J’espère que Patrick Paris et les autres éminents auteurs mentionnés dans ce texte ne me tiendront pas rigueur de les avoir cités.
Je ne sais pas si vous êtes confrontés au même problème que moi ; mais en ce qui me concerne, quand je suis au volant sur une petite route de campagne, il y a toujours un emmerdeur qui essaie de me joindre.
C’est d’ailleurs la même rengaine quand je suis assis sur le trône en train de lire les informations stupéfiantes proposées par les annonces Google sur mon smartphone. La dernière fois que j’étais allé déféquer au boulot, ça n’avait pas loupé : après avoir parcouru trente-trois pages pleines de suspense et bouffé dix-huit minutes de vidéos publicitaires, j’allais enfin découvrir pourquoi le fiancé avait pleuré à chaudes larmes, le jour de son mariage, après avoir surpris le regard échangé par sa promise avec le setter irlandais du père de son témoin, lorsque que mon téléphone se mit à sonner. Je n’eus alors d’autre choix que d’interrompre ma lecture palpitante pour répondre à mon patron et trouver une explication crédible pour excuser mon retard alors qu’il m’attendait derrière son bureau depuis une demi-heure.
=%%%%%%=
Évidemment, cette fois encore, quand je vois le nom et le visage de Patrick (aka Patrick Paris sur le site Revebebe), mon agent et ami, s’afficher sur l’écran de mon téléphone, je peste intérieurement, mais je décroche néanmoins immédiatement.
- — Salut Coco, je te dérange ?
- — Tu sais bien que tu ne me déranges jamais. Mais je tiens à te prévenir que je roule en voiture dans un no man’s land et que je n’ai pas beaucoup de réseau.
- — Mince ! Tu es au volant ? Je te rappelle plus tard si tu préfères.
- — T’inquiètes, c’est pas moi qui conduis. Je suis en compagnie de Birgit, une amie suédoise qui est mannequin à Londres. Pour ne rien te cacher, nous nous trouvons dans sa Tesla flambant neuve et comme la bagnole est quasiment autonome, ma coquine copine me tripote Popaul comme s’il s’agissait d’un levier de vitesse de semi-remorque. Tu te doutes bien que, vu le poids de la bête, elle n’aura pas besoin de faire sa séance quotidienne d’haltères aujourd’hui.
- — D’accord… Tu es sûr que tu ne veux pas que je te rappelle plus tard ? Je m’en voudrais d’interrompre une scène aussi charmante.
- — Ne t’en fais pas. Je me rattraperai quand on sera arrivé au Relais & Château où Birgit nous a réservé la suite princière. Tu peux me croire : je vais lui faire connaître l’amour à ma belle scandinave. Heureusement que les murs de l’hôtel font un mètre d’épaisseur. Ça évitera aux habitants du coin d’entendre ses hurlements de plaisir.
- — Ok. J’ai compris que tu avais un programme chargé, donc je ne vais pas te déranger très longtemps. Je voulais juste m’assurer que tu avais bien noté que Revebebe vient de lancer l’édition 2022 de son concours de fin d’année.
En prenant connaissance de l’information, je fais une embardée et je manque d’envoyer ma luxueuse 206 dans le bas-côté.
- — Ah bon ! Tu as bien fait de m’appeler parce que je n’étais pas encore au courant.
- — Vraiment ! Enfin, rassure-toi, ce n’est pas si urgent. Tu as encore largement le temps pour participer. Les textes doivent parvenir au comité éditorial au plus tard dans un peu moins de trois mois.
- — En effet. Mais bon, il y a des fois où le thème imposé n’est vraiment pas évident. Et quand on est en manque d’inspiration, trois mois, c’est pas très long.
- — Je sais bien Coco… Je sais bien… C’est pour ça que je préfère battre… la pelle des prouts… au plus tôt.
Je me mets à parler plus fort :
- — Excuse-moi. Le réseau n’est pas fameux. Ça grésille pas mal et je n’ai pas bien saisi ce que tu viens de dire.
Patrick reprend en parlant plus fort.
- — Je t’expliquais que je suis en train de battre le rappel des troupes afin que tous mes auteurs participent au concours Revebebe dans les meilleures conditions. Je tiens absolument à ce que, cette année, ce soit un de mes auteurs qui remporte le premier prix.
- — Comment ça tes auteurs ! Je ne comprends pas. De qui me parles-tu ?
