n° 21661 | Fiche technique | 37912 caractères | 37912 6325 Temps de lecture estimé : 26 mn |
02/04/23 |
Résumé: Landeline va rendre possible le rêve d’un homme solitaire | ||||
Critères: #occasion fh hplusag inconnu campagne revede intermast fellation cunnilingu pénétratio fsodo | ||||
Auteur : Landeline-Rose Redinger Envoi mini-message |
Collection : Les déambulations de Landeline. Numéro 02 |
Résumé de l'épisode précédent :
Landeline avait un rendez-vous dans une structure architecturale…
Vous le savez, je suis altruiste. J’ai à cœur de faire le bien autour de moi. De faire le bonheur des autres. L’altérité est mon domaine de prédilection.
J’étais alors à peine remise de l’épuisement qui m’avait écharpé au sortir de l’hiver. Celui-ci avait été rude, j’avais quelque peu malmené mon corps. Le médecin de famille avait diagnostiqué une fatigue intense. Un complet relâchement musculaire, une asthénie qui promettait de me laisser un long moment clouée au lit ou affalée dans le canapé. Ma vie se réduisait à l’espace du vaste appartement de Marc, et certain jour aller de la chambre au salon me semblait une épreuve à passer.
Parfois, pour me distraire, je suivais les joggers qui tournicotaient dans le parc Citroën, en contrebas de la baie vitrée de notre appartement.
De retour, Marc me choyait, me bichonnait et demeurait peiné de ce si grand abattement qui me donnait l’allure d’un pantin, d’une chiffe molle. Il avait, sans me le dire, des angoisses quant à l’origine de cette maladie qui ne donnait pas son nom. Avais-je fait une mammographie, un examen gynécologique, cherché un quelconque héritage génétique ? Une asthénie foudroyante – voilà ce que je répondais –, et Marc rasséréné, pouponnait, cuisinait, faisait livrer les mets diététiques du meilleur traiteur de Paris.
Parfois rêvant aux jours d’avant, Marc me voyait afficher un sourire qui semblait se perdre dans mon regard échappé.
Décemment, pouvais-je tout de go lui dire les longues nuits où mon corps s’était brinquebalé de mains en mains, de doigt en doigt ? Pouvais-je sans le blesser à mort lui laisser à voir tous ces hommes qui avaient heurté leur sexe dans ma bouche, qui s’étaient épanché dans mes orifices ? Non, car on peut tuer un homme avec des mots, avec des images. Alors in fine, je prenais cette convalescence à la fois comme le prix à payer, comme une grande chance et un bonheur discret tapi quelque part entre le plexus solaire et le bas-ventre. En vérité, j’étais dans une forme de retraite monastique.
J’avais éclusé les romans et essais réservés aux soirées d’hiver, aussi visionné tant et tant de DVD que ma culture cinéphilique avait centuplé.
Les jours où Marc partait en déplacement professionnel, je sortais la filmographie un peu surannée de Gérard Kikoïne, et me plaisais à trouver du charme à ses longs métrages un peu kitch qui, dans les milieux autorisés, avaient maintenant le vent en poupe. Marc n’était pas un homme kitch, Marc ne portait pas un intérêt supérieur aux choses du sexe, une valeur primordiale. Il n’en était pas de même pour moi, et si j’en payais de retour, le monde interlope était bien ce que j’élevais pour moi-même au rang d’art majeur. J’étais culturellement marquée par la frivolité et intrinsèquement, de la cuisine à l’architecture en passant par l’activité sportive, je ne pouvais pas dissocier la sensualité, l’érotisme et la pornographie. J’aimais en revanche que cela restât un secret apanage, une sourde activité. Qu’il en fût ainsi me laissait le sentiment durable de vivre une vie en plus. Comme d’autres sont modélistes, culturistes, boulistes, moi, vraiment, je suis altruiste.
La mode télévisuelle était aux émissions du terroir. On nous rebattait les oreilles du retour à la nature, à la vie simple, à l’art pastoral. Des carnets de Julie à Échappées Belles, des Escapades gourmandes de Guy Lemaire à ce vieux fou de Friedrich Liechtenstein qui nous ferait prendre l’essence pour du vin de pays. Même notre Gérard Depardieu national faisait son tour de France de la gastronomie. Si je les cite avec un petit ton de moquerie, je leur en suis pourtant reconnaissante, mais pour l’heure, je ne puis vous en donner la raison. Qu’une de ces émissions me redonne la vitalité et le goût relevait en somme d’une heureuse conjonction de mon ennui et du hasard. Il avait suffi de quelques minutes pour que je ressente ce besoin impérieux de sortir, de filer en douce. Mais la précipitation est bien l’antithèse de l’organisation et du bon sens, et je suis une femme d’élaboration ; le projet, vous le savez est fondateur de mes aventures. Savamment mené, il s’achève dans la joie de l’aboutissement parfait.
Même si mes jambes supportaient encore pesamment le poids de mon corps pourtant affaibli, mon esprit s’était mis en batterie.
