Un après-midi de signatures dans une discrète librairie d’ouvrages légers et érotiques. Une auteure dédicace son recueil récemment publié de nouvelles destinées aux amateurs du genre. Les chalands groupés autour d’elle sont des habitués, masculins, pour la plupart, et quelques représentantes de l’autre sexe. Parmi celles-ci, une toute jeune femme qui s’approche timidement de la table et s’exprime à voix basse.
- — J’ai beaucoup aimé votre livre. Les passages alternant tendresse et dureté m’électrisent particulièrement.
- — Merci, Mademoiselle, c’est gentil. À quel prénom dois-je attribuer ma dédicace ?
- — Marie, si vous voulez bien. Euh… Est-ce que je peux vous dire quelque chose d’intime ?
- — Mais bien sûr ! Je vous en prie…
- — Je me suis beaucoup investie dans cette histoire, trop, peut-être. Quand j’ai lu l’épisode « Le grand jour », ma main était, comme par hasard, déjà occupée plus bas… Un coup du destin, en quelque sorte !
- — C’est le plus beau compliment dont je puisse rêver que d’avoir partagé mon plaisir érotique avec une lectrice. Merci sincèrement, Marie.
- — Je suis contente que mes confidences vous fassent plaisir.
- — C’est moi qui en suis heureuse, et qui serais désolée de vous décevoir dans un prochain livre. Je vais écrire « Chantal est heureuse de vous avoir autant satisfaite, Marie ». Voilà ! Me permettez-vous de vous embrasser ?
- — Bien sûr que je vous permets de m’embrasser ! J’attends la suite avec impatience.
- — Oups !… Chère Marie, j’espère ne pas avoir abusé de votre permission en vous embrassant trop affectueusement ?
- — Pas du tout (léger embarras), Madame… Puisqu’on y est, je voulais aussi vous dire que j’ai adoré la nouvelle « Excelsior ». Plus particulièrement le début de la première partie et la fin de la quatrième. Vous comprenez peut-être pourquoi…
- — Je crois que je m’en doute… (sourire), Mais vous pouvez m’appeler Chantal.
- — Oh oui, je veux bien, c’est bien aimable à vous.
- — Je vous en prie, ça me fait plaisir.
- — J’ai pensé…
- — Pardon de vous couper ! Je me dois aussi aux autres lecteurs. Mais je vois que j’aurai bientôt fini, je vous offre un café ensuite ? Si vous avez un autre secret à me dire ? (sourire)
- — Non, non, (petit sourire) heu… oui, avec plaisir. Je vous attends, heu… Chantal.
Une demi-heure plus tard, l’auteure et sa lectrice sont attablées dans un petit bar proche de la librairie.
- — Je suis à vous, Marie, je vous écoute. Il n’y avait pas trop de monde, finalement ! J’aime autant : nous pourrons bavarder à notre aise.
- — Merci, Chantal. Pardonnez-moi, c’est juste une idée : je sais que le personnage de Colette dans cette nouvelle n’est pas le même que dans « Excelsior », mais j’ai envie de penser que c’était une des aventures de Colette, plus jeune. Et que cela expliquerait pourquoi elle a décidé d’appeler Chantal par ce prénom.
- — Je n’avais pas envisagé cette hypothèse, mais elle est charmante. Oui, un amour de jeunesse qui a tellement marqué notre Colette pour qu’elle le fasse, en quelque sorte, revivre en donnant ce prénom chargé de doux souvenirs à toutes celles dont elle espère l’affection… pourquoi pas ? C’est pertinent. Vous devriez écrire, chère Marie.
- — Peut-être un jour, oui ! J’aimerais beaucoup. Pour le moment, j’ai hâte de savoir ce qu’il va se passer dans votre prochaine histoire, Chantal… Une suite à « Arcadie » ?
- — Hé bien, je vous promets d’essayer d’y revenir bientôt. Je ne voudrais pas mettre votre patience à l’épreuve. Sinon je mériterais une punition… (sourire), Mais j’espère avoir moi aussi le plaisir de lire vos propres textes. Je vous encourage sincèrement à vous lancer.
- — Vous savez, j’ai été très contente de lire la dernière partie de « Arcadie », même si j’ai un vrai pincement au cœur à l’idée que Chantal soit loin de Colette ! Je crois même que ça me brise le cœur pour Chantal. J’espère au moins qu’elle pourra initier une des jeunes amies de sa fille dans une prochaine histoire… Pour la – et me… – consoler.