- — Je pense que je t’en avais déjà fait part, mais je vais néanmoins te rappeler que dans mon écurie, il y la majorité des plus grands écrivains du site.
- — Si tu le dis.
- — Au risque de me répéter, je t’indique que je gère notamment les intérêts de Radagast et Amarcord pour ne citer qu’eux ainsi que ceux d’autres auteurs, tout aussi talentueux mais qui ont exigé ma discrétion. Tu connais mon professionnalisme et tu dois bien te douter que je suis prêt à quelques sacrifices pour que mes protégés obtiennent les récompenses qui leur sont dues. Ainsi, l’année dernière, je n’avais pas hésité à coucher avec Charlie67 et Loaou, tout en leur suggérant avec finesse, juste avant de leur procurer l’orgasme de leur vie, que les récits proposés par mes poulains étaient de loin les meilleurs. J’avais même accepté d’être l’agent de Domi Dupon pour assurer le coup, mais ce looser s’était fait coiffé au poteau par un inconnu qu’on n’a pas revu depuis.
- — Ah oui, c’est vrai. C’était quoi le pseudonyme du type déjà ?
- — Roy Suffer…
- — Le roi des surfeurs… T’es sûr ? Ça ne me rappelle rien.
- — C’est pas grave Coco. J’ai l’impression que la qualité de ton réseau ne s’améliore pas. Je vais faire vite. Pour parler clairement, je n’ai pas envie, en tant qu’agent d’auteurs, d’échouer au concours Revebebe, une fois de plus. C’est pourquoi cette année, j’ai mis toutes les chances de mon côté. Aucun risque que je perde, je peux te le jurer.
Je rassure Patrick sur un ton entendu.
- — Ben évidemment. Étant donné que je vais participer, il n’y aura pas de suspense. Vu les milliers de messages d’admiration que je reçois chaque jour de la part de mes lecteurs, je ne vois pas comment je pourrais échouer à remporter ce concours.
- — Peut-être. Mais tu n’es pas à l’abri d’une tendinite des poignets. Alors j’ai quand même préféré prendre quelques précautions supplémentaires.
- — Comment ça ! Quelles précautions ?
Patrick prend un ton de conspirateur pour me faire une révélation pour le moins surprenante.
- — Figure-toi que j’ai réussi à négocier un contrat avec les éditeurs habituels de Guy-Lhomme Pussau et Mac Levit, afin qu’ils puissent participer au concours Revebebe.
- — Ah ouais ! Quand même ! Sinon, c’est quoi le thème cette année ?
- — Hein ! Tu me demandes si j’aime ces nénés ? À quels nénés fais-tu allusion ?
Voyant que je n’ai plus qu’une demi-barre sur l’indicateur de réseau de mon téléphone, je m’exprime plus fortement pour me faire comprendre.
- — Je voulais connaître le thème du concours.
- — Ah… Bien sûr ! Il s’agit de la Mythomanie. Écoute, la liaison est exécrable. Je préfère te laisser réfléchir au sujet fructueusement. Fais-moi signe quand ton récit sera prêt.
Lorsque la communication est coupée, je me demande pendant quelques instants ce qu’a voulu dire Patrick avec son histoire de Scrabble puis je me mets à cogiter sur le thème proposé pour le concours.
Ils n’y sont pas allés de main morte cette année, les membres du comité éditorial de Revebebe. C’est vrai que c’est plutôt d’actualité, mais je me demande bien ce que je vais pouvoir pondre sur le sujet.
En tout cas, je ne sais pas où veut en venir Patrick, mais j’ai un peu l’impression d’être pris pour un crétin crédule. Prétendre que Pussau et Levit vont participer au concours annuel Revebebe, admettons. Mais vouloir me faire croire qu’Amarcord a accepté qu’il devienne son agent, c’est quand-même pousser le bouchon un peu loin.
Je sais ce que je dois à Patrick alors je me contente de hausser les épaules.
Puis je me reconcentre sur l’objet de ma sortie motorisée en prenant bien garde de suivre les instructions du GPS. Je réfléchirai au concours Revebebe plus tard.
Car à cet instant, je suis focalisé sur mon rendez-vous avec Ghislaine, trentenaire sexy éleveuse de chèvres dans l’Yonne et j’espère bien que cette visite sera concluante.
