Avertissement : ce texte a été rédigé suite à une discussion sur le forum RVBB à propos des textes à refuser ou non, par rapport au respect de la charte. La question de l’inceste a été posée. J’ai cru lire parfois un double discours, plus ou moins tolérant suivant les relations d’ascendance entre les personnes. Une tendresse sensuelle entre mère et fille n’étant a priori pas considérée comme incestueuse, au contraire d’une tendresse sensuelle entre père et fils, à plus forte raison entre père et fille ou mère et fils. Ces textes en miroir ne se veulent pas provocateurs. Ils décrivent juste des situations aussi réalistes que possible, en laissant ouverte la question du respect de la charte respectivement de la morale. C’est un débat de société que la fluidité de genre et des impératifs d’égalité de genres vont rendre de plus en plus nécessaire.
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Gabrielle et les hommes
- — Sincèrement, les gars, je n’ai pas envie de poursuivre la discussion dans cette direction ! Vous prenez du dessert ?
Quand je dis « les gars », c’est affectueux et un brin moqueur. Lionel, le père, et Livio, son fils de vingt-deux ans, sont assis en face de moi dans le resto où je les ai invités. Depuis la fin du plat principal, ils font dévier la discussion sur la pente savonneuse du polyamour, du désir qu’une femme peut éprouver pour plusieurs hommes en même temps, de l’échangisme et du mélangisme. Je sais que Lionel en connaît un rayon sur le sujet et je suis mal à l’aise pour en parler, surtout lorsque père et fils attendent des réponses de ma part. Je me vois mal parler devant le fils de ce que j’éprouve pour son père et vice-versa.
- — Qu’est-ce qui te gêne dans nos questions ? demande Livio avec un regard de braise que provoque l’intensité du débat.
- — Tu sais que nous n’avons pas de secret l’un pour l’autre ? ajoute Lionel en posant sa main sur la mienne. Dis-nous ce que tu penses.
- — Le problème, ce n’est pas ce que je pense, mais ce que je pourrais ressentir.
- — Et ?
- — Il y a des portes que je préfère laisser fermées.
C’est la troisième fois que je rencontre Livio. La première fois, l’adolescent timide m’avait émue. J’ai été touché par son intelligence et la profondeur de son regard, peu communes chez un jeune de cet âge.
La deuxième fois, j’ai aimé discuter avec l’homme qu’il était devenu, l’entendre parler de ce que la vie peut offrir à presque vingt ans, de ses envies de la croquer à pleines dents. Et j’avoue que sa manière discrète et élégante de mettre son corps en valeur m’avait séduite.
Aujourd’hui, deux ans plus tard, il se remet d’une intense, mais douloureuse expérience de couple. Le fruit de la passion était blet. Il a mis du temps à recracher le morceau, tout en tenant mieux le choc que ce que m’avait décrit son père.
Je le découvre enjoué, vif d’esprit, à nouveau plus sûr de lui. J’apprécie sa présence, comme je sais qu’il apprécie la mienne auprès de son père. Il paraît même qu’il me trouve assez séduisante.
Lionel, je l’aime profondément depuis le jour où je l’ai rencontré et où ses élans sensuels ont illuminé mon existence. Nous n’avons objectivement aucun espoir de pouvoir vivre plus que quelques jours ensemble, de temps en temps. Mais nous ne nous retenons pas, en dehors de nos vies amoureuses respectives, de prendre le temps de nous dire toutes les belles choses que nous avons dans le cœur. Et parfois de faire exulter nos corps, lorsque les planètes sont bien alignées. C’est-à-dire lorsque Lionel n’a pas de femme dans sa vie, lorsque son fils est heureux, si possible loin de sa génitrice, et lorsque j’ai une bonne excuse de voyager à plus de huit cents kilomètres de mon lieu de travail.
Alors, pour quelques jours, nous revisitons le jardin d’Eden et nous nous gavons des fruits que nous y trouvons, absolument tous les fruits. Jusqu’à nous en faire expulser pour avoir consommé la pomme du mal, comme le veut la tradition biblique.
Entre ces feux d’artifice, nous veillons à laisser s’écouler assez de temps pour éviter une sortie de route sentimentale et amoureuse qui serait fatale pour trop de monde. Nous avons tourné la question dans tous les sens, il n’y a aucune solution satisfaisante à cet amour impossible. Inversement, Lionel et moi avons assez d’expérience de vie pour savoir qu’un tel amour ne survivrait pas à la cascade de ruptures qu’il provoquerait, si nous choisissions l’égoïsme plutôt que la raison.
Le raisonnable, pour Lionel, c’est précisément Livio, son fils. Depuis sa naissance, il a tout donné pour lui offrir une vie heureuse et lui permettre de se construire malgré des circonstances souvent difficiles.
Dire que Lionel s’est sacrifié pour son fils ne correspond pas à la réalité des sentiments. Son amour est si inconditionnel qu’à chaque choix que la vie lui a imposé, notamment de se séparer de la mère de Livio ou d’une ex-manipulatrice, c’est le bonheur de son fils et son amour pour lui qui a emporté la décision.
Et à chaque fois, ou presque, la fierté et la joie de voir son fils à nouveau heureux lui ont redonné assez de forces pour tenir le coup.
