n° 21532 | Fiche technique | 30180 caractères | 30180 5097 Temps de lecture estimé : 17 mn |
12/02/23 |
Résumé: Je suis peintre, un artiste, dit-on. Tu parles d’un artiste, je ne sais même pas dessiner la tête à Toto ! Mais il paraît que mon art est subjectif. Mon cul, oui ! C’est des croûtes et ça ne ressemble à rien. | ||||
Critères: fh amour fellation -rencontre | ||||
Auteur : Enzoric Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Artiste... mon cul, oui ! Chapitre 01 / 02 | Épisode suivant |
Je suis peintre, un artiste, dit-on. Tu parles d’un artiste, je ne sais même pas dessiner la tête à Toto ! Mais il paraît que mon art est subjectif. Mon cul, oui ! Ce sont des croûtes et ça ne ressemble à rien. Et encore, chez certains, dans le rien y’a du beau. Mais bon, à défaut de savoir dessiner j’en vis bien, et c’est déjà bien suffisant.
Ce fut lorsqu’une journaliste d’un magazine renommé, faisant le jour et la nuit sur l’art, m’a demandé d’où venait ce don que tout est revenu. Évidemment, j’ai inventé un bobard sans queue ni tête, qu’elle a gobé et couché sur son petit calepin rose. Depuis, souvent on me chambre, mais bien moins que si j’avais dit la vérité. Je n’ose même pas imaginer ce qu’on dirait de moi si je lui avais avoué que c’est en pissant que j’ai découvert le mélange des couleurs ! Ma copine avait mis ce truc dans la cuvette, un de ces machins qui rend l’eau bleue. Bah… en pissant, l’eau est devenue verte. Vous imaginez la scène, moi émerveillé comme jamais de pisser. Truc de ouf !
Pas sûr qu’elle avait gobé la Valda, elle est partie tout sourire en me balançant « j’vous envoie le bon à publier demain. Bonne fin de soirée ». Elle m’aurait dit bon à tirer que je la publiais en 3D, la belle ! Parce que celle-là, s’il n’y avait pas déjà Béa dans ma vie, je la couchais en couleur, ce canon. Putain ! Si je savais dessiner ou peindre, pas de doute, je la croquais nue cette beauté. Mais pas en artiste, non ! Du style porno, bien beau, avec gros plan, éjac tout partout et cul tout rouge de l’avoir bien fessé et baisé.
J’étais tellement inspiré, la queue dressée, qu’elle n’avait pas fermé la porte que j’avais devant les yeux ma prochaine croûte. Horrible ! Pas elle, mais ce que j’ai barbouillé sur la toile après m’être branlé et avoir craché la purée sur le pinceau. Ce soir-là, après l’eau bleue qui devient verte, j’ai découvert qu’une bonne branlette ça change aussi la couleur du monde.
Le lendemain, quand j’ai lu ce qu’elle avait fait des dix phrases que j’avais eu toutes les peines du monde à articuler, j’étais sur le cul ! Enfin, pour dire vrai, je fantasmais être dans le sien, de cul. Parce qu’un cul pareil, c’est un appel aux vices ! C’est même plus qu’une tentation, c’est une incitation, son cul. Tout rond comme il faut, avec une fente, mes aïeux ! Truc de ouf !
J’ai répondu « OK », ni plus ni moins. « Super » qu’elle m’a écrit. Super ! « Super », j’ai tapé et envoyé.
Puis plus rien, plus signe de vie. J’ai tellement rêvé d’elle que j’ai peinturluré deux croûtes par jour avant que son article ne sorte enfin en kiosque.
Ça a fait un boucan d’enfer ! La critique, tous ces faux-culs qui trouvaient mes toiles pour ce qu’elles sont ont changé leurs fusils d’épaules. J’étais devenu, après le type à abattre, le mec le plus branché. Mon bigophone n’arrêtait pas de sonner. Entre ceux qui voulaient m’exposer, les journalistes qui voulaient m’interviewer et ma meuf qui avait pris la grosse tête, je me suis tapé une déprime canonique. J’ai pondu des trucs à se tirer une balle tellement c’était glauque. Mais ça se vendait bien. Moche, cher, et ma cop était aux anges. Elle claquait tout. Je chiais une merde par jour pour son plus grand plaisir de la mettre en vente dès le lendemain. Bref, ma vie n’était pas pire qu’avant, mais pas mieux.
