Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 21666Fiche technique16342 caractères16342
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Temps de lecture estimé : 12 mn
03/04/23
Présentation:  C’est important les dates. Certaines plus que d’autres.
Résumé:  Je n’ai pas d’excuses. Tout est de ma faute. Je me croyais enfin tranquille, même s’il s’agissait d’une tranquillité toute relative, et voilà… Voilà ce que c’est que de s’endormir sur ses lauriers.
Critères:  ffh cérébral voir miroir conte fantastiqu merveilleu -contes
Auteur : EdenPlaisirs      Envoi mini-message

Collection : Les drôles d'histoires de Mme Patate
Une bonne raison de vivre...

J’ai essayé d’écrire de nombreuses fois. Toute petite déjà, comme dirait l’autre. Des petits poèmes de gamine. Un début de roman d’héroic fantasy d’adolescente, et une grosse daube érotico-thriller bien plus tard. J’ai toujours pensé que j’écrivais comme une patate. Aujourd’hui, non content d’écrire, j’ose publier sur un site. C’est « Elle » qui m’a convaincue de tenter le coup. Ou disons l’expérience. Ce petit essai n’est pas un texte écrit à quatre mains. L’histoire et les idées de ce récit sont de moi. Madame Patate a tout de même un peu d’imagination. Mais je préfère être honnête. Deux autres mains que les miennes ont bousculé des mots, chahuté des phrases et corrigé de petites choses. De jolies menottes sans lesquelles je n’aurais jamais osé écrire ce texte. « Elle » n’a imposé qu’une condition après avoir lu mon chef-d’œuvre. Je voulais intituler ce récit « Une histoire de Mme Patate ». « Elle » a voulu que je crée une collection. « Les drôles d’histoires de Mme Patate »



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Je n’ai pas d’excuses. Tout est de ma faute. Je me croyais enfin tranquille, même s’il s’agissait d’une tranquillité toute relative, et voilà… Voilà ce que c’est que de s’endormir sur ses lauriers. Une expression de l’antiquité romaine. Je dis ça, mais je n’en ai jamais vraiment reçu de lauriers. Impossible de prétendre à quoi que ce soit de glorieux avec cette vie à la con. J’avais pourtant espéré qu’elle serait cool ma vie. Mais non, ou que nenni, comme on disait dans des temps plus anciens. J’ai vite compris qu’elle ne le serait pas. Je ne me plains pas. Elle aura été assez longue, ma vie, et c’est déjà bien.


Captive et recluse depuis deux longs jours dans une cave. C’est le début d’une nouvelle vie, non ? Ils m’ont balancée comme une merde dans cet endroit froid et humide. Ils m’ont laissée entièrement nue, sans une goutte d’eau ni la moindre nourriture. Un avenir en berne, en attendant tranquillement qu’un couple de dégénérés décident du moment où ils me tueront. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai. Ils n’ont pas donné dans les détails, mais ils m’ont dit quand ils le feront. Ce sera pour dans deux jours et ils ont précisé que ça se passera en soirée. Depuis, ils doivent se délecter de cette attente et de ma terreur.


Je n’ai pas peur. Ils ne me font pas peur. Oh, ils aimeraient beaucoup me foutre la trouille, c’est sûr, mais je ne vais pas faire semblant non plus, ça leur ferait trop plaisir. Je n’ai rien à leur dire. J’aurais bien une question à leur poser, mais ce serait leur gâcher la surprise. Une surprise qui ne dépend malheureusement pas de moi, mais que j’aimerais tout de même leur faire. Il me faudrait simplement la réponse à cette question. Et en admettant que j’aie ma réponse avant une issue fatidique, je devrais encore décider de continuer à vivre cette vie à la con ou de ne plus me battre. Elle pourrait ne pas trop mal se terminer cette vie qui est la mienne. Ce serait simplement un choix à faire. Une décision très simple et en même temps très compliquée. J’y réfléchis depuis deux jours. Ça m’occupe l’esprit, c’est déjà bien. J’imagine que ça peut paraître complètement absurde. Pourtant, ma question est importante. Si je choisissais de vivre, encore faudrait-il que j’en aie l’opportunité. Si c’est le cas, j’aurais un peu de temps pour me préparer. Une unique question en tête dans de tels moments… Voilà de quoi être prise pour une dingue. C’est pourtant très exactement ma situation. Ni plus, ni moins, que ce que je viens de dire. Et ma question est… C’est quand le 6 avril ?