La symbiose qui unit ces hommes est remarquable. Et de toute évidence, elle n’empêche en rien Livio de trouver sa voie et de faire les choix qui se présentent à un jeune homme indépendant, intelligent, beau, sensuel, actif, compétent, drôle et décidé (entre autres).
Lionel est là lorsque Livio a besoin de lui, il ne demande rien d’autre en retour que le bonheur dans les yeux de Livio.
Pour le reste, Lionel arrive tant bien que mal à organiser sa vie intime, avec le minimum syndical de chaleur et de tendresse qui lui suffit pour continuer à mettre un pied devant l’autre, et recommencer, recommencer, recommencer.
Question chaleur et tendresse, l’hiver de Lionel est néanmoins rude depuis quelques mois. Le manque de respect des femmes qu’il rencontre, et dont il pourrait avoir envie, semble être une douloureuse constante dès qu’il s’abandonne entre leurs bras.
Il a toutefois versé tant de larmes au cours des galères qui ont émaillé sa vie qu’un début de sérénité s’est installé quelque part entre son cœur et son ventre.
Il prend le plaisir lorsqu’il s’offre, tout en acceptant sans amertume les épisodes de jachère. Entre deux, il colore ses nuits avec quelques milligrammes de bien-être en comprimés rassurants. Au prix d’une libido en berne. Ce qui ne l’empêche pas d’aimer donner du plaisir aux femmes qui s’invitent dans son lit. Elles ne remarquent rien, il vibre à l’unisson avec leurs corps, prend en lui les vagues orgasmiques qui les traversent et s’en réchauffe le cœur et les sens.
Une nuit, après de longues heures de douceur et de tendresse, il m’a avoué que ce que je lui offrais valait au moins trois milligrammes de bromazépam, voire dix milligrammes de fluoxétine… Il est le premier et le seul à m’avoir fait un tel compliment !
- — De quoi as-tu peur, Gabrielle ? demande Livio en se tournant vers son père pour s’assurer de son approbation.
- — De ce qui se cache derrière vos questions. Tu sais ce que j’éprouve pour ton père, ce qu’il représente pour moi. Tu ne peux pas non plus ignorer à quel point j’apprécie ta présence avec nous et la richesse de ta personne. Mais il est hors de question que je compare vos qualités respectives.
- — Il ne s’agit pas de comparer, mais simplement de reconnaître que, tout en éprouvant des sentiments très forts à mon égard et un désir qui me fait frémir profondément, tu puisses tout autant désirer Livio, précise Lionel.
- — Admettons…
- — On ne te demande pas d’aveu, juste la reconnaissance à haute voix d’une évidence. Nous ne sommes pas jaloux l’un de l’autre, nous ne jouons pas avec toi et nous avons confiance en toi. Mais cette confiance ne peut exister que si elle est basée sur une totale franchise.
- — Vous voulez donc que je confesse que je trouve le père et le fils délicieux, et qu’en d’autres circonstances, je pourrais être attiré par l’un comme par l’autre. Eh ben, voilà, c’est fait. Mais cela n’a rien à voir avec ce que j’éprouve aujourd’hui. Je suis venu te retrouver toi, Lionel, et ce sont ces sentiments qui remplissent mon cœur. Il n’y a aucune équivoque par rapport à toi, Livio.
- — Supposons maintenant, poursuit Lionel sous le regard attendri de Livio, que je m’absente et que tu sois seule avec Livio. Tu sais ce qu’il a traversé ces derniers mois, il m’a autorisé à t’en parler. S’il avait envie de ta tendresse pour le réconforter, de tes caresses pour apaiser ses doutes, de ton regard de femme sur sa virilité dénigrée, le repousserais-tu ?
- — Nous rapprocher dans ces conditions serait une très mauvaise idée, et c’est exactement ce que je lui dirais.
- — Et s’il insiste ? S’il te précise que c’est justement de ce regard bienveillant qui fait tant de bien à son père dont il a besoin. Qu’il n’a plus assez de force pour refaire confiance à une autre que toi avant longtemps. Qu’il a juste besoin d’un moment de tendresse et de douceur avec une femme bien et respectueuse, pour reprendre pied. Le repousserais-tu ?
- — Gabrielle, on ne parle pas de baiser en cachette de papa, on parle de sentiments que je te sais éprouver pour lui. Est-ce qu’ils excluent tout autre partage, voilà la question ?
- — Comment voulez-vous que je réponde à une question qui ne m’a jamais effleuré l’esprit ?
- — Alors, si tu préfères, puisqu’on exige une totale transparence de ta part, mettons tout sur la table, insiste Lionel. Si on te pose la question, c’est suite à ce qui s’était passé lors de ta dernière visite. Tu te souviens de la deuxième nuit ?
Évidemment que je m’en souviens. Lors de la première nuit, Lionel m’avait cédé son lit dans le séjour et il était allé dormir dans le lit de son fils resté chez sa mère pour le week-end.
Le fait que Lionel ait à ce moment une relation plus ou moins intime avec une nana logeant de l’autre côté du couloir avait quelque peu freiné nos effusions. En bref, les astres étaient mal alignés pour plus d’intimité. Juste assez pour nous aider à rester dans nos chambres respectives jusqu’au petit matin.
