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n° 21593Fiche technique32045 caractères32045
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Temps de lecture estimé : 24 mn
07/03/23
Résumé:  L’amour est partout, même dans les petits villages perdus.
Critères:  fh hplusag jeunes extracon voisins campagne -rencontre -voisins
Auteur : Amateur de Blues            Envoi mini-message
Ne jamais désespérer

Je voudrais que ceux qui désespèrent trouvent dans mon témoignage la force de continuer, parce que dans notre monde ubuesque, où le destin nous mène par le bout du nez quand nous croyons faire des choix, tout est vraiment possible. Cette histoire, parmi d’autres, le montre. C’est justement quand on croit que plus rien ne peut nous arriver que l’incroyable se produit.



J’étais un homme fini, sans famille, sans travail et j’habitais le trou du cul du monde. Pourtant, j’avais eu auparavant une vie citadine, enviable, occupant un poste à responsabilités dans une grande entreprise, possédant un appartement où vivaient ma femme et mes enfants.

Mais à la cinquantaine, un salarié, tout le monde le sait, est au bout du rouleau. Il coûte cher à son employeur et il est plus ou moins incapable de s’adapter à de nouvelles conditions de travail. Le monde change et il a du mal à le comprendre.


Ma situation dans l’entreprise était celle d’un poids mort dont il s’agit de se débarrasser à la première occasion, mais je ne le savais pas. Ma situation familiale était à peu près la même et, là non plus, je ne voyais rien. Ma femme a rencontré un autre homme et nous nous sommes séparés en quelques semaines.

C’est moi qui lui ai présenté son amant. C’était un collègue avec qui je m’entendais plutôt bien. On riait aux mêmes blagues, on jouait au squash ensemble, et un soir, j’ai retrouvé ma femme dans un café près du gymnase et j’ai proposé à ce type de boire un verre avec nous. Elle a aimé son humour, ses épaules larges, et je n’ai rien vu. Lui ne m’a rien dit. Il ne m’a rien dit non plus concernant ma situation dans la boîte. Il savait qu’on allait me virer et il a continué à blaguer devant la machine à café.


Bref, j’ai tout perdu. Je n’ai pas voulu vendre l’appartement, je l’ai laissé à ma femme. J’avais cette vieille maison de village, perdue dans un petit village de la Drôme, héritée de ma grand-mère et j’ai fui. Je ne voulais plus la voir, lui parler. J’avais honte devant mes enfants. Je n’étais pas prêt à me battre pour retrouver un emploi. C’est donc en homme vaincu que j’ai atterri ici.

Un tout petit village, moins de deux cents habitants, que des vieux ou presque, pas d’enfants, pas d’école, pas de commerces. Ce n’est pas un lieu pour se reconstruire et ce n’est pas ce qui s’est produit. Je suis resté le même que celui qui a débarqué dans la maison avec deux valises il y a un an et demi, aussi sombre, aussi seul.


Lucie, je la rencontrais régulièrement dans la rue principale. On se croisait, elle me disait bonjour avec le sourire et je baissais le nez pour ne pas regarder ses petits nénés qui s’agitaient sous ses tee-shirts. Lucie avait un peu plus de vingt ans et était belle comme un soleil. Il y avait une colocation dans le village, une vieille maison mal entretenue qu’un paysan du coin louait sans vergogne pour un millier d’euros par mois. La maison était grande et un nombre indéterminé de jeunes y vivaient… dont Lucie, cette année-là du moins, car les locataires changeaient sans arrêt, de jeunes citadins avec la bougeotte qui espéraient que la vie était plus « cool » dans nos villages de l’arrière-pays.


Mes espoirs de retrouver le goût de la chair étaient ailleurs. J’avais pour voisins un couple de jeunes retraités qui s’étaient installés à peu près en même temps que moi dans la commune. Elle, je la voyais étendre son linge ou ramasser les haricots verts dans le jardin, elle était plutôt gironde, bien conservée, coquette. Lui était un vrai con et Christine, sa femme me disait souvent qu’elle s’ennuyait, me demandant comment je trouvais à m’occuper toute la journée dans un endroit où il n’y avait rien à faire.

