n° 21745 | Fiche technique | 26387 caractères | 26387 4506 Temps de lecture estimé : 19 mn |
01/05/23 |
Résumé: L’accident s’est produit sur l’autoroute. Elle roulait un peu trop vite, pressée d’arriver chez nous. Un appel de la Gendarmerie a sonné le glas de notre bonheur… et le début de mon malheur. | ||||
Critères: fh extracon amour jalousie mélo -regrets | ||||
Auteur : Patrick Paris Envoi mini-message |
Stella mon amour, pourquoi es-tu partie ? Si jeune, toute une vie devant toi, notre vie, notre avenir.
Je pense à l’amour de ma vie, tandis que devant son cercueil au milieu de la petite église de notre quartier, le curé dans son homélie brosse le portrait d’une femme exceptionnelle. Le portrait de Stella, ma femme.
L’église est bondée, notre famille, nos amis, des collègues, des voisins, et quelques inconnus touchés par cette disparition soudaine.
Dix années de bonheur passent dans ma tête. Ma vie a vraiment commencé quand nous nous sommes rencontrés, ma vie d’homme. Nous étions heureux, insouciants. Peut-être un peu égoïstes dans notre bulle, c’est ça le bonheur.
Seule ombre au tableau, je voulais un enfant, Stella hésitait. Nous en avions souvent discuté. Toujours les mêmes réticences, elle était encore jeune… Nous avions le temps… Difficile de se mettre à la place d’une femme, c’est elle qui va porter notre enfant, elle qui va accoucher. Je comprenais ses peurs, peur de sa transformation physique, de ne pas retrouver son corps d’avant, peur de devenir plus mère de famille que femme. Je me devais d’attendre qu’elle soit prête, et justement depuis quelques jours, elle l’était. Elle m’avait annoncé le jour de la Saint-Valentin qu’il était temps d’agrandir la famille. J’étais le plus heureux des hommes. Un calendrier à la main, nous avons décidé qu’elle arrêterait la pilule juste avant les prochaines vacances. Le sort en a décidé autrement.
Sans être riches, nous étions à l’aise. Nous avions acheté un petit pavillon en proche banlieue parisienne. Passant nos vacances à la mer en été et à la montagne en hiver. Sans négliger des petits week-ends en amoureux.
Son travail la passionnait, comme moi, le mien. J’étais plutôt sédentaire, dans un bureau à La Défense, alors que Stella avait des déplacements en province dans les différents établissements de son entreprise. Depuis deux mois, elle allait régulièrement à Reims tous les mercredis, pour une mission qui heureusement ne devait pas durer trop longtemps.
Ce jour-là, elle partait tôt, et essayait de ne pas rentrer trop tard. Je préparais le repas du soir, pour l’accueillir. Nous finissions dans notre lit, ce que le plus souvent nous avions commencé devant la télévision.
C’est mercredi dernier que l’accident s’est produit. Il était 20 heures, un camion a déboîté au dernier moment, elle roulait un peu trop vite, pressée d’arriver chez nous. Un appel de la Gendarmerie a sonné le glas de notre bonheur.
Je suis seul maintenant. Stella, tu étais ma vie, mon avenir, que vais-je devenir sans toi ?
La voix du curé, qui résonne dans l’église, me tire de mes pensées.
À la sortie, je ne vois pas tous ces gens qui viennent me serrer la main, me faire une bise. Je ne les entends pas, les condoléances, ça ne veut rien dire.
Je reconnais le patron de Stella qui très gentiment me propose de passer à son bureau prendre ses affaires personnelles. Comme tous ses collègues, il a l’air très marqué par sa disparition.
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De retour chez nous, je trouve une convocation de la police et un courrier de l’assurance qui m’annonce leur visite pour décider du sort de la voiture accidentée. Ras-le-bol de la paperasserie.
Au commissariat, l’accueil est sinon chaleureux, disons respectueux de ma douleur. Avec force détails, un policier m’explique comment le véhicule de Stella a été entraîné par un camion alors qu’elle le doublait. Elle est morte sur le coup. En fermant les yeux, je visualise avec effroi les derniers instants de mon amour.
Sa voiture n’est pas récupérable, elle a été emmenée dans un garage voisin. Je serais dédommagé par sa compagnie d’assurance.