Les choses s’étaient précipitées le lendemain, lorsque Livio, en pleurs, avait demandé de pouvoir revenir chez son père suite à une crise majeure avec sa mère. C’est dans ces conditions que je l’avais revu et découvert le beau jeune homme qu’il était devenu.
Pour l’aider à passer le cap, nous avions passé l’après-midi et la soirée à discuter et boire différents trucs qui font du bien et aplanissent les inhibitions. J’appris le lendemain matin qu’après de longues confidences entre père et fils, Lionel et Livio s’étaient endormis, tendrement enlacés. Vers deux heures du matin, Lionel avait cependant laissé son fils dormir seul, et avait rejoint son amante.
Je l’avais entendu marcher entre le couloir et la cuisine à son retour, au petit matin, sans réaliser exactement ce qui s’était passé. Un bref instant j’avais même espéré qu’il se glisse tout contre moi. J’étais loin de me douter de ce qui l’en avait retenu.
- — Oui, enfin, je m’en souviens en partie. Je ne suis pas sûre que tu m’aies tout raconté.
- — Effectivement, répond Livio à la place de son père. Je me suis endormi entre les bras de papa, apaisé par sa tendresse et la chaleur de son corps. Lorsque je me suis réveillé, il n’était plus là. J’ai d’abord pensé qu’il était allé te rejoindre. Cela a provoqué des émotions très fortes en moi. D’abord le plaisir de penser qu’il était heureux entre tes bras, et pas ceux de la connasse d’à côté. Puis j’ai ressenti un intense frisson dans le ventre à l’idée de ce que vous pouviez partager. Nous nous disons tout, mais c’est très différent d’en parler ou de le savoir se produire de l’autre côté de la paroi. J’ai essayé d’écouter, de distinguer ce qui se passait entre vous, mais je n’ai rien entendu. C’est alors que l’envie d’être moi-même caressé et désiré m’a submergée.
- — Le hasard m’a fait revenir vers Livio à cet instant précis, complète Lionel. Je l’ai retrouvé agité dans son lit, le corps bouillant, presque tremblant. J’ai pensé qu’il m’en voulait de l’avoir laissé. Il m’a alors avoué… Je peux le lui dire, Livio ?
- — J’ai avoué à mon père m’être caressé en pensant à toi, à vous deux enlacés. Il m’a serré dans ses bras, en s’excusant d’être allé de l’autre côté du couloir, où les retrouvailles ne s’étaient pas trop bien passées.
- — J’ai essayé d’expliquer mon attitude à mon fils. Je lui ai demandé si cela le choquait de me savoir avec une femme, tout en recevant la visite d’une autre. S’il avait l’impression que je passais de l’une à l’autre.
- — Je lui ai demandé s’il parlait de la meuf de l’autre côté du couloir, ou de toi dans la chambre à côté. Parce que oui, la meuf du couloir, je supportais mal de l’imaginer dans son lit. Mais avec toi, Gabrielle, non seulement je pouvais l’imaginer, mais je trouvais l’idée très belle.
- — Alors Livio m’a posé une question à laquelle je ne m’attendais pas. Aurais-je été jaloux ou triste s’il t’avait rejointe ? J’ai bien dû reconnaître que non. Sa question suivante m’a complètement déstabilisé.
- — À savoir ? demandé-je, inquiète de découvrir tout ce qui s’était passé à mon insu.
- — J’ai demandé à papa s’il serait resté dans la chambre à côté, me sachant avec toi, ou s’il serait venu nous rejoindre. Finalement, nous éprouvions les mêmes élans envers la même femme.
- — Arrête Livio, arrête tout de suite. Tu parles de ton père, là !
- — Qu’est-ce qui te choque ? Que père et fils désirent la même femme ou qu’ils le vivent ouvertement ?
- — Mais, bordel, on parle d’inceste, rien de moins. Et je n’ai vraiment pas envie d’en entendre plus. Aucune explication ne tient la route, fin de l’histoire !
- — Calme-toi, Gabrielle, demande Lionel sur un ton très doux. Tu crois vraiment que c’est incestueux d’aimer mon fils au point de lui permettre de vivre un peu de ce que je partage de beau avec une femme qui me rend heureux ? Je ne le ferais jamais si j’étais encore avec sa mère. De toute façon, je suis sûr qu’il m’a déjà vu faire l’amour avec une maîtresse. Tous les fils essaient de voir leur père entre les bras d’une femme. C’est comme ça qu’ils apprennent les gestes, bien avant de découvrir la puissance des émotions.
- — De là à te voir jouir entre les bras d’une maîtresse, il y a un pas, non ?
- — Alors là, c’est bien l’hypocrisie féminine ! Dans notre société actuelle, on peut voir du porno au kilomètre, voir des hommes éjaculer comme rarement un mec jouit vraiment, mais voir son père avoir du plaisir entre des bras aimants, ce serait interdit ?
