n° 21472 | Fiche technique | 36914 caractères | 36914 6101 Temps de lecture estimé : 21 mn |
23/01/23 |
Résumé: Le soleil d’hiver éclaire la petite ville du sud. L’homme arrive à la fin de son voyage. Pour où ? Vers qui ? | ||||
Critères: fh caresses fellation cunnilingu pénétratio fdanus -couple | ||||
Auteur : pitroen Envoi mini-message |
Le soleil est chaud à la sortie de la gare. La lumière lui parle tout de suite du Sud. Une fois passées les portes vitrées, la petite place encore neuve est déserte. Après le parvis blanc et les quelques plantations qui en bordent les côtés, le bitume noir est immaculé. Pas même un taxi, un camion. Il est 10 h et le quartier dort, engourdi dans le soleil hivernal. Seuls les flots du chenal miroitent et animent les petits bateaux que l’homme aperçoit sur l’autre rive.
Il reste immobile quelques instants, fermant les yeux, son visage tourné vers le soleil, se réchauffant doucement. Sur son épaule, sa main droite serre les poignées d’un sac en toile noire. Il n’est pas grand, un peu avachi. Un sac pour quelques jours ou pour une vie de peu.
L’homme sort son téléphone et regarde l’itinéraire qu’il a repéré. Cela semble simple. Traverser le pont puis suivre le canal par la droite jusqu’à la mer. Ensuite, toujours vers l’est, longer la mer. À son arrivée, le soleil devrait être haut sur la gauche. Aucun nuage à l’horizon.
Il a le temps, même si l’excitation grandit encore et toujours. Elle est lovée en lui, enserrant son cœur, mais ne l’empêche pas de profiter des alentours. Cela fait plusieurs semaines qu’elle est en lui. Il l’a bien fait grandir, la choyant et l’entretenant doucement par de petites attentions ou la nourrissant goulûment de prévisions et de fantasmes… de souvenirs, aussi.
Il range son téléphone et se met en route, traverse le pont face à lui. Pas de vent. Cela paraît étrange. Tout semble si calme. Il imagine les habitants alanguis sur leurs terrasses, dans leurs hamacs, dans leurs jardins. À siroter du champagne sur des textes décadents.
Lorsqu’il tourne à gauche sur le quai Guignon, la mer n’est pas encore là. Des petits bateaux cabotins pullulent de part et d’autre du canal depuis la gare. Ceux qui travaillent sur la mer, qui la traversent et l’utilisent, ne restent pas si profondément dans la ville.
Il marche, longeant les boutiques, tellement semblables aux autres villes qu’on dirait que les vendeurs sont les mêmes ; figurants.
De temps en temps, les pointus aux voiles latines ou la moustache grisonnante du patron musicien de la ville s’affichent sur une boutique pour en mettre en exergue le localisme. Pourtant, à l’intérieur, bien rares sont les produits ne provenant pas d’un conteneur.
Il traverse le pont de la Savonnerie, les restaurants et bars se font omniprésents sur le bord du canal, présentant leurs terrasses et larges baies vitrées au levant.
Pour le moment, presque tous sont déserts, reflets de la ville. Les restaurants le resteront en attendant le week-end, voire la saison estivale pour certains.
Quelques terrasses sont occupées. C’est l’heure où la ville appartient à ceux qui lui superposent leurs souvenirs. Souvent seuls, parfois silencieux, à deux, ils se sont installés pour durer – pour tenir –, recroquevillés sur les chaises en rotin usé de la Marine ou répandus dans les fauteuils moulés en mauvais plastique blanc de l’Augusta.
Il passe devant eux sans même qu’ils semblent se rendre compte de sa présence.
En les regardant du coin de l’œil, il pense aux innombrables personnes qui ont défilé devant eux. Les visages marqués par l’âge ou rebondis par les excès semblent pourtant ne renfermer aucune sagesse. Pourquoi le temps qui passe ne transforme-t-il pas tout le monde en de vénérables sages ?
À bien les regarder, le voyageur se met à désespérer.
Son pas s’alourdit.
Il sait que ce n’est pas une image de son futur qui s’avachit sous le soleil, mais c’est quand même ce à quoi ressemblera son environnement.
