Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 21526Fiche technique49701 caractères49701
Temps de lecture estimé : 35 mn
09/02/23
Résumé:  Un curieux meurtre, une curieuse enquête.
Critères:  fh fplusag extracon campagne caférestau danser voyage bateau portrait policier -policier
Auteur : domi dupon      Envoi mini-message

Concours : Mythomane
Le mort a menti



La jeune femme tambourinait à la porte de la vieille maison sans obtenir de réponse.



Elle sursauta, se retourna.



Marc Cassin, maire de la petite commune de Nordec, retint le sourire qui lui montait aux lèvres. Qualifier Véra Alhoé de beauté, peut-être pour qui aimait les femmes sans sein, ni fesse. Mais la comparer à Maryline Monroe… Y’avait un gouffre.



Marc Cassin réfléchit quelques secondes puis tambourina à son tour contre l’huis fermé. Sans résultat. Machinalement, il abaissa le loquet. La porte s’ouvrit.



Le maire pénétra dans la maison pour en ressortir précipitamment quelques secondes plus tard. S’accrochant au chambranle, il répandit sur les pieds de la jeune femme son petit-déjeuner en état de digestion avancée.


Elle s’écarta sans avoir pu tout éviter. Elle fit mine d’entrer dans la maison. Marc Cassin, tout en continuant de se répandre, la retint par le bras.



Ainsi fit-elle.



###-------###



Quand le lieutenant Godevin Decamp et son équipière Émilie Jacotey arrivèrent sur la scène de crime, Paula Simon, la médecin légiste sortait de la maison.



Decamp soupira. « Toi, ma chérie, t’as pas envie de vomir devant tout le monde ! ». Elle le gonflait. Il avait souvent travaillé avec des femmes sans aucun a priori, mais cette nana, issue de ce qu’on appelle un milieu favorisé, lui cassait les burnes avec ses grands airs.


Le spectacle qu’il découvrit chassa instantanément ses pensées parasites. Le cadavre, Antoine Exaspéry, selon les renseignements communiqués par téléphone, avait le dos appuyé contre un antédiluvien radiateur en fonte. Nu, les bras en croix, attachés aux extrémités du radiateur, sa tête à la bouche sanguinolente reposait sur sa poitrine constellée de vomissures. Des hématomes sur le visage, les doigts probablement cassés, le bras droit formant un angle improbable avec le torse, des estafilades sur tout le corps. Pas besoin d’avoir fait médecine, pour constater qu’il avait été torturé. La douleur avait dû être si forte que sa vessie avait lâché : pour preuve, une grande flaque entre ses jambes écartées.


Malgré la crudité de la scène, une ébauche de sourire naquit sur les lèvres du gendarme. Il aurait bien aimé voir la réaction de Nunuche. Avec la chaleur inhabituelle de ce mois de juin, les odeurs d’urine et de vomi avaient envahi la pièce, rendant l’atmosphère irrespirable. Sans oublier les mouches qui papillonnaient autour du cadavre. Une composition de Jérôme Bosch !


Abandonnant le mort, il explora la pièce du regard. Il y régnait un désordre extraordinaire. Buffet vidé, table et desserte renversées, de la vaisselle cassée gisait par terre. Les portes du meuble sous l’évier avaient été arrachées.


S’adressant aux techniciens qui s’affairaient :



Mais il avait pour principe de ne pas mélanger sexe et travail. Auparavant, il n’aurait même pas eu cette pensée égrillarde, mais aujourd’hui son couple battait de l’aile et comme disait son grand-père à sa grand-mère quand il avait des besoins à satisfaire : « Madame, la nature demande ».



Le langage fleuri de la rouquine aurait plu à Nunuche. Elle qui devait tenir le petit doigt levé quand elle buvait son « five o’clock ».



Godevin Decamp rejoignit la toubib qui en grillait une, adossée à sa caisse. « Et après, les médecins vous parlent des dangers du tabac ! ». Nunuche s’affairait dans le jardin qui jouxtait la maison.



Jacotey, voyant son équipier et la légiste discuter, se dirigeait vers eux.



La lieutenante les ayant rejoints.



Après un « au revoir » désinvolte de la main droite, elle s’installa dans sa mini.


Godevin se retourna vers sa coéquipière :



Depuis bientôt deux ans qu’ils travaillaient ensemble, il n’était jamais parvenu à la tutoyer. Ils n’appartenaient pas au même monde. Nunuche donnait toujours l’impression de sortir d’un institut de beauté : ongles toujours impeccables, discret maquillage au top. Elle portait immuablement des tailleurs pantalons semblant sortir de chez un grand couturier. Si son but était de se masculiniser, l’effet était raté. Leur coupe soulignait sa féminité inaccessible. Même la commandante Géraldine de Horcesoir se tenait sur son quant-à-soi en face d’elle.


