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Temps de lecture estimé : 39 mn
17/05/23
Présentation:  Une idée un peu farfelue qui me trotte dans la tête depuis un petit moment, que j’adapte et que je mets en scène dans cette série.
Résumé:  Une journée particulière. Un dilemme à résoudre, un coup sur la tête et de la folie pour un voyage dans un imaginaire assez extraordinaire. Le tout en restant en contact avec la réalité... Et vous, ce seraient qui vos conseillers invisibles?
Critères:  #délire #fantastique fh couple travail amour cérébral #merveilleux
Auteur : Rosenrot      Envoi mini-message

Série : Le Conseil Imaginaire

Chapitre 01 / 05
Un coup sur la tête

Bienvenue dans ma tête 




Pardon pour l’entrée en matière un peu vulgaire. En règle générale je suis quelqu’un d’agréable et de gentille. Mais vous devez sûrement connaître la joie du réveil qui sonne le matin sur votre téléphone. C’est marrant quand on a la tête dans le cul, qu’on ne parvient pas à l’éteindre et qu’on galère non ? Non ce n’est pas marrant du tout, je confirme. « Glisser vers le haut pour arrêter l’alarme ». Je glisse, je glisse et je glisse encore et encore. On dirait une tarée en pleine crise d’épilepsie avec son téléphone, heureusement que personne ne me voit. J’ai envie de l’exploser par terre ou contre le mur, mais ça coûte cher ces trucs et on ne peut plus s’en passer. Alors j’extériorise ma colère et ma frustration en criant des grossièretés. Ça ne résout pas les problèmes, mais ça soulage quand même un peu. Voilà comment bien commencer les premières secondes de ma journée !


Mais la vie est belle, il faut positiver, nianiania. Non ! Pas aujourd’hui en tout cas. Surtout quand c’est le réveil pour une journée capitale dans votre vie et que la dernière chose que vous voulez, c’est vous lever et affronter la réalité. Pour que vous compreniez bien, aujourd’hui je dois faire un choix, un véritable dilemme se présente à moi. Je ne parle pas des dilemmes que nous avons tous les jours du genre « je mets une veste ou pas ? » « Les chaussures noires ou les marrons ? » « Je prends des frites ou une salade à Macdo ? » Et je n’ai aucun moyen de me dérober ou de botter en touche. Si je ne fais rien, cela revient à choisir une option. Et je ne sais pas du tout laquelle choisir. Choisir c’est renoncer et justement je ne veux pas et ne peux pas renoncer. Je suis lancée à fond sur l’autoroute et je dois décider si je prends la prochaine sortie ou pas, sachant que c’est la seule occasion que j’aie de prendre cette fameuse nouvelle voie. Mais on y reviendra plus tard, pas le temps de tout vous expliquer, là, tout de suite. Je vais être en retard pour le boulot sinon.


En vingt minutes je bois un café, je prends une douche, j’enfile mon plus beau tailleur pantalon et je me prépare pour la journée. Ce matin je décide de prendre le bus pour aller au boulot. Je tourne et retourne mon fameux problème dans ma tête sans cesse. La seule solution que j’ai trouvée pour ne pas monopoliser tout le temps mes pensées là-dessus et apaiser mon esprit c’est de lire. Alors je lis. En ce moment je suis plus sur le développement personnel. Comment réussir, être heureuse, apaisée, améliorer tous les aspects de notre vie… Oui j’en ai bien besoin, pas la peine de me le faire remarquer merci. Ça vous intéresse ? Peu importe, je vais partager tout cela avec vous de toute façon. Il faut que je pense à autre chose que mon dilemme sinon je vais réellement devenir folle. J’ouvre mon livre « Think and grow rich » de Napoleon Hill et je reprends là où j’en étais.


Vous connaissez la technique des conseillers invisibles ? L’auteur explique que tout simplement avant de dormir le soir, lors d’une méditation, dans son imaginaire il invite un groupe de personnes pour tenir une sorte de conseil qu’il préside. Ces personnes peuvent être des personnalités aussi bien vivantes que décédées, réelles ou fictives. Il peut aussi s’agir de proches. En gros cela peut être n’importe qui. Donc il invite ces personnes de son choix à une sorte de « conseil imaginaire », il dialogue avec elles pour résoudre un problème qu’il rencontre, améliorer les aspects de sa vie, etc. Il choisit des personnes avec des traits de caractère assez exceptionnels et positifs afin de pouvoir en profiter. C’est un peu perché je l’avoue, mais il paraît que cela peut fonctionner. Le hic c’est qu’à aucun moment il ne dit comment procéder exactement pour atteindre cet état de méditation et pouvoir réellement profiter de ce qui semble être « l’intelligence collective ».


Je suis encore absorbée dans ma lecture quand j’arrive dans mon bureau. Je réfléchis à qui je pourrais donner un siège lors de mon conseil à moi si j’en avais l’occasion. Cela m’aiderait bien d’avoir des avis, des recommandations éclairées et pertinentes pour mon dilemme et m’aider à faire un choix. Je pose mon sac sur mon bureau et j’ouvre ma fenêtre pour aérer un peu. Quelle connerie ! Il y a du vent et les quelques papiers sur mon bureau s’envolent ainsi que mon marque-page. Cette fois je ne crie pas de grossièreté, ce ne serait pas très professionnel. Quelqu’un pourrait m’entendre. Alors je fais ce que tout le monde fait, je les crie dans ma tête et j’insulte tout le monde en silence, le vent, les papiers, la terre entière… Pas un son ne sort de ma bouche, mais je suis rouge de colère et j’écarquille les yeux façon psychopathe en soufflant par le nez et en serrant les poings.


