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Temps de lecture estimé : 21 mn
25/05/23
Présentation:  Voilà que s’achève ma première série de flânerie sensuelle, alors un petit retour par l’enfance peut aider à mieux percevoir mon cheminement… À très vite.
Résumé:  De l’enfance viennent les premiers désirs, le reste n’est que prolongement.
Critères:  #initiatique #domination f hhh
Auteur : Landeline-Rose Redinger            Envoi mini-message

Collection : Les déambulations de Landeline.

Numéro 10
Longtemps

Longtemps




Longtemps, je me suis touchée de bonne heure. Parfois, à peine ma lampe de chevet éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors ». Une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais poser le joujou que je croyais avoir dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de faire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier.


Je n’ai pas connu la vie ludique et joueuse des enfants, car mon histoire est en somme jonchée d’un monde d’adultes. Adultes en mouvement, en tous sens. La demeure de mes parents était parcourue comme si une multitude de gens gravitait avec constance à la périphérie de notre vie. Nous n’avons jamais été une famille. D’enfant, il n’y avait que moi. Un précepteur, lui-même ami de mes parents, m’enseignait avec une conception moderne de la pédagogie les rudiments de la littérature. Les mathématiques et la science ne me seraient d’aucun secours, disait-il. « Ta vie sera une trajectoire de plaisirs bien loin des petits contentements linéaires des gens ordinaires ». Je ne comprenais pas alors que ce professeur zélé faisait de moi ce qu’il entrevoyait que je sois. Je lui en suis reconnaissante, car ce marionnettiste avait vu juste. Être une marionnette ne me déplaît pas parfois.

Très jeune, déjà, je n’ai pas associé la pratique du sexe à la perversion, au champ du non-dit et du mal.


Comme d’autres petites filles intégraient dans leur plus jeune âge l’art d’être épouse et mère, de faire vivre son foyer, moi je regardais les hommes tournoyer autour de maman.

Maman était une femme non pas jolie, mais qui pouvait enivrer les hommes. Son visage aux lèvres épaisses et naturellement rouge sang lançait des appels qu’aucune autre femme ne fut en mesure de faire naturellement, sans fard. Sa chevelure de jais en vague ondulait au même rythme que le balancement de ses hanches.

Moi petite, je voyais le désir dans les yeux des hommes. J’étais heureuse qu’elle en fût le centre. L’épicentre, le point convergent d’une commune convoitise. Et mes premiers plaisirs ne furent que pour le regard perçant des hommes qui courtisaient maman. Lorsque l’un d’eux me gratifiait d’un trait de ressemblance avec elle, je rougissais d’une joie intérieure et je m’imaginais être elle ne serait-ce qu’un soir.


Déjà, mon corps appelait mes doigts. À peine achevé le dessert du dîner, je filais à ma chambre et, nue sous mes draps, caressais mon corps jusqu’à l’absolu épuisement. Au matin, j’attendais le soir. De là, à mon adolescence, je n’ai été que plaisir solitaire et mes nuits commençaient bien avant le coucher du soleil. On me trouvait trop sérieuse, trop appliquée, qu’on m’obligeait parfois à veiller plus que de coutume. Contre mon gré.

Mon précepteur, non content de reconnaître en moi un futur professeur de philosophie ou un célèbre écrivain – ce que je tends à devenir, sans la célébrité (!) – m’enjoignait à un brin de frivolité. J’avais compris le message bien avant qu’on ne me le soufflât.


Un jour, et je ne saurais dire où précisément, cherchant dans les rayons d’une librairie le premier tome de la Recherche de Proust, je me saisis d’un livre de poche, sans doute mal rangé, et c’est ainsi que je découvris la littérature érotique.

Françoise Rey – Nuit Blanche –, c’est peut-être là, précisément, que se situe mon désir insatiable et récurrent pour les routiers.

J’ai écumé tout Françoise Rey, Françoise Simpère, Alina Reyes, plus tard Catherine Millet et ses péripéties sexuelles me laissaient croire à ce que je pensais possible en somme depuis l’âge de treize ans. Ma préférence absolue allant vers « Le Bonheur », court récit de Denis Robert. J’avais dix-huit ans et entrevoyais encore tant de choses à découvrir.