Surtout que sur la photo qu’elle a partagée avec moi, j’ai eu tout loisir de l’admirer vêtue d’un bikini fort seyant et j’avoue que cette vision me remplit d’espoir.
Une fois parvenu à destination, je m’extrais tout fébrile de mon véhicule et j’aperçois presque aussitôt une fermière en salopette. La femme, petite de taille, mais large de carrure, a la cinquantaine révolue. En examinant un peu plus attentivement son visage tanné par le soleil, je repère un petit air de famille avec la fille de la photo ce qui m’ennuie un peu, car je n’imaginais pas que la femme avec qui j’échange depuis plusieurs semaines sur le site de rencontres vit toujours chez sa mère.
- — Bonjour madame, excusez-moi.
La bonne femme s’avance vers moi en me fixant d’un air inquisiteur.
- — Bonjour, qu’est ce qui vous amène ici ?
- — Je suis venu voir Ghislaine M. C’est bien ici qu’elle habite ?
- — C’est sûr que c’est ici, puisque Ghislaine, c’est moi.
Ne me laissant pas le temps d’avaler la couleuvre, la femme s’exclame :
- — Mais attendez ! J’ai bien l’impression que vous êtes «Équidé Hardi».
L’évocation de mon pseudonyme sur le site de rencontre me fait blêmir. Mais Ghislaine me fixe d’un regard mauvais avant de poursuivre.
- — Ben dites donc, je ne sais pas ce que vous avez trafiqué avec votre photo, mais, en chair et en os, l’étalon Hardi, il me fait plutôt penser à un lapin ahuri.
Sa remarque n’est pas loin de me filer la myxomatose.
- — Vous ne manquez pas d’air vous ! Parce que j’ai beau chercher, je ne vois pas bien le rapport entre la photo de la jeune femme que vous m’avez transmise et la personne que j’ai en face de moi.
- — C’est pourtant évident. Contrairement à vous monsieur, je n’ai pas retouché de clichés, moi ! Ma nièce Karine et moi nous ressemblons comme deux gouttes d’eau. Comme je n’ai pas de cliché de ma personne en bikini, Karine a accepté de me fournir un des siens. Et je peux vous certifier que mes prétendants n’y voient que du feu.
- — Forcément, si vous recrutez dans un établissement pour mal-voyants, ils ne risquent pas de vous contredire.
- — Oh le salopard ! Dégage avant que je te transperce avec ma fourche.
Voyant que Ghislaine s’apprête à joindre le geste à la parole, je me rue vers mon bolide de marque française et je démarre sans demander mon reste au risque de couler mon moteur bien éprouvé après six cent cinquante mille bornes de bons et loyaux services.
=%%%%%%=
- — Salut Coco, déclare Patrick en me faisant entrer dans son studio défraîchi de la place Clichy. Il était temps que tu me rendes visite. La période de candidature pour le concours annuel Revebebe expire dans deux jours. Ça va juste me laisser le loisir de lire ton texte attentivement et de te faire part des quelques modifications qui me sembleront nécessaires pour le transformer en chef d’œuvre.
Le temps de m’installer à la petite table et d’accepter la bière de mon agent et j’extrais de ma poche la clef USB contenant mon récit sobrement intitulé «Canicule brûlante».
- — Tu aurais pu m’envoyer ton texte par mail, déclare Patrick lorsque je lui tends le support électronique. Ça m’aurait permis de le lire tranquillement avant ta visite.
- — Confier une nouvelle de cette importance aux messageries des GAFAM ! Tu plaisantes, j’espère ! Autant déposer directement le texte sur le bureau du patron de la NSA.
Patrick me jette un regard soucieux avant de copier le document sur son portable et de l’ouvrir avec son traitement de texte Open Source.
- — Et bien dis donc, sept mille sept caractères. Tu ne t’es pas trop foulé sur ce coup-là.
- — Détrompe-toi, j’ai pas mal ramé pour arriver pile à ce nombre. En fait, c’est un clin d’œil. Car j’ai une grande nouvelle à t’apprendre. J’ai été contacté par les producteurs de brocolis d’Hollywood 1 pour rédiger le scénario du prochain James Bond.
- — Vraiment !
- — Oui ! Comme ils souhaitent insérer quelques scènes de sexe soft et distinguées dans le film, ils ont naturellement fait appel à moi. Après discussion, je les ai convaincus que je pouvais très bien rédiger l’intégralité du scénario et que malgré le montant de mon cachet, ça leur coûterait finalement moins cher que de faire plancher une armée de gratte-papiers peu imaginatifs.