Que pouvais-je lui dire ? Je marchais beaucoup et lisais de longues heures chaque jour. Je ressassais le passé. Je ne m’occupais pas vraiment. Quand nous conversions, ce qui arrivait assez souvent, car nos jardins étaient contigus, je la fixais autant que possible afin qu’elle comprenne que mon regard exprimait du désir, mais elle était si loin de cette idée que pas une fois elle n’a semblé comprendre mon attente. Elle papotait, femme stupide, enchantée d’avoir un voisin pour l’écouter. Il est vrai que Jean-Luc, le mari, semblait en avoir assez de l’entendre.

J’avais une réplique toute prête et je n’attendais que le moment propice pour la sortir : « Si tu t’ennuies, prends un amant. » Mais le moment ne venait pas ou c’est moi qui n’osais pas, qui me disais que rien n’arriverait jamais dans ce trou où tout le monde espionne tout le monde.


Voilà. Il n’y a pas grand-chose de plus à dire jusqu’à ce soir où Lucie est venue frapper à ma porte. Lucie, l’ange survenu au fond de la nuit noire pour me redonner le goût de vivre. Donc, un soir, j’étais dans mon fauteuil, à côté de mon poêle. Je lisais Salammbô, un mauvais livre, mais lorsqu’on est revenu de tout, les mauvais livres ont un goût particulier qui n’est pas si désagréable. Il faisait nuit depuis longtemps, il était tard et le silence dans le village était complet. Seul le vent du Nord brisait la consigne et hurlait dans les grands arbres.

On a tambouriné à ma porte, pas juste frappé, mais tambouriné comme lorsqu’ensuite on entend : « Police, ouvrez ! ». Mais ce n’était pas la police. Quand j’ai ouvert la porte, Lucie se tenait sur mon seuil, vêtu d’un simple tee-shirt un peu long, nu-pieds, le nez saignant et du mascara dégoulinant sur ses joues rouges.



Et comme je m’effaçai pour lui laisser le passage, elle bondit à l’intérieur.



Je jetai un œil dans la ruelle, mais le vent du Nord y galopait tout seul. Quand je me retournai après avoir fermé soigneusement la porte comme elle me l’avait demandé, je la trouvai debout à côté du poêle, tremblante et secouée par les pleurs. J’eus un instant d’arrêt pour profiter du spectacle. Elle était charmante, mince, presque nue, si jeune que j’en eus le tournis. Mais je me repris, je ne suis malheureusement pas un salaud.



En faisant le thé, je cogitais. Cette jeune femme avait été victime d’une tentative de meurtre. Il ne fallait pas faire le thé, mais appeler la gendarmerie. Mais l’eau était déjà chaude et la petite dame avait besoin de réconfort. Je revins au salon avec un plateau pour le thé et mon téléphone à la main. Je posais le plateau sur la table basse et appelais le 17. Lucie était enfouie au fond du plaid et seul le bout de son nez bouché par les croûtes de sang en dépassait.

J’expliquai ce que je savais de la situation à la personne qui me répondit et je lui passais Lucie. Elle fut très confuse et pleura beaucoup. Je vis le moment où elle allait raccrocher sans avoir obtenu autre chose de la maréchaussée qu’une invitation à venir porter plainte le lendemain aux heures ouvrables. Je repris le combiné et insistai pour que des hommes d’armes viennent jusqu’au village dès ce soir prendre sa déposition d’abord, et tenter ensuite d’arrêter cet homme ivre et violent qui pourrait s’en prendre à quelqu’un d’autre pendant le temps de leur inaction. J’eus gain de cause.



Elle se laissa tout de même conduire à la salle de bains. En cherchant dans mon placard, je lui sortis une chemise à carreaux et un pantalon de jogging avec une ficelle pour serrer la taille. Je regardais mes slips et l’imaginais dedans avec une certaine excitation, mais elle était beaucoup plus mince que moi, ça n’irait pas du tout.