C’était la première affaire bien glauque qu’ils traitaient depuis son affectation à la brigade.



Cela confirmait ce que lui avait dit la rouquine.



Elle savait. Un point pour elle.



Il lui résuma brièvement ce qu’il avait constaté.




###-------###



Dans le hall d’entrée, ils tombèrent sur un couple. L’homme était penché sur une jeune femme qui pleurait à chaudes larmes. D’une main, il caressait ses longs cheveux blonds alors que l’autre posée sur l’épaule s’égarait outrageusement au contact d’une ébauche de sein émergeant d’un décolleté estival. L’homme déplut immédiatement à Godevin. Il profitait du désarroi de la fille pour la peloter.


Il dut tousser pour qu’ils prennent conscience de leur présence. L’homme sursauta et retira prestement la main du débardeur de la jeune femme. Il se releva et tenta de retrouver une contenance.



Dès l’entame de sa phrase, il réalisa qu’il avait affaire à la maréchaussée.



La diversion provoquée par l’arrivée des pandores avait calmé les pleurs de celle-ci. Elle esquissa un semblant de sourire à travers ses larmes.



À cet instant, Godevin eut l’impression que Monsieur le Maire avait pris un coup dans la gueule. Le flic se demanda ce qui avait pu provoquer ce changement brutal d’expression. Se retournant, il intercepta la mimique de dégoût qui s’était affichée sur le visage de Jacotey. Ces deux-là se connaissaient.


Le maire, pour qui aimait les quadras en fin de règne, était séduisant : un visage de politicien habitué à charmer, des cheveux poivre et sel, une silhouette de sportif. Tout pour plaire à une pimbêche de la haute, ricana-t-il intérieurement.


Les deux gendarmes se présentèrent. Decamp demanda à ce qu’ils leur relatent la découverte du corps.



La fliquette, mutique, jusqu’à là, tendit les mains à Véra :



La tête du maire ! Decamp trouva cela jouissif. Il savait qu’il devrait rester objectif, mais ce mec, en qui il devinait le petit potentat de village, l’exaspérait. Pour la première fois, il trouva Jacotey sympathique.



Le Maire ouvrant la marche, ils se rendirent dans son antre. La pièce confirmait que Mossieur le Maire avait une très haute idée de lui-même : bureau luxueux, deux téléphones, un ordinateur portable, Apple évidemment, et un fauteuil de ministre dans lequel il s’installa. Pour compléter le tableau, les visiteurs disposaient de deux chaises inconfortables.



Faisant fi de l’invitation, Decamp repoussa une pile de dossiers et posa ses fesses sur le bureau.



Il posa son smartphone sur la table en mode enregistrement. Le Maire lui relata, sans émotion, leur découverte, omis de signaler qu’il avait gerbé comme une bleusaille. Lorsqu’il eut terminé, Decamp lui demanda s’il avait une idée de qui avait pu faire ça et surtout s’il savait ce que les assassins cherchaient.


Cassin, bien que plus gros propriétaire terrien du village, comme il tint à le souligner, ne s’y était réellement installé qu’après les dernières élections. De fait, il ne connaissait pas vraiment la victime. C’était un vieux garçon, retraité, sans histoire, qui ne semblait pas avoir de gros moyens. Les rares fois où il l’avait rencontré, il l’avait saoulé avec ses contes à dormir debout. Ses agresseurs ne pouvaient être que des gitans, des Arabes ou d’autres racailles de passage qui avaient tapé au hasard. Rien de concret seulement des banalités.


Pas grand-chose à attendre, à apprendre de cette outre, gonflée de vide. Ils se quittèrent sur un aurevoir hypocrite.



###-------###



Émilie Jacotey l’attendait, assise sur le rebord de la fontaine qui trônait au centre de la place. Aucune trace de Véra. Devant son air interrogatif :



L’avantage dans les bleds est que les distances sont courtes. Le temps d’échanger ces quelques répliques, ils se trouvaient à la porte du resto. Galamment, Godevin Decamp tint la porte à sa jeune collègue. L’intérieur n’avait pas changé depuis sa dernière visite. Une grande salle sans originalité, habillée des tables toutes aussi communes où étaient installés quelques convives. Sur toute une longueur, s’étalait un grand bar avec son coin tabac. Derrière le comptoir, la même accorte personne, avec quelques années de plus. Toujours habillée aussi sexy, assez étonnant dans ce petit village plutôt conservateur. Par cette chaude matinée, elle portait une robe qui découvrait ses genoux mettant en valeur le galbe de ses jambes. Un décolleté pigeonnant comprimait ses seins accentuant inutilement leur volume.