- — Ne vous désolez pas pour Colette et Chantal, Marie : elles se reverront sans doute bientôt. N’oubliez pas que la jeune Anaïs serait ravie de retrouver ses deux tentatrices.
- — Oh, j’aimerais tellement être initiée par une femme plus âgée que moi. Les copines de la fille de Chantal auraient tellement de chance… Chantal devrait m’adopter, moi, comme jeune initiée !
- — Je serais flattée de vous initier, moralement au moins, ma chérie. Oups ! C’est peut-être trop amical ? (Sourire)
- — Mais je veux bien être votre « chérie » ! Mon ventre se tord quand Colette appelle Chantal ainsi…
- — Vos appréciations sont un doux encouragement, chère Marie. Et vous me soufflez des idées : celle d’initier les amies de ma fille, pardon, celle de Chantal, ne m’était pas venue. Pourquoi ne pas la développer vous-même ? Je suis sûre que ce serait délicieux.
- — Oui, je pourrais essayer d’écrire cette histoire. Je vais y réfléchir, mais je ne me sens pas capable de reproduire votre style.
- — Non, Marie, n’imitez pas mon style ou mes habitudes. Trouvez les vôtres et soyez libre. Écrivez, ma chérie ! Décrivez ce que vous aimeriez, ce qui vous attire, vos désirs et vos fantasmes, tout, sans réserve ni retenue.
- — Vous croyez ? Il y aurait un contraste entre ces deux histoires qui partagent les mêmes personnages : ce serait trop étrange, non ?
- — Vous pourriez imaginer cette copine de la fille de Chantal. Elle raconterait son initiation par Chantal, à sa manière, non ? Ou choisissez un autre angle, tout est possible !
- — Je pense essayer, oui, du point de vue de la copine.
- — Il faut vous lancer : il n’y a que le premier pas qui coûte, et celui-ci est particulièrement approprié à tous vos désirs.
- — C’est quand même un petit peu impressionnant, d’écrire, mais je vais essayer.
- — Mais oui, Marie ! Tenez-moi au courant. Je vous donne mon numéro personnel.
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Une dizaine de jours après, dans l’appartement de l’auteure.
Dring !
- — Allo ?
- — Allo Chantal ? C’est Marie. Nous avions pris un café, après vos dédicaces…
- — Ah oui ! Marie, oui.
- — Je ne vous dérange pas ?
- — Pas du tout. Comment allez-vous ?
- — J’ai si hâte de lire une nouvelle histoire que je lis toutes celles que vous avez publiées !
- — C’est gentil de le faire, et de me le dire, aussi. Elles vous inspirent autant que « Arcadie » et « Excelsior » ? (Sourire)
- — Oh oui ! Pour être franche, je viens d’ailleurs de me donner du plaisir, et j’ai maintenant très envie de faire pipi… mais ma colocataire se trouve dans le salon et je crois qu’elle m’a entendue. Je n’ose plus trop sortir…
- — Mais sortez ! (Rire) Sortez, ma chérie, puisque vous m’aviez autorisé ce mot… Non, je vous taquine. Je suis ravie de ce que vous venez de me dire. Je vous embrasse tendrement, peut-être même sur votre chatte mouillée. Oups ! Pardon, ça m’a échappé !
- — Ah oui ? Hi, hi ! Même si elle est mouillée de pipi ? C’est bien vilain, Chantal, mais pas si étonnant de votre part, finalement !
- — Oh, je suis désolée de vous avoir choquée. Si c’est le cas, je mérite la punition. Mais si ce n’est que pudique hypocrisie, je vous embrasse deux fois !
- — Haha, c’était pour vous titiller un peu, ma chérie.
- — Double plaisir de votre part, chère Marie : ravie que vous ayez eu envie de me « titiller » – c’est toujours agréable ! – et heureuse que vous m’ayez appelée ma chérie.
- — J’espère que votre deuxième baiser est toujours destiné à ma chatte, au moins ?
- — Bien sûr que ma deuxième bise ne visait pas autre chose.
- — Merci ! Bon, je vous tiens au courant sur ce que j’écris et je vous embrasse également… même si vous êtes plutôt coquine !
