Là-haut, sur la montagne
C’est l’hiver, le temps pluvieux et le vent glacial n’incitent pas à sortir, ne parlons pas d’aller marcher ou de filer en station profiter de la poudreuse. Un peu de glande fait du bien de temps en temps, d’autant plus que c’est un week-end rugby, avec le tournoi des six nations. C’est devenu un rituel : les jours de match, c’est comme à l’église, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Pendant que les mecs se retrouvent devant la télé, les bières au frais, nous faisons une soirée entre filles. Armelle, Catherine et moi Audrey, on se connait bien, depuis bientôt vingt ans qu’on fait des sorties montagne ensemble.
Ce soir, c’est moi qui invite, j’ai amené les enfants chez les grands-parents, on sera tranquilles. Nous avons aussi convié Léa. Elle a eu son premier poste de prof, l’année passée, dans le même collège que Catherine et avait remplacé, au pied levé, un copain lors de notre dernière rando. Cela n’avait pas dû être facile pour elle de se retrouver avec trois couples de quadras qui se connaissent par cœur. Une fille sympa, mais réservée. Elle est très jeune, à peine 25 ans, et vit seule, avec son chat, nous avait-elle dit. Pourtant, un beau brin de fille, on voyait les regards que nos hommes lui lançaient.
J’ai préparé un grand bol de punch, les tapas, tout le nécessaire, et le superflu, pour un apéro dinatoire réussi. Naturellement, on parle montagne, ski, nuits en refuge. On se rappelle certains mecs, frimant avant le départ mais se liquéfiant quand la marche devenait un peu aérienne, on se souvient de météos capricieuses, de marches sous des trombes d’eau ou dans un brouillard à couper au couteau. Et des types bizarres, dans les refuges, on en a rencontrés quelques-uns, des allumés de la performance qui dinaient de trois noyaux d’abricot, des babas cool que rien n’affolait ou des dragueurs à la Michel Blanc dans les Bronzés.
- — On pourrait écrire un roman, dis-je,
- — Et le chapitre drague serait bien fourni, complète Armelle. On en a vu des couples se faire et se défaire, des rencontres nocturnes, des matins peu glorieux.
- — Et encore, on ne voyait pas tout, ajoute Catherine. Telle que je te connais, Armelle, tu n’as pas quelques histoires un peu chaudes ?
- — C’est marrant comme coïncidence. Avant-hier, en me baladant sur les réseaux sociaux, je suis tombée sur la photo d’un mec qui m’a fait vivre, il y a quelques années, une expérience étrange, assez limite. Mais donnant-donnant, vous ouvrez le bal, vous chauffez la salle et je vous raconte ça.
Armelle a toujours été, de nous trois, la plus extravertie, la plus libre. Si elle n’en avait jamais parlé, ça doit être gratiné. J’interpelle Catherine :
- — Allez, commence. C’est toi qui a lancé la discussion, assume !
Le salon est faiblement éclairé, on devine les visages plus qu’on ne les voit, la playlist de musique folk joue en sourdine, c’est presque comme au confessionnal.
- — Vous vous souvenez qu’on est partis, Pierre et moi, à la fin de l’été 2010, faire un trek dans les montagnes de l’Altaï, en Mongolie. Au-dessus de deux mille mètres d’altitude, en journée, avec un ciel sans nuage, le soleil tape dur, la température dépasse allègrement les trente degrés ; en revanche, les nuits sont glaciales. Le confort est très sommaire, pas de WC, on fait dans la nature, on se lave dans les torrents, autant dire que c’est une toilette de chat. Sous la tente, on dort presque tous habillés, engoncés dans les duvets.
- — Pour les câlins, il faut repasser !
- — C’est sûr. Au bout d’une semaine, nous arrivons dans une petite ville où notre guide nous avait promis une douche chaude. Mais c’est jour de marché et les bains publics sont bondés. Notre accompagnateur négocie un passage pour notre groupe, les couples prenant leur douche ensemble pour accélérer la rotation.
- — On te voit venir.
- — Quand vient notre tour, Pierre et moi entrons dans la cabine. C’est assez rudimentaire, les parois sont en béton brut, s’arrêtent à deux mètres de haut, pas de plafond, on entend le bruit des douches tout autour de nous. Il y a à peine de quoi poser les vêtements mais la douche est chaude, le jet d’eau est puissant. C’est un vrai bonheur de se décrasser après une semaine de crapahutage.
