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n° 21799Fiche technique64442 caractères64442
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Temps de lecture estimé : 45 mn
24/05/23
Résumé:  Un évadé de centrale, une secrétaire de collège, rencontre fortuite à la campagne.
Critères:  fh inconnu sales campagne amour cunnilingu pénétratio
Auteur : Roy Suffer  (Vieil épicurien)            Envoi mini-message
Poubelle que moi, tu meurs !

Poubelle que moi, tu meurs !



Au volant de sa petite Ford Ka, Roseline sourit, toute guillerette. C’est vrai que les occasions de petites vengeances personnelles sont rares pour une secrétaire de collège. Aussi, c’est de sa faute à cette fichue Principale. La mère « C’est cela, oui », c’est comme ça que l’on surnommée certains profs. Parce que cette… « pétasse », de quarante-cinq ans largement dépassés, trottinant en jupes courtes sur des échasses de quinze centimètres, a pour manie de répondre à ses interlocuteurs : « C’est cela, oui… » en direct comme au téléphone. Alors quand le prof de maths est entré furibard dans le secrétariat pour dire que la mère « C’est cela, oui… » avait refusé de lui accorder l’heure année, une heure supplémentaire par semaine pour tout le boulot de soutien qu’il faisait avec les élèves, Roseline avait posé un doigt sur ses lèvres en désignant la porte de communication avec le bureau de la principale.



Téléphoner est l’occupation principale de la… Principale. Sans se démonter, le prof de maths s’empare du cahier d’appel des quatrièmes et ajoute au stylo : « Seslaoui Mohamed », absent. Et les deux partent d’un fou-rire contenu.


C’est vrai que, depuis l’arrivée de la mère « C’est cela, oui », les occasions de rigoler un peu sont rares. Depuis une décennie, Roseline assure avec maestria l’organisation des épreuves du brevet. Le précédent principal, un jeune plein de promesses issu du concours, avait fait pleinement confiance à Roseline, pas encore rompu à ce genre d’organisation sinon compliquée du moins très précise. Et il avait reçu les félicitations de l’Inspection Académique pour sa gestion impeccable de l’épreuve. Il avait aussitôt transmis ces louanges à sa secrétaire et, quand la gratification pour ce travail particulier était arrivée, il lui en avait reversé l’intégralité. Oh, ce n’était pas une fortune, mais au-delà de l’argent, c’était une reconnaissance. Après les épreuves de juin dernier, menée de la même main de maître, Roseline s’était payé le culot de questionner sa nouvelle chef d’établissement :



Merci, de rien. Pas de petit profit. Roseline l’avait gardé en travers de la gorge, et ce n’était qu’un détail parmi des centaines d’autres. Parfois elle se disait qu’elle pourrait largement assumer la fonction de principale, vu ce que cette… mijaurée était capable de faire, ignorante non seulement du nom de ses élèves, mais aussi de celui de la plupart des profs. Oui mais… répéter ad libitum « C’est cela, oui » ou faire des ronds de jambes à l’Inspection ou au Conseil Départemental, ça, elle ne saurait pas faire avec sa timidité maladive.

L’autoradio interrompt ses émissions pour un communiqué urgent :


« Nous vous relations hier cette double évasion à la centrale pénitentiaire de Saint-Vivant. Des criminels dangereux sont désormais dans la nature. La population est invitée à rester sur ses gardes et à fermer portes et fenêtres… ».


Il ne manquait plus que ça, les truands en école buissonnière, pense Roseline en arrivant tranquillement chez elle, encore une occasion pour la mère « C’est cela, oui » pour casser du sucre sur le dos des étrangers qui viennent pourrir le pays. Aussitôt entrée, Roseline se livre à son rituel favori : se laisser tomber dans LE fauteuil de papa. C’est un vieux truc très gros d’un increvable cuir fauve, mais à l’assise complètement défoncée. Et bling, le trousseau de clés tombe à droite, et blang le sac à main tombe à gauche. Cinq, juste cinq minutes pour décompresser, déconnecter. Elle ne s’accorde pas plus, parce qu’à la campagne tout temps d’inactivité est du temps perdu. Vite, un vieux jean et un vieux sweat-shirt et au boulot. Les poules, ramasser les œufs et leur donner à manger, le potager qu’il faut sans cesse biner, gratter, bêcher, pailler, mais au dîner ce sera œuf à la coque, salade avec le fromage frais de chèvre du voisin, et… tiens, un petit plaisir : une tarte aux pommes ! Ah ben oui, mais les petites poulettes n’ont donné qu’un œuf, aujourd’hui, bizarre.