- — De toute façon, même sans chercher à y participer, le sexe à plusieurs c’est plus fréquent que tu ne le crois, précise Livio, et pas seulement dans des soirées échangistes. Que mon père ait eu des maîtresses et qu’elles lui aient donné du plaisir, je le sais. Que j’aimerais être dans tes bras, il le sait depuis longtemps et il le sent depuis que tu es revenue. Ça me semble plus honnête et surtout plus beau de ne rien se cacher.
- — Gabrielle, nous ne parlons pas d’un ménage à trois avec une femme et mon fils. Nous parlons d’un instant suspendu de tendresse et d’amour, y compris sensuel si les caresses nous y mènent. Avec une femme rare, respectueuse, tendre comme peu le sont. Une femme patiente, qui nous attire lui comme moi, et pour laquelle nous éprouvons des sentiments très beaux, très doux, très troublants. C’était ça le sujet que tu voulais éviter ?
- — OK, je me calme. Mais maintenant, inversons les rôles, juste pour voir. Que diriez-vous d’une mère qui passe la nuit avec sa fille jeune adulte entre ses bras ? Et je n’évoque même pas l’hypothèse de son fils, dont je ne veux en aucun cas entendre parler.
- — Papa ne me prend jamais autrement entre ses bras que comme un père, si ça peut te rassurer. Et je n’éprouve aucun autre désir de son corps que ceux d’un fils envers celui par qui il est au monde. Mais, oui, être près de lui pendant qu’une femme le rend heureux, j’avoue ne pas être sûr que ce soit une abomination. Je n’imagine pas une seconde toucher son corps à ce moment. Jamais. Mais, en revanche, celui de la femme, je ne sais pas.
- — Peut-être que le manque de femme me fait délirer, intervient Lionel, mais sincèrement, je ne vois pas où est le problème, dès lors que nous sommes les deux au clair sur ce que nous voulons. Et où la femme est partante.
- — D’où votre question ! Et vous en parlez souvent entre vous ou c’est ma visite qui vous agite ?
- — Parfois lors de nos soirées d’homme à homme… Il m’arrive d’avouer à Livio qu’un de tes courriels m’a fait du bien au fond du ventre. C’est bon d’en rire ensemble. Autrefois, le grand-père racontait ce genre de choses à son petit-fils, à mots couverts. Ou alors, les oncles s’en chargeaient. Parfois en lui offrant un tour au bordel. Cet aspect de la famille a disparu. Nos fils n’ont plus qu’internet ou des copains pour faire leur éducation. Par ce moyen, c’est rarement les émotions qui sont transmises.
- — Mais, bon sang, ni lui ni toi n’avez d’inhibition, de pudeur, de besoin de mieux préserver vos vies intimes ?
- — Livio sait tout de mon corps, comment il s’est transformé, à cause des médocs, de l’âge et des nanas qui m’ont fait faire des trucs que je n’aurais jamais voulus si j’avais vraiment eu le choix. C’est mon rôle de le prévenir.
- — Et papa sait aussi presque tout de moi. À qui me confier d’autre ? J’ai beaucoup moins de secrets sur mon corps envers lui qu’envers une amante.
- — Et moi, dans cette histoire ? Quel prix ont mes pudeurs ou mes doutes, par exemple sur mon physique vieillissant ? Parce que dès le début de cette discussion, c’est bien de moi qu’il est question, non ? D’un partage de moi.
- — Toi, Gabrielle, tu es l’amante merveilleuse dont la vie m’a fait cadeau il y a longtemps, qui ne m’a jamais abandonné, murmure tendrement Lionel. Tu es celle qui revient vers moi quoi que la vie m’ait réservé. Je n’aime plus trop mon corps, mais dans tes yeux, le désir que j’y lis me rassure. Je sais aussi que tu peux regarder mon fils avec gourmandise. Tu essaies d’être discrète, mais rien ne nous échappe. Surtout pas ce genre de compliment féminin !
- — Et moi, je t’apprécie depuis le jour où je t’ai rencontrée, et chaque nouvel échange me l’a confirmé. Je sors de l’échec d’un premier amour. Ce n’est pas rien, j’ai besoin de me reconstruire. Ne me refuse pas ce moment de repos du guerrier, même si tu es venue retrouver mon père. Si tu le veux bien, si tu m’ouvres tes bras, nous ne le priverons de rien. Et vous ne me priverez de rien pendant que vous serez ensemble. Je vous aime trop tous les deux.
- — Livio est là pour quelques jours encore, tout comme toi. Je n’ai pas envie de cacher mes élans envers toi ni de l’éloigner de moi. J’accepte ce qu’il éprouve pour toi si c’est ce qui lui fait du bien.
- — Que voulez-vous exactement de moi ?
- — Vivre l’intense, quel qu’il soit, conclut Livio avec un regard très troublant.
- — Que tu te libères de tes doutes nous concernant, ajoute Lionel, et que tu nous acceptes tels que nous sommes.
- — …
- — Alors ? demandent-ils d’une même voix après quelques minutes de silence.
- — Vous prenez du dessert ?
- — Garce ! font-ils semblant de me reprocher. Sincèrement, Gabrielle ?