- — Une troisième bise vous satisferait-elle assez pour vous inciter à commencer un récit ? Elle vous est acquise de toute façon ! Oui, tenez-moi au courant, j’en serai très heureuse. Douce fin de journée à vous.
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Un mois se passe avant un nouvel appel.
- — Allo ? Bonjour Chantal.
- — Tiens ! Bonjour Marie.
- — Je n’ai pas osé vous appeler plus tôt étant donné que je n’ai toujours pas commencé à écrire… J’espère que vous ne m’en voudrez pas !
- — Ce n’est pas grave. Ne vous pressez pas d’écrire un récit, laissez-le mûrir en vous et développez vos aspirations.
- — J’ai lu votre histoire de cours de danse : j’aimerais tellement être à la place de cette Marie ! Vous devez lire dans mes pensées parce que je rêve souvent qu’une femme plus mûre s’occupe de moi ainsi. J’aimerais qu’on prenne soin de moi de cette manière… surtout si c’est pour m’initier à plus !
- — Je mentirais si je niais avoir un peu pensé à vous en donnant votre prénom à cette jeune danseuse.
- — Je vous embrasse pour l’avoir pensé, ma chérie !
- — Seriez-vous dans la situation de cette Marie avant les soins de Chantal ? (Sourire) J’espère que la lecture vous aura apporté de jolis rêves coquins.
- — Hé bien oui, j’aurais bien besoin des soins de Chantal ! Mais dans mon cas, j’aurais préféré qu’elle calme le feu avec sa langue.
- — J’imagine la jolie « touffe », comme dirait ma Chantal ou Colette. Je suis sûre que l’une ou l’autre exaucerait votre souhait après avoir débroussaillé affectueusement le superflu.
- — Vous me faites rêver ! Et pour ce que vous m’avez dit tout à l’heure, ça me rassure. Je vais prendre quelques jours pour réfléchir à ce que je vais écrire. Ce sera déjà un premier pas…
Elles continuent à discuter sur des projets de récits : le cadre à mettre en place, le profil de l’héroïne, les situations envisageables, les alternatives possibles, les scènes d’initiation ou d’expérimentation, les sentiments et les sensations à traduire, l’enchaînement des découvertes et de leurs effets, et les détails à ne pas oublier, « en dansant, tout poil peut devenir visible, vous comprenez… »
- — Vos premiers développements sont pleins de promesses, Marie. Avoir conçu les arguments d’un sujet, c’est déjà la moitié de son écriture et les circonstances que vous évoquez me mettent déjà l’eau à la bouche, entre autres. (Sourire)
- — Qu’est-ce que j’aimerais être à la place de mon personnage ! Je vous embrasse sur la joue, ma chérie !
- — Que sur la joue ? Snif !
- — Vous savez, Chantal, les bisous sur la joue, c’est important aussi !
- — Je ne rejetais pas les bisous sur la joue, je déplorais qu’ils ne fussent que là !
- — Mais je peux vous embrasser ailleurs, si vous préférez. Sur vos lèvres mouillées par exemple, puisque vous avez l’eau à la bouche… mais de quelles lèvres parliez-vous ?
- — Pour les lèvres, je vous laisse l’initiative du choix. Quel qu’il soit, il me sera délicieux.
- — Merci
- — Douce nuit et bonnes réflexions sur vos projets littéraires. Je vous embrasse gentiment, sur la joue, donc, pour ménager vos scrupules de pudeur. (Sourire)
- — Je vous embrasse aussi, ma chérie, tendrement.
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Un soir, ou plutôt une nuit, au bout de trois ou quatre jours :
- — Chantal ? Pardon de vous appeler si tard. Je viens de commencer à écrire !
- — Pas grave, j’allais me coucher… C’est très bien de vous être lancée, Marie.
- — Mais je suis un peu lente et le récit est peut-être un peu long et plat, lui aussi… Tant pis, au moins j’essaie ! Ah, zut ! (à voix plus basse : ) Ma coloc vient de m’interrompre alors que j’étais en train d’écrire. Je crois qu’elle sent quand ce genre d’activité se déroule… ce n’est pas possible autrement.
- — Petite question, Marie : comment écrivez-vous ? Une main sur le clavier et l’autre s’égarant plus bas ? Si c’est le cas, peut-être votre coloc souhaite-t-elle vous voir faire…
- — Alors, je vous assure que je fais de mon mieux pour ne pas m’égarer ! Et ce n’est pas l’envie qui me manque, pourtant…
- — Pardon de vous avoir taquiné, ma chérie. Il faut parfois suivre ses envies !