Elle descend à la cave par l’escalier extérieur, avec son petit panier contenant sa salade et son œuf. Trois pommes pour la tarte et une poignée de coquilles pour les poules. Ça pue là-dedans, encore un rat crevé. Il faudra le retrouver et remettre du blé empoisonné. Soudain, dans l’espace clos et sombre, une quinte de toux rauque et grave. Son sang se fige, ses mains tremblent. Instinctivement, elle agrippe le manche de la fourche à foin, le long du mur dans son dos.



Une masse sombre remue sous la pile de sacs à patates vides. Elle tourne le vieux commutateur et une lumière jaunâtre éclaire soudain le cellier. Un pauvre bougre hirsute et d’une saleté sans nom avance prudemment à quatre pattes.



Roseline ose lui tourner le dos, s’attendant presque à une attaque subite, bien que l’homme soit tout le temps resté à quatre pattes devant elle, humble en apparence. N’est-ce pas pour mieux lui bondir dessus, comme un tigre ? Mais non, rien ne se passe, rien qu’un immense frisson qui lui parcourt l’échine et la suit jusqu’à la maison. Elle s’appuie sur la porte à peine refermée et donne un tour de clé, soufflant comme si elle se dégonflait.



Elle fouille dans son petit compartiment congélateur pour savoir ce qu’elle va préparer pour cet affamé, capable de gober un œuf cru. Tiens, un beau reste de rôti de veau aux patates et aux champignons qu’elle avait fait quand les cousins sont venus la voir… Ah, et puis la pâte pour faire sa tarte aux pommes. Et Roseline se met en cuisine, soudain interrompue par ce souvenir : le pauvre gars tousse comme un perdu. Vite, deux comprimés effervescents dans un verre d’eau et son flacon de sirop pour la toux. Elle lui porte, en le regardant autrement cette fois, comme quelqu’un qui a besoin d’aide. Souvenirs récents de ses parents en fin de vie. Son père, qu’elle n’avait guère accompagné puisqu’il était mort sur son tracteur d’une crise cardiaque. Mais sa mère surtout, qui avait développé un cancer foudroyant trois mois plus tard. On ne lui ôtera pas de l’idée que c’est le chagrin qui l’a tuée…


Le type se prosterne encore en s’agenouillant devant elle pour la remercier. Faut qu’il arrête ses singeries, ça l’agace. Elle ferme le lourd portail métallique avant de retourner à ses fourneaux. Elle aime bien être tranquille chez elle, et puis… elle a un peu peur le soir dans cette ferme isolée.



Elle met sa tarte au four et fait réchauffer le rôti dans une casserole puis prépare un plateau. Assiette, fourchette, couteau… un couteau, c’est dangereux ça… oui, mais il en a besoin pour couper sa viande et le saucisson qu’elle lui met en entrée… Et zut après tout ! Il aurait pu lui aussi l’attendre avec la fourche à foin, il ne l’a pas fait. Un verre, une carafe d’eau et… Ah oui, tiens, ça doit boire du vin un grand bonhomme comme ça. Le tire-bouchon. Il y a quelques bouteilles datant de son père à la cave, elle n’en boit jamais. Elle prélève juste un tiers de la baguette pour manger son œuf et son fromage et lui laisse le reste. Direction la cave.



Le gars s’exécute facilement, il est grand et plutôt costaud mais qu’est-ce qu’il pue ! Elle pose le plateau sur un petit fût, vide, et place un vieux tabouret devant.



Non mais soit ce truand est un comédien de grand talent, soit il est sincère et alors c’est vraiment un bon garçon victime d’une erreur judiciaire, se dit-elle en trempant ses mouillettes. La télé parle à nouveau de l’évasion. Des images de Saint-Vivant, la centrale, l’évasion bien préparée des deux hommes.

