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n° 22068Fiche technique11336 caractères11336
1958
Temps de lecture estimé : 8 mn
23/10/23
Résumé:  Une mère prévient sa fille des dangers que l’amour doit traverser.
Critères:  vengeance jalousie -vengeance
Auteur : sphynx      Envoi mini-message
Héloïse et Abel

Demain, tu vas quitter le giron familial pour t’installer avec l’homme que tu as choisi. Ce sera le premier jour de ta vie de femme. Le temps n’est plus, heureusement, celui où les mères devaient informer leurs filles, nous n’en sommes plus là, pourtant, cela éviterait bien des désillusions et des échecs.

L’amour le plus profond est fragile, tu dois le savoir, les pièges sont nombreux et dévastateurs. C’est pour cela que je veux te raconter ce qui est arrivé, il y a longtemps, à un couple. Comme tu les connais, je vais les appeler Héloïse et Abel.


Voici leur histoire, elle suspectait son mari de la tromper et elle venait de s’en apercevoir. La voilà donc entourée de ses amies qui tentèrent de la consoler.



Héloïse, à ce moment, intervint :



Déjà, nos grands-mères savaient, malgré la rigidité des mœurs de leur temps, exprimer leurs désirs… l’œillade assassine, le mouchoir de dentelle délicatement parfumé tombé innocemment aux pieds d’un jeune homme, rarement le moins beau, le minet placé sur les genoux qui permettait au garçon de caresser les poils du félin par-dessus et les poils pubiens par-dessous. Qu’il soit nommé minou, minet ou chatte, le con est celui qui ne sait pas en profiter.


Veux-tu en faire toi-même l’expérience ? Alors, tente ceci : porte un chemisier quasi transparent, pince tes mamelons, de façon à ce qu’ils semblent percer le tissu, entre dans un lieu où sont des hommes et observe le résultat, pas besoin de se vêtir comme une pute ! Tu veux attirer son regard, alors, quand il est près de toi, fais la timide qui n’ose le regarder dans les yeux, clignote modestement des cils, comme un gyrophare d’ambulance, et baisse humblement la tête. Il sera surpris de sa puissance intimidante et le petit coq se dressera sur ses ergots.

Si tu travailles avec lui, mieux encore, c’est un supérieur ; sois en larmes et invente un malheur qui te frappe, n’importe lequel : le décès d’un parent, d’un ami… celui de ton hamster si tu veux, et demande une journée de congé, si tu es crédible, il cherchera à te consoler. S’il a le malheur de s’approcher, jette-toi dans ses bras en pleurant puis, après avoir divinement préparé ta présentation, colle-lui ton décolleté sous le pif ; et paf, tes nichons, gros ou petits, vont le captiver ; et plus encore si tu utilises un parfum, chaque fois qu’il le sentira tu seras présente, donc, si tu le peux, oublie négligemment un foulard parfumé, la mémoire olfactive est la plus vivace, tu auras déjà presque gagné, mais n’en fais pas de trop… tout est dans la mesure et la finesse. L’art de l’érotisme consiste à laisser entrevoir, croire, deviner, et bien sûr désirer des trésors qui souvent s’avèrent moins beaux que ceux imaginés. Le coup de grâce afin de le remercier, et comme tu ne peux lui offrir des fleurs, invite-le en demandant s’il accepterait une modeste collation chez toi. Bien évidemment, il peut refuser. Ce ne sera pas grave puisque le ver sera dans le fruit. Son cerveau reptilien le hantera la nuit dans ses rêves lubriques.


Contrairement à ce que nous enseigne l’église, l’homme et la femme ne sont pas programmés pour la monogamie. D’ailleurs, d’autres religions l’ont bien compris puisqu’elles préconisent le mariage multiple. Ainsi le spirituel et le laïc sont en symbiose. Concernant le clergé de chez nous, suivons ses préceptes. La sexualité est un don de dieu : « La rencontre d’un homme et d’une femme est le grand acte de l’univers », dixit le cardinal Danielou, mort en honorant une dame… une épectase, dit-on. L’exemple venant aussi du sommet de l’état avec Félix Faure, mort à l’Élisée sur madame Steinheil, mais officiellement dans les bras de sa femme (pauvre Berthe, devenue la risée du monde entier), « il voulut être César, il ne fut que Pompée » comme le disait ironiquement Monsieur Clemenceau.


Héloïse, très troublée par cette conversation, réfléchit en revenant chez elle aux arguments développés par son amie sur la nature des hommes, mais également à la trahison soupçonnée du mari infidèle, dont le comportement amoureux ne pouvait pourtant laisser prévoir une telle issue. C’est donc sur son couple qu’elle se mit à cogiter.


Est-il possible qu’il me trompe ? Et si oui, comment et avec qui ? Quand il n’est pas à son travail, il est toujours avec moi, et lorsqu’il est en déplacement, plus ou moins long, il me propose de le rejoindre, si c’est envisageable. Bien évidemment, je ne le peux que très rarement et, de ce fait, il sait à l’avance s’il lui sera possible ou non d’avoir les coudées franches en ces circonstances. Donc oui, il y aurait une faisabilité.


Parmi les personnes qui travaillent autour de lui, il y a beaucoup de femmes, certaines très jolies. Dès lors, elle surveilla de près les allées et venues de son mari, et si des cheveux autres que les leurs se trouvaient sur ses vêtements. Le parfum est donc une arme de destruction massive de couple ? Elle renifla aussi ses encolures. Le doute et la suspicion étaient devenus des angoisses journalières.


