Le givre qui rampe sur mes vitres

Trace des arabesques fragiles.

Il y dessine des cheveux blancs,

Des cheveux longs, des cheveux fous,

Autour de deux pâles visages.

Leurs yeux brillent tels des diamants.

Leurs fronts se touchent, leurs nez aussi.

De leurs lèvres figées sortent

Des volutes chargées d’amour

Qui s’enlacent et tissent des liens.

Au-dessus d’eux s’étend un ciel

Gonflé de nuages et de neige.

L’ombre d’une branche y trace

Un fil couvert d’oiseaux chanteurs

Plus haut, un large et grand ovale

Encore transparent attend que

Le froid y place le décor

Où je trouverai mes souhaits

Immobile devant le tableau,

J’examine tous les cristaux.

D’un souffle du bout des lèvres

Je gomme un détail incongru

Et j’attends la nouvelle version

Que l’artiste va inventer

Pour moi, rien que pour moi seule.

Jusqu’à ce que, frigorifiée,

Il m’éloigne de son œuvre.

Vingt ans plus tard… Il fait plus chaud.

Nous avons des fenêtres neuves

Où l’alu a chassé le bois.

Elles sont doubles et isothermes,

Le givre n’y dessine plus rien.