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n° 21964Fiche technique32621 caractères32621
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Temps de lecture estimé : 24 mn
31/08/23
Résumé:  Peut-on aimer deux hommes à la fois ? Marie est partagée entre la raison et les sentiments… Attention aux conséquences !
Critères:  extracon collègues travail amour confession -rupture -extraconj
Auteur : Patrick Paris            Envoi mini-message
Partir, c’est mourir un peu

Il y a des jours comme ça où l’on est heureux sans trop savoir pourquoi.

Ce soir, Marie rentre chez elle toute contente. Elle a décidé de quitter son amant, pas de gaîté de cœur, mais ça n’a que trop duré. La décision a été difficile à prendre, une fois prise, Marie est un peu triste, elle va le regretter, mais elle se sent plus légère, un poids en moins.


Elle le lui dira demain, quand ils se verront à midi comme tous les jeudis. Enfin, elle lui dira si elle en a le courage, car cela fait dix fois qu’elle se jure de terminer cette aventure qui ne la mène nulle part. Ce n’est pas qu’elle ait des remords, mais un jour Michel risque de s’en apercevoir, ce serait la catastrophe. Michel c’est son mari.


Il y a un an, ils avaient décidé de faire un bébé, elle devait arrêter la pilule. Elle a rencontré Fabrice, un collègue de bureau. Une heure avec lui avait suffi pour qu’elle repousse sa décision de mois en mois.


Elle n’a jamais voulu tromper son mari, mais Fabrice a su la séduire. Depuis, difficile de lui dire non. Très vite, l’habitude a été prise, dans son petit deux-pièces de célibataire, deux fois par semaine à l’heure du déjeuner. Jamais chez elle, le lit conjugal, c’est sacré !


Malgré les supplications de son amant, Marie n’avait accepté que deux fois de passer une nuit entière avec lui, quand Michel était en déplacement. Il va régulièrement à l’usine, et doit passer la nuit sur place. Alors, elle en profite. Elle prend soin de lui téléphoner le soir avant d’aller retrouver Fabrice. Manque de chance, la seconde fois, Michel avait appelé le matin, sur le fixe de la maison, alors qu’elle aurait dû être en train de prendre son petit déjeuner. Elle n’a trouvé son message que le soir en rentrant. Il lui a fallu inventer un énorme mensonge pour justifier de ne pas avoir entendu la sonnerie du téléphone. Quelle peur ! Elle s’est alors jurée que jamais plus, et a tenu parole. Maintenant lors des déplacements de son mari, ils se voient le soir, mais elle rentre chez elle pas trop tard, au cas où.


Pourquoi tromper son mari ? Elle pourrait invoquer l’usure de son couple, la monotonie de leur relation, le travail qui l’éloigne régulièrement… Rien de tout ça, elle n’a rien à lui reprocher, elle est heureuse avec lui. Mais, elle a le béguin pour Fabrice, ça ne s’explique pas.


Peut-on aimer deux hommes à la fois ? Elle s’est posé cent fois la question, sans trouver de réponse. Parce que si elle aime son mari, elle aime aussi son amant. Pas du même amour. Michel c’est la stabilité, la famille, l’avenir. Fabrice, lui, c’est l’aventure, l’interdit. Elle ne s’est jamais demandé si l’un fait mieux l’amour que l’autre. Elle se plaît dans les bras de son amant autant que dans ceux de son mari. Elle suce Fabrice avec le même entrain qu’elle suce Michel, avec la même gourmandise. En baisant, elle prend autant de plaisir avec les deux. Elle n’accorde pas à son amant plus que ce qu’elle accepte de son mari.


Ne sachant comment gérer une telle situation, elle en est arrivée à la conclusion, que la raison doit être la plus forte si elle veut sauver son couple et fonder une famille. Ah ! la vie est parfois difficile. Enfin, la raison est une chose, les sentiments en sont une autre, Marie repoussait l’échéance.



Aujourd’hui, sa décision est prise. Comme tous les jours, elle prépare le repas en attendant son mari. Tout en faisant la cuisine, elle répète dans sa tête ce qu’elle dira à Fabrice demain. Mais tout sonne faux, a-t-elle vraiment envie de se séparer de lui. Dans le fond, cette vie lui plaît bien, et tant que son mari ne sait rien.


L’été dernier, une vraie lune de miel : bébé était planifié, finies les conneries. Elle avait failli parler à Fabrice en rentrant de vacances. Failli seulement… il lui avait souri, il l’avait embrassée, et depuis ils se voient encore régulièrement.


Le dîner est prêt. Son chéri tarde un peu ce soir, il a tellement de travail au bureau, pas grave, elle fera réchauffer le repas. En attendant, elle regarde un peu la télé histoire de passer le temps. Elle s’imagine blottie dans ses bras.


