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n° 22186Fiche technique14170 caractères14170
2305
Temps de lecture estimé : 10 mn
20/12/23
Résumé:  Provocations érotiques entre un homme et une femme
Critères:  f ffh asie voir fmast massage jeu
Auteur : Nycthémère      Envoi mini-message
Co-auteur : shiva__      Envoi mini-message
Co-auteur : Olaf      Envoi mini-message

Série : Chambre 26 : Intime carrousel

Chapitre 01 / 04
Émotions

Carrousel céleste



Il y a quelques années, Vincent et moi avons échangé quelques pensées profondes, sur la vie, l’amour, le sexe, et tout ce qui tourne autour. Nous connaissant un peu mieux, au gré de notre relation épistolaire, l’envie réciproque de nous rencontrer s’est manifestée comme une évidence.


Ce fut un moment délicieux, hors du temps, intense, troublant, qui nourrit l’inspiration de Vincent pour alimenter quelques nouveaux textes, dont un où il était question d’une chambre d’hôtel et de ce que deux êtres qui s’apprécient peuvent y partager1. Cette projection fictive eut le privilège de me flatter, considérant mon goût pour le style délicat et la sensibilité de l’écrivain.


Les aléas de nos vies respectives nous ont ensuite éloignés. Notre correspondance s’est estompée, jusqu’à ce que nous éprouvions presque simultanément l’envie de nous retrouver, d’une manière ou d’une autre.


À défaut de nous revoir, Vincent me proposa de reprendre nos jeux d’écritures en instiguant des lancés de dés simultanés qui stimuleraient notre créativité et pimenteraient nos récits. C’était là une manière détournée de m’inciter à me dévoiler un peu plus, au fil des lignes que je produirais.

En habile manipulateur (mais de la sorte que j’apprécie : respectueux et ludique), il m’envoya un premier texte, auquel il me proposa de répondre.


C’est ainsi que nous sommes entrés dans une forme de jeu de miroirs subjuguant. Troublante tentative de revêtir les attributs de Mars et de Vénus et de nous inspirer de leurs ébats célestes2.




Vincent : émotion martiale



Les dés ont parlé, ils exigent que je vous dévoile ce que j’aimerais recevoir de vous ou partager avec vous juste à l’instant. C’est l’humeur du moment qui compte, indépendamment des réalités de temps et d’espace.


Mon désir est simple, quoique sans doute très déraisonnable : accompagnez-moi chez la masseuse thaïlandaise qui s’occupe de ma carcasse en périodes de disette sensuelle.


Dans le silence de ses mains, je suis en confiance, en confidence, en méditation sur ma condition masculine. Elle sait tout de mes doutes, de mes tensions, de mes douleurs.


De ses doigts puissants, elle détecte tout ce que je n’ose m’avouer à moi-même. Puis, avec une infinie patience, elle extirpe les maux de mon âme et instille un bien-être irremplaçable, qui plonge ses racines dans la tradition ancestrale de son art.


Certes, elle me met parfois en lévitation. Certes, contre quelques euros de plus, cette prostituée sublime, forcément sublime3, fait sourdre de moi quelques giclées viriles. Mon corps dévoilé de la plus impudique manière, que me reste-t-il d’autre pour faire honneur à son art, à sa science du plaisir masculin ? Comment la remercier autrement pour le respect qu’elle manifeste à mon égard dans ses regards et ses gestes, malgré les traces profondes et laides que les ans ont laissées sur mon enveloppe physique ?


Alors, si vous ne craignez pas cette confrontation avec la face sombre de ma masculinité, venez avec moi. Elle saura reconnaître en vous l’Amie, la Tolérante, la Femme expérimentée avec qui j’ai envie de partager cette forme de communion des corps.


Certes, comme le veut le rituel, elle demandera joyeusement « Happy ending today, mister ? ». C’est à vous que je remettrai la décision « The lady will decide for me later ».


Pour dissiper toute équivoque, je poserai un billet supplémentaire à côté de la somme convenue pour le massage sans extra. Madame Fleur de Jasmin aura alors ce sourire énigmatique qu’elle arbore lorsque j’entre dans son sanctuaire et qu’elle scrute mon âme avant de décider quels plaisirs réclament mon humeur du moment.


Dès cet instant, vous deux serez maîtresses des jeux. Elle par ses mains nerveuses et chaudes, vous par tout ce qu’il vous plaira de faire ou non avec moi, avec nous.


Je crois savoir que les corps masculins n’ont plus beaucoup de secrets pour vous. Libre à vous néanmoins de détourner le regard si la découverte du mien vous rebute. Ceci dit, à moins de vous boucher les oreilles, vous ne pourrez éviter d’entendre les souffles, les soupirs, voire quelques gémissements.


Le massage thaï n’est vraiment abouti que s’il est intense. Les mains qui massent pénètrent bien au-delà de la barrière de l’épiderme. Elles fouillent les entrailles, dénouent des tensions secrètes, lèvent des barrières inattendues. Alors, de ces souffles profonds qui unissent deux êtres au corps à corps naissent des sons presque inhumains, des râles, des gémissements, des éructations, des sanglots, des borborygmes fantastiques et troublants.