Finalement, il reporte son attention sur le canal qui borde la route à l’opposé des terrasses. L’eau est calme, légèrement frissonnante des restes de houle de la mer libre vers laquelle il se dirige. D’énormes bateaux traînant sur le dos une petite flottille sont amarrés sur le quai d’en face.
Petit à petit, la route s’éloigne du bord, laissant la place aux installations des pécheurs : filets et cordages débordants de caisses plastiques aux couleurs forcées. Quelques bouées ornées de drapeaux rouges et noirs
Un dernier rond-point orné d’une majestueuse ancre rouillée, et d’une plaque de bronze vieillie et polie de nombreux touchers, « aux marins, à la mer qui les accueille et au port qu’ils nourrissent ». Elle se révèle. Il marque un temps d’arrêt pour en admirer les reflets puis reprend sa route vers la promenade.
Après un fort massif avançant dans la mer, la ville reflue doucement. La mer et le ciel occupent la majorité de l’espace. Les immeubles, puis les maisons sont refoulés derrière un mur par des rochers de plus en plus massifs, par l’accident d’une nature aveugle. Mais l’homme n’a pas abandonné et un ruban de bitume et béton chevauche la côte acérée de rocs et de flots. Au loin, à peine les pics perdent-ils de leur dureté que la ville reprend place et avance dans la mer de grands immeubles blanc et brique.
La promenade est vide, si ce n’est un homme d’une bonne soixantaine d’années qui court à sa rencontre. C’est d’abord une silhouette colorée. Casquette bleue électrique, t-shirt jaune fluo, short rouge, et des taches d’une peau tannée par le soleil pour les relier. Son rythme est calme. Lent, même. Mais c’est bien un coureur. Pendant un bref instant, sur chaque pas, une légère impulsion envoie l’ensemble du corps dans les airs. Ensuite, les coussins d’air des Asics orange et noire reçoivent et amortissent le poids entier.
En marchant, le voyageur s’essaye à des approximations de masse, des calculs de force, des visualisations de vecteurs, mais les formules sont lointaines et ce ne sont pas les récentes écoutes de podcasts scientifiques grand public qui les ont ravivées. Approximer des résultats, calculer des estimations le rassure. Lui fait croire que ses études scientifiques ont été utiles, qu’il comprend mieux le monde. Se pose alors la question du mieux que qui ou quoi, pour éviter celle du pourquoi.
Le coureur s’est rapproché. Son visage rasé de près est luisant de sueur. Maintenant qu’il le voit mieux, I’homme révise son jugement. Ce n’est pas un coureur occasionnel. Sa respiration calme accompagne doucement son rythme. Il court sans musique, certainement depuis plus d’une heure et pour encore un long moment, le regard fixé devant lui. Il ne semble pas accorder la moindre importance à l’environnement qui l’entoure, se déplaçant dans son propre espace. Il semble suivre une trajectoire immuable.
Trajectoire qui mènera à la collision, se rend soudain compte le voyageur. Il caresse l’idée de la confrontation pendant encore quelques mètres, puis se décale sur sa droite.
Le coureur le croise sans même qu’un tressaillement laisse penser que la présence du voyageur a effleuré sa conscience. S’il court toute l’année, il doit être habitué à croiser d’innombrables flâneurs. Court-il plus tôt en été, ou même le soleil le plus fort ne le fait-il pas dévier d’une routine établie ? Comment fait-il quand ses enfants viennent se libérer de leurs petits ?
La promenade s’éloigne de la côte et va doucement s’éteindre dans le programme immobilier récent qui se dresse devant le marcheur, mais il n’y fait pas attention. Son cœur bat plus fort alors qu’il observe la crique sur sa gauche. La mer bleue lèche l’étendue de sable gris prise entre les roches rose et pastel. Quelques personnes se prélassent sur leurs serviettes, principalement seules et âgées.
Des buissons lui cachent la vue pendant qu’il cherche le chemin d’accès au milieu des panneaux d’interdiction. Enfin, il trouve une trace et avance sur le sentier, s’éloigne du béton et descend vers la plage.