Le temps passe, toujours pas rentré. Elle l’appelle, son portable est sur répondeur, elle lui laisse un message :



Pas de réponse. Elle essaie de joindre son bureau, personne ne décroche. Marie commence à s’inquiéter, un accident est si vite arrivé.


À minuit, franchement soucieuse, elle tourne en rond sans savoir quoi faire. Elle lui a déjà envoyé trente-six SMS, en vain. S’il avait eu un accident, elle aurait été prévenue. Non, à bien réfléchir, il doit être à l’usine, elle aura oublié la date.


Elle va dans la chambre d’amis qui lui sert de bureau, son ordinateur n’est plus là, son sac de voyage non plus. Elle descend quatre à quatre au garage, sa place est vide. Plus aucun doute, il est parti à l’usine. Pourtant ce matin, il est allé au bureau comme tous les jours. Certainement une urgence dans la journée… Il aurait pu la prévenir, tout de même !


Rassurée, elle lui laisse un dernier message :



Michel ne répond toujours pas, il est certainement couché à cette heure. Dommage, maintenant il est trop tard pour aller rejoindre Fabrice, une soirée de perdue. Tant pis, ils se verront demain.


Marie va aussi se coucher. Certainement, elle aura un message demain matin. Elle le rappellera dans la journée.



---oOo---



En partant au travail, toujours sans nouvelles de Michel, Marie envisage de contacter son bureau. Elle se doute qu’il a dû y avoir un problème grave à l’usine, et qu’il ne chôme pas, mais il aurait pu prendre le temps de la prévenir tout de même. Il doit bien savoir qu’elle va se faire du souci. Elle se jure de lui passer un savon quand il rentrera.


À peine installée, elle appelle. Marie n’a pas le temps de dire un mot, sa secrétaire s’inquiète de la santé de Michel. Il n’est pas venu hier. Comme c’était son dernier jour, tous ses collègues lui avaient préparé une petite surprise. Espérant qu’elle l’accompagnerait, ils avaient même acheté un gros bouquet de fleurs pour elle.


Marie n’a pas le temps de s’étonner, la secrétaire est intarissable, elle le regrette déjà, un bon chef. Elle rajoute :



Marie raccroche sur un vague merci, complètement abasourdie par ce qu’elle vient d’entendre. Son dernier jour ? Michel aurait quitté son entreprise, sans rien lui dire. Et hier, personne ne l’a vu. Où est-il ? Que fait-il ? C’est certain, il lui est arrivé malheur.


Elle a du mal à se concentrer sur son travail. Pas question de voir Fabrice à midi, elle lui laisse un message pour annuler leur rendez-vous habituel.


Michel est peut-être chez eux, il est peut-être malade. Il doit avoir besoin d’elle. Elle rentre rapidement, prétextant une légère indisposition.


Personne.


Que se passe-t-il ? Mille questions se bousculent dans sa tête.


Où peut-il être ? Pourquoi ne donne-t-il pas de nouvelles ? Qui appeler ? Ses amis, sa famille ? Quoi leur dire ? Elle va passer pour une idiote. Tous vont croire que Michel la trompe. Justement, Marie y songe. Il est peut-être avec une femme. Elle n’est pas à une contradiction près, une pointe de jalousie lui vrille le cœur. Non impossible, il serait plus discret, elle en sait quelque chose.


N’y tenant plus, elle téléphone à Bernard, leur meilleur ami, lui devrait savoir. Elle n’hésite pas, elle lui annonce tout de go que Michel a démissionné de son travail et qu’elle ne sait pas où il est, enfin qu’il n’est pas rentré hier soir, sans explications. Bernard est tout aussi étonné qu’elle, il la rassure comme il peut. Au nom de leur amitié, un sanglot dans la voix, Marie ose lui demander :



Marie ne sait plus quoi penser. Elle se jette sur son lit sans même se déshabiller. Elle a du mal à trouver le sommeil.



---oOo---



Au matin, toujours pas de message, Marie croit se réveiller d’un long cauchemar. Elle n’a pas le courage d’aller travailler, et préfère rester pour l’attendre. Il va sûrement arriver.


Soudain, son téléphone vibre. Ça y est, il l’appelle, elle va enfin savoir… Ce n’est que Fabrice qui vient aux nouvelles, la croyant souffrante. Il est bien gentil, mais elle n’a pas le courage de lui répondre.


Elle appelle son amie, Audrey, qui comprenant son angoisse, se précipite chez elle :



Son émotion est trop forte, Marie éclate en sanglots, en essayant de lui raconter :



Marie blêmit. Elle bafouille :



Audrey est pragmatique :



La police ? Audrey lui a fait peur, Marie n’en a pas dormi de la nuit.