Vous pourrez vivre ces instants au plus près de nos corps, ou à distance. Si tel est vraiment votre désir, vous pourrez poser vos mains sur ma peau et vous laisser envahir par tout ce qui la fait frémir. Ou, à l’inverse, poser mes mains sur votre corps et me permettre de découvrir ce que vous ressentez. Fleur de Jasmin n’autorise jamais ce genre de privauté à ses clients. Je suis sûr qu’elle ne vous en voudra pas.


Le moment venu – ce qu’indique un sablier discrètement placé dans un coin du boudoir –, vous devrez décider de la manière de terminer le massage. Ce que vous indiquerez en posant discrètement le billet supplémentaire sur les autres, ou non.


Avec un peu d’habileté, je ne saurai jamais qui de vous deux m’aura donné le coup de grâce, si c’est ainsi que vous entendez mettre fin à ce partage.

Sachez cependant que Fleur de Jasmin a une manière très particulière et absolument irrésistible de poser ses mains sur mon haras, juste avant que ne coulent les derniers grains de sable du sablier.


Je remets entre vos mains toutes les sensations et tous les plaisirs que je pourrai ressentir à vos côtés. J’ai follement envie de cet instant suspendu, entre terre et ciel, entre battements de vie et petite mort.


Votre main dans la mienne ?


Vincent




Célia : exotisme tantrique



C’était parti très fort. Le monsieur me provoquait ouvertement, se jouait de ma pudeur, fût-ce par courriel. Il ne serait pas dit que je lâcherais la rampe sous la surprise de l’assaut.


Vincent me promettait un moment qu’il gardait secret. Allusion à peine voilée de ses intentions ; j’y voyais surtout la promesse audacieuse d’une découverte ; d’une expérience exotique « unique », qui me transporterait hors du temps. Le mystère attisait ma curiosité. Prétexte tout trouvé à fixer une date pour nous revoir.


Il connaissait mon sens aigu du jeu et de l’incongru. C’est pour cette raison que, comme un « Cap, ou pas cap ? », par l’esprit, j’ai saisi la boîte-carrousel subliminale qu’il avait fait rouler jusqu’à moi 4. Les dés exigèrent que je dévoile ce que j’aimerais lui offrir juste à l’instant.


Nos pensées en phase suffisaient, comme quelques regards, pour comprendre ce que nous désirions respectivement de l’autre. Et ce, malgré la distance. Hallucinant !

Nous n’étions ni des enfants ni des amants. Mais il y avait suffisamment d’amitié et de bienveillance entre nous, pour nous amuser de quelques fantasmes réciproques. Notre goût pour les mots nous attachait à une complicité érotiquement télépathique.


Je me suis donc projetée dans l’univers que Vincent avait créé par son texte.


J’avais respecté heure et lieu dudit rendez-vous parisien. J’étais en avance. La rue Quincampoix donnait une dimension singulière au souvenir de cette expérience impromptue de connivence partagée, chambre 26, vue sur le parc, lorsque par la lecture sa voix avait enflammé le creux de mon ventre.

.

Je l’attendais devant le restaurant, tandis que mes pensées erraient au gré de tout ce que le lieu pourrait offrir de curiosité nyctalope.


« Dans le noir » devait sa réputation à son ambiance insolite. J’imaginais déjà laisser sa main gagner maladroitement la mienne. Hésitante, alors qu’il cherchait son couvert. Attentif au moindre frisson qu’elle pourrait déclencher. Avant même notre première bouchée du menu que nous aurions commandé.


Vincent savait déjà mon hypersensibilité. En captant mes dons d’observatrice aguerris lors de notre premier rendez-vous, il me prêta immédiatement cette faculté naturelle à « anticiper les silences, gommer les hésitations, éluder les questions avant qu’elles ne soient formulées » ; comme il disait. Je le soupçonnais admiratif, sans vraiment comprendre pourquoi. Car, à d’autres égards, l’homme forçait ma propre admiration de lui. Il m’intimidait. Ce qui lui conférait l’avantage de la totale confiance que je lui accordais.


Notification WhatsApp :



Je remonte la rue pour retrouver Vincent un peu en avant. Nous prenons le temps d’un thé, sans rien échanger d’autre que des banalités. Le mystère reste volontairement complet, quant à cette évasion promise.



Nous nous engageons dans la rue piétonne où, quelques dizaines de mètres plus loin, nous sommes accueillis dans une ambiance élégante et raffinée. Un rapide coup d’œil sur le comptoir de l’accueil me fait comprendre que l’endroit propose des « massages traditionnels thaïlandais aux rituels de spa prodigués par des praticiennes attentives à notre seul bien-être ».


Intriguée, je suis envahie par une houle qui oscille entre étonnement et sérénité, et m’hypnotise instantanément, autant qu’elle pose la séance qui nous attend. Nous nous engageons dans les couloirs de l’institut, sur les pas d’une jeune femme qui nous conduit dans une cabine sobrement décorée. Intimiste.