Sur la partie haute, une mère regarde son jeune enfant à demi nu jouer dans le sable. Manger le sable. Il recrache et jette un regard larmoyant vers sa génitrice qui lui sourit sans esquisser un geste.
Alors qu’il enfonce ses vieilles baskets dans le sable, il remarque une serviette seule, sous quelques vêtements et une paire de spartiates de cuir.
Il s’arrête et regarde vers la mer.
Le soleil sur sa gauche fait calmement danser ses reflets sur les flots calmes, immobiles. Haut dans le ciel, il ne gêne pas la visibilité. Le vent est absent et quelques mouettes traversent le bleu du ciel calmement. Il y a comme un cocon de ouate autour de la scène. Dans ce silence imaginé, il la voit sortir de l’eau miroitante à une trentaine de mètres de lui.
Un sourire naît sur ses lèvres et s’y déploie à mesure de l’expansion de son excitation.
Il marche encore quelques mètres puis s’arrête pour jouir un peu plus longtemps de l’instant. À moins que ce ne soit pour repousser l’éventualité de la déception. Il fait taire sa peur et se laisse aller au sentiment de plaisir qui se ramifie et semble faire vibrer tous ses nerfs.
En face de lui, moulée dans le néoprène luisant, elle approche rapidement. Sa combinaison la révèle. Il la savait nageuse mais la mer a encore affiné son corps. À voir ses formes ainsi révélées, il se souvient des fins tissus qui la voilaient dans ce jardin pentu, dans cette autre ville.
Enfin, il voit son visage, ses yeux sombres qu’il a toujours imaginés clairs et enfin, enfin ce sourire léger mais tellement empli de possible. Celui qu’il appelait « à jamais » et qu’il avait cru ne jamais revoir. Des rides entourent ses yeux et sa bouche, accentuant encore les expressions.
Elle penche la tête sur le côté et presse ses cheveux entre ses mains. Ils sont si noirs. Du noir de la coquetterie qui s’affiche quand tout le reste n’a pas d’importance. Ses cheveux à lui sont de plus en plus rares et gris. Même coupée court, sa barbe ne fait plus illusion. De toute façon, son visage marqué aura déjà vendu la mèche.
Elle arrive à sa hauteur et l’enlace. Sa combinaison est froide et humide, mais il la serre contre lui. De sa main droite au creux du dos, il presse leurs corps, affolant son entrejambe par la pression soudaine de ce pubis à peine couvert.
Sa main gauche se fait légère et caressante, frôlant le dos puis descendant délicatement sur les fesses alors que leurs bouches s’atteignent. Elle a les lèvres salées et la langue tout aussi douce que dans ses souvenirs. Il l’a peu embrassée mais a toujours chéri ces souvenirs. Ces sensations. Un simple baiser comme une légère touche d’ailleurs. Comme la promesse aussi d’autres plaisirs. Comme contenant à la fois un présent et de doux futurs.
Ils se séparent pour se regarder, gardant leurs bras liés.
Elle le lâche comme à regret et lui tourne le dos, soulevant ses cheveux.
Il prend la tirette et la descend jusqu’à ses hanches puis retire le haut de la combinaison, la faisant glisser le long des épaules et des bras. Sa peau est douce et chaude, encore bronzée par une vie méridionale.
Lâchant ses cheveux qui retombent en cascade, elle finit d’ôter le haut de sa combinaison et se retourne, toujours le sourire aux lèvres.
Il laisse descendre son regard depuis le visage vers sa poitrine. La peau est couverte de légères taches de rousseur qui créent une couleur chamarrée et changeante, il a l’impression de promener son regard dans un champ de fleurs de chair. Le frisson de l’air marin crée des mouvements hypnotiques, comme le vent dans les champs de blé cévenols. Quelques points plus rouges lui rappellent les coquelicots, mauvaises herbes relevant l’esthétisme de l’utilitaire.
Quand ses yeux abordent la colline de ses seins, une chaleur l’échauffe. Souvenir ténu de ses mains les recouvrant. Ils sont toujours aussi mignons, pour ne pas dire petits.
Elle l’embrasse furtivement puis se baisse pour prendre sa robe.