Vivre en SDF n’est pas simple. Pour d’autres que moi, c’est encore plus difficile ou carrément intolérable. Pour moi, c’est juste contraignant. De toute façon, je n’ai pas vraiment d’autres choix. Vivre c’est déjà devenu très difficile, alors je fais comme je peux pour continuer à laisser battre mon petit cœur. Il a battu plus fort mon cœur quand je l’ai vue. Ce n’était pas arrivé depuis des lustres. Encore une expression venue de la Rome antique. C’est toujours le même mélange qu’on lit dans les yeux de ces gens du bénévolat social. Un peu de pitié, une légère incompréhension et l’espoir qu’on va finir par accepter leur soutien. D’autres, les professionnels, se contentent de faire leur boulot. C’est plus facile de comprendre leurs façons de nous observer. Ils ne nous comprennent pas vraiment. C’est marrant quand on y songe. Sans nous, ils seraient au chômedu.


J’ai répondu aux questions en gardant mes distances, mais je n’ai pas pu empêcher certaines choses. Un manque de prudence c’est vrai, mais il y a trop de lassitude en moi pour que je puisse encore cacher mes sentiments. C’est devenu fréquent ces dernières années. Une lassitude de vivre en tête-à-tête avec moi-même. Une envie d’être plus proche des autres. Quand cette fille m’a regardée, ça m’a fait tout drôle. J’ai vraiment été émue par son regard. Elle a un regard différent de ceux de ses collègues. Elle n’observe pas une SDF, elle me regarde, moi. C’est comme un espoir enfoui qui remonte brusquement. Ce n’est pas qu’elle soit belle à tomber le cul par terre, mais cette femme m’attire. C’est la première fois que je ressens une telle attirance envers une femme. Il y a autre chose qui fait que je m’intéresse à elle. J’ai eu l’impression qu’elle comprenait ce que j’éprouvais brusquement. Elle est restée un moment à lire un dossier et je sais qu’il s’agit du mien. Ils ont toujours des dossiers sur nous autres, les SDF. On leur balance des choses sur nous et ils font avec ce qu’on leur donne. Beaucoup des sans-abri qui vivent dans cette partie de Paris disent que les services sociaux ne vérifient même pas ces informations. Je n’ai jamais eu d’ennui alors c’est certainement vrai. Ou j’ai simplement eu du bol jusqu’ici.



Je n’ai pas eu le temps de répondre qu’elle me sourit et revient à la charge.



Ensuite, Chloé s’est mise à parler de tout et de rien. Comme si nous étions des copines. Moi je suis restée à la regarder. Jolie comme un cœur et blonde comme un ange. Parce que les anges sont blonds, paraît-il. En tout cas, c’est charmant cette queue de cheval qui danse dans ses mouvements de tête. C’est fou ce qu’elle peut sourire. Elle ne s’arrête jamais de me sourire.



Bien sûr, j’aurais pu trouver l’idée un peu bizarre, mais d’autres me l’avaient déjà proposée. Deux ou trois mecs des services sociaux s’étaient jetés à l’eau. Ils étaient prêts à m’aider d’une manière plus intéressée. Je ne suis pas moche, loin de là, alors ils tentaient leur chance. Il devait bien y avoir quelques salauds dans le tas, mais certains étaient sincères. Ça se sent, ces choses-là. C’est sûr qu’il doit y avoir des abus dans ce monde merdique, mais moi je ne les ai pas vécus. Pourquoi cette fille ne m’aurait-elle pas abordée de la même manière ? Encore qu’avec elle, c’est un peu différent et c’est ce qui m’a fait accepter. Si son intention était de me croquer, pourquoi me balancer son Roméo à la tête ? J’en ai même été un peu déçue sur le moment. Alors je n’allais pas hurler avec les loups. Surtout que je n’ai rien d’une brebis égarée malgré les apparences. Et puis elle me plaît bien, cette Chloé. Je suis incapable de me souvenir depuis quand je n’ai pas touché une autre peau que la mienne. Des années, c’est sûr, combien, je n’en sais rien.


Je n’ai pas osé me montrer trop curieuse. J’ai à peine regardé autour de moi. C’est pas luxueux, mais la baraque de cette Chloé est plutôt du genre class. Une banlieue bourgeoise, un grand jardin et deux étages de pierres. À l’intérieur, ça semble spacieux et meublé avec goût. Enfin, des décors et des meubles qui me conviendraient, si je me décidais à changer de vie.