- — Sincèrement, personne n’a jamais osé me mettre ainsi face à mes incohérences jusqu’à ce jour. Personne. Mais je confesse ces incohérences. Alors, oui, Livio, je me suis retenue de tout geste équivoque à ton égard, mais tu me troubles et ce trouble fait vibrer des trucs en moi, même en présence de ton père. Et, oui, Lionel, ces trucs ne diminuent en rien ce que j’éprouve pour toi. Maintenant qu’il soit fait selon vos volontés, mais dites-moi enfin si vous prenez du dessert ?
Les deux se regardent et éclatent de rire, avant de prendre mes mains entre les leurs.
Vincent et les femmes
- — Sincèrement, les filles, je n’ai pas envie de poursuivre la discussion dans cette direction ! Vous prenez du dessert ?
Quand je dis « les filles », c’est affectueux et un brin moqueur. Line, la mère, et Livia, sa fille de vingt-deux ans, sont assises en face de moi dans le resto où je les ai invitées. Depuis la fin du plat principal, elles font dévier la discussion sur la pente savonneuse du polyamour, du désir qu’un mec peut éprouver pour plusieurs femmes en même temps, de l’échangisme et du mélangisme. Je sais que Line en connaît un rayon sur le sujet et je suis mal à l’aise pour en parler, surtout lorsque mère et fille attendent des réponses de ma part. Je me vois mal parler devant la fille de ce que j’éprouve pour sa mère et vice-versa.
- — Qu’est-ce qui te gêne dans nos questions ? demande Livia les joues rosies par l’intensité du débat.
- — Tu sais que nous n’avons pas de secret l’une pour l’autre ? ajoute Line en posant sa main sur la mienne. Dis-nous ce que tu penses.
- — Le problème, ce n’est pas ce que je pense, mais ce que je pourrais ressentir.
- — Et ?
- — Il y a des portes que je préfère laisser fermées.
C’est la troisième fois que je rencontre Livia. La première fois, l’adolescente timide m’avait ému. J’ai été touché par son intelligence et la profondeur de son regard, peu communes chez une jeune de cet âge.
La deuxième fois, j’ai aimé discuter avec la femme qu’elle était devenue, l’entendre parler de ce que la vie peut offrir à presque vingt ans, de ses envies de la croquer à pleines dents. Et j’avoue que sa manière discrète et élégante de mettre son corps en valeur m’avait séduit.
Aujourd’hui, deux ans plus tard, elle se remet d’une intense, mais douloureuse expérience de couple. Le fruit de la passion était blet. Elle a mis du temps à recracher le morceau, tout en tenant mieux le choc que ce que m’avait décrit sa mère.
Je la découvre enjouée, vive, à nouveau plus sûre d’elle. J’apprécie sa présence, comme je sais qu’elle apprécie la mienne auprès de sa mère. Il paraît même qu’elle me trouve assez séduisant.
Line, je l’aime profondément depuis le jour où je l’ai rencontrée et où ses élans sensuels ont illuminé mon existence. Nous n’avons objectivement aucun espoir de pouvoir vivre plus que quelques jours ensemble, de temps en temps. Mais nous ne nous retenons pas, en dehors de nos vies amoureuses respectives, de prendre le temps de nous dire toutes les belles choses que nous avons dans le cœur. Et parfois de faire exulter nos corps, lorsque les planètes sont bien alignées. C’est-à-dire lorsque Line n’a pas d’amant, lorsque sa fille est heureuse, si possible loin de son géniteur, et lorsque j’ai une bonne excuse de voyager à plus de huit cents kilomètres de mon lieu de travail.
Alors, pour quelques jours, nous revisitons le jardin d’Eden et nous nous gavons des fruits que nous y trouvons, absolument tous les fruits. Jusqu’à nous en faire expulser pour avoir consommé la pomme du mal, comme le veut la tradition biblique.
Entre ces feux d’artifice, nous veillons à laisser s’écouler assez de temps pour éviter une sortie de route sentimentale et amoureuse qui serait fatale pour trop de monde. Nous avons tourné la question dans tous les sens, il n’y a aucune solution satisfaisante à cet amour impossible. Inversement, Line et moi avons assez d’expérience de vie pour savoir qu’un tel amour ne survivrait pas à la cascade de ruptures qu’il provoquerait, si nous choisissions l’égoïsme plutôt que la raison.
Le raisonnable, pour Line, c’est précisément Livia, sa fille. Depuis sa naissance, elle a tout donné pour lui offrir une vie heureuse et lui permettre de se construire malgré des circonstances souvent difficiles.
Dire que Line s’est sacrifiée pour sa fille ne correspond pas à la réalité des sentiments. Son amour est si inconditionnel qu’à chaque choix que la vie lui a imposé, notamment de se séparer du père de Livia ou d’un ex-manipulateur, c’est le bonheur de sa fille et son amour pour elle qui a emporté la décision. Et à chaque fois, ou presque, la fierté et la joie de voir sa fille à nouveau heureuse lui ont redonné assez de forces pour tenir le coup.
La symbiose qui unit ces femmes est remarquable. Et de toute évidence, elle n’empêche en rien Livia de trouver sa voie et de faire les choix qui se présentent à une jeune femme indépendante, intelligente, belle, sensuelle, active, compétente, drôle et décidée (entre autres).