Je me précipite et je me penche pour ramasser mon marque-page et mes papiers. En me relevant brusquement je me cogne violemment l’arrière de la tête contre le coin de la fenêtre qui s’est complètement ouverte avec ce même maudit vent. Je tape bien fort. Non ça ne résonne pas. Oui, ça fait mal. Mais pas le temps de crier ma douleur ni même de me rattraper. Je tombe, que dis-je, je m’écrase bien à plat avec vraiment aucune élégance sur le sol. Il ne se passe qu’un quart de seconde, mais j’ai le temps de penser à quel point cette situation est ridicule. Tout est au ralenti d’un seul coup. La chute, ce quart de seconde, dure une éternité. Et j’ai mal. Est-ce que ça fait ça de mourir ? Mes yeux, mon visage, mon nez entrent en contact avec le sol et s’aplatissent. J’ai l’impression que cela dure de très longues secondes. Et d’un seul coup plus rien. Plus un bruit. C’est tout noir.


Quelques secondes après j’ai la sensation de tomber. Je suis toujours dans le noir complet. Je sais que je suis déjà au sol pourtant, difficile de tomber plus bas. Mais ça continue, je tombe vraiment ! Et soudain je me sens comme aspirée. Vous n’allez pas me croire si je vous décris ce que je vis là tout de suite. J’ai l’impression de passer par la porte des étoiles pour ceux qui connaissent Stargate. Oui je suis une geek et alors ? C’est exactement ça en fait, comme dans les souvenirs que j’en ai quand je regardais la série à la télé, il y a des années déjà. Sur quelle planète je vais débouler ?


Je me retiens de vomir pendant de longues secondes et enfin je crois que j’arrive au bout. Grosse lumière blanche éblouissante. Je ferme les yeux. C’est ça le tunnel et la lumière que l’on voit quand on meurt ? Et PAF, j’atterris dans un fauteuil à roulette. Je suis projetée bien au fond de l’assise. Mon arrivée assez brusque le fait reculer un peu. Premier réflexe je touche l’arrière de ma tête suite au coup que je viens de prendre. Rien du tout, même pas une petite douleur ni même une bosse. Mes yeux s’habituent avec beaucoup de difficulté à la lumière très forte et éblouissante. Je regarde autour de moi. Je suis dans une grande pièce très spacieuse. Le plafond est très haut. Chaque côté de la pièce est composé de multiples et imposantes baies vitrées qui inondent la grande salle de lumière. La vue est assez simple à décrire : des nuages blancs et le ciel bleu à perte de vue des deux côtés.


Je balaye la salle du regard. Il y a bien un mur fermé derrière moi et en face de moi. C’est une immense salle de réunion avec des tables disposées de façon à former un immense rectangle. Je suis en bout de table, à la place du chef, de la présidente. Le fauteuil est très classe et confortable. Je regarde à nouveau en face de moi et je sursaute. Il y a quelqu’un. J’ai un peu de mal à distinguer qui cela peut être. Je frotte mes yeux encore éblouis par la lumière et je me concentre pour essayer de mieux identifier la silhouette à l’autre bout de la pièce. Les premiers mots qui sortent de ma bouche sont un peu bêtes je trouve. Ce sont les premiers qui me viennent en tout cas.



C’est une évidence pourtant. Soit ça, soit je suis complètement folle et j’hallucine totalement.



Je connais cette voix ! Mais ce n’est pas possible. Je me concentre encore un peu plus, je plisse les yeux et enfin je la distingue et je la reconnais. C’est Lagertha ! Si, si je vous jure. La guerrière et la cheffe Viking de la série. J’ai regardé un épisode hier soir. Elle est là devant moi, habillée comme dans la série. Elle se tient debout avec une grande lance. Je dois être en train de rêver. Je l’adore, alors je suis à la fois surprise, mais aussi euphorique de la voir.



Elle répond d’un air très sérieux et solennel.



C’est quoi cette blague ?


Je réponds quoi moi à cela ? Je crois qu’elle se rend compte que je suis à l’ouest.



J’ai la tête complètement embrouillée et je suis vraiment dans le coaltar donc je me laisse guider et j’accepte volontiers sa proposition. Elle frappe plusieurs fois le sol avec sa lance. Je sursaute à nouveau. Une musique très forte commence, résonne et fait tout vibrer. L’ambiance est épique. Je me lève mécaniquement. Je la connais bien cette musique. Je l’écoute régulièrement pour me donner du courage avant de commencer quelque chose de chiant ou de compliqué. Cherchez « Drums of Drakkar » (Amœbacrew) sur votre plateforme vidéo préférée et vous entendrez ce que j’entends en ce moment.


Et là une porte s’ouvre derrière Lagertha. On dirait qu’elle donne directement dans le ciel. De la fumée ou un nuage, je ne sais pas vraiment, pénètre un peu dans la pièce. J’ai du mal à voir nettement avec mes yeux qui décidément ont du mal à s’adapter à la lumière. Des personnes entrent dans la salle par cette mystérieuse porte alors que la musique, les percussions continuent. Plein de personnes. Je ne sais pas combien. En tout cas elles viennent prendre place autour de la table. Elles restent toutes debout. Je regarde sur ma gauche et je crie de surprise. Maître Yoda est là, à côté du premier siège sur ma gauche. Il me regarde, tranquillement appuyé sur sa canne. Je regarde les autres et j’aperçois entre autres Emma Watson, Jack Sparrow, Cléopâtre, Cristiano Ronaldo, Gandalf et Churchill. Il y a une personne qui porte une cape noire avec un capuchon. Je ne vois pas qui c’est pour le moment. Elle s’arrête à la première place à ma droite.