- — Je crois bien que c’est en partie ce qui m’a empêché d’écrire jusqu’à maintenant : à chaque fois que j’avais des idées, je finissais rapidement avec une main dans ma culotte. Et là, ça devenait compliqué de me concentrer sur ma tâche…
- — Les égarements dans la culotte, cela m’arrivait aussi en écrivant, et m’arrive encore parfois… N’en soyez pas chagriné : l’inspiration est souvent renforcée par nos gestes instinctifs.
- — Ah oui ? Vos mains se sont égarées en écrivant les histoires de Chantal et Colette ? Et celle de la Marie de l’autre Chantal ?
- — Pas que celles de Chantal et Colette… et pour cette Marie-là, c’est plutôt en pensant au prénom que je lui donnais… J’attends surtout impatiemment de la remettre, cette main, en lisant les nouvelles aventures que vous lui trouverez.
- — J’espère être capable d’écrire sans égarer ma main, la prochaine fois. En attendant, je l’égare sur vos hanches en vous embrassant, ma chérie.
- — Mes hanches sont un peu trop rondes, mais elles en apprécient d’autant mieux votre main, surtout accompagnée de ce petit mot gentil. C’est un bon début, je vais m’endormir heureuse !
- — Mais c’est parfait, les hanches larges pour les caresses !
- — Hi, hi, oui ! Merci, chère Marie. Bonne soirée, et douces caresses sur vos fesses. Oups ! Je vais encore trop loin !
- — Puisque vous vous permettez de caresser mes fesses, si vous êtes d’accord, je peux accompagner ces caresses sur vos hanches de mes lèvres sur votre douce poitrine.
- — Mettez vos lèvres sur ma poitrine, je vous le permets volontiers pour vous remercier de ne pas avoir refusé mes caresses sur vos fesses.
- — Bonne nuit, ma puce – Je ne sais pas comment vous appeler autrement !
- — Vous pouvez m’appeler ma puce ou ma chérie, j’en serai toujours heureuse !
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Le surlendemain, dans une colocation étudiante :
- — Allo ?
- — Coucou, Marie, c’est Chantal !
- — Bonsoir, ma chérie ! – Je peux, hein ? – Je suis contente que vous m’appeliez.
- — Je voulais vous dire que j’ai envoyé un texte à l’éditeur. J’attends la réponse.
- — Un autre texte ? J’étais justement en train de relire celui de Marie au cours de danse… Et je ne sais pas trop si je me sens capable de faire aussi bien que vous !
- — Ne soyez pas si timide, pour écrire votre récit. Vous saurez certainement traduire vos sentiments d’excellente manière.
- — Je verrai bien ! Mais je suis curieuse : qu’avez-vous écrit de nouveau ?
- — Je vous laisse le plaisir, ou non, de le découvrir, ma douce.
- — Oh… je suis vraiment déçue, je vais m’endormir contrariée… (Sourire), Mais je vous fais un bisou sur la joue.
- — Merci, c’est gentil…
- — Ah, je suis contente que vous appréciiez quand même mes bisous sur la joue !
- — Je suis juste un peu frustrée : vous aviez déjà vos lèvres sur mes tétons il y a deux jours. Que n’osez-vous descendre plus bas !
- — Mais oui, je peux commencer sur vos joues, puis vos lèvres, descendre sur votre cou… Si vous me le permettez, je pourrais même tendrement téter vos seins, pour vous souhaiter bonne nuit.
- — Je vous accueille volontiers sur mes seins. Il paraît que mes lolos sont doux et agréables. Ils vous seront confortables et tendres.
- — Et concernant mes caresses : patience ! Je souhaite rester un peu plus longtemps sur vos seins. J’aime bien les chattes mouillées, mais les seins, il faut aussi en prendre soin !
- — Mais j’adore qu’on me câline les seins ! Plus bas, je pensais au nombril : c’est si sensible aussi… Pour la chatte, ça peut attendre, elle n’en sera que plus mouillée ! Bonne et douce soirée, chère Marie.
- — Bonne soirée, ma puce !
- — Votre « ma puce » m’amuse et me charme : il me rajeunit !
- — Je ne sais pas quel autre mot employer ! Je ne peux pas vous appeler maman quand même… Et vous êtes peut-être un peu jeune pour ça ?
