mit en congé pendant quinze jours, me confiant les clés de sa maison de Port-Blanc, en Bretagne. C’était sympathique, j’avoue. À mon retour et à mon étonnement, le bougre tint parole. Il me fit installer un bureau près du sien et me nomma son adjoint, afin d’avoir le temps de me mettre au courant de tout. J’allais partout avec lui, assistais à ses rendez-vous, avais accès à tout, même au coffre. Petit à petit, il s’offrit quelques journées de repos ou de golf, me laissant gérer à sa place. En quelques mois, il ne passait plus au bureau qu’une ou deux fois par semaine, surtout parce que sa signature restait indispensable sur certaines pièces. Et puis quand vint le jour de ses soixante-dix ans, il organisa une grande réception dans sa propriété. Il y avait là au moins deux cents personnes, toutes les directions des cinq usines et les principaux partenaires, que du beau monde. L’heure du repas venue, prévu à l’extérieur sous de grandes tonnelles louées pour l’occasion, il monta sur son perron où un micro l’attendait. Il annonça publiquement qu’à partir de cet instant je devenais Président Directeur Général du groupe et m’en remit symboliquement les clés. Les gens de Charleville, de Toulouse et du siège applaudirent avec enthousiasme, les autres un peu moins, mais ils ne me connaissaient que par ouï-dire. Plus tard en fin d’après-midi, nous nous retrouvâmes dans son bureau avec le notaire, invité également. Je devais parapher et signer une impressionnante pile de documents. Quand j’eus terminé, n’ayant même pas eu le temps de lire tout ce que je signais, je remarquai :



La tête me tournait un peu lorsque je pris congé. Elle me tourna un peu plus lorsque le comptable me détailla ma rémunération, salaire et dividendes, proposant de tout garder en l’état. Je me trouvais bien payé en tant qu’adjoint, en tant que PDG j’hallucinais un peu. Il était évident que pépère n’avait pas besoin d’argent pour ses vieux jours ! Je restai quelque temps dans mon bureau d’adjoint, le temps de rénover mon futur bureau, changer la moquette, faire repeindre les anciennes boiseries sombres et austères en cérusé clair, et changer les meubles pour du contemporain luxueux. J’accompagnai la livraison de son ancienne table de travail jusque chez le vieil homme qui en eut les yeux humides.



Sa vieille main caressa le bois qu’elle avait elle-même patiné.


C’est ainsi qu’environ un an plus tard, je tombai en arrêt devant la propriété que j’occupe aujourd’hui. On ne la voyait pas de la route, il fallut le hasard d’une envie pressante pour que je quitte la petite route sur une colline voisine et que je m’enfonce dans un chemin de terre. Et là, en plein soulagement de vessie, la bâtisse m’apparut. Sobre, grande, mais pas trop, nichée au milieu d’arbres centenaires, les volets clos lui donnaient l’air inoccupé. Il me fallut bien des détours pour enfin trouver le haut portail, accolé à une maison plus petite et fermé par une grosse chaîne cadenassée. J’interrogeai quelques personnes du village voisin, tombant par hasard sur le maire. Effectivement, la propriété serait certainement à vendre, il fallait voir avec les héritiers de Madame la Baronne. Mon notaire les contacta, je fis une visite, mon cœur battait la chamade d’enthousiasme, mais je pris un air ennuyé.



En quelques dizaines de minutes, leurs prétentions avaient baissé d’un quart. Je n’acceptai pas et demandai l’accès pour faire faire une estimation des travaux. À la suite de cela, je ferai une offre. Je voulais simplement que, travaux inclus, on ne dépasse pas leur première mise à prix qui était à ma portée. Ils comprirent vite, notaires aidant, que l’on était plus au temps des colonies de vacances et qu’une commune de région parisienne n’allait pas investir dans une maison bourgeoise de ce trou perdu. Ils avaient un client, c’était quasi miraculeux, il ne fallait pas le laisser filer. Le marché fut conclu, les travaux furent réalisés. Je pris possession de mon royaume, seul. Il fallait cependant l’entretenir, dedans comme dehors, et ce n’était pas rien. Ayant également fait rénover la petite maison de l’entrée pour y loger du personnel, je me mis en devoir de recruter des employés de maison, un couple si possible. Je reçus tout et son contraire : un couple tatoué se passant une cigarette roulée avec je ne sais quoi, un alcoolique avec une mégère et ses six enfants malingres, un autre couple qui s’engueulaient déjà sur ce qu’il y avait à faire… Et puis se présenta un couple un peu plus âgé, approchant la cinquantaine. Elle, un peu ronde, avait un visage ouvert et avenant et me faisait penser à Magda Schneider, la maman de « Sissi ». Lui était un taiseux, costaud et râblé, la tête dans les épaules, plutôt du genre Gabin. C’est elle qui expliqua que, suite au départ en retraite de son patron dans une entreprise paysagère, son mari s’était retrouvé au chômage. Ils n’avaient pas les moyens de reprendre l’entreprise, d’autant que son mari n’avait pas la formation pour la gérer.