Le policier me tend un petit carton contenant les quelques affaires récupérées dans sa voiture, le contenu de la boîte à gant et son sac à main, son coffre était vide. Tout me rappelle Stella, son portefeuille, un paquet de mouchoirs, un petit album avec nos photos personnelles, un téléphone.
Je pars, mon précieux chargement sous le bras. Le policier me serre la main avec compassion. Il était sur les lieux de l’accident, il semble très touché. Enfin un fonctionnaire qui prend à cœur son travail.
J’ai pris une semaine de congé, enfin mon patron compréhensif m’a accordé une semaine de récupération. Impossible de travailler en ce moment.
Chez nous, je tourne en rond. J’ai l’impression de voir Stella dans toutes les pièces de la maison, dans la cuisine, devant la télé, assise à son bureau devant son ordinateur. Je l’imagine sous la douche, elle est si belle. J’entends son rire résonner dans le salon, les larmes me montent aux yeux. Je n’ose pas ouvrir l’armoire où elle range ses robes ni les tiroirs de la commode contenant ses sous-vêtements. Son odeur est partout.
Notre chambre est devenue un sanctuaire, notre lit est maintenant trop grand pour moi. Sur la table de chevet, la photo de Stella me sourit.
Je me décide enfin à m’occuper de ses affaires, celles que la police m’a rendues. En rangeant son sac à main, je découvre un téléphone caché sous ses culottes. C’est bien le sien, celui que je lui ai offert, elle ne l’avait donc pas avec elle en partant à Reims. Alors l’autre, celui que la police a trouvé dans sa voiture, à qui est-il ?
Intrigué, je l’allume. Bien sûr, il est protégé. J’essaie le mot de passe de Stella que je connais, elle se sert toujours du même. Négatif. Cet appareil n’est pas à elle, d’ailleurs, pourquoi Stella aurait-elle deux téléphones ? Il doit y avoir une bonne raison, peut-être pour son travail.
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Trois jours plus tard, je traîne chez moi comme tous les jours, on sonne à la porte. Un agent de la compagnie d’assurances, je l’avais complètement oublié, celui-là.
Après les condoléances d’usage, d’un ton très mielleux, sans beaucoup de conviction, il me demande de lui expliquer ce qu’il s’est passé. En lui donnant le PV des policiers, je répète ce qu’ils m’ont dit. Je vois alors ses yeux s’illuminer :
Plus vite ce sera fait, plus vite j’en serais débarrassé. Je me souviens que le patron de Stella m’avait invité à passer le voir. J’irai demain, je ferai ainsi d’une pierre deux coups.
J’envoie un SMS à l’assistante que j’avais rencontrée à la sortie de l’église. Une jeune femme très avenante, prête à m’aider. Serviable, elle fera le nécessaire demain matin pour récupérer les documents demandés par l’assurance, et me fixe rendez-vous dans l’après-midi. Elle me précise qu’elle préviendra son patron de ma visite, il désirait me rencontrer. Avant de raccrocher, elle ajoute un trémolo dans la voix « nous l’aimions bien, Stella, c’était une chic fille ».
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Je suis reçu par le patron de Stella, toujours aussi aimable. Après quelques phrases de circonstance, « la meilleure d’entre toutes », « Elle avait un grand avenir chez nous », il est appelé pour une réunion urgente. Il me laisse avec son assistante.
Celle-ci semble vraiment affectée par la disparition de Stella « c’est tellement injuste, à son âge », « Tout le monde ici la regrettera »… En essuyant une larme qui perle dans ses yeux, elle me laisse regarder dans son bureau pour trier ses affaires. Dans un cadre, une photo de nos vacances en bord de mer. Son ordinateur a déjà été récupéré et reformaté pour un autre collaborateur.
Je lui montre le téléphone trouvé dans sa voiture. Fausse piste, ce n’est pas un modèle de la société. J’en viens aux demandes de la compagnie d’assurances, elle semble désolée :
Je suis surpris, ce n’est pas son genre de ne pas être en règle. Surpris, mais pas autant qu’en apprenant que l’entreprise n’a pas d’établissement à Reims, uniquement un entrepôt à Soissons et un bureau commercial dans quelques grandes villes. Ni quand j’apprends qu’elle travaillait à temps partiel depuis quelques mois.