Patrick tique un peu et je me vois obligé de le rassurer :
- — T’inquiètes. T’auras ton pourcentage habituel.
- — Bon. On verra ça plus tard.
- — Tu as raison. Je ne suis pas venu pour t’en mettre plein la vue avec mes projets Hollywoodiens. De toute façon, je ne me fais pas trop de souci sur l’issue du concours Revebebe que je vais remporter haut la main.
Je me souviens à ce propos que tu m’avais dit que tu avais souhaité mettre toutes les chances de ton côté cette année pour que ce soit un de tes poulains qui gagne.
Patrick se racle la gorge et boit une gorgée de bière. J’en profite pour l’interroger.
- — Ta collaboration avec Pussau et Levit a été fructueuse ?
- — Ben justement… Parlons-en de ces deux là. Je les ai envoyés paître.
- — Comment ça !
- — Et bien, il y a quinze jours, ces escrocs ont voulu renégocier le montant de leur cachet.
- — Vraiment ? Ils ont été gourmands ?
- — Ils demandaient le double de ce qu’on avait décidé initialement.
- — Rien que ça ? Et évidemment, tu n’as pas pu suivre.
- — C’est pas une question de moyens, Coco. C’est une question de principe. On avait un accord oral, eux et moi, et ils n’ont pas respecté leur engagement. Qu’ils aillent se faire foutre !
- — La vache ! Je te sens remonté sur ce coup-là. Heureusement, outre ton plus brillant élément, tu peux compter sur Domi Dupon, Radagast et Amarcord. Ça te laisse trois chances de plus au cas où le jury serait particulièrement obtus cette année en ne retenant pas mon chef d’œuvre.
- — Oui et non. Concernant Domi, après le coup qu’il m’a fait l’an dernier, je lui ai dit de se trouver un autre agent.
- — C’est toi le patron. Et pour les deux autres ?
- — Tu sais aussi bien que moi que le concours annuel Revebebe est un des événements les plus prestigieux de la saison littéraire. Mais il y a mieux. Et j’ai finalement décidé que Radagast et Amarcord devaient laisser tomber le concours pour rédiger à quatre mains le roman qui leur vaudra d’être récompensé par le prochain Nobel.
- — T’es trop fort ! Le pays a vraiment de la chance d’avoir un agent littéraire tel que toi.
- — C’est drôle. Le ministre de la Culture m’a fait exactement la même remarque, lundi dernier, lorsqu’il m’a reçu à dîner dans ses locaux du Palais-Royal.
Nous trinquons et terminons nos bières d’une traite avant que Patrick ne s’exprime à nouveau.
- — Bon, il est temps que je prenne connaissance de ton chef d’œuvre. Finalement, ça devrait prendre moins de temps que je pensais.
… Les trois brutes patibulaires examinaient avec concupiscence la beauté nue qu’ils avaient capturée, après une lutte acharnée, dans une ruelle crasseuse du Caire. Le peu de sang qui irriguait habituellement leur cerveau ramolli avait migré au niveau de leur bas-ventre. Et ils ne se rendirent compte de rien lorsque Delko pénétra dans la cave sombre et humide. Trop pressés d’infliger les pires sévices à leur prisonnière, les mafieux en avaient oublié les règles élémentaires de prudence. Laetitia, l’agente spéciale d’Interpol qui avait commis l’erreur de se faire repérer en les filant, toisait les malfrats d’un regard fier. Elle comptait bien montrer à ces déchets de l’humanité la résilience et le courage d’une espionne originaire des Hauts-de-France.
Enchaînée au mur lépreux de la pièce dans le plus simple appareil, la beauté blonde aux formes impudemment exposées s’apprêtait à subir stoïquement les assauts bestiaux des trois ordures.
C’est lorsque que le visage de leur prisonnière s’orna d’un rictus satisfait que ces fumiers prirent conscience de leur stupidité. Ils eurent tout juste le temps de pivoter brusquement en direction de l’entrée avant de lâcher leur dernier soupir. En distillant les balles argentées de son Glock 17 à crosse de nacre en plein milieu des fronts simiesques des trois salopards, le prince Delko venait de les envoyer rejoindre leurs ancêtres en enfer.