« L’un d’eux s’est fait prendre dans le métro suite à de nombreuses plaintes de passagers concernant son odeur pestilentielle. Un contrôleur a voulu intervenir, l’homme a tiré le signal d’alarme et s’est enfui sur les voies, ce sont les membres de la police urbaine qui l’ont arrêté. L’autre, un certain François Hausse, court toujours… » .



La nuit est tombée, elle ferme soigneusement tous les volets et va chercher le fuyard.



C’est étrange d’ouvrir à nouveau cette chambre des parents, autrement que pour y faire du ménage. Roseline prépare le lit, entendant couler la douche ainsi que quelques grognements de satisfaction de son hôte. Il lui faut bien une demi-heure avant de ressortir avec son sac poubelle, totalement nu. Ah, Roseline ne l’avait pas anticipé.



Roseline se sent toute chamboulée. D’abord pour avoir vu ce grand mâle nu, car sa pruderie naturelle ne l’avait jamais autorisée à un tel spectacle ; ensuite de voir portés les vêtements de son regretté père. Ils partagent la tarte en deux, un quart pour elle, trois-quarts pour lui ! Il la trouve tellement bonne… Elle lui propose d’aller chercher la bouteille de vin entamée à la cave, il refuse.



Roseline saute de sa chaise et s’affaire déjà autour de la cafetière. Elle en fait une grande, il sera tout coulé pour elle demain matin. L’homme hume le breuvage avec délectation avant d’y tremper les lèvres avec un ronronnement de satisfaction.



Il se retire dans la chambre des parents, elle dans la sienne. Par pur acquis de conscience, elle donne un tour de clé. Mais ce diable d’homme doit bien savoir comment la déverrouiller en un tournemain, il a dû apprendre ça en prison. Tout de même, une fois lavé et rasé, il est plutôt beau garçon, beau garçon et bel homme. Le souvenir fugace de ce sexe au repos titille la libido en sommeil de Roseline et vient s’inviter dans ses rêves.


Réveil lent et laborieux pour François qui se demande ce qui a pu le réveiller, les chants d’oiseaux ou alors un vague bruit de moteur… Il bondit hors du lit. Moteur ? Flics ? Les volets de la cuisine sont déjà ouverts, une bonne odeur de café frais et un mot sur la table :


Je ne change pas mes habitudes, je vais au marché et à la supérette. Surtout, n’ouvrez pas les volets de votre chambre, ne sortez pas et soyez rassuré : je n’ai rien à acheter à la gendarmerie…


Il est rassuré et décide de rester nu durant son petit-déjeuner. Grand bol de café, tartines de gros pain grillées, un peu vieux sûrement, enduit d’un bon beurre de ferme bien jaune, avec encore des petites gouttelettes d’eau à l’intérieur. Souvenirs d’enfance chez sa grand-mère… Et puis un gros pot de confiture de prunes. Hum ! Il retourne prendre une douche, longue, juste pour le plaisir de ne pas entendre un maton gueuler « dans une minute je coupe l’eau ! ». Il profite, il savoure, se laisse tomber de nouveau sur le lit moelleux où il a si bien dormi. Et puis il furette dans toute la maison, simple, vieillotte mais très propre, avec partout des bouquets de lavande séchée. Le moteur de la petite Ford, vite il s’habille. Si le reste va à peu près, le pantalon est vraiment trop court. Il se précipite à la cuisine, Roseline arrive avec deux gros sacs.



Dans la pénombre juste percée de quelques interstices entre les tuiles, François entend le portail grincer puis perçoit l’odeur de la fumée. Roseline s’active, veillant d’abord à ce que tous les vêtements soient bien brûlés et puis elle recouvre le tout de mauvaises herbes sèches et de tailles de haies. Il ne faut pas attendre longtemps pour qu’un moteur s’arrête devant le portail et que la clochette tinte. Elle crie :



Coup d’œil général surtout dans la maison pour savoir si rien de suspect ne traîne. Non, il a même lavé son bol, c’est bien. Les autres s’impatientent et sonnent de nouveau.