Je me sens perdu en rentrant chez moi. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Stella m’aurait menti ? Qu’allait-elle faire à Reims ? Je n’ose imaginer le pire, pas Stella, pas elle.
Maintenant, je vais devoir expliquer à son assurance que ce n’était pas un déplacement professionnel, mais un voyage d’agrément. Voyage d’agrément ! Le terme est de circonstance.
Perdu dans mes pensées, je décide de passer voir sa sœur. Elles étaient très proches, si Stella avait voulu faire des confidences, à coup sûr c’est elle qu’elle aurait choisie.
En prenant un verre, je leur parle de ma solitude, de ma vie que j’essaie de reconstruire. Mon beau-frère est très sympa, il m’invite à faire du jogging avec lui le dimanche matin. « Faut te bouger », me dit-il une tape amicale dans le dos.
Je leur parle du travail de Stella, de ses déplacements :
Après quelques échanges, j’ai vraiment l’impression que Stella ne lui a rien confié. Je n’évoque pas ce que j’ai appris ni ne leur montre le téléphone, de peur de leur faire partager mes doutes, et de salir la mémoire de Stella. Pour tout le monde, nous formions le couple modèle, c’était une sainte.
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C’est dimanche, nos amis veulent me changer les idées. C’est sympa de leur part de ne pas me laisser seul à me morfondre chez moi par ce beau temps. Nous nous retrouvons dans une petite auberge en lisière du bois de Meudon. Mes trois meilleurs amis sont accompagnés de leurs épouses, amies de longue date de Stella. Il n’y a que moi qui suis seul.
L’image de Stella est dans toutes les têtes. En prenant l’apéritif sur la terrasse avant de passer à table, chacun est un peu gêné, impossible d’être trop joyeux. Nous trinquons à Stella, j’ai une boule dans la gorge. Sensibles à ces marques de sympathie, je ne veux pas plomber l’ambiance, je souris autant que je peux, les dames viennent me faire la bise.
À table, le bon vin aidant, l’ambiance se détend un peu, des rires fusent autour de la table. Stella est oubliée. Je préfère, la vie doit reprendre.
En attendant le café, je passe aux toilettes. Tandis que je me lave les mains, des voix du côté femme me parviennent. Nos trois amies arrivent ensemble. Je ne comprendrais jamais l’habitude des femmes d’aller faire pipi en cœur. Les portes claquent, l’eau coule, je les entends jacasser, sans comprendre ce qu’elles se disent, secrets de femme. Leur rire est sonore. Je sursaute en entendant le nom de Stella, suivi d’un nouveau rire. Curieux, je tends l’oreille, je ne reconnais pas les voix ni qui dit quoi. Je saisis quelques bribes de phrases :
Nouveau rire.
Quelles mauvaises langues ! Rapidement en serrant les poings, je sors rejoindre mes amis qui ont commandé un digestif. J’avale le mien d’un trait, tout se bouscule dans ma tête.
Je ne veux plus les voir, je prétexte une grosse fatigue pour rentrer chez moi. Très condescendante, je reçois trois bises de ces vipères :
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Jusqu’à aujourd’hui, je préférais fermer les yeux, la politique de l’autruche, me cachant à moi-même la triste vérité. Mais le doute n’est plus permis. Ce que je redoute, ce que je n’arrive pas à admettre, Stella me trompait. Je suis effondré. Elle devait rejoindre quelqu’un toutes les semaines, je n’ose pas dire son amant. Ce quelqu’un habite à Reims. C’est tout ce que je sais. Qui est-il ? Comment l’a-t-elle connu ? Depuis combien de temps dure leur petite aventure ? Mais n’était-ce qu’une aventure ?
Je sais que je n’aurais jamais de réponses à toutes ces questions, j’aurais préféré ne jamais rien savoir. Stella, qu’as-tu fait ? Tu m’as trahi ? Tu m’as menti ? Dis-moi que je fais fausse route.
Chez moi, je fouille dans tous les tiroirs, tous nos papiers, à la recherche de quoi, je n’en sais rien. Un indice me prouvant son infidélité ? Je suis aveugle, ai-je besoin d’une nouvelle preuve ? J’ai encore dans la tête la dernière remarque de ses amies « Stella a toujours été bien organisée », je ne trouverais rien.