Je peinais à passer un jean, mes Converses feraient bien l’affaire ; et bien sûr, cette chemise blanche de Marc que j’affectionnais tout particulièrement.
Le quartier est riche en échoppes, la gentrification a fait son œuvre et malgré tout, l’épicier arabe et le cordonnier restent les figures de proue des bobos du quartier, au milieu des galeries d’art et autres ateliers d’artistes.
Moi qui au temps d’avant, le fuyais comme la peste, je le pris comme on dit, pour soulager au mieux mon effort. L’ascenseur me posa comme une petite libellule au bas de l’immeuble. La porte sous l’effet de mon badge magnétique s’ouvrit grande. Je me retrouvai dans la rue, un peu hébétée, un peu étrangère.
Quelques petites minutes me séparent de la cordonnerie de Luciano que je me plais à appeler mange-disque tant son répertoire est étendu. À peine cinq minutes qui finalement me mettent à l’épreuve. Non, je ne me tiens pas aux murs, mais mes pas ne sont pas ceux assurés de mes jours solides. Même sur dix centimètres de talon aiguille. Mes Converses me font l’effet de patins à roulettes, à glace, enfin, bref, je ne me sens pas stable.
Je suis heureuse d’ouvrir la porte à la sonnette antique, de trouver le grand tabouret avec le soulagement d’un sportif après l’effort.
… c’est la fin, la fin du parcours, la fin du parcours, chantonne Luciano.
Luciano est un pur produit de la gauloiserie, toujours enclin à une blague douteuse, mais dans un écrin de courtoisie.
Au grincement métallique des métaux sur la machine à fabriquer les clés, se fond la voix chantonnante de Luciano.
Je vis en direct mon premier retour à la civilisation, même poussif, c’est encourageant.
Quand je sors de chez lui, je suis heureuse ; heureuse de ce voyage en terre connue, heureuse qu’un homme ait eu le beau plaisir d’apercevoir mon sein que je ne voulais cacher. Ces éléments indistincts de ma vraie vie sont autant de contentements qui me poussent vers le bien-être. Luciano est indubitablement un neutron nécessaire du noyau vital du Grand Tout dont je suis faite. Pour cela, je lui sais gré de ce côté un peu irritant dont il se drape parfois.
Je n’ai jamais été très attentive au bruit des poulies de l’ascenseur, de m’y engouffrer en déplorant toutefois sa lenteur à m’envoyer jusqu’au seuil de notre appartement, mais pour cette fois je l’attends, je l’accueille.
Je remise le jeu de clés au tableau en glissant le double dans mon sac. Cette clé m’ouvrira la porte de mon renouveau. Voilà ce que j’ai pensé en m’affalant dans le grand canapé.
Vivre l’ennui sans qu’aux yeux des autres cela n’apparaisse. Voilà ce dont j’étais capable. Les week-ends rallye ont toujours été pour moi une épreuve à vivre, un pensum. Marc en raffolait et pensait que je partageais son hobby. Il n’en était rien, mais j’ai toujours su compenser. Je ne suis pas de ces filles que les chromes et le ronflement des moteurs mettent en joie. Mon goût pour les voitures de collection est quasiment plat. Marc avait bénéficié des largesses de son oncle Henry qui lui avait offert un de ces jolis modèles, l’ayant pour l’occasion ornementé d’un ruban de tulle blanc comme on le fait pour un mariage. Marc eut une petite larme en coupant le ruban d’inauguration de sa MG. Je jouais pour lui la comédie en me tamponnant les yeux. Tout cela était on ne peut plus pathétique et cette enfilade ostentatoire de bagnoles n’avait rien pour me plaire. Je m’ennuyais. Même si à la faveur d’une inadvertance j’avais, dans les toilettes messieurs, sucé un sexe, ouvert mes cuisses sur une langue alerte. Malgré cela, je m’ennuyais.
Je m’ennuyais, mais vous connaissez ma propension à fragmenter la vie. À opter pour des instants délicieusement licencieux et secrètement garder dans le journal intime de ma mémoire.
Si encore mes amis avaient adhéré à un club au calendrier des rallyes, j’aurais pu voir de beaux espoirs s’ouvrir sur d’autres personnes que sur le cercle restreint et bourgeois des amis de Marc et de son tonton.
D’un ancien mécanicien, un acquéreur de modeste condition qui aurait trimé une vie pour un modèle rare, je me serais contentée. Mais il n’en fut rien. Le rallye de Versailles, celui de Rambouillet, pas plus que celui de Montélimar. Rien. Nous demeurions invariablement en comité restreint et seule la cooptation annexait parfois un nouveau venu, mais tellement semblable aux autres.
Parfois, qu’un serveur, qu’un client de l’auberge me laisse les viscosités d’une sodomie fugace agrémentait ma nuit. Mais la journée, joyeuse et conviviale, me renvoyait au parfum de la lassitude. Pour tromper ces longues heures, ces journées surfaites où la croisière s’amuse, j’aimais me fixer un petit défi du soir.