La musique s’arrête. La porte se ferme lentement. Le silence revient. Tout le monde me regarde. Lagertha frappe le sol une nouvelle fois avec sa lance. Un seul coup puissant cette fois.



Je reste quelques secondes bouche bée face au spectacle totalement fou et incohérent qui se déroule pourtant juste devant moi. Chaque membre s’installe. Le pirate Jack Sparrow fait un clin d’œil et un sourire à la personne en face de lui : c’est Cléopâtre. C’est officiel j’ai complètement perdu l’esprit et j’hallucine grave, là. Promis je n’ai rien fumé. Pourtant tout semble tellement réel. Je me suis pincée et ça fait mal. Pourquoi pas après tout ? Je me dis que je n’ai qu’à jouer le jeu, quitte à être folle autant en profiter à fond.


Mon regard est attiré par la personne juste à ma droite. Elle a retiré sa cape et la pose délicatement sur le dossier de son siège avant de se tourner dans ma direction. Mon cœur s’emballe et mes yeux se remplissent de larmes. Ce n’est pas possible. Là, à moins de deux mètres de moi il y a ma grand-mère. Elle est juste en face de Maître Yoda et à côté d’elle il y a Cléopâtre. Relisez bien les deux dernières phrases. Je sais que c’est difficile à croire, mais je vous jure qu’elles sont véridiques. C’est pourtant impossible, car mamie nous a quittés il y a maintenant plus de deux ans, emportant une partie de moi avec elle dans l’au-delà. C’est la personne qui comptait le plus pour moi, au moins autant que mes parents. On était tellement proche… Elle me manque terriblement. Et elle est là, avec moi. Elle me regarde et me sourit tendrement.


Je me précipite vers elle et je la prends dans mes bras. Elle est bien réelle, je la touche, la serre dans mes bras et je sens son parfum. C’est elle c’est certain. On échange quelques mots. Je bafouille. C’est bien sa voix et je ressens exactement les mêmes choses que lorsque j’étais en sa présence. Je sais que je suis très certainement en train de rêver, ou peut-être même de mourir qui sait. Sa présence me fait tellement de bien.



Je finis par retourner à ma place et je m’installe à mon tour. Voyons voir ce que ce Conseil Imaginaire peut donner. Je prends une grande inspiration avant de commencer.



Je marque une pause. Je ne sais pas par où commencer. Ma grand-mère m’encourage à poursuivre du regard. Les autres aussi. Je me lance alors dans l’exposition de mon fameux dilemme. Je résume le tout assez sommairement. En fait ma vie a complètement changé et a été bouleversée suite à une succession d’événements survenus il y a un peu plus d’un an. Je dois énormément de choses à mon patron actuel. Je dirai que c’est mon mentor en quelque sorte. Récemment j’ai reçu une proposition de poste. Le genre de poste dont je rêve depuis très longtemps. Je peux donc réaliser et concrétiser mon plus grand souhait professionnel. Mais cela voudrait dire renoncer et je pense même trahir les personnes avec qui je travaille actuellement et qui me font confiance. Ces personnes à qui je dois presque tout, qui m’ont aidée et tendu la main quand j’en avais le plus besoin. J’ai le sentiment qu’aucune issue heureuse n’est possible pour moi. Je ne parviens pas à faire un choix et à renoncer à une des deux options. Rester dans mon poste actuel ou accepter cette opportunité.



C’est Emma Watson, installée entre Maître Yoda et Jack Sparrow qui me pose cette question. Elle est encore plus belle en vrai. Enfin je crois que c’est en vrai. C’est un peu le modèle de femme pour moi. On a presque le même âge et j’ai grandi avec elle en quelque sorte. C’est Cléopâtre qui enchaîne.



Jack Sparrow hausse les épaules suite à cette réflexion avant de prendre une gorgée de rhum. Je sens qu’il n’est pas forcément d’accord alors je l’interroge.



Mon esprit est un peu embrouillé, c’est vrai et je ne parviens pas à bien réfléchir pour me remémorer mes souvenirs et les retransmettre avec clarté afin de donner à mon audience les détails qu’ils attendent.



Dans ma folie j’essaye de raisonner un peu quand même et de donner du sens à tout cela. Une voix chaude, profonde et forte se fait entendre. Je reconnais tout de suite cette diction particulière.



C’est Gandalf qui s’incruste dans la conversation. Il a certainement raison. Déjà parce que c’est Gandalf, mais aussi parce que c’est vrai que je suis complètement perdue et qu’il faut que je refasse le point sur tout cela.



Le silence retombe pendant quelques secondes. Peu de temps après, j’entends un « hmm, hmm ».



Je ne l’avais pas remarqué, car il est bien caché et il s’est fait discret jusqu’à présent derrière les autres, mais c’est bien Albus Dumbledore qui est là. Après son intervention il frappe dans ses mains. Une armoire que je n’avais bizarrement pas remarquée, je jurerais qu’elle n’était tout simplement pas là avant, s’ouvre juste derrière moi. Une sorte de bassine en pierre en sort doucement, se déplace et s’arrête juste à côté de moi. C’est une pensine comme dans le livre et dans le film ! Je me penche juste au-dessus. Une image commence à se former, je suis absorbée et je tombe dedans en criant comme une gamine dans un manège à sensations. Me revoilà là, il y a un peu plus d’un an, à revivre le moment juste avant que tout bascule et que ma vie soit chamboulée.