---oOo---



La conversation avec Audrey la culpabilise, si elle ne fait rien, elle s’en voudra. Elle hésite. Deux jours plus tard, sans trop oser, Marie pousse la porte du commissariat pour signaler la disparition de son mari.


Après une heure d’attente, elle est enfin reçue par un inspecteur pour prendre sa déposition. Le fonctionnaire l’écoute en prenant quelques notes. Anxieuse, elle demande timidement :



La réponse tombe comme un couperet :



Marie baisse la tête, honteuse.



Désignant une affiche de recherche d’enfants disparus placardée sur le mur du commissariat. Il ajoute :



En sortant, Marie ne sait plus quoi penser. Michel était-il au courant de sa liaison avec Fabrice ? Non, il lui aurait fait une scène, aurait crié, l’aurait engueulé, peut-être même serait-il parti en claquant la porte. Mais pas comme ça, sans rien dire. Impossible de croire qu’il ait voulu disparaître. Il lui est certainement arrivé malheur, et les flics ne font rien pour le secourir. « Mon chéri, où es-tu ? ».



---oOo---



Après avoir regardé le site internet de l’association dont elle a vu les affiches au commissariat, Marie prend rendez-vous pour rencontrer un de ces responsables.


Petit local en banlieue parisienne, des piles de documents, des photos d’enfants, des affiches de plusieurs pays. Deux bénévoles s’activent dans un coin. Marie est reçue par une dame très gentille :



Marie parle, parle. Enfin une personne qui l’écoute. Pour ne pas être jugée, elle omet d’évoquer Fabrice. Espoir de courte durée, pour s’entendre dire, comme au commissariat, que son mari a le droit de disparaître comme bon lui semble.


« Ils se sont donné le mot », pense-t-elle. La dame a l’air désolée :



Marie a l’impression de les connaître, elle a vu cent fois leurs visages à la télévision.



Marie se prend la tête entre les mains, retenant un sanglot, elle se fait suppliante :




---oOo---



Le policier avait raison, Michel n’est pas parti sur un coup de tête, il a organisé son départ pour ne plus la voir. Marie l’a bien compris quand elle a découvert qu’il avait annulé son adresse e-mail et son compte Facebook, même son compte bancaire est fermé. Pourquoi ?


Elle n’a plus la force d’aller au travail, son médecin l’a arrêtée plusieurs jours. Elle ne dort plus, ne sort plus. Elle voudrait comprendre.


Elle espérait pouvoir ne rien dire à personne, mais il va bien falloir informer leur entourage. Elle fait confiance à Bernard et à Audrey, le bouche-à-oreille a dû fonctionner à plein ces derniers jours, tous leurs amis doivent savoir. Si aucun n’a essayé de la contacter, c’est qu’ils savent aussi pour elle.


Restent leurs parents. Elle hésite… Comment leur annoncer ? Elle va voir sa sœur, elle se chargera du reste de la famille.

Sa sœur n’a pas traîné. À peine rentrée chez elle, Marie reçoit un appel affolé de sa mère. Difficile de la calmer, de lui dire qu’il n’y a rien de grave, qu’il va vite revenir. Elle n’y croit pas elle-même.


Elle trouve le courage d’appeler les parents de Michel. Sans se l’avouer, elle espérait qu’il pouvait être chez eux. Espoir déçu. Elle laisse sa belle-mère en larmes.


Le soir, Marie est exténuée, fatiguée d’avoir à répondre à tous les membres de sa famille, même sa tante qui vit dans le Gers et ses cousins bordelais l’ont appelé. Comment les rassurer ? Chacun a son idée, tous veulent aider. S’il les contacte, elle sera prévenue immédiatement.


Le lendemain, son plus jeune cousin, féru d’informatique et d’internet, lui annonce qu’il a lancé un appel sur sa page Facebook et qu’il a créé un blog pour diffuser la photo de Michel. Si elle peut écrire un petit texte et lui envoyer d’autres photos, il pourra l’étoffer.


Cette mobilisation lui redonne un peu d’espoir.



---oOo---



Déjà une semaine, une semaine que Michel a disparu. Un soir, Bernard lui téléphone, Marie est contente de pouvoir parler avec son ami. Elle accepte de passer prendre un café avec lui.


Après quelques banalités, Bernard dépose devant elle, les clés et les papiers de la voiture de Michel :



Marie sursaute :



Étonnée, elle regarde son ami avec tristesse, ainsi lui aussi le sait :



Elle se fait suppliante :



Michel avait eu raison de ne rien dire à son ami, il se serait laissé attendrir tant la détresse de Marie était grande.



---oOo---



Le temps a passé. Bientôt un an que Michel a décidé de disparaître. Triste anniversaire !


Marie ne peut s’empêcher de téléphoner régulièrement au commissariat, rien, toujours rien. Elle sait que c’est inutile, s’il y avait du nouveau, elle aurait certainement été avertie. Mais elle ne peut s’en empêcher.