Ils fouinent partout comme de mauvais chiens de chasse privés de flair. Roseline sue à grosses gouttes et a peur que cela se voit. Elle tente une diversion :



C’est la seconde fois en vingt-quatre heures qu’elle s’appuie le dos sur une porte refermée. Ouf ! Elle attend une bonne heure, et surtout que le fourgon bleu soit repassé dans l’autre sens, avant de remettre l’échelle en place.



Le grand type descend de son grenier, ravi d’être libéré.



Il retire son pantalon ridicule pour se retrouver plus ridicule encore en slip kangourou. Roseline découd à petits coups de ciseaux le grand ourlet puis pose une vieille couverture sur le bout de la table pour repasser les plis résiduels. Il la regarde agir en contre-jour, silhouette féminine aux cheveux tirés en queue de cheval. Tiens, hier elle l’avait enroulée en chignon, sûrement parce qu’elle travaillait. Jolies petites oreilles bien collées, petit nez mutin, poitrine pointée, élégante chute de reins sur un fessier proéminent… François s’aperçoit qu’il ne l’avait pas encore regardée comme une femme, mais comme une madone le couvrant de ses bontés. Et pourtant, et pourtant… Oh certes, elle ne ressemble pas aux filles qui l’entouraient du temps de ses victoires en courses automobiles, toutes ces blondes peroxydées aux nichons siliconés, filles d’un soir, d’une semaine, jusqu’à six mois pour l’une d’elles, jusqu’à ce qu’il ne gagne plus… Non, Roseline est une fille rustique, sans artifices, un peu large de hanches mais quel cul, la cheville un peu épaisse mais solide, et surtout ces sourcils en arc de cercle signe d’une infinie bonté, comme avait sa maman. Pour la première fois depuis des années, il la regarde et… il bande. Ah, fichu slip kangourou, pratique, c’est vrai, mais pas en érection. Instinctivement il avance sa chaise sous la table pour dissimuler son trouble.


Mais voilà que Roseline lui demande de renfiler le pantalon pour en prendre la mesure exacte. Il se lève en se tournant, remet le vêtement et se présente à la jeune femme agenouillée, des épingles dans la bouche. Elle lisse le tissu, sa main passant sur sa protubérance, tire un peu sur la taille en marmonnant sans desserrer les dents :



Elle place ses repères, lui passe aussi la main sur les fesses. Rien que de très normal, mais ô combien érotique. Et le fugitif bande derechef, une érection que rien ne peut dissimuler, d’autant qu’elle lui demande de poser à nouveau la culotte.



Ça la flatte, ça l’amuse, mais pas que… Elle ressent aussi des chatouillis dans le bas de son ventre. Et ça, c’est vraiment inhabituel chez elle. Décidément, depuis deux jours sa vie prend une toute autre tournure. Elle se relève empourprée et retourne vite à son ouvrage. François tente à nouveau de dissimuler son émoi sous la table. Mais c’est ainsi, plus on essaye de penser à autre chose, de chasser toute pensée triviale de son esprit, et plus on ne pense qu’à ça. Aux seins de Roseline, au cul de Roseline, à la chatte de Roseline… Alors François se force à penser à la taule, aux matons féroces, aux juges abscons qui n’ont pas pris sa version en compte, au salopard qui vit tranquillement pendant que lui porte le chapeau. Il saisit le pantalon qu’elle lui tend et l’enfile presque rageusement.



Ils cuisinent côte à côte comme un vieux couple, tranquilles. Tranquilles jusqu’à ce que le grondement sourd et haché annonce le passage d’un hélicoptère.



Il la regarde manger, faire la vaisselle, puis il la regarde jardiner par la fenêtre. Femme simple et vraie, attendrissante. En même temps, il réfléchit encore et encore aux moyens de confondre le véritable assassin. La principale difficulté, c’est qu’il n’a pas un sous, pas de compte bancaire, aucun moyen d’emprunter si ce n’est… Ah oui, bien sûr, mais comment emprunter de l’argent à Roseline ? Visiblement elle ne roule pas sur l’or…



Le lendemain dimanche, Roseline fait sa sortie obligatoire, le cimetière. Il ne fait vraiment pas beau, un ciel couvert et noir. Stoïque, devant la tombe de ses parents qu’elle a rapidement nettoyée, la jeune femme pourrait donner l’impression de prier. En fait, elle voudrait surtout prendre avis et conseil auprès de ses parents :