Elle faisait des ménages dans les bureaux de deux entreprises, mais c’était trop juste pour faire bouillir la marmite. Et puis son mari tournait dans l’appartement comme un lion en cage. Elle s’extasia en visitant la maison, surtout en découvrant l’immense cuisine équipée, mais demanda du matériel d’entretien adapté : aspirateur, mono-brosse, etc. Lui se détendit un peu en parcourant le parc. Comme je lui demandai s’il ne trouvait pas cela trop grand pour un homme seul, il répondit :



Je pris une journée pour aller faire les courses avec eux. Un jeu complet de machines par niveau pour Madeleine, pour lui éviter d’avoir à porter ces matériels lourds dans les étages. Puis Jacques choisit son matériel, gros tracteur, tronçonneuse, taille-haies, etc. Quand le décompte arriva, il sortit de sa réserve :



Nous le suivîmes. Évidemment, lorsque l’on fait trente pour cent de marge avec les particuliers et seulement cinq avec les professionnels, l’écart est important. Merci Jacques.





ooo00O00ooo




J’ai gardé mon ancien appartement en ville, dans lequel je dors la semaine. C’est donc le vendredi soir que les pneus de ma Jaguar crissent délicieusement sur le gravillon fraîchement étalé par Jacques. Je croyais la maison propre, je suis surpris de la trouver étincelante. Tout brille et sent bon le frais, le propre. Un bouquet de roses est disposé dans l’entrée. Madeleine m’attend en cuisine où ça sent également très bon.



Elle est joviale, agréable, délicate et bigrement efficace. Le matin, je me réveille en entendant un petit bruit régulier. Je vais jusqu’à la fenêtre et je vois Jacques, un grand sac en bandoulière et un pic à la main, parcourir les pelouses. Il fait quelques pas, plante son pic, glisse un bulbe pris dans le sac et referme d’un coup de botte. À la saison suivante, des centaines de petits crocus égayent le tapis vert. Puis viennent des tulipes, des dahlias, des colchiques, des perce-neige, des tapis de jonquilles et de jacinthes… À chaque saison une explosion de fleurs colorées, sans cesse remplacées par d’autres, c’est magnifique. Mais je suis seul pour en profiter.


Un jour, Madeleine me fait une remarque :



Je ne croise pas Li cette fois-là. Ce n’est que quelques semaines plus tard que je fais bêtement sa connaissance. Je meuble patiemment et sans contraintes les nombreuses chambres de ma grande maison, faisant çà et là brocantes et antiquaires. J’ai ainsi trouvé de quoi équiper une chambre « rococo », lit avec ciel et armoire très ouvragée. Mais la vilaine est désespérément bancale. Agacé, je finis par opter pour des cales de bois sous les pieds. Les bouts de bois préparés, je me mets à genoux pour les positionner, soulevant d’une main, glissant de l’autre. Le meuble enfin d’aplomb, je me relève satisfait quand une violente douleur dorsale me contraint à rester demi-plié. Je tente quelques massages et mouvements, mais impossible. Redescendant au rez-de-chaussée, la douleur dans les escaliers devient vite insupportable. J’ai même du mal à respirer. Je me laisse tomber sur un sofa, mais même là, je ne trouve pas de position convenable. C’est là que Madeleine me trouve en apportant le déjeuner.



Li accourt à la demande de sa mère et est là moins de deux minutes plus tard. Ce que je vois d’elle d’abord, ce sont ses pieds. Je ne peux même plus relever la tête. Je sens ses mains parcourir mon dos, puis l’entends appeler sa mère d’une voix suave et profonde :



Je l’entends s’affairer puis elle revient vers moi.