Mon ancienne vie avant que tout bascule 



Il fait une chaleur à crever dans cette salle. Il n’y a aucune fenêtre, seulement une grande table et deux chaises. On dirait vraiment une salle d’interrogatoire de la police comme dans les films. Bon il fait quoi ? Cela fait déjà plus de cinq minutes que j’attends toute seule comme une idiote. Mon petit cahier et mon stylo pour prendre des notes sont sortis et en position bien alignés sur la table. J’ai vraiment trop chaud. Je retire ma petite veste. Et merde ! Mon chemisier est un peu décolleté. J’aurais dû y penser avant. Il va passer son temps à mater ma poitrine, ce pervers. J’espère qu’il va vite arriver et que ça ne va pas durer trop longtemps.


Il fait si lourd dans cette pièce que je commence à transpirer de partout. Je ne tiens pas en place. Je croise et décroise les jambes sans arrêt. Même s’il fait assez frais dehors je suis bien contente d’avoir mis une jupe aujourd’hui du coup. Mes cuisses collent à la chaise et je sens une goutte glisser le long de mon dos. Mon front doit être bien brillant aussi. Je n’ose imaginer l’état de mes cheveux et de ma coiffure. Toujours personne en vue.


Là il abuse et je commence à sérieusement m’impatienter. Pas besoin de me laisser mariner ce n’est pas un interrogatoire, mais un entretien annuel de performance. Je déteste ce genre d’entretien. Je trouve que ça n’apporte pas grand-chose et on raconte toujours les mêmes salades chaque année. Oui je sais, ce n’est pas habituel pour une RH de penser ça. En tout cas pour mon cas personnel c’est ce que je pense. La porte s’ouvre brusquement. Je sursaute.



Oui je suis déjà là, c’est toi qui es en retard de dix bonnes minutes ! C’est mon supérieur, Monsieur Moulin. J’essaye de reprendre une posture bien droite et de renvoyer l’image d’une femme sereine, professionnelle et en confiance. Ce n’est pas gagné, car je de dégouline de partout et je commence à être complètement dans les vapes avec cette chaleur assommante. J’ai l’impression d’être dans un sauna, mais tout habillée. Il m’a un peu prise au dépourvu et mon rythme cardiaque s’est accéléré d’un coup.



Il retire sa veste de costume et prend place en face de moi. Sa chemise est tellement étirée par son ventre bien arrondi que j’ai l’impression que les boutons vont m’exploser à la figure. J’espère que les fils sont solides. Il pose sa pochette sur la table et sort le formulaire spécifique à cet entretien. Il prend son stylo dans ses doigts tout boudinés. Il commence à écrire les informations de base et parle tout seul pour le moment.



Il écrit tout ça sur la première page aux endroits spécifiquement créés pour cela.



Je suis aussi rattachée au Directeur d’exploitation du site, mais comme je fais partie du service des ressources humaines je dépends directement du DRH qui est basé au siège social sur Paris. Je l’ai assez régulièrement par mail et parfois par téléphone. Les réunions à distance de tout le service RH de l’entreprise sont fréquentes aussi. Il ne vient pas très souvent sur Dijon et ça me convient très bien. Par contre un face à face est obligatoire pour ce rendez-vous. Je sens déjà son regard se poser sur ma poitrine. Il croit être discret en plus. Bien qu’il soit dans les RH il est assez dragueur, voire un peu lourd et a pour réputation d’être assez graveleux. Je peux le confirmer même si je ne le côtoie pas au quotidien.

Il enchaîne les questions habituelles sur l’année qui s’est écoulée. Les réussites, les échecs, bla bla bla… Il prend bien son temps et note tout consciencieusement. Il commence à avoir chaud aussi on dirait. Le sommet de son crâne dégarni brille et m’éblouit presque en reflétant la lumière de l’ampoule juste au-dessus de nous. Je vois bien les auréoles qui se sont formées sous ses bras. Il doit macérer dans son jus. Ça me dégoûte et j’ai l’impression d’être dans le même état que lui. Je n’ai qu’une envie c’est qu’on en finisse.


Mon chemisier est maintenant très humide et bien collé sur ma peau. Son regard est fixé sur mes seins quand il me parle. Ils doivent être plus visibles et les contours bien plus nets en étant moulés ainsi dans mon haut trempé. Il n’a plus aucune gêne à les mater on dirait. Je n’ose rien dire, mais je suis furax à l’intérieur. Il pourrait me saquer et diminuer ma prime. Je prends sur moi et je réponds le plus brièvement possible à ses questions.


Il prend plaisir à faire le petit chef et à détailler tous les savoirs faire et savoirs être nécessaires. Il me complimente sur tous les thèmes et me fixe avec un sourire que je qualifierai de vicieux. Il insiste longuement sur les perspectives d’évolution et sur les souhaits de mobilité géographique. Après un long monologue sur tous les avantages que j’aurai à le rejoindre, il me demande enfin mon avis.



Mais c’est tout vu. Je n’ai aucune envie de tout quitter pour me retrouver avec lui au quotidien. Et j’ai déjà le statut de cadre. Je suis la numéro 1 au niveau RH sur ce site. Pour couronner le tout, je n’ai pas mon chef en permanence sur le dos ce qui est un avantage non négligeable ! Je connais l’entreprise et mon métier par cœur maintenant donc c’est assez tranquille pour moi. Je me suis habituée au confort, mais plus jeune j’avais beaucoup d’ambition, je voulais mon propre cabinet RH ou être DRH. Mais ça, c’était avant. J’ai ma petite vie bien rangée maintenant. Parfois je me dis que je suis rentrée dans une routine tranquille et que je me suis laissée endormir.