Les premiers mots du policier reviennent en sa mémoire « Certaines personnes disparaissent à jamais ».


Un temps, elle a été en contact avec ces policiers retraités qui auraient pu l’aider, mais ça n’a rien donné. Il est introuvable, il s’est volatilisé. Comment est-ce possible ?


Depuis, elle a passé des heures sur internet, sur les réseaux sociaux, recherchant la moindre information, visitant tous les sites qui diffusent des avis de recherches ou qui donnent des conseils, en vain. Inlassablement, elle y retourne, pour rien. Mais, ça la rassure.


Il existe aussi des émissions spécialisées à la télévision. Elle aurait pu, des journalistes l’ont même contactée. Mais elle se méfiait, ils risquaient d’étaler sa vie privée au grand jour. Michel n’aurait pas aimé.


Son salaire n’était plus suffisant pour son grand appartement. Elle emménagea rapidement dans un petit deux-pièces qui lui convenait mieux.


Elle vit seule maintenant, elle a rompu rapidement avec Fabrice, comme par enchantement ; elle le trouvait fade, sans véritable intérêt. Comment avait-elle pu se croire amoureuse ? Elle s’en veut d’avoir détruit son couple pour lui.


Son travail aussi avait perdu son intérêt. C’était sa vie entière qui était fade. Michel lui manquait.


Elle passait ses soirées devant la télévision, attendant que le sommeil la terrasse.


Ses amies ont bien essayé de la secouer, de la sortir, elle est encore jeune. Elles n’arrivaient pas à la tirer de cette langueur qui l’avait envahie. Pas question pour elle de chercher à remplacer Fabrice, encore moins Michel. Ils étaient toujours pacsés. Même s’il avait disparu, même s’il ne revenait jamais, elle se considérait toujours mariée, et ne voulait plus le tromper. Elle avait fait assez de bêtises.


Elle se laissait vivre. Sans s’en rendre compte, elle sombrait dans une forte dépression. Elle aurait dû aller voir son médecin, pour quoi faire, elle n’était pas malade.


Elle avait la hantise d’entendre un jour aux informations qu’un corps inconnu avait été retrouvé dans une décharge ou repêché au fond d’une rivière. Même si elle lui en voulait de l’avoir abandonnée, elle espérait qu’il avait refait sa vie, et qu’il était heureux là où il était. C’était elle la fautive.



---oOo---



Au départ de Michel, Marie comptait les jours, puis les semaines, il y a longtemps qu’elle ne compte plus les mois. Ses soirées se ressemblaient, monotones.


Un soir pourtant, finissant de dîner seule dans sa cuisine, son téléphone sonna :



Elle faillit tomber sous la surprise, se retenant à la table, elle s’assied avant de répondre :



Sans savoir quoi dire, elle rajouta de façon machinale :



Devant le silence qui s’installait, c’est elle qui a raccroché.


Comme on peut l’imaginer, elle dormit mal cette nuit-là. Des questions lui passaient par la tête, que voulait Michel ? Revenait-il ? Elle ne voulait pas trop y croire.


Le lendemain, malgré elle, elle fit des efforts pour choisir sa robe, se maquillant légèrement.

Il l’accueillit avec un grand sourire, et lui fit la bise comme deux vieux amis.


Ils se regardèrent ne sachant quoi dire. La gorge nouée, elle avait du mal à articuler :



Lui trouvait qu’elle avait beaucoup maigri, mais n’osa pas le lui dire.



Le silence s’installa à nouveau. N’y tenant plus, elle lui posa alors la question qui lui brûlait les lèvres depuis si longtemps :



Marie réalisa que son mari est au courant depuis longtemps. Comment a-t-il pu savoir ?



Marie et Michel n’osaient pas se regarder, chacun dans ses pensées :



Pour masquer sa déception, elle lui tendit un paquet de lettres :



Michel ne remarqua pas le petit sourire de Marie.



---oOo---



Ils se revirent un soir dans le restaurant où ils avaient leurs habitudes. Marie était anxieuse, pourtant Michel était charmant. Il n’a pas proposé d’aller à la Mairie.


Ils ne se firent aucun reproche. Il n’évoqua pas son infidélité, elle ne lui reprocha pas de l’avoir abandonnée. Petit à petit, Marie reprenait espoir, mais très vite elle comprit qu’il était encore blessé, qu’il n’avait rien oublié.


À la fin du repas, Michel lui annonça qu’il allait quitter Paris. Elle n’arriva pas à savoir où il avait l’intention d’aller.


Il se leva, déposa une bise sur sa joue ; elle avait du mal à retenir ses larmes.



Il s’éloigna lentement, les mains dans les poches, en luttant pour ne pas se retourner.