- — « Ma chérie » m’irait très bien, et je ne suis plus si jeune !
- — Je pense que je devrais au moins embrasser votre petit ventre, alors, puisque c’est ce que vous avez l’air d’apprécier.
- — Ah oui, j’aime bien, je l’avoue !
- — J’ai quand même envie de remonter la tête dans vos seins : elle doit être si confortable, votre poitrine… Mais j’embrasse votre ventre, ma chérie ! Bonne nuit.
- — Merci beaucoup pour votre « ma chérie ». Puis-je vous dire bonne nuit, « ma puce », en retour ?
- — Oui, vous pouvez m’appeler ma puce ! Je veux bien être votre puce, moi aussi.
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Boîte vocale de Marie :
« Bonjour, ma puce, c’est Chantal. Je ne suis pas chez moi ces quelques prochains jours. Mais je vous embrasse, sur la joue entre autres, pendant que votre main s’égare, en attendant de revenir. Agréable journée, ma douce Marie. Bisous »
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La semaine suivante, un appel impatient au domicile de l’auteure :
- — Allo Chantal ? Avez-vous passé un bon week-end, ma chérie ? Mon autre main s’est égarée en pensant à vous…
- — Merci, chère Marie. Vos pensées m’ont porté bonheur, ma puce : mon week-end a été fort agréable et s’est prolongé plus que prévu. J’espère que votre main n’est pas restée toute seule dans ses égarements depuis mon message, et qu’une autre, ou plus, l’aura rejointe…
- — Non, personne n’a rejoint ma main… elle est restée toute seule comme souvent. Difficile de trouver une autre fille…
- — Je compatis à la solitude de votre main. Je sais qu’il est difficile d’exprimer ses sentiments lorsqu’ils sortent de l’hétérodoxie. Cela l’est toutefois moins aujourd’hui, bien qu’il nous faille encore être fines et prudentes, et vous trouverez sans doute l’âme, pardon, la main sœur.
- — Merci de votre sollicitude, ma chérie. Et vous, quelqu’un a-t-il – enfin, elle – rejoint votre main ce week-end ?
- — J’ai eu le bonheur de rejoindre quelques consœurs. Mais j’avais un petit avantage : elles aussi sont adeptes des préceptes de Colette, en matière de lingerie et de saine activité… Et vous, ma puce, avez-vous avancé dans vos écrits ?
- — Hélas non, je n’ai pas tellement avancé. J’ai dû me plonger dans quelques révisions ce week-end !
- — Je vous encourage affectueusement dans vos révisions. Le travail passe avant les loisirs, n’est-ce pas ? Du moins, le dit-on !
- — Êtes-vous quand même d’accord pour embrasser mon cou et mon dos ?
- — J’ai été heureuse de pouvoir vous dire « ma Puce », j’ai eu plaisir à en user tout à l’heure. Donc, oui : j’embrasse votre cou et votre dos pour vous souhaiter une nuit agréable, et, mon Dieu pourquoi pas, vos fesses pour vous susciter de jolis rêves.
- — Ma chérie, merci pour vos baisers ! Je suis contente que vous embrassiez mes fesses aussi, personne n’a osé y toucher auparavant… enfin si, mais pas entre ! Moi j’embrasse vos lèvres, mais bon, encore la même histoire : à vous de choisir lesquelles !
- — Hi, hi, devinez ! Bonne soirée, ma chérie. Pardon, ma puce !
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Boîte vocale de Chantal :
« Bonjour ma chérie. Je crois que j’ai enfin un premier jet pour l’histoire de mon héroïne. Ça se passera dans les douches ! C’est court et pas forcément ce que j’avais en tête, mais c’est déjà un essai. Je vais relire demain pour être certaine. J’aimerais en savoir plus sur votre week-end ! Et j’espère trouver moi aussi des amies comme Colette, et sa Chantal. Êtes-vous contente de votre puce, ma chérie ? »
Boîte vocale de Marie :
« Bravo ! C’est une bonne nouvelle d’apprendre que votre héroïne prend une douche… Sans rire, bravo pour vous être lancée, ma puce, et encore plus pour votre prudence critique. La concision d’un texte est plutôt un gage de qualité. Mon week-end a été peut-être une source d’inspiration pour une prochaine nouvelle, mais j’ai peur de vous avoir négligée… Je vous embrasserai partout où vous voudrez pour me faire pardonner. »
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Les entretiens téléphoniques se poursuivent et deviennent peu à peu un rituel. Chaque soir, un appel à l’initiative de l’une ou de l’autre reprend le fil du dialogue interrompu la veille. Les cérémonieuses « Madame » et « Mademoiselle » avaient été très vite oubliées au bénéfice des prénoms. Ceux-ci ont maintenant disparu, « Ma chérie » et « Ma puce » les remplacent. Le badinage amical tourne à la relation affectueuse.