On arrive enfin à la fin de l’entretien au bout de plus d’une heure et demie de conversation. Je dois mettre un commentaire sur l’échange que nous venons d’avoir. J’aimerais bien écrire que tout cela aurait été plus agréable si son regard n’avait pas été plongé dans décolleté en permanence et s’il ne me regardait pas comme un morceau de viande. Je reste correcte et je n’écris que des réflexions positives et banales. Je signe et je lui rends la feuille. Vite sortez-moi de là, je n’en peux plus. Il me serre la main qui est toute moite, comme la mienne d’ailleurs. J’ai peur qu’elles restent collées l’une dans l’autre. Beurk !


Je prends mes affaires que je n’ai pas utilisées et je me lève. Il fait de même et m’accompagne jusqu’à la sortie. Je réajuste ma jupe qui est restée collée elle aussi, découvrant un peu trop mes cuisses. Il ne se gêne pas pour mater et afficher un sourire bien vicieux. Quel porc ! Je garde le sourire. Il passe une main dans mon dos et m’accompagne vers la sortie. Je transpire et mon chemisier colle bien à ma peau, je sens très bien sa main qui est vraiment posée très bas dans le creux de mon dos. Ce n’est pas une main aux fesses, mais presque quand même ! Il ne me libère qu’une fois qu’on est sortis du couloir et qu’on est de retour dans les espaces communs.


Il a rendez-vous avec le Directeur du site, Monsieur Bonvent, et en a pour le reste de l’après-midi apparemment. Je m’éclipse le plus rapidement possible et je retourne dans mon bureau. J’ai l’impression d’avoir perdu deux kilos et de sortir de la douche. Je donnerais tout pour une bonne douche là tout de suite justement. Je m’enferme dans mon bureau et je bois une petite bouteille d’eau cul sec.


Je regarde mon reflet dans la vitre de la fenêtre. Mes cheveux bruns ne ressemblent plus à rien, je réajuste ma queue de cheval. Mon maquillage a un peu coulé aussi. Mes yeux noisette me font pitié actuellement. Mon chemisier est devenu bien moulant avec la transpiration et fait bien ressortir mes seins. Je n’en ai pas vraiment besoin, ma poitrine a ce qu’il faut comme matière et comme volume. Mes jambes dont je suis très fière en temps normal sont moites également et mes pieds glissent un peu dans mes chaussures à talons. Je n’ose imaginer l’odeur là-dedans. J’entrouvre la fenêtre pour faire un petit courant d’air et je remets un petit coup de déodorant. Et bien évidemment c’est à ce moment-là qu’on frappe à ma porte.


Je sursaute une nouvelle fois et je m’empresse de tout remettre en ordre pour être présentable.



La porte s’ouvre, c’est Justine, la chargée de gestion ressources humaines. C’est le seul membre de mon équipe et aussi mon amie.



Elle me lance un sourire moqueur. C’est vrai que je dois ressembler à rien après avoir mijoté pendant une heure et demie dans ces conditions.



Je suis parcourue d’un frisson en y repensant. Elle me mate des pieds à la tête et ne peut s’empêcher de rigoler. Je ne vais pas me laisser faire sans réagir.



Voilà elle est tout de suite moins courageuse la petite garce ! Il fait déjà beaucoup plus frais ici et j’ai presque froid maintenant. Je vais me choper une belle crève avec ces écarts de température moi. Le reste de l’après-midi est bien calme. Pas de nouvelle du boss, Mr Bonvent, qui est toujours avec le DRH quand je quitte le bureau en fin d’après-midi. Je m’empresse de rejoindre ma voiture pour ne pas avoir à le recroiser et je rentre chez moi.


Je suis au bout de ma vie quand j’arrive dans mon appartement. Pas de bruit et personne en vue. Je dois être la première rentrée. Je pose mon sac dans l’entrée et je retire ma veste et mes chaussures. Je vais directement dans la salle de bain et je me déshabille complètement avant de sauter dans la douche. Qu’est-ce que ça fait du bien ! Je reste un bon moment à me laver et à me pomponner. Je finis par sortir et me sécher avec une serviette. Je cherche mon peignoir. Et merde ! Comme d’habitude j’ai dû le laisser dans la chambre. Je sors donc de la salle de bain en tenue d’Ève. Il fait super froid en dehors de la salle de bain.



Pour la troisième fois aujourd’hui je sursaute. C’est Clément mon chéri qui est enfin rentré. Il me mate avec envie et m’envoie un grand sourire. J’aime bien voir que je lui fais de l’effet et je suis plutôt fière de mon corps, sans vouloir me vanter.



Je dépose un petit baiser sur ses lèvres et je m’éloigne.



Pas de chance pour lui je suis déjà dans la chambre et en train de me couvrir. J’ai froid et la chair de poule partout sur le corps. Je mets mes chaussons rembourrés et bien chauds également. Je le rejoins dans le salon. Je suis beaucoup moins sexy d’un seul coup.



Je ne rentre pas dans les détails je préfère penser à autre chose.



Il fait durer le suspense et se contente de sourire bêtement.



Je ne suis pas connue pour ma patience et je démarre au quart de tour.