Ça a duré deux mois avant qu’un matin je reçoive un SMS : « Salut. On peut remettre ça ? ». Remettre ! Clair que dans la seconde, j’ai remis une main sur ma queue. J’me suis vidé les couilles comme jamais. J’en avais des crampes tellement je me suis branlé en lisant ce SMS, mais j’ai quand même trouvé la force de répondre d’un simple « OUI », peint en blanc sur fond noir que j’ai envoyé par coursier le jour même.
En fait, ce ne sont pas les interviews, mais ceux qui les font que je n’aime pas. Sauf que là, celle qui allait m’interviewer, je la kiffais grave. Trop pour ne pas, alors j’y suis allé.
Elle m’avait donné rencart dans un bistro. Pas un truc branché où tu bois à la paille un verre avec plein de sucre autour, mais un vrai bistroquet PMU qui vit et qui pue la vie, la vraie.
Elle héla le serveur à qui elle dit deux des doigts avant de montrer son demi quasi vide.
C’était un petit « ça va ». Un « ça va » poli, mais pas sincère.
Elle disait vrai. Entre mes branlettes en pensant à elle, mes croûtes à peindre et Béa qui me remerciait de cette opulence de fric en retrouvant un appétit sexuel aux abonnés absents avant que je ne devienne « the star of colors », j’étais à plat.
On s’est descendu binouze sur binouze tout en discutant sans voir le temps passer. À la cinquième, j’avais la vessie pleine.
À mon retour, elle n’était plus là. J’ai flippé ma race comme jamais, avant de voir deux demis fraîchement tirés sur la table.
On s’est tapé deux steaks-frites accompagnés d’un rosé pas assez frais qui pique, avant de finir sur un banana split pour deux.
On s’est avalé deux poires cul sec avant qu’elle ne règle la note en me convainquant d’une « note de frais ». Alors j’ai laissé tomber l’affaire. Enfin, de l’addition parce que l’affaire qui était face à moi, je comptais bien la conclure, celle-là !
Dehors, elle s’est allumé une clope après m’en avoir proposé une.
Malgré tout, elle a écrasé sa cigarette à peine allumée.
ooOoo
J’ai dormi comme un loir. Ça ne m’était pas arrivé depuis des lustres d’en écraser autant ! J’ai tellement ronflé que ça m’a réveillé deux fois. Deux merveilleuses fois où j’ai pu vérifier qu’effectivement, quand elle dort, elle est sourde comme un pot. Mais quel pot !
C’était déjà un rêve éveillé, mais endormi, c’était encore pire. Belle-de-jour, elle est tellement plus désirable quand elle dort nue.
On a baisé toute la nuit. Quand un se réveillait, c’était comme si on ne pouvait pas s’en empêcher. Pire qu’une drogue. T’as déjà ta dose, mais t’en veux encore.
Encore, qu’il est irrésistiblement addictif d’ailleurs ce mot lorsqu’elle le prononce.
Bizarrement, d’avoir peu dormi, au petit matin, j’avais une patate du tonnerre, alors je suis parti chercher des croissants. J’arrivais devant la boulangerie quand mon téléphone sonna.
Elle a raccroché sans me laisser le temps de répondre « comme moi ».
J’ai pris un peu au hasard et j’ai couru. Quand j’ai ouvert la porte de son appart, elle était debout devant le plan de travail, nue. Au barouf que j’ai fait, elle savait que j’étais pas loin, mais elle a tranquillement continué à mettre de l’eau dans la cafetière, dos à moi.
Attendre… impossible face à un tel cul !
N’ayant ni l’un ni l’autre d’horaires à respecter, on a passé la matinée au pieu. Le petit-déj, on l’a avalé à onze heures passées, les deux tourtes et les deux mini-pizzas vers dix-sept heures. Entre, on est restés collés l’un contre l’autre sur son lit.
Mon bigophone n’a pas arrêté de sonner et de vibrer avant d’être à plat de batterie, comme moi. J’étais claqué, vidé. Tel le coucou qui carillonne, elle a poussé la chansonnette quasiment toutes les heures. Truc de dingue, mais bon. Si bon.
Le lendemain matin, je pionçais encore lorsqu’une odeur de café m’a réveillé.