Un soir, voilée du rideau du grand salon, j’observais la fête dans les jardins d’été. Curieusement, il n’y avait pas de jardin d’hiver, sinon la grande verrière où papa recevait ses amis du club tandis que maman était… eh bien, je ne sais pas où était maman !

Donc, involontairement cachée par le rideau épais, j’étais là, invisible du jardin. Je l’étais également du grand salon.

Puis, en appui contre le divan, droit comme un I, un ami de maman se déboutonna et son sexe long et courbe se promena sur les lèvres de maman. Elle poussait de petits cris de faon, tentant par à-coups de saisir le membre entre ses lèvres, mais lui disait qu’une belle salope devait savoir attendre. Il lui maintenait légèrement vers l’arrière le visage par la chevelure. Ce tableau-là me réjouissait, le clair-obscur le rendait à l’égal des plus beaux portraits de femmes de Vétriano.

Maman dégrafa son chemisier à volants et fit aller le gland de l’ami en petits tournoiements autour de ses tétons, puis l’homme la bascula contre l’accoudoir du divan. J’eus un peu peur pour elle, mais, relevant sa jupe, elle suggéra qu’il entre son sexe en elle.



Et l’ami de son sexe plutôt mou flagellait la raie des fesses de maman. Ce fut de loin le plus attrayant spectacle de ma jeune vie.

La chapelle Sixtine et le Louvre ne m’avaient offert que de bien pâles copies de ce tableau-là. Puis l’ami perdit la face ; maman s’imposa, se retourna avec brusquerie, elle tomba en génuflexion et avala du même coup la queue molle de l’ami.


J’avais vu dans un reportage épique des sauvages avaler des sabres, et maman dans sa gloutonnerie les distançait. J’aimais regarder ses doigts longs et toujours manucurés se glisser sur le membre, son visage comme une mécanique systématique ingurgitait et régurgitait l’engin. J’avais treize ans et être à sa place était mon vœu le plus cher. Ce qui m’apparut bien après comme le plus mémorable fut que le sexe de l’ami ne fut pas droit, sec comme un bambou, mais qu’il maintenait une molle rigidité.

Vous le savez, vous qui me suivez, j’ai un goût avéré pour les queues flasques, les glands paresseux : voilà sans doute l’origine du bien.


Puis maman glissa le sexe de l’ami entre ses seins et longuement le pistonna. Je n’étais pas alors dans l’excitation. Mon corps ne transpirait pas. Mon cœur ne palpitait pas plus que de coutume. Il faut me comprendre, pour imager au plus près l’état de mon état, je dirais que j’étais seule et heureuse qu’on m’ait laissée ici dans cette pièce, tout comme si j’avais eu le beau privilège de rester une nuit devant les sculptures de Camille Claudel. Bien sûr, je ne me le formulais pas ainsi. Simplement, j’étais dans une joie proche de celle des fervents, et extatique.

Puis maman s’empara du membre écartant ses fesses sans succès, elle y aidait le gland à pourfendre son cul, mais élastique, le truc ressortait. Elle parut irritée et gifla l’ami à toute volée, qui s’épongea les lèvres d’un revers de la main avant de soumettre maman à ce qu’elle désirait vraiment.



Vous aurez compris, je pense, mon inclination pour la fellation et mon engouement pour la sodomie.

Il n’y a pas de sexe qui ne puisse nous faire jouir, et cela je l’ai appris ce jour. Petit mou, gros et courbe, fin comme une frite, nous pouvons tout prendre, car les pouvoirs sont en nous, nous pouvons livrer le plaisir. Nous ne sommes jamais inaccessibles, jamais à quelque homme que ce soit.


Lorsque maman fit jaillir du membre de l’ami un jus que je vis directement s’agglutiner à ses lèvres, je fus doublement heureuse de découvrir que le plaisir des hommes était liquide et visqueux, et maman devait en connaître la précieuse valeur, car elle léchait méticuleusement le bout et les testicules flasques de l’ami. Entre index et pouce, elle se saisit des effilures qui maculaient ses joues et, comme on aspire une huître, les lapa tandis que l’ami astiquait son membre, l’essuyant sur la commissure des lèvres de maman. Il devait tout de même manquer quelque chose à maman, car elle inclina son corps contre le divan, laissant juste ses jambes en compas, écartées à la manière d’une gymnaste, et réclama qu’il la lèche. L’ami s’exécuta alors que maman hurlait son plaisir dans le moelleux d’un coussin. Ma vie venait de prendre un tournant qui traçait la ligne du plaisir et du désir comme la seule enviable et possible.


