n° 21648 | Fiche technique | 12569 caractères | 12569 2068 Temps de lecture estimé : 9 mn |
29/03/23 |
Résumé: Un couple désuni une nuit d’insomnie. | ||||
Critères: fh couple amour dispute revede pénétratio mélo -regrets | ||||
Auteur : Olaf Envoi mini-message |
Collection : Fulgurances |
Note de l’auteur
Ce texte est paru il y a quelques années dans une Antilogie. Je le publie ici séparément.
Encore chiffonné par une longue nuit d’insomnie, je contemple son corps à demi dénudé dans la pâleur du petit matin. Pas de lascive exhibition, pas de pose étudiée, juste un abandon, au hasard des mouvements de la nuit.
Immédiatement, je ressens dans ma chair à quel point cette femme a tout pour m’exciter. Parmi tant de charmes, dont je crois encore être l’unique usufruitier, ses petits seins sensibles, ses fesses pleines et rondes, la douceur de sa peau, tout comme les trésors cachés entre ses cuisses provoquent en moi d’affolantes sensations dès l’instant où je les redécouvre.
Il suffit que je déplace un pli de tissu, relève la nuisette sur ses fesses, pour que déjà je m’emballe. Une discrète odeur envahit ma bulle sensuelle, faite d’un mélange de transpiration et de parfums intimes. Je connais bien ce cocktail de senteurs. Il fait immédiatement surgir d’intenses émotions en moi. Même envahi par des doutes profonds sur la qualité de notre relation, sur ce que je peux encore bien y apporter, je réagis instinctivement à cet appel sensuel.
Mais est-ce bien un appel ? Elle semble dormir profondément. Suis-je vraiment encore celui qu’elle voudrait appeler et inviter à des plaisirs partagés ?
J’ai renoncé depuis longtemps à lui demander de m’avouer qui ou ce qui, dans ses rêves, provoque ces effluves et cette irradiation de chaleur. Elle refuse avec obstination de me donner l’origine de cette soudaine montée de désir. C’est son jardin secret, dit-elle. Je me contente d’en faire le tour et d’en contempler les trésors par-dessus cette barrière qu’elle dresse ainsi entre elle et moi.
Ce n’est d’ailleurs pas le moindre obstacle entre nous. Je peine à trouver encore les ouvertures discrètes qui permettraient d’abolir la distance que trop de non-dits ont installée entre ses rêves légitimes, que j’ai piétinés, et mes attentes amoureuses, qui ne réveillent plus vraiment ses sens.
Flottant entre deux états de conscience faits de frustration et de regrets, je me laisse néanmoins envoûter par les fragrances de son excitation onirique.
Comment entrer dans sa bulle sans la réveiller ? Comment l’amadouer si par malheur je devais la réveiller ? Je ne voudrais surtout pas prendre le risque d’un refus, d’un rejet, ou même d’une remise en place, si méritée soit-elle.
Je ressens de plus en plus souvent certains de ses courroux comme une humiliation. Au point de préférer l’inaction au risque d’une remise à ma place. À cette place qu’elle a peu à peu choisie pour moi dans notre relation. Sans doute aussi dans son cœur et dans son ventre.
La perspective de me repaître de ces délices avant qu’elle ne reprenne pied dans la réalité de notre relation me met pourtant dans un état second. De nombreuses résurgences de notre vie érotique se mélangent à tant de fantasmes inavoués. Ce que je peux contempler d’elle fait monter en moi une sourde envie, brute, animale. Comme par ensorcellement, tout ce qui ne participe pas à mon excitation disparaît de mon horizon érotique. Pire, je sens sourdement qu’un besoin inavoué de revanche exacerbe mon désir trouble de la saillir en plein sommeil.
Car c’est bien cela qui se prépare. Excité comme je suis par son inertie, et par les films fous qui tournent en boucle entre ma libido et mon bas-ventre, je me prépare à lui manquer du plus élémentaire respect et à abuser de sa féminité.
Par surprise ? Je suis persuadé que non. D’ailleurs, quelques soupirs et de légers murmures s’échappent depuis peu de ses lèvres et laissent deviner, si ce n’est une envie bien réelle, en tout cas l’acceptation d’un rapprochement génital. Quelque part entre rêve et réalité.