- — Après la première gorgée de bière, il faudrait faire un bouquin sur la première douche après quelques jours de rando…
- — Mais les meilleures choses ont une fin, il faut laisser la place aux autres. J’ai dit que les cabines n’étaient pas bien grandes, surtout à deux. Je finis de me rincer quand je sens contre moi quelque chose de bien dur. Je me retourne, Pierre me regarde, la queue dressée vers le ciel.
- — Une petite gâterie ?
- — Autant je ne pensais pas au sexe quand nous sommes entrés, de me sentir propre a réveillé une furieuse envie. Je ne sais pas quand on pourra se retrouvera ensemble au lit, alors je me fous de là où nous sommes, je me retourne et il me pénètre immédiatement. Même s’il est super excité, Pierre ne veut pas me laisser en plan, il me connaît bien et fait ce qu’il faut.
- — Allez, ne fais pas la timide, un peu de détails !
- — J’ose à peine le dire, quand il me prend en levrette, il sait que masser mon petit trou, ça me fait décoller.
- — Mmmm !
- — Au début, j’essaye de me maîtriser, mais c’est tellement bon que je râle de plus en plus fort. Pierre a changé de rythme, sa queue me percute violemment faisant un bruit mat, résonnant contre ces murs de béton. Je crois que je n’ai jamais joui aussi vite, rarement aussi fort et je n’ai pas pu éviter de le faire savoir… Quand Pierre éjacule peu après, ses jets ne s’arrêtent pas, il me remplit comme il ne l’a jamais fait.
- — Un peu d’abstinence fait monter la pression.
- — Quelques minutes plus tard, quand nous sortons de la cabine, un groupe de jeunes filles attend devant la porte, visages hilares, nous faisant une haie d’honneur. C’est tout juste si elles n’applaudissent pas. On avait déjà fait des douches coquines, mais jamais avec un public.
- — J’espère que vous continuez à en faire ! déclare Armelle. Léa, on ne te choque pas ?
- — Même si je vis seule, je ne suis plus une jeune fille. J’en ai entendu d’autres, ne vous inquiétez pas pour moi.
- — C’est à mon tour, je vais vous parler d’une nuit en refuge, dis-je.
Ce soir, je me sens prête à la faire vivre aux copines, le punch doit y être pour quelque chose.
- — C’était au mois de septembre, il y a trois ans. Avec Christian, nous avons entamé une randonnée de quatre jours dans le Vercors. La première journée a été rude : 7 heures de marche et 1100 m de dénivelé. Lorsque nous arrivons au refuge, je suis crevée.
- — On connaît ça. Heureusement qu’on ne s’occupe pas du repas en arrivant, c’est pas comme à la maison !
- — Le refuge est aménagé en chambres pour quatre, deux lits superposés étant face à face. Nous nous installons, nous avons le choix car nous sommes les seuls occupants de la chambre, puis descendons dans la salle commune avant le diner. Vous connaissez les repas dans les refuges, c’est pas régime minceur. On l’a bien arrosé aussi. Vers 21 heures, mes paupières se ferment et je souhaite le bonsoir à la compagnie. Christian est resté, embarqué dans une partie de belote.
J’ai les yeux fermés, tous les détails me reviennent.
- — A peine enroulée dans mon duvet, je m’endors d’une masse. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais après une grosse journée de marche, je fais souvent des rêves agités. Cette nuit-là, je me souviens d’un lac noir, des bourrasques de vent, je ne sais pas ce que je fuis, mais je cours à en perdre haleine, je me sens oppressée, je ne peux plus respirer, je me réveille d’un coup. La chambre est plongée dans le noir complet, il me faut quelques instants pour me repérer. Je n’ai aucune idée de l’heure, je n’ai peut-être dormi qu’une heure ou c’est le milieu de la nuit. Dans le silence de la chambre, me parvient un léger bruit, régulier, un frottement, un animal grattant quelque chose ? C’est tout proche de moi, je tends la main vers le lit en face, pour réveiller Christian. Je heurte quelque chose ou plutôt quelqu’un, Christian est debout entre les deux lits… Une petite exploration et je comprends vite, il est fesses nues, en train de se masturber. Il faut dire que je n’étais pas disponible les jours précédents.