Elle attend, attentive et évidemment rien ne vient. Mais au moment où elle se retourne pour partir après un dernier signe de croix, il se produit un petit « miracle » météorologique. Une petite trouée bleue au milieu des lourds nuages vient à passer entre le soleil et le cimetière, brièvement inondé d’une lumière presque aveuglante. Elle se retourne vers la tombe et dit tout haut : « Oh merci, merci ! ». Il n’empêche qu’elle arrive bien trempée à la maison, mais avec un large sourire.



Pendant que Roseline est au travail, François épluche les caractéristiques de la Ford et va chercher des solutions sur Internet, notamment un logiciel de reprogrammation de l’allumage et de l’injection. Pas de souci, la garantie constructeur est obsolète depuis longtemps.


Tout le mercredi après-midi, il s’enferme dans la grange avec la petite Ka. Elle est effectivement un peu fatiguée, mais en bon état général, sans grosses avaries, sans rouille. Mais du jeu un peu partout. Il faut commencer par tout dégripper et tout resserrer, durcir un peu les amortisseurs, nettoyer les filtres. Les bougies ont besoin d’être changées, l’huile vidangée comme le liquide de frein. Inutile de lui faire une « reprog » avant tout cela, il fait sa liste : bougies « racing », huile de synthèse, additifs huile et essence. Il donne sa liste à Roseline qui tique un peu dans un premier temps et finit par se dire qu’une simple vidange lui coûte plus cher au garage du coin.



Déjà, dès le lendemain, elle trouve sa voiture plus agréable avec moins de vibrations et de bruits parasites. Le samedi matin elle va au marché comme d’habitude, et l’après-midi à « la ville », comme on disait dans le coin. Anonyme dans la cité, elle fait ses emplettes automobiles et passe à l’hypermarché du coin. Elle revient encore une fois tout sourire.



Les sièges aussi sont avachis. Il faut les démonter, retendre les ressorts et glisser un petit coussin de mousse sous la garniture. Sièges quasi neufs ! Une fois les vidanges effectuées, les additifs ajoutés et les bougies changées, le moteur commence à chanter une autre chanson. Il peut lancer la reprogrammation. Une bonne heure de silence plus tard, Roseline l’entend rugir, un son bien différent de celui de sa citadine poussive. Il termine son travail en y passant l’aspirateur, en frottant la carrosserie avec un mélange huile de vaseline et alcool à brûler et les phares au… dentifrice ! Impeccable.



Rien qu’à l’aspect du véhicule, Roseline est épatée. Mais quand elle l’essaye, elle revient enthousiaste.



Elle lui saute au cou pour le remercier vraiment de deux grosses bises, il en est tout chose.



Dans un geste très naturel, les grands bras entourent la jeune femme. Il se penche vers ses joues, une hésitation de position et leurs bouches se frôlent, se rapprochent, se trouvent. Collés l’un à l’autre, les corps s’enfièvrent. Roseline gémit doucement :



Cette fois il la prend vraiment dans ses bras, lui caresse le dos, les fesses en continuant de l’embrasser. Roseline est rouge comme une pivoine mais pourtant se laisse faire, se laisse pétrir les seins, et elle trouve ça délicieux. Quand il commence à l’effeuiller, il est gauche, tout tremblant, elle doit l’aider. Certes, elle ne fera pas la page centrale d’un magazine de charme, avec ses fesses et ses seins un peu lourds, son petit ventre formé et ses chevilles trop épaisses. Elle est comme elle est, simple, naturelle, sans artifice et il aime ça. Il se dévêt à son tour, le kangourou relâche d’un coup son sexe bandé qui vient frapper son ventre, il lui prend doucement le poignet et pose sa petite main dessus. Elle est écarlate, hésitante et chuchote une excuse :