C’est tout ce que j’ai pu dire. Je n’ai que l’image d’une douche à l’esprit. De l’eau très chaude, la plus chaude possible, et moi sous les jets brûlants.


À quoi sert une si longue vie quand on est incapable d’en profiter pleinement ? Quand on n’ose pas la prendre à bras le corps ? Quand on laisse passer sa chance ou que l’on est incapable de goûter aux plaisirs que cette vie offre ? Je n’avais jamais connu de tels moments. Les trois verres de rhum avaient fait leurs petits effets. Roméo et Chloé ont fait le reste.


La blondeur de Chloé mêlée à mes mèches sombres. Ses lèvres sur les miennes. Celles de Roméo sur mon sexe tandis que j’embrassais une femme pour la première fois. Un beau mec, ce Roméo, et bien assorti à sa Chloé. Aussi brun qu’elle est blonde. Un visage de badboy façon Han Solo. Grand et bien balancé. Un couple sympathique au premier regard. Et quand ces deux-là vous expliquent ce qu’ils aimeraient de vous… Ça vous tourneboule les sens. Leurs mains et leurs bouches sur moi de longs moments. J’ai perdu la tête très vite. Un premier orgasme et ensuite… Des gerbes de plaisir en cascades pratiquement ininterrompues. Ils m’ont dévorée et je les ai dégustés. Je me suis sentie repue avant d’éprouver d’autres envies de goinfrerie et de recommencer à les manger. Ils m’ont prise de leurs doigts et j’ai souvent crié. Puis un membre me labourait le ventre et une chatte trempée ondulait doucement sur ma bouche. Une fente qui finissait par m’inonder le visage quand Chloé bougeait sur moi, riant doucement et se moquant de ma soudaine surprise. Une bite puissante qui me dévastait aussitôt plus durement, comme pour m’empêcher de repousser les étranges envies de mon hôtesse.



Chloé rit encore quand le visage enduit de sa liqueur, je lançais ma bouche à la rencontre de son sexe quand il se dérobait à moi.


Il y eut un moment de calme après que j’ai hurlé en me tordant sous un véritable cataclysme de jouissance. Un court moment où j’ai pu reprendre mon souffle. Après quoi, ce couple si sympathique se muait en ogres affamés. Des monstres devenus affamés de moi. Et leurs faims brutales réveillèrent aussitôt la mienne. Si j’étais devenue leur repas, je piochais dans leurs plats à la moindre occasion.


J’étais proche d’une sorte d’épuisement nerveux quand Chloé se collait à moi. Tout aussi trempée de sueur que je l’étais, elle s’était lovée contre mon corps en souriant. Puis son regard s’était allumé.



Des mots et encore des mots. Des paroles répétées en boucle par la voix chaude et un peu voilée de Chloé. Ses baisers doux ou brusques pendant que son Roméo me sodomisait. Et moi, dévastée par une sarabande de plaisirs intenses, qui répétait encore et encore les mots de la si excitante Chloé.



Une vie si longue, et pourtant jamais un tel désir ne m’avait autant affolée. Chloé m’avait tout pris et Roméo ne m’avait rien laissé. J’étais devenue leur chose et ils m’avaient utilisée. Un objet de plaisir dont ils avaient abusé. J’étais leur poupée docile quand je ne pouvais pas me défendre et plus gourmande encore que mes tendres complices quand ils m’en laissaient l’opportunité. Je n’oublierai jamais ces doux moments.


Maintenant, j’ai la réponse à ma question. À mes deux questions. Nous sommes le 6 avril 2023. J’ai décidé de vivre encore un peu.