Si en ouvrant les yeux, je bandais déjà, avant qu’elle finisse sa phrase, j’avais des fourmis qui me chatouillaient la queue. On a bu un café infect. Pas qu’il était mal dosé, mais plutôt qu’il avait trop mijoté à nous attendre. On est resté quatre jours sans donner signe de vie. Même si son portable sonnait, qu’elle regardait qui l’appelait, elle n’a jamais répondu ou rappelé.
Et quand je dis sous, ce n’est pas qu’une expression. Elle m’a tellement pompé que j’avais les couilles aussi sèches que deux pruneaux ! Deux silex qui sans peau auraient foutu le feu au matelas en s’entrechoquant !
Le lundi matin, elle s’est levée après avoir balancé une dernière beigne à son réveil. Encore dans le coaltar, je l’ai regardé sortir de la chambre. C’est quand elle est venue me faire un énorme smack que j’ai réalisé qu’elle était habillée.
Elle est sortie de la chambre comme elle était entrée dans ma vie : en coup de vent. J’étais soufflé, mais heureux comme jamais.
Je me suis avalé trois cafés puis douché et rasé au gel douche avec un rasoir rose. J’ai bandé comme un âne en passant les lames que je devinais avoir ôté les poils des jambes, des aisselles et du sexe de celle qui venait de chambouler ma vie. Si j’avais eu encore un peu de jus en stock, je me serais branlé, mais dans un sursaut de conscience, j’ai préféré réserver ce peu pour plus tard.
À dix-huit heures treize, comme promis, elle rentrait en avance. Elle m’a trouvé assis sur son divan, pinceau en main.
Évidemment, je me suis levé. Évidemment, on s’est enlacé. Évidemment, je l’ai caressée, et, évidemment, on a honoré son retour sur le divan. Ensuite, elle a commandé deux pizzas qu’on a dévorées à poil sur son divan.
Cet aveu ne me surprenait guère, aussi :
Je suis parti du jour au lendemain, abandonnant tout à Béa, cette femme plus intéressée par le fric que par celui qui le gagnait. Elle m’a laissé une tonne de messages que j’effaçais sans ne plus prendre la peine de les écouter. De toute façon, c’était toujours la même rengaine : « T’es où ? Tu rentres quand ? Sinon tu pourrais pas m’envoyer un peu de fric, j’suis à sec là ». Connasse !
Pas comme elle. Elle qui ne demandait rien de plus que ma présence. Elle qui m’hébergeait sans arrière-pensée. Elle qui a su révéler mon vrai moi : un peintre à chier, mais un type ordinairement fou amoureux.
ooOoo
J’ai squatté chez elle durant trois semaines sans sortir, passant mes journées sur le canapé. Trois semaines à coucher merde sur merde sur des toiles que je faisais livrer après avoir eu le plaisir d’entendre ce qu’elle en pensait :
Elle m’a jugé, d’abord interdite, puis un large sourire a illuminé son visage.
Putain qu’elle est belle lorsqu’elle sourit ! Jamais Béa ne m’a décoché un tel bonheur. Jamais je n’avais ressenti un tel aveu. Elle rayonne tellement lorsque sa bouche exprime son bonheur qu’elle traverse tout mon être. Elle seule a su transpercer mon corps jusqu’à atteindre le cœur. Elle seule le pouvait, et l’a fait. Elle qui m’a conquis sans le vouloir. Elle qui m’a ouvert au monde. Elle qui m’a accueilli tel je suis. Elle, cette femme libre et fière de l’être et qui aujourd’hui est dépendante de moi autant que je le suis d’elle.
On est aussi complémentaires que seuls sans l’autre. Aussi liés que différents. Bref, tant indissociables que vivre ne serait-ce qu’une journée séparés serait pire que mourir. Voilà pourquoi, après habiter ensemble, se marier était plus qu’un besoin. C’était une évidence.
Mes croûtes se vendaient tellement bien et chères qu’elle a démissionné. Sans crainte du lendemain, sans peur d’être une épouse sans ressource financière, elle a tout abandonné.
Putain le pied ! H 24 ensembles. On ne se quittait plus. Hormis pour aller pisser, on vivait ce besoin de l’autre en permanence. Lorsque je peignais, elle était là. Lorsque l’on sortait faire les courses, nos mains étaient soudées. Lorsqu’on se douchait, c’était toujours à deux. Même lorsqu’on dormait, on était peau contre peau. Si l’un bougeait et brisait le contact, l’autre le ressentait et se plaquait contre ce corps, cette chaleur, cette présence. Énorme !