Le gendarme était un gros nounours à moustaches, Lucie était minuscule devant lui, si jolie, dans ma chemise. Sa collègue était une fausse blonde à queue de cheval, inutile et insignifiante.

C’est là que j’ai appris qu’elle s’appelait Lucie, quand elle a décliné son identité au nounours, l’air d’un élève dans le bureau du directeur. Les forces de l’ordre partirent ensuite pour un tour de village, promettant qu’ils repasseraient pour nous dire où en étaient les investigations.


Lucie les attendit, roulée dans le plaid, sur le canapé. Nous discutâmes un peu en patientant, c’est-à-dire que je parlais et qu’elle ne m’écoutait pas.

Les gendarmes revinrent au bout de vingt minutes. Ils n’avaient vu personne… ni dans la maison de la coloc ni dans les rues. Le nounours demanda à Lucie de venir au commissariat le lendemain et lui demanda si elle savait où passer la nuit. Devant son hésitation, je pris la parole :



Elle voulait. Les gendarmes partirent et Lucie recommença à pleurer sur le canapé. C’est terrible pour moi, une femme qui pleure… depuis toujours. Il n’y a qu’un psy qui pourrait m’expliquer ça, mais je tombe amoureux des femmes qui pleurent, à chaque fois. Quand je suis tombé amoureux de ma femme, elle pleurait. Elle avait trop bu et elle était assise sur le bord du trottoir, dans une ruelle malfamée, au milieu de la nuit.

Donc là, je suis tombé amoureux de Lucie qui aurait pu être ma fille. J’avais envie de m’asseoir sur le canapé et de la prendre dans mes bras, mais j’avais trop honte de moi pour le faire alors je lui ai proposé un petit whisky pour la remonter. C’était moi qui en avais besoin, mais elle a hoché la tête et j’ai sorti le grand jeu, une bouteille de Highland Park de 18 ans d’âge.

Elle s’est étranglée avec mon whisky parce qu’elle n’avait pas l’habitude des alcools forts et nous avons écouté le vent souffler dans la cheminée. Puis on est allé se coucher. Il fallait bien. Je l’ai installé dans la chambre que je tiens prête pour les rares occasions où mes enfants viennent me voir. C’est un peu une corvée pour eux, je le vois bien, de venir se perdre ici, loin des bars et des cinémas, mais c’est toujours un plaisir de les avoir sous mon toit. En attendant, la chambre est confortable, avec un parquet neuf et des peintures fraîches. Lucie avait l’air de s’en moquer, mais j’étais fier de pouvoir lui offrir au moins ça.

Puis je me mis au lit et je dormis mal. Je dors mal en général, mais cette nuit-là, j’entendais la jeune femme pleurer dans la chambre d’à côté et j’avais envie de me précipiter et de me glisser sous sa couette. Je fus donc soulagé quand je vis le jour et je me levai aussitôt. Lucie avait l’air de s’être enfin endormie. En tout cas, aucun bruit ne venait de sa chambre.


Je prenais un deuxième café quand elle a débarqué dans ma cuisine. Elle avait gardé le jogging et la chemise, elle était ébouriffée et son nez avait changé de couleur.



Bon, ce n’était pas bien, d’accord. Je suis juste un vieux qui accueille une victime de violences, d’accord, mais je n’ai pas pu m’en empêcher. Pour me pardonner, je fis du thé et lui proposai des toasts. Elle ne mangea rien et les laissa refroidir.



Là, pour la première fois depuis qu’elle était levée, elle se tourna vers moi pour me regarder.



Nous suivîmes mon programme. Nous ne vîmes aucune trace de son agresseur. En revanche, les autres colocataires qui étaient tous à une fête la veille, entourèrent ma protégée un grand moment, incrédules de la scène qu’elle racontait « Thomas ? Le Thomas qu’on connaît ? », voulant qu’elle reprenne sa chambre et reste avec eux, au point que je me sentis idiot d’être là au milieu avec personne qui ne faisait attention à moi.