Je suis vraiment fière de lui et il a l’air super content aussi. Il le mérite avec tout l’investissement qu’il met dans son boulot. Cela fait trois ans qu’on est en couple et un peu plus d’un an qu’on habite ensemble. Je l’ai rencontré pendant une soirée, c’était l’ami d’une amie et on s’est très vite bien entendu. Il est plus vieux que moi par contre, il a trente-quatre ans. Je l’appelle le vieux, du coup. Mais je le trouve très beau. C’est l’homme idéal, 1 m 80, châtain clair, BCBG et très beau parleur.


Il est commercial et se déplace chaque jour dans des magasins différents pour mettre en avant ses produits et négocier les tarifs et les promotions. Et là il prend du grade. C’est une super nouvelle, je sais que c’est ce qu’il voulait depuis un moment déjà. Il me raconte tous les détails de son nouveau poste avec enthousiasme. Je l’écoute attentivement et je veux lui faire plaisir.



Cette solution me convient à merveille, je suis crevée moi aussi et je n’ai ni envie de cuisiner et encore moins de faire la vaisselle. On commande donc deux bonnes pizzas et on sort les bières également. Très bon pour la ligne tout ça ! Mais la soirée a aussi été un peu sportive et je n’ai pas réussi à garder très longtemps mon peignoir. Il m’a prise sans préliminaire sur le canapé en missionnaire. Ça n’a pas duré longtemps, mais ce n’était le but qu’il recherchait apparemment. Donc j’ai brûlé quelques calories quand même ! On est tous les deux très fatigués et on s’endort nus dans le lit.




Salle du Conseil 



Me revoilà dans le présent et dans la salle de mon Conseil Imaginaire. Enfin si cela existe bien… Mes invités sont toujours là. Revivre ce moment de ma vie d’avant est assez particulier. J’ai l’impression que c’était il y a bien plus longtemps.



Ma grand-mère reprend la conversation. Qu’est-ce que j’aurais aimé pouvoir m’appuyer sur elle quand tout cela est arrivé.



Je me souviens des moments assez douloureux qui ont suivi pour moi. À l’époque je me suis entêtée à vouloir trouver la bonne offre, le poste parfait et je ne postulais pas beaucoup en dehors de mes candidatures spontanées. Je n’ai eu que des refus comme réponse. La plupart du temps parce qu’il n’y avait pas de poste vacant correspondant à mes attentes. Mais mon profil intéressait les entreprises alors ils gardaient mes coordonnées.


Les journées de recherches infructueuses s’enchaînaient. Les jours se sont transformés en semaines et j’ai rapidement atteint un mois sans avoir aucune touche concrète. Clément a commencé à me mettre un peu plus la pression. On avait des factures à payer et avec un salaire en moins on ne pouvait pas tenir longtemps comme cela. Il était très pris par son nouveau boulot et il m’accordait de moins en moins de temps. Je passais même plusieurs jours de suite totalement seule. Je me souviens que je les passais en slip et sans m’habiller.


J’ai donc décidé de me motiver et de regarder les petits boulots que je pouvais faire dans le coin pour arrondir les fins de moi. Je voulais à tout prix éviter de passer mes journées à ne rien faire et m’enlever cette impression d’être totalement inutile. Au début du mois de mai, j’ai rapidement trouvé un petit boulot de serveuse dans une brasserie. J’avais déjà fait ça pendant mes études, ça me rappelait des souvenirs.


Je commençais à me faire à l’idée de prendre un boulot qui ne correspondait pas totalement à mes attentes. Ce que je m’étais promis à la base de ne pas faire. J’étais complètement déprimée. Pour couronner le tout, cela faisait une éternité que je n’avais pas eu de rapprochement intime avec Clément. J’avais l’impression d’être devenue transparente pour tout le monde. C’était comme si j’étais déjà un fantôme.


Emma Watson interrompt mes pensées. Ce n’est pas la classe ça ? Bon si on met de côté que ce sont des souvenirs assez douloureux, c’est Emma Watson quand même.



Repenser à notre première rencontre me fait sourire sur le coup. Il y avait un salon pour l’emploi spécialement pour les métiers RH. Exactement ce qu’il me fallait pour ma recherche d’emploi, même si je ne me faisais pas beaucoup d’illusions. Je savais très bien que c’était plus un échange pour se faire connaître et que les opportunités étaient assez restreintes. Je m’étais dit qu’avec un peu de chance…


Je replonge mon regard dans la pensine et me voilà repartie dans mes souvenirs. Cette fois j’atterris au moment de ce fameux salon et de notre première rencontre.




Un entretien d’embauche particulier 



Nous sommes le jour du salon pour l’emploi. C’est habillée de mon plus beau tailleur que je me rends sur place. Je sympathise rapidement avec une des organisatrices. Elle me conseille sur les entreprises à éviter et sur celles qui valent le coup. J’oriente donc mes rendez-vous en fonction de ses conseils. J’ai eu de bons échanges jusqu’à présent. C’est toujours le même schéma. Tout se passe bien, mon profil plaît, mais il n’y a pas de poste disponible pour ce que je recherche en ce moment. Par moment j’ai envie de tout casser tellement je suis frustrée.


Mon amie du jour me conseille une dernière entreprise à aller voir. C’est un cabinet indépendant spécialisé entre autres dans la recherche de talents, des chasseurs de têtes. Je connais cette entreprise. J’ai même postulé à une de leurs offres, mais je n’ai jamais eu de réponse. Ça promet du coup. Apparemment c’est carrément le grand chef, un certain Bastian Kairos, qui est présent aujourd’hui. Et d’après ce qu’on me dit c’est le meilleur dans son domaine et tout le monde voudrait travailler avec lui ou s’arracher ses services. C’est vrai qu’il a été bien occupé toute la journée.