Line est là lorsque Livia a besoin d’elle, elle ne demande rien d’autre en retour que le bonheur dans les yeux de Livia.
Pour le reste, Line arrive tant bien que mal à organiser sa vie intime, avec le minimum syndical de chaleur et de tendresse qui lui suffit pour continuer à mettre un pied devant l’autre, et recommencer, recommencer, recommencer.
Question chaleur et tendresse, l’hiver de Line est néanmoins rude depuis quelques mois. Le manque de respect des mecs qu’elle rencontre, et dont elle pourrait avoir envie, semble être une douloureuse constante dès qu’elle s’abandonne entre leurs bras.
Elle a toutefois versé tant de larmes au cours des galères qui ont émaillé sa vie qu’un début de sérénité s’est installé quelque part entre son cœur et son ventre.
Elle prend le plaisir lorsqu’il s’offre, tout en acceptant sans amertume les épisodes de jachère. Entre deux, elle colore ses nuits avec quelques milligrammes de bien-être en comprimés rassurants. Au prix d’une libido en berne. Ce qui ne l’empêche pas d’aimer donner du plaisir aux hommes dont elle partage le lit. Ils ne remarquent rien, elle vibre à l’unisson avec leurs corps, prend en elle les vagues orgasmiques qui les traversent et s’en réchauffe le cœur et les sens.
Une nuit, après de longues heures de douceur et de tendresse, elle m’a avoué que ce que je lui offrais valait au moins trois milligrammes de bromazépam, voire dix milligrammes de fluoxétine… Elle est la première et la seule à m’avoir fait un tel compliment !
- — De quoi as-tu peur, Vincent ? demande Livia en se tournant vers sa mère pour s’assurer de son approbation.
- — De ce qui se cache derrière vos questions. Tu sais ce que j’éprouve pour ta mère, ce qu’elle représente pour moi. Tu ne peux pas non plus ignorer à quel point j’apprécie ta présence avec nous et la richesse de ta personne. Mais il est hors de question que je compare vos qualités respectives.
- — Il ne s’agit pas de comparer, mais simplement de reconnaître que tout en éprouvant des sentiments très forts à mon égard et un désir qui me fait frémir profondément, tu puisses tout autant désirer Livia, précise Line.
- — Admettons…
- — On ne te demande pas d’aveu, juste la reconnaissance à haute voix d’une évidence. Nous ne sommes pas jalouses l’une de l’autre, nous ne jouons pas avec toi et nous avons confiance en toi. Mais cette confiance ne peut exister que si elle est basée sur une totale franchise.
- — Vous voulez donc que je confesse que je trouve la mère et la fille délicieuses, et qu’en d’autres circonstances, je pourrais être attiré par l’une comme par l’autre. Eh ben, voilà, c’est fait. Mais cela n’a rien à voir avec ce que j’éprouve aujourd’hui. Je suis venu te retrouver toi, Line, et ce sont ces sentiments qui remplissent mon cœur. Il n’y a aucune équivoque par rapport à toi, Livia.
- — Supposons maintenant, poursuit Line sous le regard attendri de Livia, que je m’absente et que tu sois seul avec Livia. Tu sais ce qu’elle a traversé ces derniers mois, elle m’a autorisé à t’en parler. Si elle avait envie de ta tendresse pour la réconforter, de tes caresses pour apaiser ses doutes, de ton regard de mec sur sa féminité dénigrée, la repousserais-tu ?
- — Nous rapprocher dans ces conditions serait une très mauvaise idée, et c’est exactement ce que je lui dirais.
- — Et si elle insiste ? Si elle te précise que c’est justement de ce regard bienveillant qui fait tant de bien à sa mère dont elle a besoin. Qu’elle n’a plus assez de force pour refaire confiance à un autre que toi avant longtemps. Qu’elle a juste besoin d’un moment de tendresse et de douceur avec un homme bien et respectueux, pour reprendre pied. La repousserais-tu ?
- — Valentin, on ne parle pas de baiser en cachette de maman, on parle de sentiments que je te sais éprouver pour elle. Est-ce qu’ils excluent tout autre partage, voilà la question.
- — Comment voulez-vous que je réponde à une question qui ne m’a jamais effleuré l’esprit ?
- — Alors, si tu préfères, puisqu’on exige une totale transparence de ta part, mettons tout sur la table, insiste Line. Si on te pose la question, c’est suite à ce qui s’était passé lors de ta dernière visite. Tu te souviens de la deuxième nuit ?
Évidemment que je m’en souviens. Lors de la première nuit, Line m’avait cédé son lit dans le séjour et elle était allée dormir dans le lit de sa fille restée chez son père pour le week-end.
Le fait que Line ait à ce moment une relation plus ou moins intime avec un mec logeant de l’autre côté du couloir avait quelque peu freiné nos effusions. En bref, les astres étaient mal alignés pour plus d’intimité. Juste assez pour nous aider à rester dans nos chambres respectives jusqu’au petit matin.
Les choses s’étaient précipitées le lendemain, lorsque Livia, en pleurs, avait demandé de pouvoir revenir chez sa mère suite à une crise majeure avec son père. C’est dans ces conditions que je l’avais revue et découvert la belle jeune femme qu’elle était devenue.