On a dit tant de choses sur eux. Des légendes et des mythes depuis des temps oubliés de tous. Jamais je n’ai trouvé de vérités dans ce que j’ai pu lire ou entendre. J’avais rencontré Chloé sur le coup des 17 h et non la nuit. Chloé ne m’avait pas précisé quels steaks nous aurions au menu. Ce fut des tartares, et de la viande chevaline. Nous les avions préparés nous-mêmes. Chloé avait évité l’ail haché finement, mais Roméo en avait largement parsemé sa part. Il y avait ce grand miroir accroché au mur de leur chambre. Ce n’était pas un hasard s’il avait été placé là. L’objet était disposé pour une raison bien précise. Je me souviens de mon excitation en nous contemplant nus et soudés dans nos ébats. Tous ces baisers échangés sans une égratignure… Alors je ne perdrais pas mon temps à parler de longues dents pointues, d’eau bénite, d’argent, de crucifix ou de pieux plantés dans des cœurs. Des conneries ineptes. Foin de religion et de vies de noctambules. Ils peuvent être tués de toutes les façons. Les seules vérités sont qu’ils ont besoin de notre sang pour survivre et qu’ils tuent pour l’obtenir. Ils pourraient éviter de tuer. On le sait depuis très longtemps. Alors pourquoi le font-ils ? Ils aiment simplement ça. Tuer leurs proies avant de les vider de leur fluide vital, doit les faire jouir. Pourquoi se gêneraient-ils ? C’est si facile pour eux. C’est notre sang, qui pour ce que j’en sais, les rendrait immortels après qu’ils aient été eux-mêmes victimes d’un de leurs petits copains. Mais quand je dis notre sang…


On a dit tant de choses sur mes semblables. Une transformation terriblement douloureuse et la naissance d’un monstre féroce et assoiffé de tueries. Il faut attendre minuit pour que ça se produise. Mais pas n’importe quel minuit non plus. Un minuit de pleine lune ! C’est presque vrai ça. Mais un jour de pleine lune suffit et l’heure importe peu. C’est certainement ça qui a fait que vous autres humains vous soyez trompés sur nous. C’est étrange de parler de lune en journée non ? Encore une fois, je n’ai rien ressenti. Je ne ressens jamais rien, mais évidemment je sais que c’est arrivé. Toute cette puissance m’envahissant d’un coup. Mes sens, devenus aussitôt exacerbés. Cette mutation, si c’est bien le mot, me rend toujours un peu nerveuse malgré tout ce temps passé. Parfois, il m’arrive de songer que ce serait peut-être mieux que cette légende idiote soit vraie. Ne pas se rendre compte de notre état de bête. Oublier totalement notre humanité et accueillir notre bestialité. Aucun souvenir ensuite… Mais non, je reste moi-même d’esprit sinon de corps. Heureusement pour vous. Une créature sanguinaire qui craint les lames et les balles en argent. Tu parles d’une connerie. Une chose est sûre pourtant, aucun vampire ne peut venir à bout d’un loup. Les fameux loups-garous. Et dans mon cas, parlons de louve. Une louve aux yeux jaunes et au pelage couleur de nuit, bien plus puissante que celles que vous connaissez. Plus grande, plus lourde, plus forte et surtout, bien plus intelligente. Ils n’auront pas la moindre chance mes deux psychopathes sur pattes. J’aime bien cette rime. Elle me mettrait presque de bon poil. Personne parmi les miens n’a jamais pu découvrir ce qui nous arrivait, et encore moins pourquoi nous subissions cette terrible malédiction. Personne n’avait jamais été mordu par un loup. Était-ce une punition ? Une tare génétique ? Personne n’en savait rien. Moi je le sais. Je n’en suis pas fière, mais je ne peux rien y faire. Je ne peux rien changer. Je suis un mythe bien réel…


Chloé et Roméo. Un couple sympathique. Des personnages charmants. Des gens plaisants qui savent comment vous attirer dans leurs terribles griffes en un petit claquement de doigts. Ils ont dû en boire des tonneaux de sang frais. Du sang pourtant bien tiède pour une telle expression. Je les ai tout de suite appréciés, et surtout elle. Alors, peut-être que cette nuit, quand la porte de cette cave s’ouvrira en grinçant… Peut-être que je les épargnerai. En souvenir de ce qu’ils m’ont offert. Peut-être que l’horrible surprise qu’ils éprouveront en se retrouvant face à moi suffira à calmer ma colère…


J’ai été appelée par bien des noms. J’ai longtemps été l’une des esclaves de la puissante famille patricienne des Iules. Ils ne le savaient pas, mais être esclave me permettait de sauver ma peau. Une esclave affranchie, devenue servante et finalement adoptée par ses anciens maîtres. C’est un peu pour ça que j’ai finalement choisi Juliette comme prénom. C’étaient de braves gens les Iules. Une lignée prestigieuse descendant de Vénus dit la légende.


Moi je n’ai rien d’une déesse. Je suis simplement une fille de Rome. L’enfant chérie d’un petit roi sauvage. Un roi nommé Romulus.