Les conversations portent toujours sur la difficulté d’écrire et les conseils pour la vaincre. Les hésitations et les doutes de l’une se frottent à l’expérience pragmatique de l’autre.
- — Je relis mon texte en ce moment, ma chérie. Je pense que je m’étais un peu précipitée, j’avais trop envie de vous faire plaisir !
- — La plume est libre, laissez-la courir. Il sera toujours temps de la rattraper.
- — Ne vous attendez pas à un récit fabuleux ! C’est la première fois que j’essaie d’en écrire un. Sans compter que je n’ai pas une grande pratique des relations entre filles !
- — Ne craignez rien, ma puce, écoutez votre désir et suivez vos fantasmes, vos rêves vous montrent le chemin.
Mais à ces considérations techniques s’ajoute toujours aussi un échange libertin de moins en moins réservé. Chacune le prend en plaisanterie, mais s’en émeut également.
- — J’accepte volontiers vos baisers sur mes lèvres du bas, ma puce, ne serait-ce que pour vous dispenser les miens entre ces fesses qui n’aspirent qu’à les y recevoir… Vous n’avez rien contre les 69, j’espère ?
- — Ma chérie, je suis sûre que vos lèvres sont juteuses, mais je crois que moi aussi j’ai envie de goûter vos fesses, finalement ! Et je n’ai rien contre les 69, mais j’ai envie de pouvoir me concentrer sur ma tâche. Asseyez-vous sur mon visage, à la place. Laissez-moi en premier lieu vous rendre le plaisir que vos textes me procurent. J’embrasse vos fesses et espère m’étouffer sous vous, ma chérie !
- — Non, non, je ne veux pas poser mes fesses sur votre visage, vous ne pourriez plus relire ni éventuellement corriger votre texte ! Je vous promets de vous donner mon cul dès que votre récit sera terminé. Ce sera un bonheur de le lire en étant embrassée si intimement, mais pour l’instant je m’en voudrais de vous détourner de votre tâche. C’est donc à vous de vous asseoir, ma puce. Je lécherai votre petit trou en récompense de votre point final !
- — Bonne soirée, ma chérie, et j’ai hâte de recevoir ce baiser !
- — Je vous donne un petit acompte là où votre peau est si fine, sur l’intérieur des cuisses et sur le périnée, qu’elle est aussi sensible que sur votre minou… Doux songes heureux, ma puce !
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À force de mêler badinage et libertinage, les esprits se rapprochent. Des pensées plus lestes naissent dans la tête des interlocutrices. Quand l’une avance une suggestion osée, l’autre lui répond de façon plus scabreuse. Elles se découvrent des pulsions similaires et des fantasmes communs. Elles s’offrent leur confiance et s’ouvrent aux confidences. Les plaisirs qu’elles partagent renforcent leur relation. Entre la jeune femme et la dame mûre naissent des liens amoureux.
Il suffirait d’une nouvelle rencontre pour que cette passion latente se concrétise. Elles l’envisageraient sans doute si l’éloignement ne s’y opposait. Peut-être, d’ailleurs, est-ce mieux. Leur amour platonique les exempte de toute contrainte. Elles se livrent sans retenue. Que connaissent-elles l’une de l’autre ? La voix, la couleur des cheveux, la silhouette d’un corps dissimulé sous les vêtements, la forme et la couleur des yeux pour autant qu’elles s’en souviennent. Et quoi d’autre ? Rien !
Elles ne savent rien de leurs familles ni de leurs amies, et encore moins de leurs amis. Elles ne savent rien de leurs occupations ni de leurs vies quotidiennes, hormis ce qu’elles peuvent s’en dire quand elles se parlent ou s’écrivent. Nul secret révélé ne pourra jamais être divulgué à leur entourage. Où trouver une meilleure garantie de discrétion ?