- — Le pauvre…
- — Je ne peux pas le laisser comme ça et je prends les choses en main, c’est le cas de le dire ! Je commence à le branler, d’abord doucement, puis j’accélère. Mon autre main part à la découverte de ses couilles, on dirait des cailloux tellement elles sont dures. Comme je suis toujours couchée, je l’attire vers moi. Il pose une main sur ma tête, le message est clair, je sens bientôt sa queue contre mes lèvres. La fellation n’est pas ce qui m’excite le plus, mais j’aime faire plaisir à mon chéri. Je lubrifie bien le gland, la salive coule le long de la verge. Et je m’applique à bien descendre le long de la hampe.
- — J’espère qu’il a apprécié le traitement.
- — Il ne dit pas un mot. Mais à sentir sa queue se déployer, devenir dure, il doit aimer. Je m’applique à le faire entrer de plus en plus loin, s’il veut jouir dans ma gorge, je le laisserai faire. Il continue de grossir, sa bite entre si loin que j’ai du mal à respirer, j’en ai mal à la mâchoire.
- — Nos mecs ne se rendent pas compte de ce qu’on fait pour eux !
- — Il défait le zip de mon duvet, ouvre le pyjama et commence à me caresser les seins. Dans la nuit fraiche, mes tétons pointent, j’ai la chair de poule. Quand ses mains descendent plus bas, je m’avoue vaincue, j’enlève mon bas de pyjama, ma culotte et lui laisse l’accès à mon ventre. On est allés trop loin, on ne s’arrêtera plus. Je le retire de ma bouche, me lève (essayez de baiser sur un lit superposé, c’est un coup à s’assommer) et me positionne en levrette, les bras en appui sur le lit. Il me saisit les hanches et me pénètre. J’encaisse mal la puissance de son coup de bassin, je suis surprise et je pousse une plainte. « Chut » me dit-il. Il est vrai que les chambres sont mal insonorisées, on entend des ronflements chez nos voisins, des voix venant de la salle commune. Et d’entamer une grande cavalcade. On fait souvent l’amour avec mon mari, mais là, il est dans un grand soir. Comme je commence à ne pouvoir retenir mes gémissements, il met une main sur ma bouche et accélère encore. Mes pieds nus, sur le sol froid, sont glacés, mais mon sexe est une fournaise. D’être dans le noir, d’avoir mon homme me ramoner aussi fort, de sentir sa queue cogner au fond de mon vagin, d’être aussi bien remplie, mon excitation monte en flèche.
- — Tu sais quoi, tu me ferais mouiller, dit Armelle.
- — Je commence à lâcher prise, il me caresse le clitoris et très vite, c’est la délivrance. Je tombe sur le lit, complètement sonnée. Il est sorti de moi sans avoir joui. Il me cherche de la main, me fait basculer sur le dos, je l’entends se masturber à grands coups et très vite, il m’arrose, les seins, le visage. Il en a foutu partout, je commence à râler, il répond d’un simple « Chut ».
- — C’est pas lui qui devra dormir dans un duvet tâché.
- — A cet instant, un bruit de pas devant la porte, elle s’ouvre. Je n’ai pas le temps de me rhabiller, je referme mon duvet, j’entends mon mari sauter dans son lit. Une silhouette entre, soit le gars s’est trompé de chambre, soit c’est un randonneur qui est arrivé juste avant le repas et qui a été affecté dans notre chambre. Sa lampe frontale est en lumière rouge, la faible lueur me laisse dans l’obscurité. J’en profite pour me nettoyer le visage et le corps avec mon pyjama. Je dois faire un peu de bruit, la lampe éclaire mon visage. Et là, j’entends : « Je t’ai réveillée ? ». C’est Christian ! Il me fait un baiser sur les lèvres et me souhaite bonne nuit.
- — Mais tu venais de baiser avec qui ?
- — Je ne sais pas, ce n’était pas mon mari, c’est sûr.
- — Et tu ne t’en es pas rendue compte ?
- — Je sortais d’un rêve, la chambre est dans le noir complet, il n’a pas dit un mot, les seuls contacts, c’étaient ses mains et son sexe. Sa queue m’avait parue plus grosse que d’habitude, mais je mettais ça sur le compte des circonstances.