De ce jour je n’eus de cesse de chercher à comprendre les mécanismes qui gèrent notre corps, sans bien savoir dans quel segment scientifique je m’engageais.

Au final, mon précepteur avait vu juste, car c’est bien dans la littérature que j’y trouvais quelque élément de réponse. J’étais, me semble-t-il, à la recherche du temps perdu. Plus tard, bien plus tard quand l’internet battait son plein, les récits qu’on y lisait étaient plus décevants les uns que les autres. Des bourgeoises ennuyeuses y racontent tant de ces banalités communes que j’en vins à regretter mes virées nocturnes sur le minitel.

Donc, une année après je n’étais guère plus avancée, et si mes nuits s’étalaient en littérature érotique plutôt de bonne qualité, quelque chose du réel me manquait.


Un ami de papa me complimenta sur ma ressemblance avec maman. De fait, de très près, j’observais un code précis dans mon habillement, ma coiffure et le choix de mon maquillage, qui sans en être l’exacte réplique, s’en approchait grandement. Curieusement, maman ne semblait pas m’observer comme je l’observais.

Un jour où l’ami était là, je me vêtis d’une robe de maman, de ses escarpins, et passai, feignant l’indifférence, dans le salon où l’ami égrenait un scherzo sur le piano. La musique s’arrêta et des mains se posèrent sur mes épaules, lorsque je me retournai, l’ami qui en fait se prénommait Gérald fut si bête de sa méprise que son visage s’empourpra. Je lui souris en dégrafant mon corsage, et juste avant que papa ne stoppe sa Mercedes dans l’allée gravillonnée, juste à ce moment-là, je suçais le sexe de Gérald, tout comme si j’étais la parfaite doublure de maman. Son jus rapidement entra dans ma bouche quand papa entrait dans le vestibule attenant au salon. Gérald reprit quelques arpèges de contenance tandis que je déglutissai ma première gorgée de sperme en embrassant papa comme une bonne enfant.


Maintenant je peux dire avec ironie que je suis une grande fille, le sperme est un orgeat, ma madeleine à moi. Je peux dire également qu’après cette première gorgée suave, je n’ai pas choisi de petit ami. Non, les baisers furtifs n’étaient pas pour moi.

Je n’avais de cesse de poursuivre mon expérience, et que ce fût lors d’un shopping où papa me déposait, au restaurant avec maman et papa, ou lors de ma première expérience dans le monde professionnel, je n’ai jamais perdu de vue le plaisir du corps.


J’ai retrouvé par hasard cette incomparable douceur d’un sexe mou d’homme lors d’une volontaire incursion dans un grand magasin, en banlieue de Paris, où je travaillais durant deux mois d’été.

En quelque sorte, j’avais menti pour ne pas révéler qui j’étais vraiment. Pour mes collègues, j’étais une étudiante, une intello en prépa, mais cela ne leur parlait guère.

J’avais dû quasiment supplier papa, pour ce droit à travailler semblablement à bon nombre de garçons et filles de la classe sociale moyenne pour payer leurs études. Moi, mes études étaient dispensées chez moi et maintenant les professeurs défilaient avec joie, car pour l’apprentissage j’avais de réelles et faciles dispositions héritées à la fois de papa et maman. Mais je m’ennuyais ferme dans cette prison dorée.

C’est donc seule que j’allai répondre à la petite annonce d’un magasin Intermarché où le directeur était un sombre imbécile, inculte et retraité de l’armée de l’air.


Des caissières aux employés libre-service, l’ambiance était plutôt acceptable, et en toute modestie je crois y avoir trouvé ma place et le moyen de faire consensus, tout au moins dans l’équipe des garçons.

J’étais vierge. Bien sûr par trois ou quatre fois, plus peut-être, j’avais sucé le sexe de Gérald, mais ce nigaud avait toujours refusé d’enfiler son sexe dans le mien et se contentait de me lécher en masturbant sa queue avec frénésie. J’y voyais là un moyen de soulager sa conscience et se désengager des foudres liées à la morale.