Trinquer avec tous nos amis autour de la table ne pouvait que s’accompagner au préalable du plaisir heureux de garder en moi le jus suave d’un inconnu dans ma bouche, et le sentir filer dans ma gorge, suivi par la rondeur d’un vin de pays, d’un champagne bulleux. Santé ! criais-je en souriant à mes amis, santé ! Un bonheur n’arrive jamais seul. Et j’embrassais Marc avec la fougue d’une inlassable amoureuse.
J’ai cette grande faculté de me fondre dans un groupe, et dans celui de Marc je ne déparais pas. J’adhérais allègrement aux envolées lyriques de l’oncle Henry. Je gloussais joyeusement dans le chœur des épouses et amies, mais tenace et adhésif, l’ennui me collait à la peau.
Le soir dans les auberges, après le lustrage des carrosseries, après le repas commun, je rêvassais aux côtés de Marc qui affichait un sourire béat, le nez dans Gazoline, le magazine des passionnés.
Je rêvais de nuits communes, de mains huileuses, d’autres vidanges, d’autres pistons, d’astiquer d’autres carrosseries. C’est en frissonnant de chaleur humide que je m’endormais.
Si ce n’était la vie parallèle que je m’étais construite, j’aurais certainement bel et bien connu les affres et la douleur des dépressifs chroniques.
Le goût du bon goût me déprimait. On aimait la belle vie, on aimait la belle culture, s’extasiait du bon vin. Repus de bons repas, on s’endormait en ronflant. Cette élitiste engeance, oh ! dans quel marasme me mettait-elle. Ma dynamique buccale était plus populaire. Leur délicate délicatesse relevait du pouvoir absolu.
Même si les beaux jours apportaient avec eux les échappées provinciales, dominicales et motorisées, soyons honnêtes, le reste de la semaine m’appartenait. Et je mettais – avec un tantinet d’espièglerie –, je mettais les bouchées doubles. Il m’arrivait parfois, tandis que la caravane démonstrative des rallyes-men s’agitait autour de moi, il m’arrivait de profondément sombrer dans un sommeil, balancé par le ronronnement des moteurs et la chaleur de la saison. Sous mon grand chapeau élégant, la pénombre me renvoyait à celle des nuits précédentes, où loin des espaces codés de mes amis bourgeois, je laissais mon corps pétri des mains rudes, brutes et sans grâce. Ma bouche n’était pas gastronome, le jus panaché des sexes qui l’emplissaient n’était ni un grand vin, pas plus qu’un millésime. Plus que le goût du sperme, j’en aimais la tiédeur. Aurais-je semblablement à Jean-Eudes souffert d’agueusie passagère que j’en aurais souri. J’aimais l’empoignade qu’on faisait de mon corps, j’aimais l’émanation des peaux, l’imperfection des chairs. Aussi la vulgarité des mots. Ici, le raffinement n’avait pas sa place. Sous les chemises humides, les ventres lourds. Sous les tricots de peau, les épidermes ouvriers. Sous les pantalons et les cottes, les sexes durs, les sexes mous, poisseux, comme une parade que ma bouche appelait. Un bataillon qui honorait mes trous.
Hormis les week-ends rallyes – qui au final étaient mon repos – je fus sans relâche. Mais la machine fatigue. Elle ne fut pas à la hauteur de ma gloutonnerie et l’asthénie foudroyante me foudroya.
Quelques semaines plus tard, Luciano et sa cordonnerie furent le premier trait d’union de mon retour à la vie. La clé était dans mon sac, je m’en servirai.
Donc, depuis quelques longues semaines, le canapé était mon lieu de vie et la télévision mon lien au monde. Les jours de pluie m’étouffaient, avril et mai ne promettaient pas mieux. Thé et yaourts me nourrissaient, parfois cette vie m’allait comme un gant.
Bien sûr, je ne reniais aucunement ni ne regrettais mes joies nocturnes. Mais le corps a ses limites, il fut bon qu’il les montrât. C’était en sorte l’unique censeur et le juste régulateur de mes efforts démesurés. J’avais encore quelques peines à me nourrir d’aliments solides, mais les laitages suffisaient à mon activité très réduite. Tout comme si, victime du trismus, mes mâchoires n’enchaînaient plus le mouvement mécanique et répétitif qui était le leur. Oui, ma bouche avait bien trop œuvré. Tant de chair l’avait visitée, tant de peau, tant de membres et au final si peu d’hygiène. Je payais par où j’avais péché. Il était entendu, entendu de moi seulement, que je ne rechignais pas devant cet impôt.
Mes douleurs s’inclinaient en silence devant la saveur de mes souvenirs.
Arrimée à la télécommande, je passais de chaîne en chaîne. Mais l’œil s’accroche parfois et on ne saurait dire pourquoi, il s’accroche à de petits riens qui deviendront votre grand tout.