- — Et tu n’as pas fait un scandale ?
- — Non, j’étais sonnée, incapable de penser, je me sentais aussi un peu responsable, j’avais fait le premier pas en le masturbant, même si je pensais que c’était mon mari. Et peut-être que j’étais reconnaissante pour l’orgasme que j’avais eu. Quand j’entends Christian ronfler, je repousse les explications au lendemain.
- — La nuit porte conseil, il paraît.
- — Le lendemain matin, Christian me réveille, il est 7 heures, il n’y a personne d’autre dans la chambre.
- — Et tu as dit quoi à Christian ?
- — Je n’ai pas osé en parler ce jour-là, ni plus tard.
- — Tu l’as retrouvé, ton baiseur ?
- — Je n’ai jamais su son nom, ni à quoi il ressemblait… Rien que d’en parler, j’en ai des frissons, mais pas de peur, rassurez-vous !
- — Un toast pour le baiseur inconnu ! lance Catherine.
Pendant qu’on sirote notre verre de punch, je regarde les copines, je craignais de les choquer, mais elles se marrent.
C’est le tour d’Armelle, on va pouvoir entendre son histoire.
- — Vous savez qu’avec Martin, on a eu des hauts et des bas. En particulier, il y a cinq ans, on se posait des questions, surtout moi, d’ailleurs. J’ai voulu faire un break et je suis partie du Puy-en-Velay faire une partie du chemin de Compostelle. Quand tu marches en solitaire, tu as le temps de réfléchir, de remettre un peu d’ordre dans le fouillis de ta vie. J’aime bien la route de Compostelle, c’est bien balisé, on a de nombreuses possibilités d’étapes et c’est suffisamment fréquenté pour se sentir en sécurité. La première journée se passe bien, une étape pas trop longue pour retrouver le rythme, réhabituer mes pieds aux chaussures et mon dos au poids du sac.
Elle s’arrête un moment, ça paraît difficile à sortir.
- — En fin d’après-midi, je m’arrête dans une maison d’hôtes, j’avais appelé auparavant, il y avait de la disponibilité, seule une autre chambre avait été réservée. Après la douche et un peu de repos dans la chambre, je descends pour le dîner. Les propriétaires sont très sympas, habitués au passage des randonneurs, ne se formalisant pas quand on débarque en sueur, les chaussures boueuses. L’autre randonneur est déjà là, j’apprends qu’il se nomme Bernard et nous passons directement à table avec nos hôtes. La discussion s’engage naturellement sur le chemin de Compostelle, les itinéraires, les motivations des marcheurs. Bernard explique qu’à l’approche de la cinquantaine, il a voulu prendre un congé sabbatique pour se ressourcer.
- — Il faisait quoi comme métier ?
- — Il travaillait dans un hôpital, je crois qu’il était médecin.
- — Il ressemblait à quoi ?
- — Physique banal, assez grand, plutôt costaud. Comme j’étais assise à côté de lui, je ne l’ai pas vraiment détaillé. Après le repas, nous montons dans nos chambres respectives. Arrivés sur le palier, je lui souhaite une bonne nuit quand il s’approche et pose ses mains sur mes épaules. Il ne m’avait jamais touchée auparavant, ni même adressé une seule parole, je ne sais même pas s’il avait pris conscience de mon existence ! Je vais pour me dégager quand je croise son regard et là, je me sens toute chose. Il en profite pour me faire reculer dans ma chambre.
- — Un seul regard suffit ? J’espère qu’il avait de beaux yeux.
- — Ce n’est pas un regard coup de foudre, du mec qui te fait craquer instantanément, avec qui tu as envie de filer au lit. Non, je deviens passive, incapable de parler, de faire un seul geste. Il me fait assoir sur le lit et, sans un mot, baisse son pantalon, son slip. Son sexe pend devant mes yeux, il me prend une main, la pose sur son sexe et commence à la faire coulisser.
- — Tu l’as laissé faire ? Tu me surprends ! Je t’ai vue claquer des mecs pour moins que ça !