Ils vont dans la chambre de Roseline, leurs corps apprennent à se découvrir puis à se connaître. Il est doux, très doux, mais malgré tout la tête de Roseline bourdonne quand il embouche ses seins, explose quand il déguste son sexe avec gourmandise. Elle croit mourir quand le grand pénis entre et fait sa place en elle, et puis c’est le maelstrom du plaisir qui l’emporte en vagues successives, de plus en plus fortes. Elle se retrouve sans trop savoir comment à genoux devant lui, pilonnée méthodiquement jusqu’à ce que la corne de chair palpitante la quitte pour cracher ses flots de plaisir nacré sur son dos. Ô l’horrible sensation de vide soudain ! Il faut vite qu’elle consulte, qu’elle prenne la pilule pour le garder en elle et recevoir son plaisir au fond de son ventre. Harmonie des nouveaux amants qui se douchent et recommencent, encore et encore. François est insatiable et intarissable, Roseline ne se lasse pas des sensations inouïes et inespérées qu’il lui procure.


Ils gisent l’un près de l’autre, se tenant encore par la main, dans la sueur et l’hébétude de l’amour.



Dès le départ de Roseline pour le collège, le fugitif entame ses travaux, juché sur la grande table qu’il déplace comme un échafaudage. Si la grande pièce retrouve un peu d’éclat, il n’est pas satisfait pour autant. La peinture est défraîchie, par endroits écaillée. Il demande donc à sa maîtresse de lui rapporter du matériel, ce qu’elle fait dès le mercredi après-midi : pots de peinture, toile de verre, papiers-peints et tous l’outillage nécessaire. En deux semaines, la maison est complètement rénovée, au grand bonheur de sa propriétaire qui ne manque pas de récompenser quotidiennement son ouvrier avec la plus grande ferveur. L’un de leurs jeux favoris s’exerce lorsqu’elle lui demande en fin de repas :



Alors elle vient sur ses genoux, il l’effeuille tendrement et la juche nue sur la grande table pour fourrer son museau entre les cuisses charnues. Pétrissant la lourde poitrine, il se régale des sucs sourdant de la vulve couverte d’un léger duvet qui, de coup de langue en doigts fureteurs, se gonfle de désir. Alors le grand coquin se redresse et pénètre le vagin détrempé en continuant de presser les tétons ou en titillant le clitoris d’un pouce agile. Roseline ne tarde pas à clamer le bonheur d’un premier orgasme. François la soulève alors contre son torse et l’emporte, cuisses serrées autour de sa taille, sur le lit où ils donnent libre cours à leurs aspirations du moment.


Hélas, les vacances commencent et la séparation est proche. François plie son grand corps pour le loger dans le coffre de la petite Ka et ils prennent la route de Bordeaux avant le lever du jour. Ils ont choisi d’emprunter des petites routes, par Bellac, Confolens, Angoulême, Cognac. Roseline a retiré le maximum possible d’argent liquide à un distributeur et largue son amant dans une petite rue tranquille, non loin d’une « barrière » bordelaise. Elle regarde s’éloigner cette grande silhouette presque nonchalante et pense le cœur serré : « Tu es beau, mon mec. Sois prudent. Mon Dieu protégez-le… ». Le fugitif devra se débrouiller seul avec six cents euros en poche et un petit sac contenant le minimum vital. Puis c’est le retour qu’elle effectue la boule au ventre par l’autoroute. Ils ont bien fait de prendre les chemins de traverse le matin, elle est arrêtée deux fois, à Brive et à Limoges, voiture fouillée.


Puis c’est l’attente. Elle ne rate pas un journal télévisé, écoute une radio d’informations à longueur de journées. Mais rien. Elle craint que François soit simplement arrêté et retourne directement en centrale, pour rien. Elle s’occupe dans sa maison toute rénovée, change rideaux et voilages, se sépare enfin des affaires de ses parents et effectue les premiers semis dans le potager. La veille de la reprise des cours, son téléphone sonne :



Merveilleux et terrible à la fois. Merveilleux qu’il ait fait l’effort de lui donner de ses nouvelles, terrible de ne pas avoir pu lui parler plus, de savoir, de lui dire… Reprise difficile du travail, sans avoir accès aux informations en permanence. L’attente est insupportable. Ce n’est que vers la fin mai que le journal télévisé du soir ouvre sur ce gros titre : « Rebondissement inattendu de l’évasion du centre pénitentiaire de Saint-Vivant » . Le cœur de Roseline s’arrête sans qu’elle sache s’il va repartir.