Charlotte Erdbeer, une Alsacienne pur jus, que les aléas de la vie et de l’amour avaient amenée dans ce village du Bugey. Et si l’amour s’en était allé, elle y était restée. Blonde, bien en chair, avec des courbes intéressantes, la restauratrice ne pouvait renier ses origines. Decamp avait flashé sur elle et il lui avait semblé que c’était réciproque. Mais à l’époque, Christiane, la mère de ses enfants, le comblait et cela n’avait pas été plus loin que quelques œillades.


Elle le reconnut aussitôt. Un large sourire illumina son visage.



Gêné par la présence de Nunuche, il lui répondit par une banalité. Pour y avoir mangé dans le passé, il savait qu’il existait une seconde salle, baptisé pompeusement « le salon ». Il demanda à Charlotte s’ils pouvaient s’y installer pour être tranquille.


Ils attendirent d’avoir commandé avant de parler. Sans prendre de précaution, Decamp ouvrit le feu :



Abandonnant toute retenue et descendant de son Olympe, elle déballa sans filtre. Elle l’avait rencontré lors de vacances au Liban. Il s’était présenté comme célibataire alors qu’elle ne lui avait rien demandé. Le coup d’un soir s’était transformé en liaison. Connement, elle avait commencé à avoir des sentiments qu’elle avait crus partagés. Seulement, quand, au moment du départ, elle avait envisagé une suite, il lui avait ri au nez et déclaré que des pétasses comme elle, il en avait autant qu’il voulait. Elle n’avait pas intérêt à lui chercher des noises. Il avait le bras long et toute fliquette qu’elle était…


Le vernis craquait. La colère lui donnait des couleurs, animait son visage habituellement lisse. Elle en devenait belle et plus humaine. La « cashitude » de la jeune officière l’impressionnait… positivement. Pour être à l’aise, elle avait quitté son habituelle veste. Les yeux de Godevin avaient du mal à se détacher de cette poitrine tendant l’étoffe du chemisier et se soulevant au rythme de la respiration précipitée de la jeune femme. Fallait qu’il se reprenne.



La nouvelle Émilie lui plaisait beaucoup. L’arrivée des pizzas servies par Charlotte les ramena à l’enquête.



Elle s’éclipsa en tortillant du postérieur. Ce qui amena un sourire sur le visage d’Émilie Jacotey.



Et maintenant, elle s’essayait à l’humour.



Charlotte fit son retour, elle tira une chaise et s’assit au bout de la table.



La jolie cloua le séducteur :



Les retrouvailles avec Marc Cassin avaient libéré sa collègue.



Les deux flics s’entre-regardèrent. Le flic sentit la caresse d’un pied contre son pantalon. Aucun doute sur son propriétaire. Perturbé, il laissa sa collègue relancer.



Decamp se sentait de plus en plus mal à l’aise. Le pied délivré de sa chaussure s’était insinué sous son pantalon. Il retira sa jambe tout en tentant de s’excuser par une mimique discrète. Il ne savait pas si Charlotte avait capté, mais sa collègue, c’était sûr : son œil malicieux le prouvait. Et cela l’ennuyait.



Charlotte partie, Émilie Jacotey passa à l’attaque avec un air narquois :



Decamp éclata de rire.



Ils ne purent aller plus loin dans leur rapprochement. Déjà, Charlotte revenait, suivie par un homme d’un certain âge.



L’homme plut immédiatement à Decamp. Tout en lui indiquait le bon vivant et pas le vieillard pleurnichant sur ses rhumatismes.



Devant l’air impatient des deux gendarmes…



L’ancien praticien se rembrunit. Devant le sérieux, de la fliquette, il ne savait pas trop si c’était du lard ou du cochon. Le rire sonore de Charlotte détendit l’atmosphère.



Le bon docteur eut un rire crispé et les quitta, prétextant la crainte d’arriver en retard pour son déjeuner.