- — Je suis comme hypnotisée, ses yeux ne me quittent pas. Je commence à le masturber doucement, sa queue se déploie, durcit rapidement et prend un volume impressionnant, et je peux vous dire que j’ai un peu d’expérience. Il me saisit la tête à deux mains, la descend jusqu’au moment où je sens le contact de son gland, force les lèvres et s’introduit dans ma bouche. Il ne me lâche pas pour autant, alternant des petits mouvements, des rotations, avec des grands va-et-vient, sans se soucier de mes déglutissements, des larmes qui me viennent aux yeux. Quand il accélère ses pénétrations, je comprends que la jouissance est proche mais je suis incapable de me retirer. Il continue à me baiser la bouche en me tenant fermement. Son corps s’arc-boute, sa queue pénètre au fond de ma gorge, ses couilles me percutent le menton et je sens ses giclées arriver. Je suis à moitié étouffée, pas moyen d‘avaler, c’est difficile de respirer. Sans se soucier de moi, il continue de me baiser tant qu’il n’a pas envoyé tout son foutre avant de me relâcher. Je relève la tête, un peu hagarde, les larmes ruisselant sur les joues, le sperme coulant aux commissures des lèvres. « J’avais besoin de me vider les couilles ! ». Sur ces mots, il regagne sa chambre.
- — Pas très romantique, le gars.
- — Je me retrouve seule comme une conne. Le lendemain, je descends pour le petit déjeuner, Bernard est déjà prêt à partir. Sans même un bonjour, il me tend un papier : « Tu me retrouves là ». Et il s’en va…
- — Ne me dis pas que tu l’as suivi !
- — J’ai jeté le papier. Je suis furieuse contre lui de m’avoir traitée comme une pute, furieuse contre moi aussi, incapable de lui résister. Et je reprends ma route. Il ne manque pas de possibilités d’étape tout au long du chemin, mais, en fin d’après-midi, quand je décide de m’arrêter, je me retrouve devant la maison d’hôtes qu’il m’avait indiquée, j’avais dû inconsciemment mémoriser l’adresse.
- — Il t’avait ensorcelée ?
- — On pourrait dire ça. La propriétaire me reçoit courtoisement et indique que mon ami attend dans la chambre. Je monte, il est assis dans un fauteuil, près de la fenêtre, en train de lire. Il lève les yeux de son bouquin, me découvre ruisselante de sueur. « La salle de bain est sur le palier » et replonge dans son livre. Je pose mon sac, sors ma trousse de toilette, mon change de vêtements. Au moment où je quitte la chambre, il ajoute « Ne ferme pas les portes ».
- — Tu savais ce qui t’attendait.
- — Oui. Je sors de la douche pour me sécher quand, dans le miroir, je le vois arriver derrière moi, nu, le sexe dressé. D’une main, il me fait écarter les jambes, et, sans attendre, rentre sa queue d’un seul coup. Je me retrouve propulsée contre le lavabo, l’arête du meuble me rentre dans le ventre, ça fait mal. Cela ne l’arrête pas et il commence à me baiser à grands coups. Il n’a pas mis de capote, il ne sait pas si je me protège, il s’en fout, c’est de la folie. Ses mouvements sont puissants, le bruit sourd des claquements de son ventre contre mon cul résonnent dans la salle de bains et doivent s’entendre dans toute la maison, d’autant que la porte est restée grande ouverte. Malgré tout, je sens mon excitation monter, je ne déteste pas, de temps en temps, une baise un peu hard. Mais quelques grognements me préviennent, il va jouir. J’espère qu’il va se retirer jusqu’à ce que je sente son foutre arriver. Quand il a terminé, il s’essuie le sexe sur mes fesses, avant de sortir de la salle de bains, en lançant : « On se retrouve en bas pour le repas ». Et il me laisse en plan, frustrée de ne pas avoir eu ma part de jouissance.
- — Mais c’est un vrai connard !