Mais tout à une fin. On ne peut pas renier ses passions à vie, et elle s’emmerdait alors que moi, je m’éclatais.
Elle a regardé l’amas de couleurs que je venais d’étaler avant d’éclater de rire.
Hagarde, elle m’a regardé aller chercher une toile vierge. Lorsque j’ai mis le pinceau dans sa main, elle semblait amusée plus qu’autre chose, mais lorsque j’ai pris la pose, un tout autre sourire a illuminé son visage, et réveillé ma queue.
J’ai tenu la pose durant plus d’une heure. Une heure merveilleuse à m’imaginer, non pas ce qu’elle peignait, mais comment cette magnifique bouche allait, après avoir souri de toutes ses dents, s’arrondir autour du sexe qu’elle regardait sous toutes ses coutures. Elle l’a englouti avant même que je découvre ce qu’elle avait peint, et j’ai joui tel un type en manque.
Cette première toile, je l’ai accrochée sur le mur de notre chambre, face au lit, quant aux autres, elles se sont arrachées comme des petits pains. Elle a refusé de dévoiler que c’était elle qui les peignait, alors on a trouvé un accord : je gérais expos, ventes et interviews à sa place tout en maintenant le secret.
En moins d’une année, la vente de nos toiles avait engrangé tant de fric qu’on a décidé de se consacrer à l’essentiel : nous. On avait, l’un comme l’autre, l’impression d’avoir suffisamment fait le tour de notre art, alors on a tout arrêté et on s’est offert des vacances longue durée.
On a voyagé, passant de continent en continent, profitant simplement de la vie sans se soucier du lendemain ou de nos comptes en banque. Dix mois de pur bonheur. Dix mois de folies à arpenter le monde et découvrir sa beauté. Lorsque l’on estimait avoir tout visité d’une ville, d’une région puis d’un pays, on allait dans un aéroport et on choisissait un vol. Mais, comme pour tout, arrive un moment où la routine s’installe :
Jamais je ne l’avais vu si triste, si perdue, alors, comme toujours, j’ai pris le taureau par les cornes et fait ce que je sais le mieux faire. Malgré la petitesse et l’inconfort du lieu, on a fait l’amour plus que baiser. Certes, s’aimer si tendrement, si amoureusement, sur la cuvette d’un chiotte dans un aéroport n’est pas l’endroit rêvé, et pourtant ! C’était… grandiose.
Le lendemain matin, on rentrait au bercail. Enfin, en France, parce qu’on était parti sans bagage et sans plus de pied-à-terre. On a visité notre terre natale, durant deux mois. Deux mois à traverser le pays de long en large. Deux mois qui nous ont convaincus que prendre des vacances, c’est le pied, mais qu’être constamment en vacances l’est moins. Beaucoup moins même. On s’emmerdait, ne trouvant plus aucun plaisir à voyager sans but. Alors on s’est mis en quête de trouver notre petit nid d’amour.
Moi qui pensais qu’elle voulait retourner dans notre ville natale, reprendre un job, sinon le job qu’elle avait exercé durant des années, je me suis gouré grave. Et pour cause !
On a posé la valise de nos souvenirs de voyages près d’un bled perdu, perché dans les hautes Vosges. Et quand je dis paumé, ce n’est pas un euphémisme : le trou du cul du monde. Inaccessible en hiver et tout aussi désert l’été. Truc de ouf !
Pour autant, je m’y suis de suite senti bien. Aucun bruit, montagne, forêt et animaux, pour seuls paysages et voisins. Un havre de paix et de quiétude parfait pour vivre notre amour à l’état brut. Même si un petit village en contrebas nous permettait de nous ravitailler une fois par mois les beaux jours venus, même si les hivers furent rigoureux et longs, ces quatre années en quasi-autarcie furent, de loin, nos plus belles années. On vivait au jour le jour, sans médias, coupés du monde. La guerre mondiale aurait été déclarée qu’on ne l’aurait su qu’en recevant un obus sur la tronche.
Putain ! C’qu’on a joui de cette solitude ! Tout était permis, tout était possible. On mangeait ce qu’on cultivait et élevait, on buvait l’eau d’une source intarissable et plus pure que n’importe laquelle des flottes mises en bouteilles. Le bonheur à deux quoi !