Elle nous invite à nous installer. Vincent m’indique un fauteuil dans lequel je m’assois mécaniquement. Mon esprit est déjà transporté par l’étrangeté de la scène qui se déroule depuis l’accueil. Contre toute attente, il se déshabille. C’est la première fois qu’il partage cette intimité de lui avec moi.


Je cherche encore quel intérêt il a eu de me convier à ce soin de détente privée. Pourquoi un tel scénario ?

Cette fois-ci nos silences entendus sont codés dans un langage et des intentions qui m’échappent totalement. C’est irrationnel. Mes pensées s’emmêlent.

J’ai toujours détesté l’idée de voir mes parents ou mes frères m’imposer leur nudité.

Une fois, j’avais couché avec mon meilleur ami. Ça m’avait paru si incestueux, que jamais nous n’en avions parlé. L’évitement était encore notre meilleur ami pour continuer de vivre sans gêne aucune. Black-out…


Un souvenir ni bon ni mauvais. Juste une parenthèse sans réelle saveur. Ou du moins, le malaise qui s’ensuivit avait été plus fort que la délectation charnelle que nous avions partagée.

Aussi, le film de toutes mes aventures repasse à vitesse éclair. Je n’ai toujours bien baisé qu’avec des mecs que je méprisais. Pour lesquels mon estime pour eux était proche de zéro.

Quant à « faire  » l’amour, il faut des sentiments, oui. Plus fort qu’une affection profonde.

Vincent n’avait-il pas compris toutes ces nuances, après toutes ces années ?

Retour à l’instant présent. D’un billet, Vincent m’a laissée convenir d’une finition avec la praticienne… Soit. Il veut jouer ? Jouons ! Ce sera « Body-Body ». Après tout, le centre de soin ne s’engageait-il pas à « un accueil chaleureux aux multiples vertus  » ? À offrir «  détente et délassement personnalisés à notre seul bien-être, dans un écrin de raffinement, élégant et apaisant  » ? Pour nous ressourcer, en « variant les plaisirs et les sensations » ? (Oui, ma lecture en diagonale est rapide et précise.)

Mais là, voir cette femme prodiguer des soins dignes des différentes postures du Kamasutra à Vincent, c’est brutal. Ça dépasse les limites de notre relation. Si intime soit-elle.


Il pourrait bien croire que son corps me dégoûte. Je suis loin de toute considération physique. Il s’agit plus de la limite du désir que j’éprouve pour lui ; dans ma considération de lui-même. Dans son absolu. Son entièreté. Son intégrité. Plus que mes sentiments ; mes émotions saturent. Quand il y a conflit entre tête et cœur, mon corps lâche prise. Il n’est qu’une enveloppe que mon âme quitte.


« Cap, ou pas cap ? » Jusqu’où ?


Mon âme en lévitation observe la scène. Je m’abandonne au plaisir qu’elle procure, du bout de mes seins bandés, au fond de mon slip inondé. Parce que cette femme est belle dans sa maîtrise des rituels thaïs millénaires. Parce que les fragrances des huiles végétales et des épices. Parce que la musique hypnotique. Parce que le trouble de Vincent ; ici et maintenant… mon corps amnésique à toute pudeur.


Attentive à chacune de mes profondes inspirations, autant qu’à mes longues expirations, comme me l’avait appris mon maître yogi.

Lentement, les sons des gongs bath me reviennent, jusque dans mon antre impérial. Aux vibrations palpables, comme une première fois, mes mains opèrent un rituel d’un autre genre, pour s’emparer de chaque parcelle de mon corps, chaque alcôve. Mes cuisses s’ouvrent, comme la fleur de lotus renaissante. Mon corps cambré, offert à l’invisible.

Vue d’en haut, la scène des jouissances choyées qu’instigue cette libération mentale est une offrande tantrique.

Totalement déconnectée du cérébral, happée par une transcendance sexuelle entièrement dédiée à une communion sensorielle et orgasmique, qui frôle l’hyperesthésie, en complète harmonie avec la volupté du couple qui s’ébat juste là, tout près de moi.

La puissance sismique de mon orgasme tétanise mes muscles. Me transporte à la rencontre de mon karma.


Lorsque la paix revient, j’ouvre mes paupières, reprends mes esprits. Vincent est assis là, devant moi, affichant un sourire bienveillant. Le cyclone qui a traversé mon corps de toutes parts, m’a fait perdre les notions de lieux et temps.

L’exploration de cet ailleurs, comme son regard, se passe de mots.


Je renonce à préciser à Vincent dans quel état l’écriture de ce texte m’a mise ni ce que les images qui ont défilé dans ma tête me poussent à faire subir à mon intimité survoltée. Je lui avouerais d’ailleurs encore moins avoir prononcé son prénom au moment de lâcher prise et d’en jouir longuement.



ooo000ooo



1. http : //revebebe.free.fr/histoires/rvb155/reve15564.html#txt5


2. https : //www.wikiart.org/fr/sandro-botticelli/venus-et-mars-1483


3. Marguerite Duras, au sujet de Christine Villemin


4. Jeux d'enfants: https://dai.ly/x2lby9m