Finalement, elle repartit avec moi et nous nous retrouvâmes à la maison, épuisés, trois heures plus tard. Lucie avait une ITT de cinq jours, la plainte fut acceptée et la copine du nounours promit une ronde au village pendant les jours qui venaient. Quand nous rentrâmes, La jeune femme se pelotonna à nouveau sur le canapé pendant que je préparais un repas qu’elle ne mangea pas.

Elle monta à l’étage faire la sieste et je sortis dans le jardin prendre l’air. Nous étions tout au début du printemps et il y avait beaucoup à faire. Pour commencer, je voulais débarrasser le coin des violettes et des primevères qui fleurissaient déjà de toutes les feuilles mortes accumulées pendant l’hiver. Pendant que je ratissais, ma voisine sortit à son tour et m’interpella :



C’était vrai en l’occurrence. Elle avait raison, mais ça m’agaçait alors je lui démontrais qu’il ne fallait pas accuser qui que ce soit quand on ne savait rien. Je ne parlai évidemment pas de Lucie et réussis même à lui placer que si un jour elle avait un souci et que Jean-Luc était absent, elle pouvait toujours frapper à ma porte et que je me ferais un plaisir de lui venir en aide. On ne sait jamais, ce pourrait être l’occasion d’un rapprochement, cela, je ne le dis pas.

En rentrant après mes travaux bucoliques, je trouvais ma protégée sur le canapé, l’air sombre.



Elle me sourit pour la première fois depuis qu’elle était entrée chez moi. C’était ce sourire que j’évitais avant, quand je la croisais. Le sourire de Lucie était comme un lever de soleil, comme une promesse de jours meilleurs. On en sentait la chaleur et on remerciait Dieu d’avoir créé quelque chose d’aussi beau. Cette fois-ci, j’avais l’impression d’avoir mérité ce sourire, je l’affrontai bien en face et je m’y plongeai comme dans un bain moussant.



Nous passâmes ensuite quelques jours agréables, apprenant à nous connaître, discutant de tout et de rien. Lucie m’expliqua comment elle était passée de la coloc à l’appartement de Thomas. Un soir où elle était ivre, elle s’était retrouvée dans le lit du jeune homme sans savoir comment, et ensuite elle n’avait jamais osé lui dire que leur relation était née du hasard et n’existait pas. Thomas était emporté, passionné, jaloux et elle n’avait jamais su dire non, jusqu’à ce que cela devienne un enfer. Elle aimait marcher avec moi dans la montagne. Je n’avais jamais vu une jeune femme aussi ignorante et aussi avide d’apprendre. Je lui montrais les plantes, les oiseaux, les nuages. Le soir, sur internet, on cherchait ensemble des formations et les moyens qu’elle aurait pour se les faire payer. Cela dura sans un nuage jusqu’à mon explosion un matin.


J’étais debout depuis des heures quand elle arriva dans la cuisine. Elle portait à nouveau ce tee-shirt un peu long qu’elle avait à son arrivée. Je l’avais lavé, détaché le sang à l’eau froide, frotté. Elle était joyeuse ce matin-là, parlant et virevoltant dans la cuisine, me regardant à peine. Ses seins s’agitaient sous le tee-shirt et le tissu cachait difficilement sa touffe. En tout cas, quand elle prit les céréales dans le placard, j’eus une vision parfaite sur ses fesses rondes et fermes. C’était trop.



Elle est remontée dans sa chambre et je suis parti sur les chemins, je ne sais même pas si elle a déjeuné ce jour-là. Il pleuvait, mais j’ai quand même marché pendant des heures, débusquant des chamois ahuris de trouver un humain dans la montagne par ce temps. Quand je suis rentré, elle avait préparé un gratin de courge et elle lisait un livre à côté du feu qu’elle avait allumé et entretenu. Elle portait un jean et un pull-over. Elle avait même attaché ses cheveux, ce que je n’avais encore jamais vu.