L’évadé de la centrale pénitentiaire de Saint-Vivant, François Hausse, s’est livré spontanément au commissariat central de Bordeaux. L’homme était sans arme et parfaitement calme, mais il tenait « en laisse » un autre individu, bien connu des services de la police locale, un certain Jacques Terrine, qui n’était autre que le complice de Hausse dans l’assassinat du convoyeur de fonds.


S’en suivent quantité de conjectures aberrantes de journalistes et de spécialistes de tout poil. François est vivant, c’est le principal, et il semble avoir atteint son but en traînant avec lui Terrine. Mais l’autre va-t-il avouer son meurtre et sa trahison ? Roseline tremble de tous ses membres en allant se coucher, sans parvenir à trouver le sommeil. Elle part très tôt pour acheter les journaux qui ne révèlent rien de plus. Ce n’est que trois jours plus tard que l’on apprend que Terrine a avoué aux policiers le meurtre du convoyeur de fonds et, par là-même, le simple rôle de chauffeur de François Hausse. Terrine est mis en examen mais Hausse, toujours sous le coup du précédent jugement, est réincarcéré dans la centrale pénitentiaire de Verclos. Verclos, à trois cents kilomètres de Saint-Vivant, bien moins pratique pour Roseline mais bon, elle fera avec.


Elle remue ciel et terre pour savoir comment s’y prendre. Le conseil juridique de son assurance lui est précieux pour parvenir à obtenir le numéro d’écrou et le numéro de cellule de François, indispensables pour lui envoyer un courrier, des colis, et pour essayer de lui rendre visite. Elle fait toutes les demandes, toutes les démarches. En recevant des réponses positives, elle imagine, elle espère, que l’administration pénitentiaire a pris conscience que François ne méritait pas cette incarcération et était, disons, un peu plus bienveillante. Elle passe un week-end à lui préparer des petits plats en conserves. Café en poudre, petits sucres, chocolat et bocaux bien enveloppés, elle lui prépare un colis, non sans lui adresser également deux ou trois courriers. Dans une quinzaine, elle ira le voir.


Déception quelques jours plus tard quand elle reçoit un courrier de François. Ses conserves artisanales n’ont pas été acceptées, en fait ouvertes et renversées dans le carton pour en vérifier le contenu… Seules des conserves soudées du commerce sont permises. Résultat, sucre, gâteaux et le reste furent imbibés de jus et le tout finit à la poubelle. Soupir et colis à refaire après quelques courses à la supérette. Cette fois ça passe. C’est tout un monde que Roseline doit découvrir, bien différent de celui de l’Éducation Nationale dont elle connaît le règlement sur le bout des doigts. Auprès du conseiller juridique de son assurance, elle se procure des fiches et documents concernant à peu près tout sur les courriers, les colis, les visites. Malheureusement, il semble que les directives ministérielles soient modulées par le règlement intérieur de chaque établissement pénitentiaire, un peu comme les établissements scolaires. Elle fait donc l’assaut du standard téléphonique du centre de Verclos pour obtenir toutes les précisions et se préparer au mieux.


En route dès cinq heures du matin pour quatre heures et demie de trajet. Elle se présente à l’entrée vers dix heures pour une visite à onze. Elle dépose un gros paquet de vêtements dans des sacs transparents, respectant scrupuleusement le nombre autorisé de chaque pièce. Elle y a mis un costume neuf, ajusté de mémoire à la taille de son amant, une chemise blanche et une cravate. Elle veut qu’il se présente sous son meilleur jour au tribunal. Et puis elle attend, longuement, après que les grilles et les lourdes portes se soient refermées derrière son dos, lui provocant des frissons de terreur. Quelle horreur que la prison ! Enfin on l’appelle. Elle passe sous un portique, elle l’a anticipé et ne porte rien de métallique. Elle doit laisser son sac à main, ses clés, ses papiers dans un bac et on la guide jusqu’à une cabine d’un mètre de large et deux et demi de long. Une porte au fond par laquelle arrivera François, barrant la pièce une petite table coupée par un hygiaphone et deux chaises. François arrive enfin, menotté car toujours considéré comme un dangereux assassin.