Elle enfile sa robe et quitte le bas de sa combinaison, qu’elle fourre dans un sac étanche. Elle le jette sur son épaule, lui sourit, et ils se mettent en marche.
Ils quittent en silence la petite plage, remettant leurs chaussures lorsqu’ils rejoignent le chemin de pierre qui monte vers le belvédère.
Le parking est de l’autre côté de la route. Aucune voiture ne parcourt le ruban d’asphalte sombre.
Le temps semble toujours arrêté, comme si tout le monde se reposait en attendant la prochaine saison. Les gens, le paysage, le ciel et le soleil également, tous sont assoupis et calmes, se laissant porter sans effort.
Les bleus de la mer et du ciel n’ont pas leur saturation énergique estivale, la brise remue à peine les quelques feuilles aux teintes de céladons déjà, ou encore accrochées aux branches des arbres.
Elle a une petite voiture passe-partout, une ancienne C3, avant que Citroën ne les plonge dans des bains de couleur fluo ni ne les boursoufle, les transformant en voitures de manège. Celle-ci est grise, classique.
À l’arrière, des autocollants représentent une famille. Les silhouettes du père, de la mère, d’un garçon, d’une fille et d’un bébé précèdent celles d’un chien et d’un chat.
Elle ouvre le coffre et ils y déposent leurs sacs respectifs puis montent. Elle attache ses cheveux en un chignon haut, dérègle le rétroviseur intérieur en se regardant dedans puis lui redonne sa place initiale. Elle se tourne vers lui, qui ne l’a pas quittée des yeux. Lui sourit et démarre.
La voix profonde du présentateur de France Culture bondit au milieu d’une phrase sur une jeune peintre contemporaine avant d’être coupée dans son questionnement de l’influence d’Instagram sur l’obscénité du marché de l’art quand elle éteint le poste.
Elle baisse les vitres, recule, rejoint la route, et rapidement, la petite voiture les emmène, au son du souffle du déplacement.
Il se tourne vers elle autant que la ceinture le lui permet et pose la main droite sur sa jambe, à la limite entre la robe et sa peau, sans qu’elle quitte la route des yeux.
Il remonte doucement, passant sous le tissu. Il observe son profil, ses mains installées sur le volant, l’index gauche prêt à manier la manette de clignotant, tandis que le droit est serré avec les autres doigts.
Il remonte encore, glissant sur l’intérieur de la cuisse. Elle écarte doucement la jambe gauche alors qu’il approche de son sexe, le pied droit toujours sur l’accélérateur.
Il se sent durcir, contraint dans ses vêtements.
Aucune culotte ne l’empêche de la frôler délicatement. Les poils coupés courts sont doux sous ses doigts pendant qu’ils se promènent en surface. Il joue avec la tension qu’il sent dans le corps de la conductrice quand il se rapproche de la fente. Toujours concentrée sur la route, elle sourit légèrement sans le regarder, et laisse à peine ses lèvres échapper un léger soupir quand son majeur pénètre délicatement.
De l’index et l’annulaire, il écarte les lèvres pendant qu’il remonte l’humidité jusqu’au clitoris.
Ils ont quitté la route de la corniche et traversent de grands immeubles des années 60. Quelques voitures les croisent sans percer la bulle de douceur qui les a enveloppés depuis la plage.
Sa respiration se fait plus ample. Il scrute son visage, se détachant net sur un fond flou de boutiques, qui laissent peu à peu la place à des résidences espacées, puis des maisons anciennes. Les joues rosissent légèrement et une tension se fait sentir dans son corps. Immobile, il n’est toujours relié à elle que par son doigt à la recherche de son plaisir, tout entier absorbé par les interprétations de ses réactions, faisant aller et venir son majeur selon ce qui semble la faire réagir, variant régularité et vitesse, caressant le clitoris et pénétrant le sexe.
La largeur de la rue s’est réduite et ils longent maintenant un mur en pierre débordant de verdure. Elle ralentit en même temps que sa respiration accélère et finit par s’arrêter sur la gauche de la route. Pour la première fois du trajet, elle tourne ses yeux vers lui et sourit. Délicatement, de l’index de sa main droite, elle caresse doucement l’ovale de son visage.