Affalé dans un fauteuil, je feuillette l’album photo de nos années de bonheur. Pourquoi Stella, pourquoi ? Que t’ai-je fait ? Ou pas fait ? Une larme tombe sur une photo, celle de notre mariage, Stella en blanc dans mes bras, souriante, heureuse. Je ne te reconnais pas, comment est-ce possible ?
De rage, je déchire cette preuve de ton serment. Les morceaux tombent au sol, sur l’un Stella me sourit toujours.
Sans pouvoir retenir mes larmes, j’essaie de reconstituer notre photo, de recoller les morceaux.
En me levant ce matin, je regarde ce téléphone depuis une heure sans savoir quoi faire. Je le tourne, le retourne, teste quelques mots de passe, en vain. Ce maudit téléphone garde son mystère. Dire qu’il doit contenir toute la vie de Stella, sa vie secrète. Elle n’a certainement rien effacé. Tout est là, sous mes yeux, à l’abri de cette boîte noire. Ses échanges avec Reims, leurs photos, son agenda privé. La jalousie me ronge, je veux tout savoir.
Une lueur, Samsung pourrait peut-être m’aider, faible espoir. Un simple appel suffit à me convaincre de la futilité de ma demande. Ils sont intraitables, au nom du respect de la vie privée. Quels hypocrites ! Enfin, je ne risquais rien d’essayer.
Me revoilà au point de départ, ses secrets toujours bien protégés. J’essaie de me mettre à la place de Stella.
En bonne organisatrice, qu’a-t-elle pu faire pour que je ne me rende compte de rien ? D’accord, je lui faisais entièrement confiance, mais il y a toujours un risque d’être découvert. Elle a dû vouloir séparer ses deux vies. Son ordinateur et son téléphone professionnel pour nous, cet autre appareil pour lui. Aucune communication entre les deux. Le mercredi, elle emmenait cet autre appareil, et laissait l’officiel à la maison, technique parfaite du cloisonnement.
Où allait-elle ? Reims, c’est grand.
Une idée, Google Map, sur le téléphone que je lui ai offert. Google est un véritable aspirateur de données, sans aucun scrupule, ni aucun respect de la vie privée des gens, pour une fois ça pourrait me servir.
Stella n’est peut-être pas aussi parfaite, son organisation a peut-être des ratés. Si elle a gardé une fois, une seule fois, son appareil avec elle, il a sûrement laissé des traces dans son compte.
J’allume son ordinateur, toujours le même mot de passe. Dans sa messagerie, les fichiers Google Analytics, un fichier par mois depuis bientôt trois ans, elle n’a jamais rien effacé. Comme beaucoup de gens, elle ne devait pas savoir que Google enregistrait tous ses déplacements.
J’explore ses fichiers avec attention, rien de suspect pendant des mois, un voyage à Bordeaux, un autre à Marseille, aller-retour en TGV dans la journée.
Ah ! Il y a quelques mois, un trajet vers Reims. Après vérification, c’est un mercredi, son premier déplacement soi-disant professionnel, j’en ai la preuve. Non pas que j’ai une super mémoire, mais je note tout sur mon agenda. Elle avait décidé d’aller à Reims en voiture, à peine une heure de route. Deux jours avant, j’ai récupéré son véhicule au garage pour son entretien annuel. Je regarde les mois suivants, Google ne me signale aucun autre déplacement. Après la première fois, elle a changé de téléphone pour brouiller les pistes, son appareil « officiel » bien caché sous ses petites culottes.
Le rapport Google est une vraie mine d’informations. Son téléphone a borné à plusieurs adresses, en un clic je fais apparaître des images de la ville, des immeubles, un pavillon de banlieue. C’est donc là ! Là où elle va tous les mercredis, là qu’elle me trompe.
Je veux en avoir le cœur net. Le samedi suivant, direction Reims. Guidé par Google, j’arpente les rues, son téléphone a même borné face à l’hôpital de la ville. J’arrive enfin devant le pavillon que je reconnais, une camionnette est garée toute porte ouverte. Poussé par un jeune homme, un homme en fauteuil roulant en sort et rentre chez lui. La camionnette repart rapidement.
Qui est-il ? Sur sa boîte aux lettres, un nom « Jean M. ».
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Une intuition, je décide de me rendre à l’association dont j’ai noté l’adresse sur la carrosserie de la camionnette.
Bingo, c’est dans une des rues signalées par Google, Stella est donc venue là. J’entre me renseigner.