Donc une énième émission sur la vie simple. Oh my god que ce monde-là était aux antipodes, à mille lieues de mes nocturnes escapades.
Si c’est par Luciano que je renouais avec la ville, c’est à Adrien Dufresne que je dois mon retour à la vie. Il faut croire qu’Adrien Dufresne l’emportait sur le reste des animateurs et autres pantins égocentrés du bouquet télévisuel qui défilaient devant mes yeux.
Le bonhomme était ventru, épaules tombantes, à le voir on devinait une vie qui ne l’avait pas épargnée. Et pourtant de cette existence ouvrière, Adrien parlait comme on parle d’une passion. La scierie où il était né où il avait grandi, où il avait travaillé, où il mourrait, la scierie était le socle et le bâti de tout ce qui le faisait homme aujourd’hui. À ses yeux humides perlait le temps de la pleine activité, le temps des grumes des chemises cardées, des manches retroussées, des lourds ouvriers, des scieurs de long d’antan, celui du bruit, du mouvement des hommes musculeux. Du débardage, du bruit sourd des troncs qu’on empile.
Il y avait un monde vivant. La scierie comme centre fourmilier du village. Il y avait des vies, des blessures, des morts, des mariages, des filles échappées. Il y avait tout ça, disait Adrien en arpentant les cadavres de bois, les machines rouillées. Les cottes usées restées suspendues aux patères. Il y avait tout ça, puis il y eut le temps de la mécanisation, de l’automatisation puis celui de la mondialisation. Puis plus rien. Le silence comme un drap mortuaire sur la vallée, sur le village.
On laissa passer un petit silence, caméra gros plan sur le regard d’Adrien Dufresne. Le plan suivant fut celui qui accrocha mon regard, celui qui m’insuffla la vie à venir, la vie à vivre.
Adrien était comme on disait avant, un vieux garçon. Pas de femme, pas d’enfants. Papa et maman jusqu’à leur mort. Un chalet de bois confortable fait de ses mains d’homme, plutôt une construction de bon goût. Adrien avait eu une vie heureuse. Une vie heureuse et harassante. L’univers se limitait à la scierie, à la contrée, à la vallée, aux forêts giboyeuses. Le Canada qui l’avait tant fait rêver ne fut pas à la hauteur de ses espérances. Plus que l’image traditionnelle du robuste bûcheron, des colosses, pins et épicéas et autres essences, il y vit de l’industrie, des débroussailleurs payés grassement à l’hectare. De la déshumanisation. De retour et dépité, Adrien ouvrit les yeux sur le monde merveilleux qui l’entourait, on ne l’y reprendrait plus.
Puis, comme revenu de son périple canadien, Adrien se mit en arrêt devant les calendriers Stihl. Ah ! faisait-il. Le calendrier Stihl ! Et il s’extasiait encore devant les filles aux poitrines impressionnantes, une tronçonneuse à la main ou nues sous une salopette à bretelles bien trop amples pour leurs corps parfaits.
C’était la minute coquine du reportage, tous les ingrédients de l’audimat étaient là.
Mais voilà, Adrien s’attardait devant une fille, jupe très courte remontée sur les cuisses, assise dans un petit cabriolet. La blonde, un tantinet vulgaire, talons aiguilles rouge sang, chemisier ouvert sur des seins arrogants.
Celui-ci n’était pas un calendrier Stihl, mais Adrien en avait fait le rêve récurrent de sa vie. Longtemps il avait vu cette fille entrer dans la scierie et demander le plein de son bolide. Et pour elle, sans doute pour elle, Adrien avait conservé l’unique pompe à essence, un collector, une Mobil-Gas verte. Jamais Adrien n’avait cédé aux acheteurs, collectionneurs, non. La vendre était perdre son rêve, voir s’envoler cette jolie fille qui ne vieillirait jamais. Non, jamais. On peut faire une vie avec son rêve. Voilà ce qu’avait ajouté Adrien Dufresne. Voilà ce qu’il avait dit.
Moi, je faisais une nuit avec mon rêve. Attendre une vie, non, je ne le pouvais pas. Vivre mon rêve était une ligne tracée, un postulat, un diktat. Je ne pouvais passer à côté du plaisir. Et je n’y passais pas. Même si le corps payait, peinait, souffrait, non, je n’enfouissais pas mes rêves. Le fantasme n’était que l’ébauche de la réalité factuelle.
Si le corps payait, je pouvais presque dire que semblablement au printemps, il renaissait.
Je peux situer avec précision le point de naissance, de renaissance. Et il n’est pas exagéré de pointer précisément le passage télévisuel d’Adrien Dufresne, comme le point zéro, comme la source d’une chrysalide en éclosion. Mon corps s’irriguait, une source y passait. L’oxygène prenait place et je me sentais, même posée dans mon canapé, je me sentais debout. Des capillaires nouveaux irriguaient mon corps. La chose était entendue. Je partirais.