La barbe naissante et le profond regard bleu aux reflets violets conféraient à son sauveur une puissance virile qui embrasa le bassin de la sublime Laetitia.
Sans un mot, Delko se dévêtit lentement, dévoilant sa musculature parfaite à celle qu’il venait de sauver d’un horrible supplice.
Lorsque le caleçon orné de feuilles de lys chuta sur le sol terreux du sinistre local, le bout incandescent de son fabuleux tison vint frapper le sternum du mâle triomphant.
Malgré le flot continu de cyprine qui noyait l’âtre rougeoyant de la beauté dévêtue, la chaleur provoquée par la vision de cette bûche en feu mit en péril sa broussaille claire et soigneusement taillée.
Heureusement, face à une femme aussi belle que fière, Delko était, comme toujours, prêt à prendre tous les risques. Nul doute que sa magnifique lance allait venir à bout de la lave bouillante qui consumait l’intimité de l’agente spéciale…
Patrick lève la tête pour me regarder. La teinte rouge de son visage me laisse deviner l’émoi qui doit régner dans son pantalon.
- — Mais bordel de merde Coco ! Tu peux me dire où est le rapport avec le thème du concours dans cet ersatz de sous-roman de gare.
Je sens que ma face prend la même teinte pivoine que celle de Patrick.
- — Ben, c’est pourtant évident. Toutes les références au feu du désir sont des métaphores pleines de subtilité pour évoquer la pyromanie.
- — Mais de quoi tu me parles ?
- — Ben de la pyromanie, le thème du concours Revebebe 2022.
- — Dis moi pas que c’est pas vrai ! Le thème c’est les mythomanes, pas les pyromanes ! My-tho-mane, ça devrait te parler, il me semble… Non mais quel abruti !
- — Ah ben merde… Je me disais aussi que j’étais pas sûr d’avoir bien compris quand tu me l’avais lâché au téléphone il y a trois mois. Tout ça, c’est la faute de ces réseaux GSM pas fiables.
- — Mais c’est pas possible ! T’aurais quand même pu aller vérifier sur le site Revebebe. T’es complètement demeuré !
- — Oh ça va, du calme. Tu t’en remettras. Y’a pas mort d’homme.
Mais Patrick a l’air vraiment affecté. Il m’en confie partiellement la raison :
- — Et dire que j’avais accepté de coucher avec LouVilneau pour mettre un autre membre du jury dans ma poche… Je suis effondré.
Je suis triste pour Patrick. Évidemment, je lui dois une explication et je décide de lui révéler la cause de mon étourderie.
- — C’est vrai Patrick. J’ai merdé. Mais malheureusement, par les temps qui courent, je n’ai guère le temps d’aller traîner sur Revebebe. Je ne voudrais pas te perturber davantage, mais sache que je traverse actuellement une terrible tempête sentimentale.
Mon ami me jette un regard interrogateur qui m’encourage à poursuivre.
- — Figure-toi que Kristina, ma fiancée finlandaise qui, soit dit entre nous, n’est autre que la nièce du roi -, est furieuse contre moi parce qu’elle m’a surpris en pleine partie de jambes en l’air avec Irina et Ornella, deux mannequins ukrainiennes. J’ai eu beau expliquer à Kristina que ces coïts totalement désintéressés étaient un acte d’engagement fort pour soutenir mon ami Volodymyr contre le despote russe, elle ne veut rien entendre. Du coup, je passe tout mon temps libre à essayer de me rabibocher avec Kristina et sa famille. Et je peux t’affirmer que le roi Olaf XXII, l’oncle de ma fiancée, fait partie du groupe des monarques à tendance psychorigide accentuée. Tu comprends donc aisément que ces désolantes péripéties me laissent peu de loisirs pour parcourir les différentes rubriques d’un site de cul, fût-il le plus prestigieux de la planète.
Patrick me regarde d’un air désespéré avant de déclarer :
- — Bon sang ! J’en ai croisé du beau monde dans ma vie ; des chefs d’État, des artistes internationaux, des milliardaires mégalo, des sportifs intelligents, mais des types capables de raconter des sornettes pareilles avec un tel aplomb, tu es bien le seul que j’aie rencontré à ce jour.
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1. ↑ Enfant d’immigrés d’origine italienne né à New-York, Albert R. Broccoli est principalement connu pour avoir produit les seize premières adaptations cinématographiques de la série James Bond.