Pour l’aider à passer le cap, nous avions passé l’après-midi et la soirée à discuter et boire différents trucs qui font du bien et aplanissent les inhibitions. J’appris le lendemain matin qu’après de longues confidences entre mère et fille, Line et Livia s’étaient endormies tendrement enlacées. Vers deux heures du matin, Line avait cependant laissé sa fille dormir seule, et avait rejoint son amant.
Je l’avais entendue marcher entre le couloir et la cuisine à son retour, au petit matin, sans réaliser exactement ce qui s’était passé. Un bref instant j’avais même espéré qu’elle se glisse tout contre moi. J’étais loin de me douter de ce qui l’en avait retenue.
- — Oui, enfin, je m’en souviens en partie. Je ne suis pas sûr que tu m’aies tout raconté.
- — Effectivement, répond Livia à la place de sa mère. Je me suis endormie entre les bras de maman, apaisée par sa tendresse et la chaleur de son corps. Lorsque je me suis réveillée, elle n’était plus là. J’ai d’abord pensé qu’elle était allée te rejoindre. Cela a provoqué des émotions très fortes en moi. D’abord le plaisir de penser qu’elle était heureuse entre tes bras, et pas ceux du connard d’à côté. Puis j’ai ressenti un intense frisson dans le ventre à l’idée de ce que vous pouviez partager. Nous nous disons tout, mais c’est très différent d’en parler ou de le savoir se produire de l’autre côté de la paroi. J’ai essayé d’écouter, de distinguer ce qui se passait entre vous, mais je n’ai rien entendu. C’est alors que l’envie d’être moi-même caressée et désirée m’a submergée.
- — Le hasard m’a fait revenir vers Livia à cet instant précis, complète Line. Je l’ai retrouvée agitée dans son lit, le corps bouillant, presque tremblante. J’ai pensé qu’elle m’en voulait de l’avoir laissée. Elle m’a alors avoué… Je peux le lui dire, Livia ?
- — J’ai avoué à ma mère m’être caressée en pensant à toi, à vous deux enlacés. Elle m’a serrée dans ses bras, en s’excusant d’être allée de l’autre côté du couloir, où les retrouvailles ne s’étaient pas trop bien passées.
- — J’ai essayé d’expliquer mon attitude à ma fille. Je lui ai demandé si cela la choquait de me savoir avec un homme, tout en recevant la visite d’un autre. Si elle avait l’impression que je passais de l’un à l’autre.
- — Je lui ai demandé si elle parlait du mec de l’autre côté du couloir, ou de toi dans la chambre à côté. Parce que oui, le mec du couloir, je supportais mal de l’imaginer dans son lit. Mais avec toi, Vincent, non seulement je pouvais l’imaginer, mais je trouvais l’idée très belle.
- — Alors Livia m’a posé une question à laquelle je ne m’attendais pas. Aurais-je été jalouse ou triste si elle t’avait rejointe ? J’ai bien dû reconnaître que non. Sa question suivante m’a complètement déstabilisée.
- — À savoir, demandé-je, inquiet de découvrir tout ce qui s’était passé à mon insu.
- — J’ai demandé à maman si elle serait restée dans la chambre à côté, me sachant avec toi, ou si elle serait venue nous rejoindre. Finalement, nous éprouvions les mêmes élans envers le même homme.
- — Arrête Livia, arrête tout de suite. Tu parles de ta mère, là !
- — Qu’est-ce qui te choque ? Que mère et fille désirent le même mec ou qu’elles le vivent ouvertement ?
- — Mais, bordel, on parle d’inceste, rien de moins. Et je n’ai vraiment pas envie d’en entendre plus. Aucune explication ne tient la route, fin de l’histoire !
- — Calme-toi, Vincent, demande Line sur un ton très doux. Tu crois vraiment que c’est incestueux d’aimer ma fille au point de lui permettre de vivre un peu de ce que je partage de beau avec un homme qui me rend heureuse ? Je ne le ferais jamais si j’étais encore avec son père. De toute façon, je suis sûre qu’elle m’a déjà vu faire l’amour avec un amant. Toutes les filles essaient de voir leur mère entre les bras d’un mec. C’est comme ça qu’elles apprennent les gestes, bien avant de découvrir la puissance des émotions.
- — De là à te voir jouir entre les bras d’un amant, il y a un pas, non ?
- — Alors là, c’est bien l’hypocrisie masculine ! Dans notre société actuelle, on peut voir du porno au kilomètre, voir des femmes jouir comme rarement une femme jouit vraiment, mais voir sa mère avoir du plaisir entre des bras aimants, ce serait interdit ?
- — De toute façon, même sans chercher à y participer, le sexe à plusieurs c’est plus fréquent que tu ne le crois, précise Livia, et pas seulement dans des soirées échangistes. Que ma mère ait eu des amants et qu’ils lui aient donné du plaisir, je le sais. Que j’aimerais être dans tes bras, elle le sait depuis longtemps et elle le sent depuis que tu es revenu. Ça me semble plus honnête et surtout plus beau de ne rien se cacher.