Elle a des gestes extrêmement précis et mesurés, et je me retrouve en boxer sans presque avoir eu mal. Ses mains parcourent mon dos courbé, s’arrêtent à deux endroits puis elle dit :



Elle me guide, m’aide avec une force incroyable, me soulevant presque jusque sur la table. Je la découvre enfin ahuri devant une telle beauté. C’est… grandiose ! Les dieux se sont penchés sur le berceau de cette fille. Des traits d’une finesse, d’une délicatesse, d’une harmonie… jamais vues jusque-là. Ce n’est pas une femme, c’est… une princesse des mille et une nuits.



Je sens presque mes vertèbres toucher la table une à une et c’est chaque fois une torture effroyable. Elle passe la main sur ma poitrine et, me regardant dans les yeux avec ses deux incroyables amandes d’obsidienne, elle me dit :



Elle s’éloigne un peu pour fouiller dans une mallette. Elle est en blouse blanche au travers de laquelle je devine une jupe noire et un chemisier turquoise. La ligne est parfaite, les cheveux noirs de jais réunis en chignon. Quelle finesse, quelle silhouette racée ! Mais j’ai vraiment mal. Elle revient et se place derrière moi, penchant la tête pour me parler :



Même à l’envers, ses yeux sont superbes. Et son front, et son petit nez droit, et sa bouche… Putain, j’ai mal ! Pas de ce qu’elle me fait. J’ai même l’impression qu’elle ne me fait rien. Ses longs doigts plantés dans mes cheveux palpent délicatement mon crâne. Mais si, tout à l’heure je voyais la porte et là je vois le haut de la fenêtre, ça a bougé. Elle se reprend un instant, remet ma tête en position de départ et recommence, plusieurs fois. Puis elle glisse un petit coussin sous ma nuque et je l’ai de nouveau dans mon champ de vision. Elle positionne mes jambes, semi-pliées.



Oui, je peux. Elle passe ses mains en dessous et dit :



Je pose. Non seulement je ne lui écrase pas les doigts, mais je les sens bouger tout doucement le long de ma colonne. Je sens son souffle sur mon ventre… Elle prend mes jambes repliées contre sa poitrine… Et puis elle passe un bras entre mes cuisses… Elle pousse mes jambes avec sa poitrine en me maintenant l’épaule avec son autre main… Ça ne craque pas, je n’ai pas mal, je n’ai plus mal. Elle revient à ma tête et recommence, lentement… Le tout a peut-être duré une heure ou plus. Puis elle me dit de me détendre encore un peu sans me toucher, et enfin d’essayer de me lever tout doucement. Je me redresse avec précaution, m’attendant à la terrible douleur qui ne revient pas. Je reprends pieds, incrédule, droit comme avant et même… Mieux qu’avant.



Le temps de savourer cette coupe, je peux enfin apprécier complètement cette beauté extra-terrestre, d’autant qu’elle pose sa blouse et la roule dans sa mallette. Nous bavardons, je lui fais visiter les lieux et notamment l’armoire coupable de mes tourments.



Elle s’est un peu empourprée en m’assénant cela, sous sa peau mate. Dieu qu’elle est belle ! Sous la soie turquoise cohabitent, serrés l’un contre l’autre, deux jolis pigeons qui ne demandent qu’à vivre. Elle est grande et longiligne, même ses jambes qui, au contraire des japonaises, montent haut et sont surplombées par deux fesses pommées. Bref, je lui trouve toutes les grâces. Le dimanche suivant, elle tient parole. Nous faisons deux fois le tour du parc, je suis bien essoufflé.



Ce qu’elle découvre la ravit : j’ai fait livrer un piano demi-queue dans la semaine. Elle me masse, un vrai délice, et m’installe sur le sofa.



Elle s’assoit au piano et joue quelques Gnossiennes d’Erik Satie. Merveilleux.



Champagne devenu traditionnel.



Comme je tiens à la dédommager de ses efforts, elle me demande si je connais l’Association Perce-Neige, fondée par Lino Ventura, et me conseille d’y faire un don et d’user de mon influence pour en susciter d’autres. Je fais un don personnel, je fais un don d’entreprise, je diffuse une circulaire de sensibilisation dans nos usines et auprès de nos clients et fournisseurs. Au total, nous recueillons en un mois près de cent cinquante mille euros. Elle est folle de joie et ça me rend heureux.