Mon tour arrive enfin en fin d’après-midi. Il est déjà plus de 17 h. Quand j’arrive vers le fameux prodige il est au téléphone . Très bonne première impression ! Il fait les cent pas et continue de m’ignorer. Finalement, toujours avec son téléphone collé à son oreille je le vois mettre sa veste. L’organisatrice qui m’a calé le rendez-vous s’approche de lui et l’interrompt. J’entends quelques bribes de leur conversation.



En revanche j’entends clairement les premiers mots qu’il lui dit.



J’entends la jeune femme essayer d’insister mai elle se fait rembarrer presque méchamment et n’ose plus rien dire. Je suis mal pour elle. Il pose enfin furtivement les yeux sur moi lorsqu’il me croise en partant. Je bous à l’intérieur. J’en ai marre de perdre mon temps et qu’on me prenne pour une conne depuis des semaines. Ce salaud c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Je l’interpelle avec toute la délicatesse qu’il me reste. Pas de chance je suis en rupture de stock.



Il décolle son téléphone de son oreille et se tourne vers moi. Son expression est neutre. Il me scanne de la tête aux pieds. Il finit par fixer son regard droit dans mes yeux. Je ne sens pas de provocation ni de haine, mais de la curiosité et de l’attention dans ce regard.



Il disparaît rapidement par la porte de sortie sans se retourner. Pfff, bien sûr et comment tu comptes t’y prendre tu n’as aucune info sur comment me contacter, baltringue ! Finalement je suis bien contente de ne pas avoir perdu mon temps avec lui. Je rejoins la jeune femme qui vient de prendre cher et je la réconforte comme je peux.



Moi je l’ai traité de connard en tout cas. Et ça m’a fait du bien. Je pourrai même recommencer tellement la sensation était bonne. Je rentre donc chez moi très moyennement satisfaite de ma journée. J’ai un peu avancé même si les chances de conclure restent très minces. Je ne me fais plus d’illusion et je perds même tout espoir.


Lorsque j’arrive à l’appartement, je croise Clément. Je dois me préparer et partir rapidement pour le service du soir à la brasserie. Il est au téléphone et ne me calcule pas. Pourtant je suis habillée pour une fois. Et même bien habillée. Cette nouvelle mésaventure termine de m’achever. Je vais me changer et me préparer pour le boulot avec le cœur brisé. Je pleure en silence, les larmes coulent sur mes jouent quand je pars de l’appartement. Et Clément ne s’en est même pas rendu compte, ce qui me fait encore plus mal du coup.


Quand je rentre, il dort déjà. Je le rejoins dans le lit en faisant attention de ne pas le réveiller. Je suis épuisée et je n’ai pas arrêté de pleurer. Je suis dans un sale état. Je finis par m’endormir très tard dans la nuit. C’est le bruit de la sonnette de la porte d’entrée qui me réveille. J’ouvre difficilement les yeux. Je suis seule dans mon lit et complètement nue. J’attrape mon téléphone et je regarde l’heure : 8 h 56. Clément est déjà parti au boulot depuis un petit moment. Qui peut bien venir me faire chier à cette heure-là ? Ça a intérêt d’être important.


Je sors du lit avec les yeux à moitié fermés. J’enfile un pantalon de pyjama et un débardeur blanc. Je me dirige à tâtons avec les yeux encore à moitié fermés jusqu’à la porte. Ça sonne à nouveau.



J’ouvre la porte. La lumière m’éblouit, je suis encore habituée à l’obscurité. Je fais une grimace en essayant de distinguer les traits de la silhouette que j’aperçois. Je me frotte les yeux. Non ! C’est lui ! C’est le connard d’hier ! Comment il a fait pour me retrouver ? Et il fait quoi là ?



Il sourit en me regardant de la tête aux pieds comme il l’a fait hier.



Mais qui c’est ce type ? J’ai un seul œil d’ouvert, je me suis à moitié habillée, je sens mes cheveux partir dans tous les sens et je n’ai même pas pris le temps de mettre mes chaussons. Je sens mon haleine du matin qui n’a rien d’agréable aussi. Et il veut qu’on parle boulot ?



Je ne sais pas quoi dire de plus. Je suis un peu à court d’idées et je crois que mon cerveau est encore dans le lit en train de dormir. Il me regarde gentiment et il enchaîne :



Quoi ? Là maintenant ?



C’est clair maintenant, j’ai oublié mon cerveau dans le lit. J’ai répondu sans réfléchir. Mais après tout je n’ai rien à perdre. Alors pourquoi pas.


Je l’emmène dans le salon et je le fais asseoir dans le canapé.



Ah ah ah ça va je sais que je ne suis pas réveillée. Je fais couler son café et je m’absente quelques secondes. J’ai trop envie de faire pipi en fait. Et je vais faire dans mon pantalon si je n’y vais pas maintenant.



Je me précipite dans les toilettes et je fais un très gros pipi, mais j’essaye de rester discrète. Ça fait un bien fou en tout cas et je me sens déjà mieux. Je jette un œil dans le miroir au-dessus du petit lavabo dans les toilettes. Malheur ! J’ai failli faire une crise cardiaque. Je me suis même retenue de crier. Je serai vraiment passée pour une folle pour le coup. Je ne ressemble à rien et mon reflet m’a fait peur. J’ai les yeux rouges et on voit clairement que j’ai pleuré. Mes cheveux sont dans tous les sens. On dirait une vraie psychopathe. Et l’autre dans le salon m’a vue comme ça et n’a rien trouvé de mieux que de me proposer de parler boulot. Il doit être aussi timbré que moi.