Deux jours plus tard, Marc prolongeait son séjour professionnel à Londres à La City, précisait-il avec un soupçon de fierté dans la voix, ce qui soit dit en passant, me laissait aussi indifférente qu’un séminaire à Vierzon. Indifférente, mais non sans contentement.
Deux jours plus tard, la météo était clémente. Pour moi, rien que pour moi, le printemps avait jailli.
Tirant ma valise à roulettes, jean et Converses, petite veste US-Army, je m’engouffrais dans le premier métro avec l’envie et le désir revenus comme deux compagnons anciens. L’avidité et la mobilité de mes yeux me laissaient à poser sur le monde un regard bienfaisant. Les foules se déplaçaient toujours tel un croisement ordré de fourmis et tout pareillement les hommes posaient sur moi, la concupiscence et la prédation.
Tout ce mouvement uniforme insufflait à mon corps le renouveau du désir. Je sentais les contractures électrisantes de mes cuisses qui taquinaient mon sexe, déjà le besoin, comme une cicatrice ancienne revenait, refaisait surface. J’affichais le sourire d’une femme en appétence.
J’ai quitté la station, pris la ligne de bus et gagné la villa de l’oncle Henry. La clé m’ouvrait le garage sous surveillance, mais le code n’était plus un secret pour moi. J’avais vu faire et je savais faire.
Lorsque j’en ressortis au volant d’une MG rouge des sixties, je savais que je n’y reviendrais jamais.
Par la porte d’Orléans, direction Lyon. Voilà, le voyage commençait vraiment.
Avez-vous déjà connu ce sentiment de vivre un cliché, tout comme si une caméra vous suivait, que l’on criait moteur. De vivre comme dans une publicité pour un parfum, pour un shampoing… enfin, pour un monde parfait.
Lorsqu’à la première station-service j’ai garé la MG en claquant la portière, un grand sourire m’a fendu le visage ; j’étais la caricature vivante de la fille riche, jolie, au volant d’une décapotable.
Je souriais aux hommes, je lisais l’envie dans leurs yeux. J’ai sensiblement accentué mon déhanchement en continuant d’afficher la désinvolture et l’apparence de la vie facile. J’ai pensé « Salope, tu es une salope ». Ce petit contentement me renvoyait soudainement l’image d’un bonheur ancien.
La bande anthracite de l’autoroute se déroulait devant moi, j’allais allègrement chercher le plaisir ailleurs. J’allais le chercher, mais j’en étais déjà empreinte. Comme le serpent laisse sa mue, j’abandonnais mon exuvie pour une nouvelle vie. Cette fille au volant du petit coupé sport regardait la convalescente allongée sur son lit ou dans son canapé comme une étrangère. Une lointaine étrangère.
Parfois, tout concourt au réveil des sens, tout va vers la belle vie. On peut se dire que le hasard donne ce qu’il peut pour nous satisfaire. Aujourd’hui, il y a le soleil, un vent agréable et cette route qui se déroule devant moi jusqu’au but que je me suis donné. Est-ce que l’on me guiderait ? Serait-on bienveillant avec moi ? Mon existence serait-elle nécessaire au Grand Tout ?
À vrai dire, ces questions je ne me les posais pas en ces termes. Simplement, ce que j’aimais de la vie se posait à mes côtés, me jouxtait, s’ingéniait à confirmer mon bonheur.
J’ai fait le plein d’essence. Enfin, bien vite un homme de la station s’est empressé de me le faire. Mon portable vibrait ou plutôt tressautait. Marc me laissait des messages d’inquiétude. Étais-je encore dans l’appartement ? N’étais-je pas évanouie ? Puis des messages fâchés.
Longeant un champ de blé sur une départementale, j’ai balancé mon portable, espérant qu’une moissonneuse réduirait en bouillie la voix insupportable de Marc. La briserait. Ce petit acte de rébellion accrut mon plaisir. Accrut physiquement mon plaisir. Je profitai d’une auberge campagnarde pour un café gourmand. Aux toilettes, je changeai le jean pour une robe courte, les Converses pour des talons hauts, et passai une perruque blond platine. Le petit serveur, un peu désemparé, eut un hoquet de surprise, son visage s’empourpra et il disparut. De ce moment, je n’ai plus compté les appels de phares, les coups de Klaxon, sans parler des camionneurs qui du haut de leur cabine frisaient l’apoplexie. J’ai toujours eu un faible pour les routiers. Comme bon nombre de mes consœurs, je cultivais le fantasme du gros bras dans le gros camion. Mais j’y reviendrai. Je n’étais pas là pour eux. Il y eut quelques sexes dressés, quelques salopes lancées, et ces honneurs-là me redonnaient foi en l’homme. Rien n’avait changé ni ne changerait.
Désormais, le temps de la convalescence me rendait son effet bénéfique.
J’étais faite d’envie, de force et de désir. Je filais vers celui qui ne m’attendait pas – ou plus justement, vers celui qui m’attendait depuis toujours.