Un jour de grand soleil, Gérald planta son cabriolet Triumph sur une route rectiligne bordée de platanes.

Je fus contrariée de ne plus avoir de sexe à mettre dans ma bouche, et en trouver un n’était pas chose facile, malgré la profusion d’hommes qui gravitaient autour de maman.

Donc c’est vierge que je débarquais cet été-là dans cette grande surface qui quadruplait son chiffre d’affaires de juin à septembre. J’avais pensé me mettre nue sous ma blouse Intermarché, puis oublié la chose. Attendre le patron, simulant une panne de scooter, mais cet imbécile m’avait toisé en me disant ironiquement.



Bref, j’étais vierge, et si mentalement je faisais le calcul le soir en rentrant, je comptais bien dix-huit hommes tous rayons confondus, donc dix-huit queues possibles. Déjà, la notion de groupe me posait question. Je n’avais pas l’attitude effarouchée et peureuse d’une vierge de toute chair. Non, la chair, je l’avais eue en main, en bouche. Je la rêvais en moi, que l’on me déflore dix-huit fois de suite si je puis dire aurait été une précieuse entrée en matière. Mais ce ne furent pas ainsi que se passèrent les choses.

Chupa était un petit gras qui semblait osciller de gauche à droite lorsqu’il accélérait le pas dans les rayons. Chupa ne parlait pas, il bafouillait des mots hachurés par le barrage constant d’une boule de Chupa Chups, et j’avais plus appris par sa gestuelle que par ses fouilleuses explications.


Un jour que je comptabilisais les packs de bouteilles « Cristalline » dans la réserve, studieuse et silencieuse, j’entendis les gars s’affoler sur ma petite personne.



Et Chupa avait plaqué l’imbécile contre une rangée de boîtes de conserve qui fit trembler les bouteilles devant moi.



Chupa était parti en grognant et avait croisé mon regard. Fin de partie.


Que gagne-t-on quand on perd ? C’est peut-être là que j’ai saisi la volupté de la pauvreté, de l’échec, qui en somme et après coup m’était apparue comme un bienfait, une richesse. Chupa était à la fois emblématique de cette pauvreté d’esprit et de cette disgrâce du corps.

Ce fut sans doute l’acte fondateur de ma ligne de vie. De là, je n’ai pas cherché des corps sculpturaux, des performeurs. Vous le savez, j’aime l’informe des corps, les sexes que d’autres abhorrent, moi je les traite comme des objets cultuels et magnifiés. J’ai rendu à ceux qui bandent mou, à ceux qui bandent court, j’ai rendu ce que mes lèvres et mon épiderme pouvaient donner de plaisir. Encore aujourd’hui, même si la rigidité m’est nécessaire – qu’on pourfende mon cul avec son bâton de chair irriguée me satisfait bien sûr –, qu’au mélange de verges j’en vois une qui peine, une qui s’efface, qu’aussitôt ma langue lape, ma bouche accueille.


Chupa revint vers moi dès le lendemain, un air penaud, mais en somme Chupa transportait toujours avec lui une forme de mélancolique lassitude. Chupa savait que la vie ne l’avait pas bien servi.



J’étais étonnée de cette confidence que je n’avais pas suscitée. Mais simplement mon corps n’était-il pas un appel muet à la chair ? Le voyait-on comme un corps confident, une forme accueillante ?



La nuit suivante, j’avais ourdi le plan de me rallier à l’équipe du matin avec l’idée fixe en tête de perdre ma virginité aux aurores, entre les packs d’eau et les bouteilles d’huile.

Pour connaître la véritable rotation de stocks, je proposai donc au directeur de rejoindre l’équipe du matin.



Ce type ne s’adressait à moi qu’avec une grossière et méprisable condescendance. Attitude que j’analysais comme un pur sentiment de frustration à l’encontre de papa qui dirigeait un empire industriel.



