Pardon,

Excusez-vous!

Je suis désolée !

Je vous demande pardon,

Pardon d’être là,

Pardon de vivre et de vouloir,

Pardon d’avoir besoin.

Besoin de vivre,

Besoin de respirer,

Besoin d’avoir de la place.

Chaussée de patins, à petits pas feutrés,

Pas trop de bruit,

Pas trop de place,

Pas trop d’envie,

Pas trop de trace.

Transparente parmi les autres,

Surtout étouffer le moindre éclat.

Éclat de rire,

Éclat de verre,

Éclat de larme,

Éclat de colère.

Il n’y a que les alarmes qui se tolèrent

Mais silencieuses…

Chut, pas trop de bruit,

Surtout ne pas déranger !

Chut, pas trop de bruit,

Surtout ne pas être repérée !

S’écraser et dire merci,

Fermer les yeux,

Se laisser étouffer…

Pire encore !

De soi-même, courir à l’asphyxie !

Par peur…

Peur de pousser un cri,

Peur d’appeler à l’aide,

Peur de blesser autrui,

Peur de dresser la tête,

Peur de réclamer sa place.

Et pourtant…

Et pourtant, rêver…

Rêver d’une nouvelle paire de patins,

Choisir des patins à glace !

Rayer le parquet

Trop lisse, trop bien lustré.

Crier « Aux armes ! »

Distribuer les paires de claques.

Courir nue en chantant

Trop fort et faux

Les notes discordantes

D’une âme à l’agonie,

Arracher le masque

De trop souriante harmonie.

D’un cri sauvage,

Déchirer la nuit,

Sortir de l’ombre,

Exploser les barrières,

Tout foutre en l’air,

Secouer le silence et la poussière,

Se révéler, enfin, pleine et entière.