- — Vincent, nous ne parlons pas d’un ménage à trois avec un mec et ma fille. Nous parlons d’un instant suspendu de tendresse et d’amour, y compris sensuel si les caresses nous y mènent. Avec un homme rare, respectueux, tendre comme peu le sont. Un homme patient, qui nous attire, elle comme moi, et pour lequel nous éprouvons des sentiments très beaux, très doux, très troublants. C’était ça le sujet que tu voulais éviter ?
- — OK, je me calme. Mais maintenant, inversons les rôles, juste pour voir. Que diriez-vous d’un père qui passe la nuit avec son fils jeune adulte entre ses bras ? Et je n’évoque même pas l’hypothèse de sa fille, dont je ne veux en aucun cas entendre parler.
- — Maman ne me prend jamais autrement entre ses bras que comme une mère, si ça peut te rassurer. Et je n’éprouve aucun autre désir de son corps que ceux d’une fille envers celle qui l’a fait naître. Mais, oui, être près d’elle pendant qu’un homme la rend heureuse, j’avoue ne pas être sûre que ce soit une abomination. Je n’imagine pas une seconde toucher son corps à ce moment. Jamais. Mais, en revanche, celui de l’homme, je ne sais pas.
- — Peut-être que le manque de mec me fait délirer, intervient Line, mais sincèrement, je ne vois pas où est le problème, dès lors que nous sommes les deux au clair sur ce que nous voulons. Et où l’homme est partant.
- — D’où votre question ! Et vous en parlez souvent entre vous ou c’est ma visite qui vous agite ?
- — Parfois lors de nos soirées pyjama… Il m’arrive d’avouer à Livia qu’un de tes courriels m’a fait du bien au fond du ventre. C’est bon d’en rire ensemble. Autrefois, la grand-mère racontait ce genre de choses à sa petite fille, à mots couverts. Ou alors, les tantes s’en chargeaient. Cet aspect de la famille a disparu. Nos filles n’ont plus qu’internet ou des copines pour faire leur éducation. Par ce moyen, c’est rarement les émotions qui sont transmises.
- — Mais, bon sang, ni elle ni toi n’avez d’inhibition, de pudeur, de besoin de mieux préserver vos vies intimes ?
- — Livia sait tout de mon corps, comment il s’est transformé, à cause des médocs, des hormones et des mecs qui m’ont fait subir des trucs que je n’aurais jamais voulus si j’avais vraiment eu le choix. C’est mon rôle de la prévenir.
- — Et maman sait aussi presque tout de moi. À qui me confier d’autre ? J’ai beaucoup moins de secrets sur mon corps envers elle qu’envers un amant.
- — Et moi, dans cette histoire ? Quel prix ont mes pudeurs ou mes doutes, par exemple sur mon physique vieillissant ? Parce que dès le début de cette discussion, c’est bien de moi qu’il est question, non ? D’un partage de moi.
- — Toi, Vincent, tu es l’amant merveilleux dont la vie m’a fait cadeau il y a longtemps, qui ne m’a jamais abandonnée, murmure tendrement Line. Tu es celui qui revient vers moi, quoi que la vie m’ait réservé. Je n’aime plus trop mon corps, mais dans tes yeux, le désir que j’y lis me rassure. Je sais aussi que tu peux regarder ma fille avec gourmandise. Tu essaies d’être discret, mais rien ne nous échappe. Surtout pas ce genre de compliment viril !
- — Et moi, je t’apprécie depuis le jour où je t’ai rencontré, et chaque nouvel échange me l’a confirmé. Je sors de l’échec d’un premier amour. Ce n’est pas rien, j’ai besoin de me reconstruire. Ne me refuse pas ce moment de repos de la guerrière, même si tu es venu retrouver ma mère. Si tu le veux bien, si tu m’ouvres tes bras, nous ne la priverons de rien. Et vous ne me priverez de rien pendant que vous serez ensemble. Je vous aime trop tous les deux.
- — Livia est là pour quelques jours encore, tout comme toi. Je n’ai pas envie de cacher mes élans envers toi ni de l’éloigner de moi. J’accepte ce qu’elle éprouve pour toi si c’est ce qui lui fait du bien.
- — Que voulez-vous exactement de moi ?
- — Vivre l’intense, quel qu’il soit, conclut Livia avec un regard très troublant.
- — Que tu te libères de tes doutes nous concernant, ajoute Line, et que tu nous acceptes telles que nous sommes.
- — …
- — Alors ? demandent-elles d’une même voix après quelques minutes de silence.
- — Vous prenez du dessert ?
- — Salaud ! font-elles semblant de me reprocher. Sincèrement, Vincent ?
- — Sincèrement, personne n’a jamais osé me mettre ainsi face à mes incohérences jusqu’à ce jour. Personne. Mais je confesse ces incohérences. Alors, oui, Livia, je me suis retenu de tout geste équivoque à ton égard, mais tu me troubles et ce trouble fait vibrer des trucs en moi, même en présence de ta mère. Et, oui, Line, ces trucs ne diminuent en rien ce que j’éprouve pour toi. Maintenant, qu’il soit fait selon vos volontés, mais dites-moi enfin si vous prenez du dessert ?
Les deux se regardent et éclatent de rire, avant de prendre mes mains entre les leurs.