- — A 19 heures, je descends retrouver nos hôtes dans la salle à manger. Bernard vient vers moi, me caresse les fesses négligemment, défait deux boutons de ma chemisette et, d’un air chagrin, lance : « Vire-moi ce soutien-gorge ! ». Quelques minutes plus tard, le temps de monter à la chambre, je regagne la salle à manger. Mes seins ballottent librement, les tétons visibles sous le tissu léger. Notre hôtesse nous regarde d’un air interrogatif, elle n’a pu ignorer notre intermède sexuel et elle a probablement entendu la demande de Bernard. Elle nous demande si nous sommes partis depuis longtemps. Avant que j’aie le temps de répondre, mon compagnon intervient : « Elle, je ne sais pas, on s’est rencontré hier soir. ». Un peu gêné, le propriétaire demande si notre étape n’a pas été trop longue. Bernard en remet une couche en déclarant qu’il préfère marcher seul, à son rythme, et qu’on ne se retrouve que le soir à l’étape. La réponse désarçonne nos hôtes, la discussion devient très superficielle. Je ne dis plus un mot, vu les regards du couple, j’ai bien compris que j’étais cataloguée comme une marie-couche-toi-là. Dès le dessert avalé, mon compagnon les remercie pour le repas. Comme il m’entend demander quelques conseils pour l’étape du lendemain, il m’interrompt : « Viens dans la chambre, nous avons des choses à voir. ». Je deviens rouge comme une pivoine et le suis, sans piper mot.
- — Comment tu as pu supporter ça ?
- — Cela reste un mystère pour moi. A peine arrivé dans la chambre, il se met au lit. Que dire de la soirée ? Je suis à peine couchée qu’il commence à m’entreprendre, les embrassades, les câlins, les préliminaires, il ne connaît pas. Comme il avait joui plus tôt dans la journée, il est moins pressé, plus endurant. Il ne prête aucune attention à moi, à mon plaisir, il varie les positions, sur le dos, sur le ventre, à genoux. Avec mon mari, pour arriver à la jouissance, j’ai besoin de temps, de caresses. Ce n’est pas le style de Bernard. Quand enfin, il éjacule longuement dans mon vagin, je suis épuisée, les membres courbatus, la voix éraillée. Pour tout bonsoir, un simple « Rien de tel qu’une bonne baise pour bien dormir ». Deux minutes après, il ronfle.
- — Et toi, tu ne te poses pas de questions ?
- — De le sentir à côté de moi, je suis incapable de penser, de me raisonner. C’est lui qui me réveille. Je dors à plat-ventre, la tête dans l’oreiller, quand il se couche sur moi et, toujours, sans dire un mot, me pénètre. La position n’est pas trop confortable pour lui, il m’attrape par les hanches, me fait mettre à genoux, je suis ses mouvements, à moitié endormie. Pendant qu’il ramone mon sexe, il m’enfonce un pouce dans l’anus. Je sursaute, Bernard n’étant pas un délicat, j’ai tout à craindre d’une sodomie. Une claque sur la fesse me calme immédiatement. Il m’écarte les fesses, crache sur mon cul, présente son sexe et force le passage. La douleur est intense, mais je le laisse faire. En quelques allers-retours, sa queue est rentrée à fond, le conduit est chauffé à blanc, la pression implacable. Je n’ai pas le temps de m’accoutumer à sa queue me dilatant l’anus qu’il attaque son va-et-vient. Je ne bouge pas, complètement passive, ne cherchant même pas à me procurer un peu de plaisir. Ses coups de boutoir résonnent en moi, de plus en plus forts, de plus en plus rapides. A ses grognements, je comprends qu’il va en terminer et je sens bientôt son foutre en moi. Et il se retire.
- — Il t’a fait la totale !
- — J’ose à peine terminer. Il me pousse sur le côté, j’ai les yeux fermés, le cul encore meurtri quand il me force la bouche avec sa queue encore vibrante. Les odeurs sont suffocantes, un mélange de sueur, de sperme, de merde. Je suis à la limite de la nausée, mais incapable de m’opposer à sa volonté. Quand je termine son nettoyage intime, il parait satisfait : « T’es quand même une sacrée salope ! ». Je suppose que c’est un mot gentil de sa part… Il se rhabille dans la foulée et descend pour le petit déjeuner, sans même proposer de m’attendre. Quand j’arrive à mon tour, il est déjà parti. La propriétaire vient me servir, elle a les lèvres pincées, nos séances de baise ont été très bruyantes, elle ne doit pas être habituée à de tels débordements. Je demande si mon ami a laissé un message. Elle me répond négativement, mais ajoute « il nous a dit que c’est vous qui payez la note ».
- — L’enfoiré, en plus, c’est toi qui as payé pour lui ! Et tu l’as retrouvé ?