Je suis consciente d’avoir un corps, des jambes visibles, une poitrine au bombé fracassant. Ce que je ressens de mon corps est à la fois une chance et la conscience que tout cela participe d’une jeunesse à vivre qui ne me laisse pas de répit. Pas de repos. Tout doit être et se donner. Je suis une propagation endémique de la sensualité et dès que je me transforme en blonde fatale, j’étends ce champ de neutrons que j’essaime à mon passage.
Si je cédais à la poussée violente du désir, je me donnerais à chaque homme dans chaque station où je fais halte. Et pour lutter contre mes démons, j’ai quitté l’autoroute. Les routes de campagne sont peu fréquentées. De ma main libre, j’apaise les soubresauts de mon corps.
Connaissez-vous l’art naturel d’une forêt qui s’incline sur une petite route sinueuse ? La voyez-vous, cette petite brise chaude qui fait frissonner le feuillage ? Et ces odeurs, ces parfums de chèvrefeuille, de roses, enfin, l’indéfinissable senteur des mélanges. Humez-la et dites-moi que vous comprenez mon bonheur.
Et pour qui serait d’imagination fertile, eh bien, regardez-moi, je suis de ce paysage, je suis une photographie, un plan séquence, une carte postale, mais aucun appareil, aucune technique ne me prend. Non.
Je suis heureuse d’avancer au rythme modéré des voyageurs apaisés. Je suis dans le temps d’une vacance aux charmes émollients. Pour que géographiquement l’on me situe, je me trouve au delta de la Sologne, à quelques encablures du Gâtinais.
Si au temps d’avant ma convalescence, j’avais connu des soirées lucratives en Sologne, non, ce n’était ni pour l’amour des vastes forêts ni pour les grandes chasses à courre. Mais justement pour le lucre.
Aujourd’hui est une autre cause. Aujourd’hui est une renaissance et pour cela mon bien-être se doit d’être contagieux.
Je ne suis pas vénale, mais chaudement amicale. Je m’étais garée sur le bas-côté, une gorgée d’eau récompensait grandement l’effort fourni pour calmer les exigences de mon corps.
Y avait-il âme qui vive ici ? Il ne semblait pas. Les insectes crissaient des mandibules, les oiseaux chantonnaient, au loin, ronflait un moteur. Mais le monde semblait faire une pause.
Je pensais à Marc à son affolement. Je le voyais tournicoter en tous sens, échafaudant des scénarios insensés, cuisinant Albane, tout comme si Albane pouvait savoir. Et cette décontenance de mon chéri me faisait sourire. J’aimais savoir que je manquais à quelqu’un qui ne me manquait pas. Jubilatoire. Pervers et jubilatoire. Je repris la petite route en sous-bois, longeant un lac et une vaste propriété où des dizaines de chiens de chasse à courre tournoyaient. Leurs aboiements emplissaient l’espace. Puis revint le silence de la forêt et bientôt la vallée. D’où j’étais, je surplombais le village, et en retrait ce qui me semblait être la scierie. Je fis les quelques kilomètres qui m’en séparaient, avec une forme de palpitation qui amplifiait les battements de ma poitrine, tout comme si une épreuve m’attendait. Mais par nature l’inconnu est une forme d’épreuve.
Vous imaginez que bien entendu, je ne connais rien de ce monde-là. Qu’entends-je donc des grumes, des essences, chêne et charme et autres bois rares ? Elle n’y entrave que dalle, diront les rustres du métier. D’autres riront bien ; et si peu que ma recherche Wikipédia s’entremêle et m’échappe, on se gaussera.
Eh bien oui ! Ce monde m’est parfaitement inconnu. Jamais rien vu du bois, sinon les meubles de style de la demeure ostentatoire de Mamy, la mère de Marc. Et pour tout vous dire, je céderais bien deux commodes régence pour une paire de high heels Louboutin. Voilà, les choses sont annoncées, la messe est dite.
L’entrée est chaotique. Le coupé-sport brinquebale rudement. Ici ça sent la sciure, le vieux bois, et hormis un chien endormi, pas âme qui vive, dirait-on.
Un pan du hangar est effondré. Des machines antiques rouillent sur place et font comme des monstres statufiés.
Je roule au pas du visiteur, de l’intrus, peu sûr de lui. Je m’attends à voir surgir un aliéné avec une tronçonneuse. Quelque chose m’effraie et m’attire. Mon corps est une chaude rosée. Devant la vieille pompe Mobil Gas, je coupe le moteur et j’attends. J’attends. J’attends. J’attends, mais rien ne vient. Avertisseur sonore qui fait à peine relever l’oreille du chien. La chaleur léthargique de cet après-midi a-t-elle exténué les hommes ? S’il reste des hommes ici.
Après. Une porte grince. Un homme, casquette et cotte bleu de travailleur. Un homme âgé, de stature ployant, mais encore imposante. Un ventre lourd sous le maillot de corps bleu.