Une nuit sans dormir. Chupa m’avait occupée une nuit. Une courte nuit. Voilà ce que fut ma nuit fantasmatique. Embrumée et excitée, dans la nuit tempérée, je filais sur mon Piaggio en serrant les dents pour ne pas jouir. Je crois pouvoir dire que ni le souffle du vent ni cette nuit d’août n’avait réussi à assécher le suintement qui m’avait tenu durant mon trajet. Je me savais allant vers le plaisir et j’étais déjà dans le plaisir. Lorsque j’entrais dans la réserve mon corps tremblant, en un regard panoramique, je cherchais Chupa qui manipulait un transpalette chargé de cartons. Je lui posai un bisou sur la joue, car je n’avais rien trouvé d’autre. Comme ce n’était pas habituel, Chupa baragouina quelques mots incompréhensibles. Je me dirigeai vers l’allée des racks pour vérifier que nous ne fûmes que tous les deux, mais au final je ne fus pas aussi entreprenante que dans mon fantasme. Chupa tira sa palette jusqu’au magasin et je n’eus que ma main pour seule amie. Je savais le temps compté et ce jour, ce matin-là était le mien. Forcer la nature serait un bienfait. Lorsque Chupa fut de retour, je m’empoignai mentalement des forces qui me restaient et m’avançais vers lui. Postés immobiles l’un devant l’autre, il semblait que Chupa entrevoyait une situation étrange. Alors j’avais perdu mes tremblements, alors j’avais laissé mes hésitations. Je retirai d’un geste brusque le Chupa Chups de la bouche de Chupa et y glissai ma langue. Semblablement à moi, Chupa perdit son inhibition et, plus que de m’embrasser, il sortit son membre en se branlant. Je trouvai à cette initiative du panache. Oui, mais sa queue n’était pas droite, pourtant, le matin… m’avait-il dit. Elle était longue et courbe, tombante, un gland très apparent en forme d’ogive la finissait.



Et je le branlais avec mes nichons. Ma jouissance fut immédiate, puis je donnais de frénétiques coups de langue, faisant balancer sa queue comme un battant de cloche. Mes espoirs de perdre ma virginité étaient vains, mais mon plaisir vainquait. Chupa au final, était plus ardent que les lents et poussifs déplacements qu’il faisait dans les allées du magasin. Sa façon de manier mes seins tout comme s’il soupesait des melons, surprenante de prime abord, avait fait redoubler mon plaisir. Je me retournai, présentant mon cul à sa bite, mais Chupa, non, ne bandait pas. Il poussait des grognements et agitait sa queue entre mes fesses. Et si sa volonté, tout comme la mienne, était de pénétrer mon sexe, son membre lui jouait un tour. Un sale tour matinal. Je me remis à l’œuvre avec l’engouement d’une avaleuse de sabres. Sa bite lâcha comme un jus aqueux, fluide, et Chupa poussa un petit cri d’orfraie. J’avalai son sirop, j’étais heureuse. Heureuse, mais encore vierge.


Perdre ma virginité ne fut pas une quête, mais une surprise. Je crois que les choses sont prédéfinies et dictées par un dieu. Enfin, un dieu ou autre chose, je ne vais pas épiloguer sur l’aspect théologique de nos destinées, un peu éloigné des choses du sexe.

Jeune, très jeune, comme je vous l’ai dit déjà, le sexe m’intéressait. Quand d’autres petites filles câlinaient leur poupée, moi j’observais les hommes autour ou dans maman. Je trouvais à cela une forme sublimée de la magnificence. Donc, après l’épisode Chupa, j’étais toujours vierge.


Et au final, ma quête de la verge qui me déflorerait n’était pas payée de retour. Je trouvais aux hommes qui passaient dans le champ de gravitation de maman, quelque chose de ridiculement voilé dans les agréments qu’ils m’octroyaient, agréments physiques bien sûr. La distance qu’ils s’évertuaient à mettre et la proximité qu’ils s’efforçaient maladroitement à cacher. Ni trop ni pas assez. Au fond de moi, je n’attendais pas que l’on me flatte sur ma jolie robe, sur ma ressemblance avec maman. Chupa avait eu le mérite du droit chemin.



J’étais dans cette mouvance, dans cette ligne directrice. Mais ici on se targuait de bienséance, de protocole et je compris « vitement » que je n’avais rien à attendre de ceux-là. Maman alimentait à merveille cette superficialité, mais savait utiliser les hommes comme elle l’entendait. Maman était un modèle d’intelligence.