- — Je ne suis pas repartie. J’étais convaincue que si je continuais mon chemin, je retomberais sur lui. Et que je serais incapable de lui refuser quoi que ce soit, qu’il m’aurait entraînée je ne sais où. Je suis rentrée à la maison et retrouvé mon mari. Il a, comme tout le monde des défauts, mais aussi des qualités. J’ai payé cher de ne pas l’avoir compris plus tôt.
- — Le gars, Bernard, t’avait maraboutée ?
- — Peut-être. C’est lui que j’ai vu sur les réseaux sociaux la semaine dernière. Malgré les années, je l’ai reconnu immédiatement, de voir son regard mon ventre s’est serré, il suffirait d’un clic pour que je le contacte. J’espère pouvoir résister…
On reprend du punch, mais on ne fait pas de toast. Heureusement, le fond de musique empêche le silence de s’établir.
- — Léa, tu n’as pas une petite histoire à nous raconter, un peu plus légère quand même ?
- — Je n’ai pas votre expérience de la vie…
- — Tu peux broder, inventer un peu, on ne t’en voudra pas.
- — J’ai une copine de fac, elle serait là, elle pourrait vous en raconter. Des mecs, elle en a connu, des expériences elle en a vécu beaucoup.
- — Allez, parle-nous d’elle.
- — On était dans le même lycée, sans se fréquenter particulièrement. A cette époque, elle avait une sacrée réputation, on racontait qu’elle avait dépucelé la moitié de sa classe de première. Quand je l’ai mieux connue en fac, je me suis dit que c’était bien possible. Elle n’avait pas de copain attitré mais son lit ne désemplissait pas, une vraie frénésie. Une fois que je prenais un café avec elle, elle m’expliqua qu’elle avait un besoin physique de faire l’amour, qu’elle cherchait le grand frisson mais qu’elle le trouvait trop rarement. Ce qui manquait, disait-elle en rigolant, c’est un fesse-book, pour savoir tout de suite si elle ne perdait pas son temps. Quand je lui parlais des applis de rencontre, elle les pratiquait, mais regrettait de ne pas pouvoir noter ses partenaires.
- — Une notation, comme au collège ?
- — Comme pour les chauffeurs Uber, comme le guide Michelin. Elle avait fait un parallèle entre la bouffe et le sexe. On peut avoir une petite faim, aller dans un fast-food, c’est rapide, nourrissant, parfois lourd à digérer, sans intérêt gastronomique mais sans surprise.
- — Il y a aussi la cuisine de bistrot, poursuit Armelle, c’est souvent de l’assemblage, des recettes toutes faites, c’est pas mauvais, mais pas inoubliable, ils disent que c’est comme-à-la-maison… Si on va dehors, c’est pour trouver mieux !
Et toutes de se marrer, je reprends :
- — Et pour continuer l’analogie, comment un mec obtient des étoiles au Michelin du sexe ?
- — C’est la même démarche. Une étoile, c’est un bon pro, il a des produits de qualité, connaît bien ses classiques, amène un peu de fantaisie dans l’exécution de ses recettes. Deux étoiles, c’est beaucoup plus difficile, on sera plus exigeant sur le service, sur l’environnement, sur la qualité et la fraicheur de ce qui est servi, sur l’originalité. Enfin, les trois étoiles, c’est le graal. Bien peu y parviennent, cela exige du talent, un métier accompli, des produits exceptionnels, un renouvellement créatif permanent, un service irréprochable.
- — Et elle en a déjà rencontré des trois étoiles ?
- — Pas encore, elle recherche toujours le coup de sa vie.
- — Elle donnait sa note au mec ? Ils devaient être déçus !
- — Elle ne le faisait que si le gars la ramenait trop… Une fois, après l’amour, l’homme lui avait demandé si elle avait déjà été aussi bien baisée, elle lui a simplement répondu : « j’ai vu ton étoile tatouée au-dessus de ta queue, tu la mérites à peine ! ».
- — Du répondant, la fille.
Léa reprit ses affaires :
- — Je vous remercie de la soirée, mais je dois rentrer pour m’occuper de mon chat.
Le lendemain matin, mon mari rentre. C’est la tête des soirées difficiles.