Un jour, en fin de matinée, arrêtée à un feu rouge et regardant aux alentours en attendant le passage au vert, elle vit la voiture de son mari, reconnaissable au logo de l’entreprise, garée devant la terrasse d’un café où son mari était attablé face à une femme dont elle ne percevait que le dos de trois quarts.

Horreur ! Il lui donna un paquet cadeau entouré d’une faveur rouge (amour ardent en langage des fleurs). Elle n’eut que le temps de prendre quelques photos avant d’être, forcée par les coups de Klaxon rageurs des automobilistes placés derrière elle, obligée de démarrer.

Après avoir trouvé un stationnement, malheureusement assez loin, la voiture et le couple n’étaient plus là à son arrivée. Ainsi donc, c’était vrai, ses pires craintes s’étaient réalisées : son mari, comme les autres, était fourbe, et comble de la trahison, à dix jours de l’anniversaire de leur rencontre.


Fais-lui savoir que ta vengeance sera terrible, avait préconisé leur amie… Elle allait y réfléchir.


Ce soir-là, alors qu’Abel, son mari, attendait paisiblement son épouse, le téléphone sonna. C’était elle qui envoyait un SMS :


Je t’ai vu ce matin et t’ai photographié. Tu offrais un cadeau à une pute. La preuve, en voici les clichés.

Je vais faire comme toi et m’offrir en cadeau comme une pute. Ne cherche pas à me joindre, je coupe mon portable.


Stupéfait, il chercha à la joindre, mais en vain.


Va-t-elle, le temps de me faire enrager, passer la soirée chez une amie et on pourra s’expliquer demain ? se demanda-t-il. Quand même, elle y va fort !


La nuit se passa sans nouvelles et il commença à s’inquiéter. À huit heures, enfin, elle rentra.



Puis elle pénétra directement dans la chambre et en claqua violemment la porte.


Tétanisé, Abel resta paralysé. Il alla vers la chambre qui était fermée à clef, puis vers la salle de bain où Héloïse avait jeté ses vêtements.


En début d’après-midi, une fois réveillée, Héloïse se dirigea vers le salon. Son mari n’était pas là, seule une lettre était posée sur la table.


Héloïse, tu n’auras pas besoin de me raconter ta nuit, tes fringues sont explicites et me détaillent, sinon la chronologie, les gâteries que tu as accordées

La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a, dit-on. Manifestement, tu as tout donné, et même davantage à en juger l’état de tes oripeaux. Cela a coulé sur tes cuisses, tes bas en portent les traces, mais ça n’a pas dégouliné seulement sur eux… ton corsage, auquel il manque un bouton, en est couvert aussi. À croire qu’ils se sont essuyés sur toi après s’être vidé les burnes ! J’ignore combien ils étaient, mais au moins l’un d’entre eux ne connaît pas l’usage de la savonnette.


Tout cela parce que tu m’as vu avec une femme. Aussi, regarde tes photos dans l’ordre où tu les as prises et constate que ce n’est pas moi qui donne un paquet, mais au contraire, qui le reçois. De plus, ta jalousie t’aveugle au point de ne pas reconnaître ta propre sœur. Ce paquet cadeau t’était destiné et contenait des dessous chics, en soie afin que leur contact sur la peau te fasse penser à la douceur de mes lèvres, et également ce parfum hors de prix que tu aimes tant. Tu trouveras dans la poubelle, coupé en quatre, ce que je te destinais… Sauf le parfum, je te le laisse, tu en as une nécessité absolue.


J’ai besoin de réfléchir, aussi, comme toi, vais-je couper mon téléphone et partir quelque temps. Quand je comprendrai ce qui arrive, je reviendrai.

Maintenant tout de suite, je sais que je t’aime, mais j’ai trop mal… qu’en sera-t-il demain ? Nous verrons cela à mon retour.


Abel revint à la maison dix jours plus tard, inexpressif, telle une statue, et lui dit simplement :



Alors, Héloïse raconta :


Je n’avais pas l’intention de mettre mes menaces à exécution, je souhaitais seulement rester suffisamment absente pour que tu puisses te ronger les sangs et, toute ta vie, te demander ce qu’il s’est passé. Je suis allée dans cet établissement où tu étais ce matin-là. Je devais être livide, car un des hommes qui étaient installés près de ma table est venu vers moi en me demandant si j’étais souffrante. Au lieu de l’envoyer promener, j’ai éclaté en sanglots.


  • — Allons, m’a-t-il dit, ce qu’il vous faut, c’est un remontant.

Et il a commandé une vodka orange.


  • — Je n’en veux pas, lui ai-je dit.
  • — Pas grave, si vous n’en voulez pas, elle sera pour moi.

Alors, je l’ai avalée. Quand j’ai repris connaissance, j’étais seule dans une chambre d’hôtel, nue à l’exception de mes bas. Après une douche, j’ai ramassé mes vêtements et suis rentrée. En arrivant à la maison, j’étais folle de rage, car en plus de ta trahison, j’avais été victime, par ta faute, de la drogue du violeur. Je me serais suicidée si je n’avais trouvé ton message en me levant et compris l’horreur de la situation.


Bien évidemment, leur amour résista, n’étaient-ils pas victimes des délires qu’un jour une amie avait instillés dans l’esprit d’Héloïse ?


La vie a toutefois des coïncidences étranges, car deux ans après le jour de l’anniversaire de leur rencontre est née une jolie petite fille…