Un maton frappe à la porte :



François est emmené sous son regard, la porte s’ouvre derrière elle. On lui rend ses affaires, ses papiers. Elle sort sans rien voir, les yeux pleins de larmes. Elle s’écroule dans sa voiture, elle tremble, elle pleure. Elle est épuisée, vidée. Au bout d’environ une heure, un gardien sort par la petite porte proche de la vitre sans tain. Il s’approche de la voiture et frappe à la vitre.




Il faut un an et demi d’attente avant qu’un nouveau procès ait lieu. Très compliqué. Révision du premier et annulation du jugement mais… mise en examen pour le second par lequel Terrine écope de la perpétuité et Hausse d’un an et demi. Puis, décision du juge pour le dédommagement des années d’incarcération indues pour Hausse, au tarif ordinaire soit onze années et demie moins un an et demi : dix ans d’enfermement injustifiés à soixante-quinze euros par jour, deux cent soixante-quinze mille euros d’indemnisation. La somme peut paraître coquette, mais dix ans de vie ne se rattrapent jamais. Ce que François préfère dans cette histoire, c’est d’être lavé de cette inculpation de meurtre. L’air qui entre dans ses poumons au sortir du palais de justice a le goût de la liberté, c’est le meilleur qu’il n’ait jamais respiré.


Retrouver la campagne, retrouver la ferme de Roseline, retrouver Roseline, ses bras, son lit, son corps, tout a le goût de l’inédit. La jeune femme a demandé sa mutation, histoire de couper court aux ragots d’un village trop petit, et travaille maintenant dans un gros lycée de Saint-Vivant où elle est plus anonyme. Après tout, ça n’est qu’à cinq kilomètres de plus. François, un peu désorienté, se pose la question de son avenir. Dans un premier temps, il fait refaire le crépi de la ferme pour remercier Roseline de ses efforts constants, et puis il apprend que le garagiste local va prendre sa retraite. Et pourquoi pas ? La mécanique est sa passion, il a de quoi racheter le garage et le moderniser, il se lance. Au début, les gens viennent un peu par curiosité pour voir ce célèbre repris de justice. Les choses se calment ensuite mais, comme il travaille bien, une clientèle locale se constitue et lui permet de vivre. À côté de cela, il prépare des voitures pour quelques jeunes amateurs de courses et se construit bientôt une jolie petite renommée. Mais sa véritable passion, il la retrouve chaque soir au retour à la maison, cette femme qui a pris tous les risques pour lui depuis son évasion, qui a toujours cru en lui et dont le soutien total ne s’est jamais démenti. Une femme solide et vraie et en même temps si fragile et timide, son bonheur absolu. Il essaye de la bichonner et de lui faire plaisir quotidiennement, d’autant que son ventre commence à s’arrondir.




Lecteurs qui aimez les fins heureuses, arrêtez votre lecture ici, n’allez pas plus loin. La réalité n’est pas toujours bonne à lire…













François a congédié son apprenti à dix-huit heures, comme prévu dans son contrat. Lui reste un peu plus longtemps pour mettre au point le moteur V6 bi-turbo d’une vieille Maserati qu’il compte bien restaurer pour lui-même. Vers dix-neuf heures, il abandonne le banc et le réglage des vingt-quatre soupapes pour rentrer. Il ferme la porte sectionnelle du garage quand se pointe un gros 4x4 noir qui le prend dans ses phares. Une portière s’ouvre, François fait de grands signes et crie :



La rafale de kalachnikov le coupe presque en deux. François n’est pas encore complètement à terre que la grosse voiture a reculé et reprend la route dans un crissement de pneus.


Malgré son ventre rond, Roseline est dévastée. Du fond de sa cellule de Verclos, Terrine jure ses grands dieux qu’il n’est pour rien dans ce meurtre abominable qui sent à plein nez le règlement de compte « à la marseillaise », sur fond de trafic de drogue. Tiens ? Comment se fait-il que ce cocaïnomane invétéré, réduit à l’état de loque humaine par huit jours de sevrage, aille si bien depuis qu’il est en prison ???