###-------###



Sur la scène de crime, ne restaient que deux gendarmes. Les technos avaient plié bagage. Decamp et Jacotey rentrèrent à la brigade. La première partie du trajet se passa dans le silence, plongés qu’ils étaient dans leurs pensées. À l’approche de Bourg en Bresse, Decamp s’exclama :



Émilie rosit intérieurement du compliment. Malgré la féminisation de la gendarmerie, le corps restait un monde d’homme. Elle l’avait constaté, parfois à ses dépens, à l’école d’officier. Pour se protéger, dès son arrivée à la brigade, elle avait bâti une muraille de professionnalisme ne laissant passer aucune émotion. Elle avait eu tort. Decamp ne s’était jamais montré condescendant, l’avait traité en égale malgré son air fermé. Travailler avec lui état agréable. Elle n’avait jamais osé se l’avouer, mais ce quadra bourru, taiseux lui plaisait. La rencontre avec ce connard de Cassin l’avait déstabilisée, ouvrant une brèche. Elle ne le regrettait pas.



Après le départ du bon docteur à la retraite, ils avaient questionné Charlotte sur les dernières prestations de l’Antoine dans son café. L’ultime remontait à l’avant-veille, soit le mercredi. Il avait déliré sur une traversée qu’il avait faite à bord du France, dans les années 70 en compagnie de Line Renoud. Il avait comme souvent parlé de sa cassette. À sa souvenance, seuls des habitués y assistaient. Elle ne se rappelait pas non plus, qu’il y ait eu du passage, ces dernières semaines.



Arrivés à la brigade, ils regagnèrent leurs locaux où les attendait, la légiste, Paula Simon. Elle les vit approcher, lancée dans une discussion animée et complice. Elle sourit.



Ils se turent et la regardèrent d’un air interloqué.



Ils résumèrent.



Elle fut interrompue par la sonnerie criarde du téléphone fixe. La plus proche, elle décrocha.



En aparté à Decamp:



Il prit le combiné.



Il mit le haut-parleur.



Émilie s’immisça dans la conversation :



L’œil brillant de Decamp démentait son propos lénifiant, sans compter le pouce levé qu’il signa en direction de ses deux complices. Malheureusement, la dernière réplique de Charlotte, si elle déclencha une hilarité goguenarde des deux femmes, le remplit de confusion :



Se tournant vers les rieuses :



Elles reprirent leur sérieux assez rapidement. L’information que venait de leur balancer la restauratrice était peut-être l’ouverture qu’ils attendaient.



Ils lui apprirent qu’il était le Maire de Nordec. Installé depuis peu dans le village, sa fille ou son copain pouvait bien avoir pris au sérieux les allégations d’Antoine Exaspéry.



« Mesquine, je suis, se réprimanda-t-elle. Mais ce connard va perdre de sa superbe ». Elle avait hâte de se trouver en face de lui.




###-------###


72 heures plus tôt.





Charlotte voyait bien à son air réjoui que ça le flattait, l’Antoine, qu’on lui demande « Line », mais il savait manœuvrer son auditoire.



Son public était toute ouïe. Qu’allait-il inventer cette fois ? Il trouvait toujours une nouvelle péripétie. Il lui arrivait aussi de se contredire. Si quelqu’un le lui faisait remarquer, il mettait toujours en avant son âge et sa mémoire à trous.



Ignorant ses interruptions, imperturbable, l’Antoine poursuivait :



Charlotte rigolait intérieurement. Pétra, la fille du maire, qui mangeait et batifolait avec son copain, aurait bien pu monter sur sa table et se foutre à poil, ils s’en seraient pas aperçus. Ils étaient suspendus aux lèvres du conteur. Le Jean-Louis en oubliait même de torcher sa énième chope.



L’intrus sous le regard accusateur des autres plongea le nez dans sa bière. Dans le silence retrouvé :



Charlotte lui lança un regard incendiaire.



Reprenant son souffle, il déglutit et passa la langue sur ses lèvres. Jean-Louis qui avait compris le message et voulait se racheter :



Charlotte remplit son verre.


L’Antoine en but lentement la moitié faisant poireauter son auditoire. Une voix anonyme :



Ce n’était pas la première fois qu’il employait ce terme. À chaque fois, Charlotte se disait qu’il fallait qu’elle vérifie sur Google ce que ça voulait dire, mais à chaque fois, elle oubliait.



L’Antoine se rassit.



Charlotte eut un léger sourire. En bon showman, l’Antoine avait quitté la scène sur une nouvelle neuve : c’était la première fois qu’il évoquait ce voyage.



Il claqua la porte derrière lui.



###-------###



La maison du Maire se tenait sur une hauteur du village, dans un quartier nommé, on ne sait pourquoi, « La Californie ». Lorsque les deux pandores se présentèrent au portail de la propriété, ils durent montrer patte blanche.

Marc Cassin les accueillit froidement sur le pas de sa porte. Il n’avait pas l’intention de les laisser entrer.