L’accueil est très sympathique. Je prends un prospectus pour me donner une contenance, et demande à voir Stella à la jeune femme venue à ma rencontre. En m’entendant, un homme plus âgé, certainement le directeur, sort d’un bureau en me souriant. Il m’annonce que Stella a eu un accident, et que, malheureusement… Il ne peut finir sa phrase, la gorge nouée par l’émotion.
Je compatis, sans lui dire qui je suis, un ami, rien de plus. Sans trop se faire prier, il me parle de ma femme, celle que je ne connaissais pas.
Stella était dans l’association depuis peu de temps. C’était un ange, la bonté même. Elle s’occupait principalement de monsieur Jean. Elle venait tous les mercredis le conduire à l’hôpital pour ses soins, et passait la journée avec lui.
Je le presse de questions :
J’en envie de partir, pas besoin d’en savoir plus, la trahison de Stella est manifeste. Sans rien demander, tout naturellement, il me parle de ce monsieur Jean :
Tout devient clair dans mon esprit. Son amant est tombé malade, elle n’a pas voulu l’abandonner. Quel amour ! Dire que je ne me suis aperçu de rien. Elle m’a menti pendant combien d’années ? Le connaissait-elle avant moi ?
En le quittant, le directeur me serre la main, les yeux embués. Machinalement, je lui présente mes condoléances, un comble.
J’essaie de chasser les images qui me passent par la tête. Son amant est en fauteuil roulant, il ne peut plus marcher, mais il peut toujours bander. Comment font-ils ? J’imagine Stella nue devant lui, elle l’embrasse, il lui caresse les seins. J’imagine Stella assise au pied de son fauteuil en train de le branler, de le sucer. Il est handicapé, c’est elle qui l’aide à s’allonger, elle qui le déshabille, elle qui lui fait l’amour, elle qui le lave après.
J’enrage. Quelle était sa vraie vie ? Qui était l’intrus, lui ou moi ? Qui aurait-elle choisi, si elle avait dû choisir ? Si le sort n’était pas intervenu ?
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Je reste prostré dans ma voiture. J’aurais aimé garder une belle image de Stella, impossible sans savoir, trop de contradictions. Seul ce monsieur Jean pourrait m’en dire plus. Dans le fond, je ne lui en veux pas, sait-il seulement que j’existe ?
Je me présente comme bénévole de l’association. Son accueil est chaleureux. Il me reçoit dans son fauteuil roulant, je ne peux m’empêcher d’avoir pitié de lui sans le lui montrer.
Je l’écoute. Il me parle de lui, de sa maladie qui a été peu à peu invalidante. Il vit seul. Il n’a jamais été marié. Atteint d’une maladie héréditaire, il n’a jamais voulu avoir d’enfants pour ne pas la lui transmettre. Sa maladie l’a laissé tranquille jusqu’à il y a quelques mois.
C’en est trop. J’évoque Stella, ses yeux s’illuminent :
Une amie ? Qu’est-ce que je croyais ? Qu’il allait me prendre pour confident et m’avouer que Stella était sa maîtresse ?
Après nous avoir servi un café, il me parle longuement de ma femme, sans savoir que c’est ma femme. Je découvre une autre Stella, mais c’est la femme que j’ai aimée, que j’aime encore.
Le malentendu me gêne, il faut se dire la vérité. Je sors le téléphone de ma poche :
Sans attendre ma réaction, il continue :
Il me regarde les yeux ronds, comprenant ma méprise :
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Je suis sorti, troublé par ce que je venais d’apprendre. Ainsi, c’était son frère. Aussi étonnant que cela puisse paraître, j’avais apprécié évoquer Stella avec lui. J’ai maintenant l’impression de mieux la connaître, de mieux la comprendre.
Pourtant, je lui en voulais de ne pas m’avoir fait confiance. Elle voulait me protéger… mais c’était à moi de la protéger.
Mais, je m’en voulais aussi de tout ce que j’avais pu imaginer, moi non plus je ne lui avais pas fait confiance.
Stella mon amour… La nuit était tombée, le froid me saisit. Je relevai le col de mon manteau. Les mains enfoncées dans les poches, serrant le téléphone contenant son secret, je me dirigeai d’un pas lent vers le parking où j’avais garé ma voiture. Déjà, je savais que je reviendrais.