Comme j’étais durablement intégrée dans l’équipe du matin, je croisais chaque nuit l’équipe des éboueurs qui bien entendu me lançaient après des appels de phares de petites vannes superficielles à connotation sexuelle. J’avais opté pour une approche progressive, tant dans la tenue vestimentaire que dans ma relation de courtoisie. Petit signe de tête d’abord, puis bonjour de la main, puis une poignée de secondes d’arrêt.

J’en étais arrivée à attendre leur passage avec une frénésie nocturne qui annihilait toute autre pensée. Les nuits sans sommeil me rendaient épuisée après le travail, en milieu de journée.


Des après-midi entiers étaient consacrés au sommeil récupérateur. Donc les jours passant, mes jupes raccourcissaient et mon décolleté s’ouvrait. J’ai eu la chance dès l’adolescence d’avoir une poitrine avantageuse, comme on dit. J’avais alors le sentiment que mon corps avait été fait pour qu’on le touche. Une prescience de ma vie de libertine.

Du haut de sa cabine, le chauffeur pouvait aisément apercevoir la pointe de mes seins sous la chemise entrebâillée, chemise que j’avais empruntée à papa – j’ai toujours trouvé un attrait sensuel aux chemises d’homme, une forme d’objet érogène. Je ris très fort sur le bord de la route, chevelure lancée en arrière, en appui d’une jambe sur le marchepied laissant la croisée de mes cuisses visibles.



Je sentais une forme de tension, des ondes électriques chargées, passant d’eux au centre névralgique de mon ventre. Et comme je mesurais la rapidité des choses, du passage de la vie, j’avais déjà cette capacité naturelle à limiter les intermédiaires pour employer une formule de gestion des flux. J’étais déjà dans le supply chain du sexe.



De suite, je lui dégrafai la braguette de sa cote vert et jaune et sortis son sexe pour le sucer dans la foulée. Les deux autres ne tardèrent pas à sortir leur queue en regardant le spectacle et réclamer leur tour. J’exécutais une forme d’aller-retour constant vers chaque bite, me régalant de chacune. Déjà, et sans doute plus encore ce jour-là, cette nuit, je me rendis à l’évidence que le sexe des hommes me laissait immensément heureuse.

Mes trois compagnons introduisaient avec fougue leur queue entre mes lèvres, mais j’étais encore vierge. Allongée sur la couverture que j’avais réclamée, chacun branla son membre sur mon visage. Chacun frotta son gland visqueux sur mes seins et chacun largua son jus dans ma bouche. Je vous passe, car cela est bien loin maintenant, les mots salaces qui fusèrent, mais en ce domaine la litanie reste semblable avec le temps.

Lorsque mes trois chevaliers eurent vidé leur jus dans ma bouche, ils se trouvèrent visiblement penauds, pris entre les incontrôlables injonctions du corps, les irrémissibles lois morales et le couperet du Code pénal. Je pris volontairement un air contrit.



Cette bande de balourds décidément ne comprenait rien.



Je sautai sur mon scooter en oubliant que ma poitrine était à l’air et filai droit vers mon Intermarché.


Quelques jours passèrent et je snobais mes courtisans, droite et fière sur mon Piaggio, en croisant le camion.

Un matin, il barrait le chemin qui menait à notre propriété et les trois ramasseurs d’ordures m’attendaient, bras croisés sur le torse. Comme le taureau face aux picadors, je stoppai à quelque dix mètres.



Si la vue du sang excite la bête, une fille qui se refuse rend nerveux le mâle avide.



Il faut préciser que semblablement aux autres jours, j’avais opté pour des vêtements aux coupes évocatrices. Maman avait une robe au tissu très extensible qui couvrait le corps entièrement, mais je le cintrais jusqu’à laisser la marque de chaque pore, pour forcer le trait. Mes seins déjà bien formés laissaient comme l’empreinte du petit cône que faisaient mes tétons. L’extension de mes cuisses faisait la tension parfaite de la robe comme un fourreau de double peau. J’ai omis de dire que depuis la rencontre de ces trois travailleurs, je chaussais chaque nuit les escarpins de maman (Louboutin déjà) pour les échanger contre des baskets, arrivée au travail.