Je fis comme si de rien n’était et elle aussi. Comme il pleuvait toujours, je passais l’après-midi à lui apprendre à jouer aux échecs, souhait qu’elle avait exprimé la veille. Je regrettais alors d’autant plus ma sortie du matin que son petit museau concentré sur ses pièces me faisait encore plus d’effet que son cul nu au petit déjeuner. Ensuite, elle regarda une série débile sur son téléphone tandis que je me battais avec Carthage, me moquant des éléphants et attendant que Salammbô se donne enfin au général rebelle.

Puis ce fut la nuit. Ici, dans le village, le temps passe différemment. Après le jour, il y a toujours la nuit, elle n’arrive jamais par surprise. Je m’exprime mal. Bref, j’étais dans mon lit avec un polar islandais, parce qu’on ne peut pas lire du Flaubert en permanence, quand j’ai entendu le parquet craquer devant la porte de ma chambre. Lorsque j’ai levé la tête de mon livre, le visage de Lucie s’encadrait dans l’entrebâillement de la porte.



J’ai posé mon livre et mes lunettes sur la table de chevet et j’ai éteint la lampe. Je ne savais plus trop ce qui allait se passer. J’avoue qu’un instant, je me suis dit que c’est bien elle qui avait poussé le Thomas à la folie et mon cœur battait fort dans ma poitrine. En vieillissant, on croit être blindé côté cœur, mais ce n’est pas vrai, il suffit d’une allumette et l’incendie reprend.

Dans le noir, j’ai entendu ses bruits de souris sur le parquet, des bruits de couette et soudain, son corps chaud contre le mien. Depuis que je vis seul, je dors nu. Je mettais un pyjama pour faire plaisir à ma femme et à son goût des convenances, mais maintenant, je ressens comme un espace de liberté dans ce lit où je peux me toucher la queue quand j’en ai envie. Bref, elle était nue elle aussi et elle s’est aussitôt collée contre moi.



C’était une nouvelle épreuve. Dieu peut-être voulait que je résiste ou je ne sais quoi, et après, je serai récompensé. Je suis resté tétanisé, comme un morceau de bois, et je n’ai rien dit. Le cœur ne s’était pas calmé, et le bambou non plus. Elle a posé sa main sur ma poitrine, une petite main froide après son ventre brûlant contre mon flanc, et sa tête sur mon épaule.



Bon, je l’ai sautée. Embrassée, caressée, léchée. Je savais toujours aimer une femme malgré mon appréhension. C’est comme le vélo ou la natation. Mais quand je l’ai pénétrée, c’était autre chose, une sensation nouvelle, un plaisir si intense que j’ai eu envie de mourir ici et maintenant. C’était un petit fourreau si doux, si étroit, si serré, si confortable qu’il me semblait que ma destinée depuis le début était de finir là, enfoncé en elle jusqu’à la garde, immobile.

Elle a dû s’inquiéter pour moi, je ne bougeais plus et je devais être blanc comme une savonnette.



Mais ce n’était pas ce que je voulais. Ce que je voulais, c’était comprendre, le sens de la vie, pourquoi on m’avait caché ça jusqu’à ce jour, pourquoi personne ne m’avait dit que le plus important dans l’existence était de trouver le con parfait, celui où on pouvait mourir heureux. Je ne suis pas mort. Je l’ai baisée encore et encore. Je voulais qu’elle soit heureuse, je voulais qu’elle me supplie, je voulais qu’elle tache le matelas, je voulais qu’elle me griffe, je voulais qu’elle pleure et je l’ai baisé si fort, si longtemps, si profond que j’ai tout obtenu. À la fin, elle n’était qu’un petit tas de chair molle au fond de mon lit, une petite fille en larmes, une femme qui comprenait qu’on aurait dû lui expliquer plus tôt ce qu’était le sexe.