Je suis toutefois incapable de prendre le risque de la réveiller, de lui avouer preuve en main mon désir irrépressible et d’implorer un soulagement bienveillant de sa part. Nous avions ces jeux impatients et fougueux autrefois, j’en ai perdu les codes. Et l’hésitation génitale n’est pas un bon argument de séduction. Surtout pas avec elle.
En vérité, et elle me l’a déjà prouvé, je sais qu’elle serait prête à une conquête sans préliminaires. Mais ce que je lirais dans ses yeux mettrait la petitesse et la vacuité de mon désir viril à ce point en évidence, que je préfère à l’instant m’emparer de son Graal par surprise, fut-ce pleinement conscient de ma veulerie.
Son rêve doit maintenant être particulièrement intense. Le murmure indistinct de tout à l’heure se transforme en bribes de phrases plus cohérentes. J’arrive presque à comprendre quelques mots, entre deux onomatopées.
C’est étrange, car, allongé comme je le suis, mes mains sont encore à bonne distance de sa poitrine.
Si ma traduction est bien réaliste, d’où peut lui venir cette sensation ? Je n’ai rien glissé nulle part. Si seulement elle pouvait enfin se réveiller, et me déclarer plus concrètement ce qu’elle désire – mon Dieu fasse qu’elle retrouve un jour le chemin du désir entre mes bras –, ou ce qu’elle refuse – ô, Lucifer, fasse qu’elle ne renie pas les pactes lubriques qui embrasaient nos amours adolescentes. L’ambivalence de la situation agite désagréablement mon ascenseur émotionnel.
Là, j’ai clairement entendu ce qu’elle disait. Au moins la fin de la phrase. Qu’en penser ? Jamais elle n’utilise une telle expression. Jamais elle n’initie nos ébats en m’offrant cette partie de son anatomie. Suis-je toutefois bien celui qui habite son sommeil ? Je veux le croire.
Je n’y tiens plus. D’un revers de la main, je déplace ses cuisses, délicatement, juste assez pour pouvoir glisser mon membre impatient vers ses trésors intimes. Elle n’a pas besoin de s’animer pour m’exciter. L’habitude que j’ai de sa présence et la douce chaleur de son corps endormi suffisent à me mettre en rut.
Rien ni personne ne domptera plus la bête qui piaffe dans mon ventre. Il me faut cette femme, son sexe, le plaisir que j’en tire parfois encore et que jamais elle ne me refuse. Mais cette abnégation conjugale n’est-elle en vérité pas la meilleure manière de me rabaisser, de dévaloriser ma virilité ? Du cadeau amoureux des premières années, mon impatience virile n’est-elle justement pas à l’origine d’épanchements tolérés plutôt que désirés ? Où trouver assez de force en moi pour croire encore à des plaisirs que je pourrais lui offrir de toute la vigueur de mon membre ?
Dernier regard avant de m’emparer d’elle. Une évidence s’impose dans ce sursaut de lucidité. Cette femme, en plus de ce qu’elle offre de si excitant, a encore tout pour me séduire. Son intelligence, son humour corrosif, sa vivacité autant que son élégance, la rendent attirante, désirable et font compter double les heures passées en sa compagnie. J’en profite jour après jour. Je le redoute chaque soirée où nous allons ensemble et où je capte les regards des autres mâles qu’elle ignore superbement. Je n’ai aucune idée de son attitude hors de ma présence.
Des visions fugitives de plaisirs partagés, avec moi ou avec un autre, exacerbent mon désir. Mes mains tremblent, ma bouche s’impatiente. Je joue maladroitement avec ses cheveux, couvre sa nuque des caresses et des morsures que je la savais apprécier. Les pointes de ses seins se dressent, signe de son prochain réveil.
Je considère égoïstement sa passivité comme une preuve de consentement. Je ne doute d’ailleurs pas que cette vulnérabilité soit devenue la vraie raison de mon soudain désir. Qu’importe, sans perdre de temps en maladroits préliminaires, j’approche mon sexe de ses fesses, puis glisse au coup par coup jusqu’à sa fente. Attiré par la tiède moiteur, je finis par m’enfoncer lentement mais sûrement dans sa vulve à peine entrouverte.