Parfois le dimanche matin, le son du piano vient me réveiller. Elle est là, tôt et en pleine forme, en tenue de sport, m’attendant pour un jogging ou pour échanger quelques balles de tennis. Il y avait un vieux court dans un coin du parc que j’ai fait rénover. Elle est devenue mon bonheur de la semaine. J’essaye bien de la garder un peu plus, à déjeuner par exemple :



Ou alors de venir la veille, le samedi :



Alors je veux savoir ce qui se passe vraiment dans cette association. Je cherche le centre et le trouve, et j’y vais un samedi. Dans une grande salle de jeux servant d’attente, il y a là des familles avec leurs enfants. Certains recroquevillés, d’autres hurlant sans cesse, d’autres agressifs… Dur ! Puis j’erre dans les couloirs et là, par la vitre d’une porte, je la vois massant délicatement ces petits corps torturés. Et je vois la magie s’opérer, ces enfants se calmer, et sortir apaisés, presque heureux. Je comprends que je ne peux égoïstement la soustraire ni aux uns ni aux autres.


Un dimanche matin, il pleut des cordes. Elle arrive un peu en retard, je sors de la douche toujours en peignoir.



Pour les massages relaxants, elle m’avait dit que sur le lit, ce serait très bien. Mais quand je quitte mon peignoir, je suis moi-même surpris de n’avoir pas mis de boxer. Acte manqué. Je ne vais pas faire ma « chochotte », je m’étends comme ça, inquiet de son éventuelle réaction.



J’obéis. Parfum subtil des huiles, course savante de ses pouces sur mes muscles, je m’endormirais presque. Enfin, elle me fait retourner. Jusque-là, j’étais sage et calme. Mais de la regarder faire, d’observer sa beauté, la grâce de ses mouvements, puis de sentir son souffle sur ma peau et parfois sa manche qui frôle mon pénis, je finis par hisser les couleurs.



Pour s’en occuper, elle s’en occupe. Jamais je n’ai ressenti une telle douceur mêlée à une telle force. Je ferme les yeux et me laisse aller au plaisir. À chaque fois que son poing fermé descend sur mon membre durci, j’ai l’impression de pénétrer une vierge. Et quand elle remonte, l’anneau de ses doigts propulse le sang dans mon gland turgescent à en éclater. Tout cela dans l’infinie douceur de sa peau et de son onguent magique. Ça ne dure pas longtemps. J’ai un spasme aussi soudain qu’inattendu et des jets de liquide épais et nacré viennent terminer leurs paraboles sur ma poitrine et sur mon ventre.



À compter de ce jour, chaque dimanche Li termine son massage par une masturbation libératrice, et toute la semaine j’attends le dimanche avec impatience. Notre relation s’en trouve plus resserrée, plus complice. Nous nous faisons la bise maintenant. Et puis un jour, nos lèvres dérapent et se rencontrent. Elle ne se dérobe pas et notre premier baiser est enflammé. Quel bonheur d’enlacer ce corps fin, souple et musclé contre moi !



Nos jeux de massage vont un peu plus loin, elle évite l’onguent et utilise sa bouche. Sa pratique est bien moins établie et habile, mais la sensation est toute autre. Et puis elle n’a aucun recul à recevoir et avaler ma semence, et je trouve cela très troublant et attendrissant. Allant toujours plus loin, elle décide un jour de me faire un massage corps à corps, sans me prévenir. Installé sur le ventre, j’attends patiemment la pression de ses pouces. L’huile de massage coule d’abord, abondante. Puis je la sens grimper sur le lit et ce sont ses seins qui me touchent en premier, puis tout son corps qui vient contre le mien, ondulant, remontant de bas en haut. Ce contact m’emplit de sensations inouïes, d’un érotisme torride, d’une chaleur délicieuse. Lorsqu’elle me fait retourner, je peux commencer à apercevoir son corps dénudé qui m’apparaît pour la première fois, brillant d’huile, glissant sur moi comme un reptile. Mon érection est à son paroxysme lorsqu’elle entame ses mouvements, ses seins autour de mon pénis, et remonte jusqu’à ma bouche pour un baiser au passage. Puis la belle se dresse comme un cobra, exposant toute la splendeur de son buste parfait, de son ventre plat et musclé, de ses hanches joliment évasées. Elle plaque son clitoris sur ma verge et commence des mouvements de bassin d’arrière en avant. Elle est décidément très habile de son corps et, lui titillant les seins, je la sens peu à peu s’enflammer, respirer plus vite et plus fort, accélérer son mouvement, gémir doucement. Son regard se trouble, s’évade vers le plafond puis, après deux ou trois secousses légères, elle m’entraîne dans un puissant orgasme partagé. Elle s’écroule sur ma poitrine, vaincue par le plaisir, nous baignons dans l’huile, la sueur et nos sécrétions, épuisés de bonheur. Nous restons ainsi un long moment, littéralement collés l’un à l’autre, unis dans le plaisir et l’amour. Nous prenons une douche ensemble, les douches italiennes sont pratiques pour cela, puis elle part chez ses parents.