Elle l’embrasse furtivement pendant qu’il retire sa main de son entrejambe et ils sortent tous deux de la voiture.
Elle entre la première dans le petit jardin. Un grand figuier couvre de son ombre l’allée qui mène à la porte. De larges dalles de pierres volcaniques diverses forment un camaïeu de gris clair et de noir, veiné de l’ocre de la rhyolite. Les claires pierres ponces usées par les aller-retour côtoient les basaltes sombres. Quelques obsidiennes que l’on dirait jetées ici et là créent de réfléchissantes tâches d’une profonde noirceur lustrée.
L’arbre ancien veille sur un plein monde minéral : au sol, dans les bordures, mais aussi dans les branches auxquelles pendent des mobiles d’inspirations variées. Attrape-rêves, carillons japonais, cairns aériens. Ici, pas de minéralité froide ni d’ésotérisme de pacotille.
Il s’arrête, balaye les environs, le regard s’accrochant par à-coups : des galets ronds de rivière, les arrêtes affilés d’une lauze de montagne, oscillante et verticale, un rocher, parfaite réplique miniature du gros caillou posé sur la Croix Rousse lyonnaise, des graviers arrangés en mandala.
L’énergie est avant tout artistique. Un art ancien. Brut. Un land art qui ne sait pas son nom, qui ne s’en embarrasse pas. Qui existe et le crie dans sa portion du monde, derrière des murs physiques. Sans photo, film, exposition, curateur ou mécène. Et pour aucun visiteur.
Elle ouvre la porte et l’invite à entrer. La maison est chaude, les murs blancs du hall sont couverts de peintures et dessins. Certains sont des effusions de couleurs désordonnées, d’autres des alignements rigides de lettres, de mots emplissant les feuilles. Chaque cadre donne l’impression d’être un portail vers un univers entier. Juste en face de la porte d’entrée, un maelstrom de bic bleu intense retient son attention. Le carton du support semble perdre sa consistance sous les traits. Formant un tout bouillonnant de loin, l’énorme énergie courbe se répartit dans la multitude de minuscules hachures, chacune identique à ses voisines dans sa taille, son orientation, jusqu’à la pression d’encre exercée.
Il se dit qu’elle a trouvé un refuge à son image. Cette image vers laquelle ses yeux reviennent.
Elle le regarde, la tête légèrement inclinée sur la gauche. Ses lèvres fines sont fermées dans un léger sourire.
Une fois les baskets fatiguées arrachées sans se baisser, le sac en toile tombe au sol, suivi par la veste, et il pose sa main droite sur la hanche de la femme. L’attire vers lui et l’embrasse. Elle lui entoure le cou de ses bras et se serre contre lui. Ce baiser est profond. Leurs corps se serrent fort l’un contre l’autre, les muscles des bras se tendent, comme s’ils voulaient s’unir entièrement.
Un léger relâchement et les mains reprennent vie. L’homme déboutonne l’avant de la robe et la fait glisser jusqu’aux pieds, sans que leurs yeux se quittent. Le léger sourire de la femme est toujours là. Elle est nue et immobile, bras ballants et yeux brillants.
Il l’embrasse dans le cou puis ses lèvres descendent sur son corps, les mains accompagnant cette découverte. Sa langue s’attarde sur les tétons et un léger soupir d’aise accompagne le frisson qui parcourt le corps féminin.
La descente continue et il est maintenant à genoux, quittant le nombril pour le but de cette excursion linguale.
Ses mains rejoignent sa bouche pour écarter doucement les lèvres et laisser la langue humecter le haut de la fente. Elle descend ensuite pour en explorer la longueur, puis la profondeur. Chargée de cyprine, sa langue remonte et commence à aller et venir sur le clitoris. Le rythme lent s’accélère et se modifie à l’écoute du corps de sa partenaire, de ses murmures, crispations et tremblements.
Il se concentre entièrement dans les mouvements de sa langue, de sa respiration. Il caresse de haut en bas, de gauche à droite. Appuie fortement, enfonçant le bas de son visage dans le sexe de sa partenaire, toujours immobile, les yeux fermés, la bouche entrouverte, tout à la chaleur qui point au bas de son ventre, qui enfle puis reflue avec les mouvements. Elle le laisse la découvrir, la ressentir. Peut-être va-t-il la mener sur un chemin de plaisir différent.