- — Alors, lui dis-je, c’est de plus en plus dur de faire la bringue ? Vous n’avez plus vingt ans…
- — On a fêté la victoire des Bleus, ça s’est prolongé dans la nuit. Et votre soirée ?
- — Comme dab, on a bien discuté, bien rigolé aussi. Léa était là également, je voulais lui montrer le livre photo de la randonnée et il m’est venu une question.
- — Je t’écoute.
- — Tu connais beaucoup de couillons qui se sont fait tatouer une étoile au-dessus de la verge à l’occasion de la victoire des Bleus en 98 ?
- — Tu connais déjà la réponse. Je venais d’avoir 18 ans, je voulais garder un souvenir indélébile de la Coupe du monde. C’est vrai que j’en suis moins fier aujourd’hui, je ne le claironne pas sur les toits, je crois que les copains ne sont même pas au courant. Heureusement, cela s’est bien atténué.
- — C’est vrai, il faut avoir les yeux dessus. Alors, dis-moi comment Léa est au courant de ce tatouage ?
Mon mari pâlit d’un coup, j’ai ma confirmation. J’explose :
- — Tu n’as pas honte d’avoir dragué une gamine, de coucher avec une fille qui a presque vingt ans de moins que toi ?
- — Ok, je reconnais avoir couché avec Léa. Mais c’est elle qui m’a dragué ! Pendant la rando, on avait parlé photo, montagne. Elle m’avait dit qu’il y avait un poster dans sa chambre d’hôtel, qu’elle voulait connaître le nom des sommets, l’endroit de la prise de vue. A peine arrivés dans la chambre, elle m’a sauté dessus, fait une véritable déclaration. En deux temps, trois mouvements, elle m’avait baissé le pantalon, poussé sur le lit, commencé une pipe. C’est une belle fille, je n’ai pas pu résister. Et je peux te dire que ce n’est pas une apprentie, elle est jeune mais elle a un sacré tempérament.
Il me parait sincère, Léa s’est bien foutue de moi hier soir. La copine de fac, c’est elle !
- — Et tu as recommencé, tu l’as revue ?
Son hésitation parle pour lui.
- — T’es vraiment un salopard…
- — Autant tout te dire, tu l’aurais su tôt ou tard. Je ne l’ai vue que deux fois, la seconde fois, c’était hier soir.
- — Hier soir, quand elle nous a quittés ?
- — Vers 23 heures, le match vient de finir, on sonne. Martin n’attendait personne, il s’inquiète un peu, un visiteur à cette heure, c’est peut-être une urgence, un problème. On s’étonne de voir Léa, elle nous dit simplement « Je viens de passer deux heures à écouter vos nanas parler de cul, ça m’a donné envie de baiser pour de vrai. » On est un peu interloqués, on a su qu’après qu’elle nous avait déjà tous dragués pendant la rando. Et elle ajoute, comme si on n’avait pas compris « J’espère qu’à vous trois, je vais prendre mon pied ! ». Après tu devines…
- — A la voir, on ne l’imagine pas aussi salope. Quoiqu’il en soit, je te préviens, tu la revois encore une fois, tu fais tes valises.
- — Je pourrais facilement la revoir, mais ce n’est pas dans mes moyens.
- — Je ne comprends pas.
- — Ce n’est pas avec son salaire de prof débutant que Léa peut se payer son loyer, ses fringues, son téléphone. Elle fait des extras.
- — Explique.
- — Depuis quelques années, elle fait l’escort. En un week-end, elle peut se faire plus que son salaire de prof, net d’impôts. On a cherché ce matin sur internet, on a trouvé rapidement sa fiche sur un site bien connu. Elle a un pseudo, sur les photos le visage est flouté, mais on a bien reconnu sa silhouette. Et on a pris connaissance des tarifs…
- — J’espère que les mecs en ont pour leur argent.
- — Sans vouloir te vexer, elle est très bien foutue, elle a du savoir-faire et un sacré tempérament.
Je garde le silence un moment.
- — Je te pardonne pour cette fois. Mais à une condition. Les Bleus ont gagné une deuxième Coupe du Monde en 2018 ?
- — Oui, mais je ne vois pas le rapport.
- — Je ne te demanderai pas de te tatouer une autre étoile, mais j’aimerais bien avoir un mari qui me fasse bénéficier d’un service deux étoiles, côté sexe.