Dans un premier temps, sur le conseil d’un toubib qu’elle côtoie pour son travail, et auquel elle parle comme s’il s’agissait d’une patiente, nous allons consulter un sexologue, le premier trouvé sur l’annuaire. Le bonhomme nous ricane au nez.



Crétin. Nous ressortons choqués et écœurés par cet individu qui a pignon sur rue et se fait payer soixante euros pour de telles insanités. Nous cherchons alors sur Internet, nous perdant dans la jungle des forums plus ou moins égrillards. Malgré tout, ce qui ressort, c’est qu’il faut avant tout consulter un gynécologue. Ce que nous faisons. Le monsieur est assez âgé, mais l’œil bleu et vif, et le visage d’une grande bonté. Il écoute Li jusqu’au bout sans mot dire. Puis il lui pose une question inattendue :



Il observe la configuration de Li, la palpe très doucement, mais appuie très fort sur son ventre dans lequel il enfonce ses doigts. Elle grimace. Puis il regarde mon sexe et me demande de le mettre en érection. Je confie ce soin à Li, ce qui le fait sourire gentiment.



Il y a des gens qui sont moins bêtes que d’autres, et à qui on ne regrette pas de laisser soixante euros. Le gynéco ne devait pas être loin de la vérité, car rien que ses paroles ont des conséquences sur le vagin de Li. Il est un peu moins serré. Elle me propose d’essayer de lui mettre un onguent décontractant musculaire qu’elle utilise souvent sur la peau. Au début, tout se passe bien. J’ai le privilège de caresser le minou de cette si jolie femme, qui réagit fort bien d’ailleurs. Mais quand mon doigt entre plus profondément et presse doucement sur les parois, la réaction de contraction est instantanée. Onguent ou pas, ça ne change rien. Nous nous mettons donc en quête d’un thérapeute utilisant l’hypnose. Pas simple, surtout quand on a vécu cette triste expérience avec le sexologue. Nous prenons renseignements et précautions, et on nous envoie à Paris chez le maître de cette pratique, opérant dans un grand hôpital. Juste six mois d’attente. Mais ça en vaut la peine.


Dans l’intervalle, dix fois nous faillons annuler le rendez-vous, car dix fois nous avons gagné quelques centimètres. Mais dix fois, la même réaction finit par apparaître. Le thérapeute-hypnotiseur nous reçoit enfin et comprend parfaitement le problème. Il endort Li et commence une régression, année après année. J’apprends plein de choses sur elle et sur son enfance, à l’évidence très heureuse avec ses parents adoptifs. Puis vient le long voyage en bateau, et enfin nous arrivons, après plus d’une demi-heure, à l’événement souhaité. Mais là, problème. Li raconte son histoire d’une toute petite voix suraiguë, mais en thaï, ce qui fait que personne ne la comprend. Le professeur est très sympa. Il veut bien ne pas nous faire attendre six mois de plus et nous dit de l’appeler dès que nous aurons trouvé un interprète. Car en fait, même Li est incapable de se traduire elle-même, elle ne parle plus que le français et l’anglais ! La chose est un peu plus aisée, et une quinzaine plus tard nous sommes de nouveau chez le thérapeute avec une interprète. La régression a de nouveau lieu, plus rapide cette fois, parce que Li a désormais l’habitude d’être ainsi endormie et que la localisation dans le temps est déjà faite. Avec la même voix fluette, Li raconte l’horreur que l’interprète traduit :


Les soldats qui cassent la porte de la maison… des coups de feu… maman qui crie « Pichaï, Pichaï », le nom de papa, hurlant et pleurant… Les soldats qui montent, la repoussent, lui arrachent ses vêtements… Elle hurle, et Li crie aussi… Ils se couchent sur elle, l’un après l’autre… Maman hurle et Li a peur et crie aussi. Et puis un couteau, dans le cou de ma maman. Maman ! Ils vont m’en faire autant, je ne veux pas… Le sang partout… Un coup de pied d’un soldat dans mon berceau… Je tombe, je roule sous la table… Dans le sang de maman… Maman !…


L’interprète pleure, tout le monde pleure, le professeur très ému commence sa suggestion.