Ce quasi-anonymat est une bulle qui les protège mieux que le confessionnal ou le cabinet d’un analyste. Elles sont libres, plus libres que nulle part ailleurs. Libres d’exhiber leur corps comme leur âme, libres d’étaler leurs complexes comme leurs aspirations, libres d’avouer leurs penchants les plus enfouis, libres d’imaginer tout ce qui peut combler leurs désirs. Où trouver un plus bel espace de liberté ?
Elles s’aiment dans le virtuel, elles flirtent dans l’autoérotisme, elles n’en sont pas dupes. Personne d’autre ne peut les juger qu’elles-mêmes, et elles s’en abstiennent. Un serment tacite les lie, il exclut la trahison sans qu’il ait été utile de se jurer fidélité. Elles avaient échangé leur 06, elles s’échangent leur mail. Ces seuls fils ténus qui les unissent, elles les gardent confidentiels, et chacune est sûre de la loyauté de l’autre.
Mais désormais, à s’écouter s’ajoute se lire, leurs confessions et leurs romances érotiques prennent forme tangible. Elles peuvent s’en régaler à satiété, leurs mains en deviennent plus actives et leurs imaginations s’envolent.
Une idée un peu folle germe dans celle de l’auteure : quitte à s’affranchir de limites, ne pourrait-on les repousser au-delà d’un dialogue privé pour en faire profiter un public friand de récits sensuels ? Un récit écrit à quatre mains, en somme.
C’est fou, oui, mais follement attrayant, et terriblement excitant si sa complice partage cette folie. Malgré leur engagement de sincérité mutuelle, la « chérie » tremble en déposant son message.
« Coucou ma puce !
Hier, j’ai pensé à quelque chose en chauffant mon cul à un bon feu de bois, et je viens de relire une grande partie de nos échanges pour voir si mon idée se tiendrait.
Voici : je me disais que je pourrais écrire un récit à partir de nos messages les plus coquins, et cochons, et l’intituler «Marie-Chantal». Ça fait penser au prénom bien connu, mais ce serait un dialogue entre Marie et Chantal.
Que penseriez-vous de cette forme d’exhibition – virtuelle – de nos pensées et de nos corps ? Moi, je trouve cette mise à nu – à nues ! – excitante, humiliante, et sans risque : il n’y aurait que nous qui saurions que nous nous livrons aux regards des autres. Pour ceux-ci, lecteurs, et surtout lectrices, ce ne serait qu’une histoire parmi d’autres…
Mais je ne le ferai pas si cela vous gêne. C’est vous qui déciderez, ma puce.
Et si vous êtes scandalisée par ma proposition et que vous pensez que je suis vraiment trop vicieuse, choisissez la punition que vous me jugez mériter : je vous promets de me l’appliquer pour vous.
Bises tendres et humbles de votre chérie aimante, et un peu anxieuse. »
La réponse est rapide, verbale et claire :
- — Bonsoir, ma chérie, je viens de voir votre message.
- — Bonsoir, ma puce. Et alors… (voix hésitante) qu’en pensez-vous ?
- — Ne soyez pas anxieuse, j’ai été très contente en voyant votre proposition !
- — Dites-moi ce que vous voulez que je fasse pour vous remercier. Je suis si heureuse que mon idée vous plaise.
- — C’est une idée qui me fait TRÈS plaisir ! D’un côté, j’ai très envie de voir ce que vous pourriez écrire à ce sujet…
- — Nous l’écrirons à deux, ma puce.
- — Oui, c’est vrai. Et de l’autre côté, la perspective de nous exposer me plaît énormément.
- — J’ai des papillons dans le ventre rien qu’à penser que nous allons nous exposer ENSEMBLE, que nos confidences intimes seront partagées par d’autres femmes – des hommes aussi, tant pis ! – et que certaines lectrices se caresseront en les lisant.
- — C’est exactement ce que je me disais, ma chérie : j’espère que plein d’autres femmes liront et commenteront notre histoire ! Et qu’elles donneront leur avis sur les actrices et leurs pratiques, sans savoir que ces personnages… c’est nous ! Ou en le devinant peut-être, mais en faisant semblant de ne pas comprendre, pour jouer le jeu.
- — Voulez-vous que je vous l’avoue ? Je mouille déjà.
- — Je vous embrasse ma chérie, surtout sur votre chatte !
- — Embrassez ma chatte, ma puce ! Je ne peux plus rien vous refuser…
Rires.