Je n’ai pas bougé. Pas esquissé un geste. Je suis la poupée blonde dans la voiture rouge devant la pompe à essence antédiluvienne. Là-bas, le vieil homme, la main en visière. Le soleil crée-t-il des mirages ? Puis les mains qui frottent son visage. Puis le lourd bonhomme qui chancelle. Puis la main qui cherche un appui. Puis l’homme qui s’affale dans le rocking-chair.
En prenant le temps qui s’impose, car la chaleur dicte ses langueurs, je sors mes jambes du cabriolet. Puis je ferme la portière avec la délicatesse d’un effeuillage. Perchée sur mes talons aiguilles instables dans ce terrain accidenté, je m’en vais vers lui. Vers lui, dans son rocking-chair. Oui, la scène est irréelle. Et qu’Adrien Dufresne stoppe net les battements de son cœur ne serait pas en soi un triste instant pour mourir.
Je suis devant lui. Son front perle de billes de sueur. Sa lèvre tombe.
Adrien disparut et réapparut avec deux bières. Je pris place dans le rocking-chair. Ma robe remontait haut sur mes cuisses. Adrien posait ses yeux sur mon corps, mais son regard n’était ni celui des crétins ni celui des pourceaux.
Sans parler, dans la brise chaude de l’après-midi, je buvais une bière en compagnie d’un vieil homme dans une vallée perdue et les bienfaits de la vie affluaient en vague.
Longuement, nous avons fait durer ce moment, conversant comme deux amis qui se retrouvent. Adrien Dufresne parlait de sa vie ici – papa, maman, le travail, le Canada, la vie sans femme, sans enfants, mais tout de même une vie à vivre. Je fus curieuse de voir ce que l’émission n’avait pas rendu dans son timing imposé.
Les posters des filles Stihl, la blonde pulpeuse dans sa voiture rouge, un monde figé, bloqué dans l’espace et le temps. Rien n’avait bougé ici. Le chien avait vieilli, les troncs et les planches s’étaient grisés, les machines avaient rouillé.
La compagnie d’Adrien m’était agréable. Un léger embarras l’embruma.
Le vieil homme s’empourpra et nous continuâmes à marcher côte à côte.
Parfois quand mon pas chancelait sous mes talons de dix centimètres, je m’accrochais à son bras. Cet homme-là était un chêne.
Le Grand Véfour, La tour d’Argent, le panoramique de la tour Eiffel, Ducasse, Lignac, oh ! j’ai vraiment fini par me lasser de tout. Est-ce que le décorum était aussi constitutif de l’état de faiblesse généralisé qui me tenait ? Bien sûr, je l’ai dit déjà, mon corps s’était donné, fourvoyé ; mais une vie ne peut être faite que de panache, il faut le croire. Pourtant le luxe me lasse plus que la luxure. De quoi me suis-je dessaisie, d’où suis-je tombée ?
J’ai partagé la table d’Adrien Dufresne. Vin de pays et omelette aux girolles. Savez-vous que mes papilles gustatives ont frémi, ont transmis à mon corps tout entier la hardiesse du désir comme une conséquence directe du plaisir de la bonne chère.
Après, Adrien m’a conduite jusqu’au petit chalet. Une chambre simple, arrangée et cossue. Adrien vivait de quelques hébergements.
Un peu gêné, il s’échappe presque, mais vous le savez, je suis un aimant, une sphère électrisante et attractive, j’ai fait glisser ma robe. Mes seins se sont raffermis sous la dentelle, mon sexe appelait la chair. Adrien était là. Debout sans possibilité de fuite, de recul, mais sans esquisse gestuelle. Son grand corps pesant exsudait une odeur de bois et de labeur. Je l’ai guidé comme on initie un adolescent. Allongée sur son ventre lourd, j’ai pris ses mains, ses mains calleuses sur mes seins, puis j’ai joui. Intensément, j’ai joui. Mon sexe mouillait son tricot de corps. Adrien gémissait comme un chiot. Puis j’ai chevauché sa bouche. Sa langue est entrée en moi. Rien, rien n’était perdu du plaisir, enfoui sans doute, mais prêt au regain, au retour. Je sentais que je perdais le contrôle, sa langue allait comme un reptile entre les lèvres de mon sexe. Mes mains allaient vers son sexe.
Alors je m’insinuais sous l’élastique de son slip. Ma main sortit son sexe, et moi qui avais tant vécu, moi dont le corps avait accueilli tout ce qui peut l’être, moi dont les mains avaient branlé tant de queues, je n’avais jusqu’alors pas vu un membre semblable. Son épaisseur et sa longueur en faisaient presque un objet irréel. Doté d’une telle bite, tellement hors du commun, Adrien n’avait pourtant jamais connu l’érection.
Je le pris. Mes mains le palpaient, allaient en pistonnant sur la longueur et Adrien jouissait, mais ne bandait pas. Devant ce reptile au gland massif et violacé, mon désir redoubla. Ma bouche accueillit ce rondin qui m’étouffait. Mais tout était sublimé, tout était au-delà. Je portais sa queue, la léchais jusqu’aux lourdes couilles flétries que je tétais.