Elle connaît son corps, sait où appuyer, comment caresser pour laisser monter le plaisir, le faire diffuser dans tout son être avant qu’il ne la fasse frissonner entière, ou au contraire, jouir rapidement, debout, quand elle veut se libérer de ce besoin, l’ôter de son esprit et le renvoyer au corps.
Soudain, elle se raidit entière, attrape la tête de l’homme et la presse sur son sexe.
Elle presse plus fort encore, des deux mains, I’enfonçant dans sa chair.
En apnée, il fait de son mieux pour ne pas perdre de la langue le bouton de chair. Ses mains ont quitté les lèvres pour les fesses, s’arrimant à son bassin. La peur de perdre le fil du plaisir monte en lui, peur de la décevoir.
Toute son énergie est concentrée dans sa langue.
Il sent soudain se relâcher la crispation de son corps. Un cri léger s’échappe de sa bouche, presque un murmure puis elle repousse délicatement sa tête de son sexe.
Il la lève et suit du regard le corps de la femme, depuis le pubis aux courts poils, le ventre plat, la délicate poitrine soulevée par la respiration hachée. Il aperçoit derrière les seins son visage aux yeux fermés, à la bouche entrouverte en demi-sourire, aux joues légèrement rosies. Ils sont tous deux baignés en partie d’un rayon de soleil, découpant une ligne sombre sur leurs corps.
Elle ouvre les yeux, affermit son sourire et de sa main le relève par le menton. Elle guide sa bouche jusqu’à la sienne et l’embrasse doucement et longuement.
Pendant ce baiser, elle écarte son corps pour caresser de la main l’entrejambe durci de l’homme. Sa paume suit le dessin du sexe contraint par les vêtements.
Elle remonte vers la boucle de ceinture qu’elle défait, s’aidant de sa deuxième main venue en renfort. Les boutons de la braguette lâchent facilement quand elle écarte les deux pans du jean.
Elle se baisse alors, entraînant le pantalon et le caleçon dans un même geste, gardant son regard fixé sur le sien tout le long de la descente, jusqu’à ce que sa tête arrive au niveau de sa bite dressée hors d’une masse de poils noirs. Bien plus noirs et drus que cheveux ou barbes.
Sa langue sort doucement et frôle le prépuce distendu, recouvrant encore en partie le gland. Elle en embrasse l’extrémité.
Il saisit et enlève d’un geste son pull noir et son t-shirt blanc. Au moment où ses vêtements passent au-dessus de sa tête, la femme avale le sexe tendu et commence à le sucer avec application. Il tressaille et se fige un instant, les yeux fermés, bras et visage emmêlés dans le tissu.
Elle clôt également les yeux et cherche le rythme adéquat. Le sexe est un peu élastique et elle sent la peau suivre ses mouvements buccaux. Ses mains sont maintenant posées sur les hanches de l’homme, à la fois ancres et capteurs.
Il tremble vite, si peu résistant au plaisir. Elle accélère un peu, juste pour sentir ce tremblement s’intensifier. Puis elle ralentit et gagne en amplitude. À chaque mouvement, la bite s’enfonce un peu plus, sa langue en caresse une plus grande longueur.
La respiration de l’homme ralentit, syncopant chaque fois que sa bouche le serre.
Il finit d’enlever le haut de ses vêtements et les jette derrière lui, puis, presque à regret, il prend le visage de la femme dans ses deux mains et la relève, son sexe brillant glissant hors de sa bouche. Elle se relève en le frôlant, le gland courant sur son corps, entre ses seins, sur son abdomen, plongeant un quart de seconde dans son nombril, comme un soupçon des prémisses. Un léger rebond et l’immobilisation juste au-dessus du pubis.
Elle lui sourit et se retourne, se dirigeant vers la chambre. Sans quitter son corps du regard, il se débarrasse de son pantalon, caleçon et chaussettes. Le dos bronzé qui disparaît dans l’entrebâillement de la porte est musclé, sous trace de maillot. Ses fesses sont blanches, il a toute envie de les saisir.