Puis, un soir, elle ne s’est pas sentie bien. Alors il a fallu qu’on redescende sur terre, dans la civilisation et ce qu’elle a de moderne et rassurant. Prise de sang, scanner, et j’en passe et des meilleurs pour apprendre qu’elle avait le foie bousillé. Quasiment mort !
Putain ! Le choc ! On mangeait bio, on vivait bio, alors quoi, merde ! Pourquoi elle plus qu’une autre ?
On a cogité grave, se repassant nos voyages en détail, ce qu’on avait déconné ou avalé comme tord-boyaux ou truc immangeable, mais rien. Et pourquoi elle et pas moi, d’ailleurs ?
On était inséparable, partageant tout, absolument tout. Alors pourquoi un et pas deux ?
Pourquoi c’était elle ? Elle qui avait toujours fait attention à tout et pas moi ? Moi qui avais, avant elle, puis avec elle, bouffé la vie par tous les bouts.
Pourquoi ce n’était pas moi, ce type qui avait avalé des hectolitres d’alcool qui n’avait pas le foie bousillé par une cirrhose ? Pourquoi ce n’était pas moi, très jeune gros fumeur devant l’éternel qui n’avait pas les poumons durs comme de la pierre ?
La vie est trop injuste. Vraiment trop injuste.
Ce ne fut que lorsque l’on a décidé de consulter un autre spécialiste avec le vain espoir que ce que son collègue avait déclaré comme irrémédiable était une erreur de diagnostic que tout est revenu.
ooOoo
Elle a refusé tous les soins. Jamais je ne l’avais vue ni même imaginée si têtue, mais à contrecœur, j’ai accepté de regagner notre chez nous.
Elle a été forte, bien plus que moi qui pleurais en cachette en la voyant dépérir jour après jour. Alors, lorsqu’elle m’a demandé d’aller lui cueillir de bons gros champignons, de les lui cuire puis de lui servir, c’est peu dire que j’ai chialé toutes les larmes de mon corps. Mais je l’ai fait.
Elle les a dévorés comme jamais. Elle s’est goinfrée d’une poêlée pour quatre devant moi, son mari incapable d’avaler quoi que ce soit.
C’était il y a huit mois, et depuis, dès la saison, il n’est pas deux repas sans que je ne cuise et mange une énorme poêlée de champignons cueillis dans le même sous-bois. Mais rien, je suis toujours vivant, et plus elle.
Je savais que la vie pouvait être injuste, et je découvrais que la mort était pire encore. Elle, qui était si forte, est partie d’une gourmandise, alors que moi en ai avalé des kilos sans réel plaisir, je suis toujours en vie.
Ha ! Si j’avais un centième de sa détermination, je me serais déjà ouvert les veines, mais je suis faible, alors je vieillis. Seul, triste, loin du monde, loin de tout. Perché sur un flanc de montagne, je me raccroche à mes souvenirs sans la seule femme capable de m’oublier que vivre sans amour est pire que mourir. J’en ai marre. Marre d’être encore de ce monde. Marre de survivre plus qu’autre chose. Combien de fois ai-je rêvé d’en cueillir un qui abrège mes souffrances ?
D’autant qu’elle est partout. Que ce soit dans la maison, où chaque objet me balance un souvenir, où chaque pièce me rappelle comment et combien furent endiablées nos étreintes, sur les sentiers que nous arpentions main dans la main avant de coucher les herbes hautes de roulades aussi innocentes que prometteuses, dans la source où nous nous baignons nus, sur le rocher surplombant la vallée où nous nous remercions d’être ce que l’on est. Tout, absolument tout me rappelle qu’elle était l’unique, la belle et l’impensable femme qui a égayé mon cœur à l’en tant faire battre que l’infarctus était à deux doigts. Aux deux doigts que je renifle toujours avec le vain espoir de la sentir toujours vivante. Avec la sourde espérance de l’entendre hurler le plaisir que je déclenchais lorsque je la menais à la petite mort en lui dévorant le sexe tout en la crochetant de mes deux doigts.
Mais elle n’est plus là, et moi, si. Je suis vivant, et plus elle, et ça, c’est pire qu’être seul, pire qu’être mort : c’est être désespérément vivant.