J’avançai au pas vers les trois hommes sur mon scooter, lorsque l’un d’eux serra fermement sa main sur mon bras. Pour ne pas me jeter à terre, il m’invita à la docilité. Ce ne fut pas la peur qui me fit crier, ce fut le désir. De suite, les deux autres quittèrent leur cote vert et jaune, nus comme des vers, m’entraînant vers la couverture qu’ils avaient préparée. L’un d’eux s’y allongea tandis qu’on enlevait ma robe, sans ménagement.



On me planta sur la queue raide de l’allongé, je criai en perdant du sang, mais alors je n’étais plus vierge. Pendant qu’un me baisait – moins que je ne le baisais – en soufflant la bouche fermée, je cherchais les queues des deux autres. Je peux presque dire qu’il me semble me souvenir de leur goût âpre et cotonneux à la fois. L’allongé me baisait avec une forme de révulsion dans les yeux, proche de la folie, semblable à un anoxique.

Je tentai d’entrer les deux glands dans ma bouche, mais ceux-là étaient épais et la jouissance figeait mon corps jusqu’au mouvement des lèvres. Puis je me retirai de ma position d’amazone, tendant mon cul, le visage enfoui dans la couverture. Je voulais faire durer. Je voulais tout, et pour la première fois de ma vie, je prenais tout. Il me semblait prendre une revanche sur le temps et pourtant je n’avais que dix-sept ans.



L’un emplissait mon cul, l’autre mon vagin, et je suçais le troisième. Comme un tour de garde, chacun prenait son quart. Je ne mentirais pas en disant que cela dura une heure passée. Les hommes n’en étaient plus. Ils étaient comme on dit, tous trois bien montés. On avait pris et repris mes trous. Ma réticence simulée du début, tout comme mon consentement non-dit, mais avéré, les avait rendus à l’état animal. Alors qu’à tour de rôle ils me sodomisaient, je cherchais une plus-value à ce moment hors du temps.


Dans le tas mélangé de leurs habits de travail, j’aperçus une ceinture. Avec peine, car on s’agrippait à mes hanches, on s’arcboutait pour m’enculer plus profondément, je réussis à m’en emparer. Je criai à mes conquérants :



Il faut vous dire que le verbe « dérouiller » n’était pas alors naturellement de mon registre de langue, mais que le divin marquis ou un autre écrivain, peut-être Pauline Réage, me l’avait enseigné. Donc :



L’un des trois, le plus hardi, claqua sur mes fesses la ceinture, et ce que Sade m’avait enseigné me revenait dans sa réelle réalité. Le coup sec et brutal me fit suffoquer et sa brûlure m’emmena là où le plaisir de la fellation et de la sodomie conjuguées ne m’avait pas encore conduite.



Les coups pleuvaient, les queues s’agitaient dans un tournoiement de folie. Les hommes lâchaient leur jus et fouettaient mes seins, mes fesses, tout mon corps. Je me sentis défaillir, je crois avoir été emportée par le plaisir suprême.

Lorsque je sortis de ma torpeur heureuse, j’étais nue sur la couverture. Au sang de mon sexe se mêlaient les effilures rougeoyantes du cuir qui m’avait cinglé.

À quelque dix mètres de là, papa était passé en voiture sans me voir. Je frissonnai d’un plaisir infini.

Je réussis à m’habiller, repris mon scooter et montai non sans mal à ma chambre. Ce jour-là, je ne travaillai pas, j’avais ourdi la mise en scène que j’avais vécue.


Je fus sous les draps deux jours durant, simulant un mal de fille. Après, j’ai caché soigneusement la robe de maman. Je la garde encore comme un cadeau, comme l’objet vénéré de mon voyage initiatique. Elle m’a donné ses escarpins.

J’ai aimé les étirements de ma peau sous les lacérations des coups de ceinture. Après cette nuit-là, j’ai joui du plaisir qui poursuivit son œuvre plusieurs jours durant… et peut-être encore maintenant.

Pour retrouver ce jeu, je me devais de préserver une forme de sportive, alors longtemps je me suis couchée de bonne heure.



(Pardonnez-moi, Marcel…) LRR