Émilie n’en pouvait plus de ce sale con et de ses airs supérieurs.



Elle ne put finir sa phrase, car une femme, belle quarantenaire, bourgeoise maigrichonne, lui coupa la parole :



Émilie allait péter un câble. Godevin pressa son bras.



L’épouse ressembla soudainement et furieusement à une carpe sortie de son élément. La bouche grande ouverte, en apnée, son visage testa toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Quant à l’époux, il serra les poings, éructa :



Sur cette ultime réplique, telle une Marie-Chantal outragée, la dame quitta la scène.


De tels mots, dans une telle bouche. Les nuits devaient être torrides chez les Cassin. Émilie tentait de garder son sérieux. Elle aurait volontiers embrassé Decamp. Ce dernier se demandait pourquoi il avait eu cette réaction épidermique. Il venait de semer la zizanie dans ce couple bcbg en prenant le risque d’un retour de bâton hiérarchique.



Une jeune blonde éthérée, qui était à moins d’un kilo de l’anorexie, se tenait au bas des escaliers. Un jean tuyau de poêle et un t-shirt moulant accentuait encore sa maigreur. Émilie repéra ses pupilles dilatées : cette fille ne marchait pas à l’eau de source.


Elle se tourna vers son père :



L’édile assommé ne répondit pas. Jouissif de le voir ainsi décomposé, la fliquette avait l’impression qu’il avait pris 10 ans en quelques minutes.



Craignant une réaction inopportune face à son ex-amant, Émilie laissait Decamp à la manœuvre. Elle se contentait d’observer. Ce qu’elle pouvait lire dans le langage corporel de Pétra lui signifiait qu’il tenait une piste. La gamine, pour le moins, était mal à l’aise. À moins que son attitude soit due à la dope… Elle avait la quasi-certitude que s’ils fouillaient sa chambre, ils feraient des découvertes intéressantes.



Decamp s’interrompit comme si une pensée subite l’avait traversé.



Un Cassin au mieux de sa forme ne serait certainement pas tombé dans le panneau, mais déstabilisé comme il l’était, il y avait foncé tête baissée. Émilie réalisa que ce n’était pas seulement pour ses beaux yeux que Decamp avait mis les pieds dans le plat. Lui, se félicitait de son coup de sang qui avait ébranlé l’élu.



La fliquette avait déjà sorti le boîtier de prises d’empreintes et la lui présentait.



À contre-cœur, Pétra la lui tendit. La prise faite, elle lança le comparatif. Ce fut bref. Elle montra l’écran à Decamp. Celui-ci, dégrippant les menottes qu’il portait à son ceinturon, fit signe à la jeune femme d’approcher.



Pour le Maire, ce fut le coup de grâce, appuyé contre son mur d’entrée, il regarda les deux flics encadrant sa fille aller à leur voiture.



###-------###



Godevin était assis à même le sol, dos appuyé au canapé. Contre son épaule, l’épaule d’Émilie. Elle l’avait invité dans son petit studio en ville pour fêter la résolution de l’affaire. Christiane chez sa « mère », il s’était empressé d’accepter. Sa collègue avait délaissé son habituel costume veste/pantalon pour une robe d’été qui exaltait sa féminité.



L’interrogatoire qu’ils avaient mené conjointement n’avait été qu’une formalité. Pétra n’avait rien d’une criminelle endurcie. Comme le notèrent les deux enquêteurs dans leur rapport, c’était une de ces jeunes paumées, accro à la drogue et tombées entre de mauvaises mains. Son copain, Dylan Zimmermann était un zonard qui vivait d’expédients.


Il avait entendu les élucubrations d’Antoine Exaspéry. Il avait compris qu’il serait absent le lendemain soir. D’où l’idée du cambriolage. Un « vieux con » comme lui, pas difficile de trouver sa cachette. Il avait entraîné à sa suite, un de ses « amis », Dorian Gris. Pétra les accompagnait, selon ses dires, juste parce qu’elle connaissait le village. Malheureusement, ils n’avaient rien trouvé. Aussi quand leur victime était rentrée plus tôt que prévu, énervés par leur échec, ils avaient voulu le faire parler et ça avait dégénéré. Pétra prétendait que, lorsque les garçons l’avaient tabassé, elle avait essayé de les arrêter, mais « ils l’avaient envoyée chier » et elle était partie.



Oublié sa règle « pas mélanger sexe et travail ». Elle tourna la tête vers lui, leurs lèvres se joignirent… Baissons chastement le rideau sur leur baiser et sur l’histoire.