Je retourne dans le salon après avoir vainement essayé de dompter mes cheveux rebelles. Je fais attention à ce qu’on ne voie pas mes seins. C’est déjà clair que je ne porte pas de soutif, mais en plus on a une belle vue sur les côtés, surtout quand je lève les bras. Je ne porte pas de culotte non plus, mais ça se voit moins normalement. Pas de chance l’élastique du pantalon est un peu détendu et il a tendance à descendre et à tomber. Trop tard, pas le temps d’aller me changer, ou plutôt de m’habiller convenablement. Quel tableau je fais à moi toute seule ! Je le rejoins et je lui donne son café et je m’en fais couler un.



Il a un petit sourire en me regardant. J’ai l’impression qu’il se moque un peu de moi. Mais je sens qu’il a de bonnes intentions, mon instinct me dit que c’est quelqu’un de bien. Il est toujours assis sur le canapé. Moi je reste debout, mon épaule appuyée contre l’encadrement de la porte de la cuisine. Je bois mon café en le regardant et en tenant discrètement l’élastique de mon pantalon.



J’ai une autre question là tout de suite.



Et voilà dès la première question il me prend au dépourvu et me fait fermer ma grande gueule. Ça promet pour la suite. J’ai vu mon reflet et je me rends compte que n’importe qui peut clairement voir que j’ai pleuré. Alors je ne cherche pas à nier. J’essaye de reprendre mes esprits et je bégaye une réponse.



Je le crois, il a l’air sincère.



Il prend une gorgée de son café et ne me quitte pas du regard.



Je rougis un peu sur le coup. Qu’est-ce qu’il veut dire par là ?



Ah oui. J’avais oublié ce petit détail. Mais c’est la vérité en tout cas. Enfin c’est ce que j’ai pensé sur le moment.



Il rigole dès le début de ma réponse.



Cette fois c’est lui qui ne sait plus quoi dire.



Je commence à me réveiller et je le taquine un peu. Il apprécie on dirait. Maintenant que je vois à peu près clair, je le regarde de plus près et je le détaille. Il a l’air assez grand, au moins 1 m 80. Je pourrai le confirmer une fois qu’il sera debout. Il est brun, assez bien coiffé et son regard est profond, sombre avec ses yeux marron et un peu mystérieux. Il a une petite barbe de trois jours et il dégage beaucoup de charisme et de virilité. Je dirai qu’il a la trentaine, mais plus vers les trente-cinq ans. Son costume est très classe. Il est assez avenant et on a envie de discuter avec lui. Il est plutôt beau mec mon monsieur connard.



C’est clair que me retrouver a été un jeu d’enfant une fois que je lui ai donné mon nom. J’aurais dû y penser avant de lui poser la question. Je me sens un peu conne là.



Encore une petit pique. C’est sorti tout seul. Il va falloir que je me calme, il risque de vraiment mal le prendre au bout d’un moment. Il ne répond pas et semble perdu dans ses pensées. Je me contente de le regarder.



Je ne lui laisse pas le temps de continuer et je le coupe directement.



Non, mais pour qui il me prend lui ? Il veut que je lui fasse ses cafés tout le temps maintenant que je lui en ai fait un ? Ça le fait rire en plus.



Je sens de la provocation dans sa manière de me dire ça. Regarde-moi bien Monsieur connard, j’ai l’air de tenir la route dans l’état ou je suis ? Je dois faire pitié tellement je ne ressemble à rien.



Il sourit et se lève. Il a terminé son café. Je confirme il fait un peu plus d’un mètre quatre-vingts.



Il me donne sa carte et se dirige vers la sortie. Je la lis rapidement : Bastian Kairos, Associé Cabinet LK, Dijon.



Son visage redevient sérieux et indéchiffrable. Il ne paraît ni en colère, ni joyeux, juste neutre. C’est assez étrange. On dirait qu’il ne ressent plus d’émotion à cet instant. Poker face !



Ah merde, en effet ça justifie tout dans ce cas. Mais on ne peut pas le deviner non plus sur le moment.



Je viens d’effectuer un entretien d’embauche en pyjama chez moi, sans culotte, sans soutif et pieds nus. C’est une première ! Il a refait ma journée en tout cas. Je suis impatiente d’être à demain. Je cours sous la douche pour me redonner une apparence humaine et convenable. Au moins je sais que si j’ai le poste ce ne sera pas grâce à mon physique.




Salle du Conseil 



Revivre ce moment m’a donné le sourire jusqu’aux oreilles. Gandalf et Churchill fument la pipe et ont l’air d’être en grande conversation. Jack Sparrow, pardon, le Capitaine Jack Sparrow n’arrête pas de boire du rhum et en propose à tout le monde. Monica Bellucci et Cristiano Ronaldo font un selfie ensemble. Il y a vraiment du monde à ce Conseil, j’ai du mal à réaliser et à être attentive à tout ce monde autour de moi. Ma grand-mère me sourit.



Maître Yoda se manifeste pour la première fois. Il est pour moi l’incarnation de la sagesse.



Le silence envahit la pièce. L’atmosphère change, l’ambiance redevient très sérieuse et chacun semble se refocaliser sur l’ordre du jour de ce Conseil Imaginaire.