Li se réveille, encore un peu hébétée, les yeux mouillés de larmes. Le professeur lui ordonne un décontractant pour aider à dénouer ce qui a été bloqué trop longtemps. Quelques semaines plus tard, nous faisons enfin l’amour comme des fous, perchés sur l’Himalaya du bonheur. Tout s’est fait en douceur et avec patience. Li a ressenti d’abord un grand vide dans son ventre et courait sans cesse aux toilettes, craignant d’échapper quelque chose, ce qui n’arrivait évidemment jamais. Puis elle m’a laissé régulièrement jouer avec son intimité, commençant à y trouver un certain plaisir et même un plaisir certain. Elle accepte désormais mes caresses, mes doigts, ma langue, et s’abandonne de plus en plus fréquemment aux spasmes du plaisir.


C’est au cours de l’un de ces simulacres qu’elle sait si bien exécuter, frotter son clitoris sur ma hampe, qu’elle s’arrête soudain, décidée, dresse mon pieu à la verticale et le présente à son vestibule. Lentement, très lentement, elle se laisse descendre sur mon dard brillant d’huile. Son regard plongé dans le mien, nos respirations retenues, je me sens non pas déflorant une vierge, mais pénétrant la déesse de la virginité, si tant est qu’elle existe. C’est pourtant beaucoup plus facile qu’escompté, et l’étonnement se lit sur son visage lorsque ses jolies fesses touchent mes cuisses.



Elle n’a guère le temps d’en dire plus que déjà, un premier orgasme la fauche, la couchant sur ma poitrine. Ah, dire que le cerveau fait tout, c’est bien peu dire. Je nous fais rouler sur le côté et passe sur elle, admirant son beau visage en souriant. Déjà, les réflexes innés se mettent en place et je sens ses jambes grandes ouvertes se croiser dans mon dos.



Je ne me le fais pas dire deux fois. Et lentement mais sûrement, mon bassin se met en branle et ma verge fouille pour la première fois les entrailles de ma belle compagne. Cramponnée à moi comme une naufragée à sa bouée, elle accompagne mes élans de petits « oh… oh oui… oh que c’est bon… ». Puis nos cerveaux reptiliens prennent le contrôle de nos corps emmêlés, vouant nos consciences au mutisme, et œuvrant à la seule et indispensable survie de l’espèce. À l’issue de cette étreinte furieuse et endiablée, je connais l’un des plus puissants orgasmes de ma vie dans lequel tous les plaisirs se mêlent pour une extase improbable : l’acte en soi et la jouissance associée, la fabuleuse étroitesse de ma compagne, l’aboutissement de mois d’efforts, la certitude d’être le premier et l’unique, le délice d’inonder ce ventre tant désiré des interminables jets de ma semence, qui provoquent un énième spasme à cette femme d’une bouleversante beauté. Nos yeux injectés de sang témoignent du don total que nous nous sommes mutuellement fait. Nos souffles repris, nous allons sous une douche réparatrice.



Nous descendons nus jusqu’à la cuisine pour boire de longues gorgées de champagne bien frais, mais chaque geste, chaque croisement de regard nous jette à nouveau dans les bras l’un de l’autre pour d’éperdus baisers. Li s’empare du téléphone intérieur :



Cette brave Madeleine, qui espérait depuis longtemps sans oser en parler, voyant bien l’intérêt que Li me portait et que je portais à Li ; dès le téléphone raccroché, elle fonce sur ses fourneaux et prépare un plateau pour deux. Elle traverse le parc avec ses gamelles et organise un joli tête-à-tête sur la table de la cuisine. Puis, tendant l’oreille, elle finit par ouvrir la porte de l’entrée dans laquelle résonnent les plaintes et les bêlements de sa fille, en train de vivre sa première levrette avec un plaisir non dissimulé. La brave femme ramasse machinalement le bas de son tablier pour essuyer les larmes de joie qui coulent sur ses joues rebondies. Elle court jusque chez elle pour crier :





Dix ans plus tard…


Nos trois bambins, tous aussi bruns et beaux que leur maman et tous nés naturellement, enchantent le parc de leurs cris joyeux. La maison est pleine de jouets, le parc plein de ballons et de vélos. Madeleine ne me demande plus comment elle va s’occuper, Jacques grogne contre les petites pestes qui laissent tout traîner. Et nous ? Nous allons bien, merci. Li a abandonné son activité de kiné, sauf pour les enfants handicapés de l’association. Moi j’ai encore des progrès à faire, mais j’apprends à déléguer. Notamment, j’ai recruté un nouveau DRH qui me paraît très, très bien…