Plus tard, nous avons pris une douche ensemble et j’ai lavé chacun de ses orifices avec beaucoup d’application. Plus tard, elle a voulu voir mon sperme et elle l’a fait jaillir devant son visage avant de tout lécher. Plus tard, le jour s’est levé et j’étais encore en train de lui manger les seins. Ensuite, nous avons dormi longtemps, mais quand je me suis réveillé et que j’ai vu son petit cul qui se tendait vers moi, je l’ai réveillée avec ma bite et tout a recommencé. Il a fallu trois jours et trois nuits pour qu’on se calme. Je savais, quelque part je savais, que c’était une espèce de chant du cygne, que j’avais le meilleur de la vie et que cela ne pouvait pas durer.


À la fin de la semaine, on avait trouvé une solution pour son avenir, une école de la céramique, une idée qui la branchait vraiment, un financement par Pôle emploi et la région. On a rempli un dossier en ligne et deux jours plus tard, il était validé. Cette école était à l’autre bout de la France et elle essaya de refuser de partir parce qu’elle ne voulait pas me quitter. Je lui ai ri au nez. Je lui ai dit que quand elle aurait trente ans, j’aurais l’âge de la retraite et que quand elle en aurait quarante, je serais un vieillard. Et puis, je lui ai dit que si elle insistait, je pouvais encore lui donner une fessée, elle a dit qu’elle était d’accord, que ce serait bien pour qu’elle comprenne.

Alors on a recommencé et après la fessée, je l’ai sautée sur la table de la cuisine, mais c’était une des dernières fois, il fallait qu’elle parte. Je l’avais convaincue de passer voir ses parents avant de rejoindre l’école. Elle ne les avait pas vus depuis deux ans et je ne crois pas qu’ils méritaient son silence. Ils avaient quand même fait une jolie petite chose. On a fait une dernière balade au soleil, jusqu’à la chapelle Saint-Médard, une toute petite chapelle posée sur une crête et d’où on voit les sommets inaccessibles d’un côté et la plaine à nos pieds de l’autre. On s’est embrassé très longtemps devant la chapelle.


Le lendemain, j’étais seul à regarder mon salon vide. J’écoutais Damien Saez et il ne me remontait pas le moral. Je suis sorti dans le jardin que j’avais plus ou moins abandonné. Ma voisine devait me guetter parce qu’elle est sortie pour voir si son linge était sec quelques instants plus tard.



Comment voulez-vous cacher quoi que ce soit dans ce village ? Mais je refusai d’avouer.



On s’est retrouvés dans mon salon. Elle portait une jupe un peu serrée qui remontait sur ses cuisses, elle était toute contente d’être invitée chez moi et j’en étais malheureusement certain, elle ne pensait pas à mal. Je lui ai raconté l’histoire en dramatisant au maximum, en disant le danger qu’avait couru cette jeune femme pendant toute cette période, car l’agresseur rôdait toujours. Elle sirotait son thé avec sa jolie bouche, elle ouvrait ses grands yeux et me regardait avec amitié, commentant mes propos de « Eh bien dis donc » ou de « Elle a eu de la chance de tomber sur toi ».

Puis nous avons fini le thé en silence et j’ai pris mon courage à deux mains. Il faut dire que Lucie avait changé deux choses : elle m’avait redonné confiance en moi, me répétant si souvent que j’étais un amant exceptionnel que j’avais fini par y croire et elle m’avait redonné le goût du sexe.



Elle rit, sans répondre.



D’un coup, elle comprit. Elle me regarda avec ses grands yeux de vache et ne trouva rien à me répondre. Elle tira sur sa jupe comme si d’un coup, elle était devenue indécente. Puis elle sourit.



Je la laissai aller vers la porte et je la suivis. Lorsqu’elle eut la main sur la poignée, j’ajoutai :



Elle partit troublée et je restai seul avec une érection du tonnerre. Quelques jours sont passés et la routine a repris, jardin, courses dans la montagne, échanges avec Lucie sur WhatsApp. Et puis, le mardi suivant, en début d’après-midi, je prenais le café au soleil en écoutant Johnny Cash quand on a frappé à la porte. C’était Christine. Elle avait mis une petite robe bleue qui la boudinait un peu et s’était maquillée.



Je me suis effacé pour la laisser entrer et je lui ai caressé les fesses au passage.