En quelques pas, il la rejoint dans la petite chambre, presque entièrement occupée par le lit aux draps blancs. Elle s’est assise sur le bord et, debout, il se colle à elle, entre ses jambes, sert sa tête contre son ventre. Elle lui caresse les fesses des deux mains, remonte dans son dos.
Il la bascule sur le lit en la repoussant d’un geste, dominateur. Elle recule vers les oreillers, toujours en lui souriant, puis il se couche sur elle, l’embrassant pendant qu’elle guide sa bite pour qu’elle la pénètre.
Il glisse en elle sans effort, redécouvrant ce vagin étroit et musclé, qu’il sent accompagner ses mouvements.
Il se lève sur ses bras dressés de part et d’autre du visage de la femme et va-et-vient, le rythme accompagné, influencé par les mains sur ses hanches. Ils se regardent dans les yeux.
Il plie les bras, l’embrasse et caresse ses cheveux de la main gauche.
Sa droite se glisse sous elle vers ses fesses. Du majeur, il frôle l’anus d’abord presque subrepticement, à la recherche de son assentiment. Il la sent se relâcher et commence à la pénétrer doucement de son doigt, se concentrant sur la sensation de I’anneau de chair qui le presse.
Il synchronise les mouvements de son bassin et la pénétration digitale, délicate mais de plus en plus profonde. Une phalange, la moitié d’une en plus, deux… ses autres doigts repliés tapent maintenant contre ses fesses.
À l’intérieur, il peut sentir sa bite pousser contre son doigt quand il s’enfonce en elle.
Ils sont tous deux proches de la jouissance quand il la retourne. Elle se met à genoux et écarte les jambes pour qu’il la pénètre. L’homme a les mains ancrées sur ses hanches et impulse de féroces mouvements. Il cherche profondeur et rapidité. Les gémissements du couple se coordonnent dans un rythme plus rapide sans exprimer les mêmes sentiments. Ceux masculins se veulent puissants, aussi pleins d’amplitude que les mouvements du bassin pendant que la femme reçoit. Cela ressemble à une douce plainte répétée, montant presque imperceptiblement en tessiture comme en volume.
L’homme passe ses genoux à l’extérieur des jambes de la femme, les lui referme. Son plaisir se décuple, s’échappant dans ses râles.
Ses mains quittent les hanches de la femme et remontent sur le dos vers la tête. Appuyant de tout son poids, il la force à s’allonger, la recouvrant entièrement. Elle resserre encore les jambes et ils se retrouvent chacun pris dans un étau, elle sous le corps tendu, haletante, la joue pressée entre le matelas et la bouche de l’homme qui l’embrasse, lui, la verge serrée dans le vagin.
Le rythme ralentit, à l’inverse des sensations. Les gémissements se rejoignent, ceux de la femme s’approchent de courtes suppliques qu’accompagnent les râles masculins.
Puis le corps de l’homme se tend, son sexe cherche une dernière profondeur pour décharger dans le plaisir. Il s’effondre ensuite sur les légers tremblements qui animent la femme, reste immobile quelques longues dizaines de secondes, le visage dans la chevelure. Puis il roule de côté et se serre contre elle qui n’a pas bougé. Qui ne bouge pas.
Un rayon du soleil d’après-midi tombe par la lucarne sur le lit. Les murs sont vides de tout tableau et leur blanc cassé et uni, comme celui des draps et des meubles peints, crée une lumière uniforme. Les corps de l’homme et de la femme sont les seules taches de couleur. Un beau brun clair pour elle, pour lui de grands aplats de teintes bien plus claires – rosées par l’effort – se mêlant aux extrémités encore halées par la course et le travail à l’extérieur.
Il la retrouve dans ces derniers mots. Ceux qui I’attirent par leur différence puis lui font peur par leurs implications intrinsèques.
L’univers inconnu qu’ils contiennent agit comme un appât phéromoné, mais, à la différence des insectes, il en suppose la létalité cachée. Il sait qu’à un moment, il n’aura plus que l’envie de fuir, le sentiment d’engourdissement, la peur de l’enfouissement.