Sans réaction de sa part, je m’impose un instant de retenue pour mieux jouir de cette étroite conjonction. Ignorant les lancées voluptueuses qui agitent mes hanches, je reste immobile entre ses cuisses. Bref répit qui me laisse la liberté de me souvenir à quel point cette femme excitante et séduisante a tout pour m’attacher à elle. Tant par ses talents domestiques, par son indéniable sens artistique, que par la place si parfaite qu’elle sait donner à chaque chose autour d’elle. Sans oublier sa manière de mettre son corps en valeur, de jour comme de nuit, et cette troublante habitude qu’elle avait autrefois de jouer naturellement de sa féminité pour entretenir mon impatience, ou pour me provoquer, à sa convenance.
Si elle est réveillée, ses feulements ne laissent aucun doute sur le plaisir qu’elle est en train d’éprouver. Grâce à moi ? À moins qu’une agréable conjonction érotique ne se produise dans son subconscient, entre son rêve et ma rigide réalité. Qui sait ce qu’une trop longue frustration sensuelle peut initier dans les méandres d’un cerveau en manque d’assouvissement !
Un bref instant, j’hésite à lâcher les rênes, à retourner le corps désiré sur le ventre et à le pénétrer profondément. Arrivée à ce stade, en rêve ou en vrai, elle doit être trempée, prête à n’importe quelle chevauchée ! L’idée de m’emparer d’elle de cette manière irrespectueuse décuple mon envie.
Je contemple ma proie encore une fois avant la charge finale. L’élégance de ses dessous, qu’une sensuelle fébrilité me pousse maintenant à malmener, suffit à ouvrir les vannes. Une main sur un sein, l’autre sur sa nuque, je l’étreins fermement pendant que je m’active en elle. Sans me donner la peine de l’associer à la montée de mon plaisir, je me délecte longuement d’une volupté quasi solitaire. Tout son corps vibre sous les secousses de mes reins.
Pourtant, malgré les pulsions viriles qui me poussent à une rapide jouissance, l’ambivalence de sa passivité me trouble. Impossible d’ignorer qu’elle me laisse en réalité m’emparer d’elle, comme si, à défaut d’embrasement des sens et du cœur, son emprise sur ma virilité suffisait à la contenter.
L’intensité de mon désir n’est sans doute pas une réelle source de plaisir pour elle. Quant à la jouissance, elle ne fait depuis longtemps plus partie de ce qu’elle espère de moi. Mais la domination de ma libido est peut-être pour elle une source de sourde satisfaction paradoxale.
Il est trop tard pour y remédier, et je ne suis plus en état de maîtriser la situation. Elle connaît les sortilèges qui me font succomber sans qu’elle ait besoin de s’impliquer vraiment. Quelques contractions intimes et un long gémissement parfaitement simulé suffisent à me désarçonner.
Un premier spasme me traverse alors, puis un autre et un autre encore. Enfin, la première giclée de sperme s’échappe, transformant la douloureuse tension que mes hésitations ont provoquée en une apothéose éjaculatoire.
Profondément enfoncé en elle, je me répands longuement dans son ventre, savourant chaque contraction, chaque secousse, chaque pulsation.
Les saccades de cette éjaculation me libèrent des tensions accumulées au cours de la nuit et de mes divagations relationnelles. Ce soulagement est pourtant loin d’être pleinement satisfaisant. Pire, lorsque tout est consommé, un étrange et douloureux sentiment d’inconfort me paralyse.
En acceptant d’être le simple réceptacle d’un débordement auquel je ne l’ai pas conviée, cette femme, ma femme comme je m’autorise encore à la considérer, a joué mon jeu dans la plus totale abnégation.
La perfide servilité sensuelle dont elle fait ainsi preuve me rend à jamais responsable, coupable même, de cette fade incandescence qui remplace les embrasements des premières années de notre amour.
Lorsque tout est consommé, elle ouvre les yeux et tourne la tête vers moi. Son sourire un peu triste m’achève. La pâle satisfaction que je crois lire sur son visage ne suffit pas à me rassurer. Seule une sourde jubilation doit en être la cause, que provoque l’évidente mainmise de son cul sur mon sexe affamé.
Si seulement elle pouvait un jour m’adresser le moindre reproche…
Aucun doute que cette femme a tout pour m’exciter, me séduire et m’attacher à elle. C’est précisément cette certitude qui me ronge et rend mon désir si vain après un tel naufrage.
Comment en suis-je arrivé à perdre jusqu’à la force de l’aimer encore ?
Je ne retiens plus mes larmes. Le coup de foudre du désamour me frappe en plein cœur et me tue d’une mort aussi vaine et révoltante que celle du soldat tombé une minute avant la fin d’un conflit.