Adrien avait entré ses doigts dans mon sexe et dans mon cul tandis que je me flagellais les seins de sa bite. Le gourdin de chair m’emmenait là où je n’étais pas encore allée. J’aurais voulu ce manche dans mon cul, mais rien ne durcissait, pas plus sous ma main que dans ma bouche.
Longuement, l’engin glissa entre mes seins alors que j’en suçais le bout qui heurtait mon palet. J’étais dans l’innommable joie orgasmique, dans l’indéfinissable jouissance. J’étais LE plaisir.
Le changement de jeu des corps changea la donne.
Adrien léchait mon cul quand, perchée à califourchon sur son ventre lourd, je branlais sa bite, descendant et remontant au long en lapant comme un chiot le lait.
Sa langue mobile et rapide passait du devant au derrière, dans un jeu presque mécanique. Je maintenais sa bite avec fermeté dans mes mains, happant le gland visqueux comme une glace à l’italienne.
Adrien inondait mes orifices de sa salive où je le baignais des coulures de ma jouissance. Nous formions pour qui en eut été l’observateur, le voyeur, nous formions un ensemble cinétique, nos corps semblaient s’alimenter des effluves de l’autre. Je sentais les pulsions saccadées de mon sexe, propulser le jus de mon plaisir dans la bouche d’Adrien. Nos cris de bêtes s’unissaient. Nous étions une machinerie sexuelle, la bête à deux têtes.
Dès lors, je sus qu’à nouveau le plaisir de mon corps passerait avant les sujétions du quotidien ; j’étais en quelque sorte dans la philosophie existentialiste. La joie était en moi. La joie était moi.
Sa langue alerte dans mon cul, sa queue rustre et brutale dans ma bouche, Adrien ne savait pas alors quel bienfaiteur il était.
Puis un évènement survint de nulle part, comme une ellipse du temps, Adrien me retourna brusquement, se posant droit devant moi en glissant mes jambes en compas sur ses épaules. Il prit son sexe immense dans ses mains et l’enfonça dans mon cul comme on empale un supplicié. Je le sentis dur, une forme oblongue de manche. Adrien allait progressivement en moi et chaque coup m’emportait au bord de la syncope. Je ne hurlais pas, je suffoquais. Je me pâmais.
Adrien arracha d’un geste sec mon soutien-gorge, palpa mes seins avec rudesse tout en me baisant avec une lente vigueur. Sa main fit valdinguer ma perruque dans la pièce, ses gestes de brute triplaient mon excitation. Puis tout s’emballa, Adrien n’était plus de ce monde, il s’engouffrait dans moi avec la rage d’une vie entière contenue dans ce moment-là. De mon vagin au trou de mon cul, sa queue était en terrain conquis. De sa bouche sortait un râle rauque et grave. J’aimais cet animal. Violemment, il me fit faire volte-face. Brutal comme un bûcheron ; j’étais une plume, un roseau. Sa bite entrait dans mon cul et ce supplice était mon délice. Son souffle emplissait la pièce. Bien au-delà de la pièce. Tisonnant longuement mon orifice, il me reprit à nouveau devant.
Mes mains cherchaient sa queue, je voulais accompagner son va-et-vient, mais j’étais impuissante, figée, clouée au matelas.
Alors il prit son sexe qui dépassait de ses deux mains superposées bien au-delà de mes deux mains jointes aux siennes. Il le prit et l’enfonça dans ma gorge. J’allais mourir, mais cette mort-là me ravissait. Puis un jus suave emplit ma bouche, se déversant comme un coulis dans ma gorge et régurgitant à la commissure de mes lèvres, ruisselant dans mon cou.
Adrien braillait, expurgeait, grondait des mots que dans mon étouffement j’entendais lointainement.
Des couilles au gland, bien après la détumescence, je léchais la bite d’Adrien et mon corps ne se rassasiait pas. La paume de mes mains enduisait mes seins du sperme d’Adrien.
Extatique et dans l’incessante jouissance, jamais je ne saurais dire quand je m’endormis.
Au petit matin, j’étais contre son corps, son ventre lourd contre mon cul. Je pris son sexe dans mes mains, je l’aurais voulu dans ma bouche, mais Adrien n’esquissa absolument aucun geste, sa respiration était douce comme celle d’un enfant. J’enfilais mon jean, un tee-shirt, mes Converses.
En passant dans la cour, je disposais ma robe, ma perruque, mes dessous chics sur le siège de la MG.
Comme un cowboy quitte le ranch, je quittais la scierie. Juste un petit sac à l’épaule. Le premier car pour la première ville était à 7 h 15.
Sur la route de campagne bringuebalante, je laissais la scierie derrière moi. La scierie et bien d’autres choses.
Quand le car surplomba la vallée, j’aperçus la tache rouge que faisait la MG dans la cour de la scierie.
MG pour Morris Garage, me dis-je, c’est un peu ballot comme nom.