Il a toujours peur de se laisser aller dans son admiration.
Il l’écoute comme avant.
Il l’écoutait comme il aimait écouter la passion, l’envie, les plongeons dans des univers, dans des sentiments. Le bonheur était pourtant rarement le compagnon de ces histoires. Et il savait que ce n’était pas lui qui pourrait l’apporter. Il se chauffait à ces sentiments forts, se remplissait dès qu’il le pouvait du reflet qu’elles lui renvoyaient, mais vite il se rappelait son manque, cette blessure ancienne. Quelques mots dits dans un sourire triste. Il n’était pas suffisant. Ce n’était pas ses actes ni ses efforts. C’était lui. Et depuis, luciole mâle aux ailes coupées, arrachées, il ne peut s’empêcher de ramper vers les lumières brillantes qui apparaissent. Mais même quand ces lumières se tournent vers lui, lui sourient, la tête inclinée, l’engageant à se rapprocher, à se joindre, les quelques mots réapparaissent et forment une barrière.
Le soleil est tombé, mais sa lumière s’accroche encore. Derrière la maison, un îlot de verdure encerclé de pierre les accueille. Les caduques sont cachées par les cyprès et les genêts persistants. Aloès, plantes grasses et cactus parfont l’illusion d’un printemps éternel autour de la petite terrasse de rondins inégaux.
Enveloppés côte à côte dans un lourd plaid mauve et pastel, mélange de coton et d’acrylique, ils se balancent doucement, laissant les frictions régulières des cordes retenant la nacelle d’osier mêler leur motif à l’environnement sonore. La rumeur de la petite ville en contrebas crée une légère basse continue, rehaussée des éclats de voix d’un match non loin, mouvant au rythme des déplacements des joueurs. Certainement du football, et même des U12 vu la tessiture des cris qui arrivent jusqu’à eux.
Autour, une légère brise intermittente entrelace le doux tintement des carillons minéraux. Chacun faisant voyager jusqu’aux sources de leur extraction.
À voix basse, elle raconte leurs origines.
Les carnets sont très bien tenus et devaient lui prendre un grand temps. Et il y a une telle continuité tout au long de la série. Tu peux prendre le premier et le dernier et – abstraction faite des dates – tu ne peux pas savoir qu’ils ont été écrits à plus de 25 ans d’écart.
Tous les textes sont de multiples couleurs, chacune liée à un type d’événement, à un sujet. Les paragraphes en bleu parlaient des mobiles dans les branches. Leurs dates de confection, l’origine des pierres, parfois même celle de la ficelle. Ce sont les pierres qui semblaient le guider. Il n’arrête pas de parler des voix qui lui indiquent les assemblages à faire. C’était Ésope qui le guidait principalement pour les mobiles.
Et il ne décrivait le son qu’en toute fin. Étienne percevait la musique minérale comme la conséquence de l’harmonie de l’assemblage, non comme le but à atteindre.
Il se serre contre elle, l’embrasse pour profiter encore de sa chaleur et de sa présence, déjà dans les envies des plaisirs du soir.
L’ambiance est douce dans la voiture comme elle le raccompagne à la gare. Ils ne se parlent pas. Ne se touchent pas, mais se sourient tendrement. Tout autour, la ville a repris vie. De nombreuses voitures les accompagnent comme ils refont son trajet initial. Les trottoirs et les bords du canal inondés de soleil sont parcourus d’habitants.
Arrivée devant la gare, la voiture s’engage dans le dépose-minute. Celui-ci est vide, car ils ont pris de l’avance. Elle coupe son moteur et se retourne vers lui. Elle lui sourit et sans un mot, ils se pressent dans les bras. L’étreinte est forte, chaque tête lovée dans l’épaule de l’autre.
Une dizaine de secondes passent dans leurs odeurs, puis il s’extrait de la voiture, de cette bulle fragile aux parois irisées de douceur. Un dernier sourire et signe de main, la gare l’attend. Leurs vies aussi, maintenant ornées en leurs seins d’une jolie petite pierre de bonheur et de plaisir, sur laquelle se reposer lors des tumultes à venir.