Comme chaque fois après une séance d’aquagym, elles se réunissaient pour prendre un pot à côté de la piscine. Âgées de trente-sept à soixante ans, elles se racontaient leurs vies forcément différentes, les unes mariées, les autres séparées ou divorcées, accompagnées ou pas d’un homme. Les conversations pouvaient aussi bien comporter des choses pratiques comme des confessions plus intimes, relatives aux conjoints ou aux enfants.
Il y avait à ces réunions, dans l’ordre des âges, Amandine, 37 ans, mariée, deux enfants, poupée blonde aux cheveux mi-longs et gracile ; Caroline, 48 ans, fausse menue aux seins lourds et cheveux prématurément gris souvent noués en catogan, également mariée, deux ados ; Marjorie, 52 ans, petite brune boulotte, type espagnol à peau mate, épaisse tignasse couleur encre de Chine, vivant en concubinage, une fille adulte ; enfin Magali, 60 ans, corps menu toujours ferme, quelques fils d’argent dans le chignon, divorcée de longue date, deux filles adultes. Toutes se connaissent en maillot de bain et ne peuvent donc pas tricher sur l’état de leur corps.
Ce jour-là, la conversation languissait lorsque Marjorie réveilla brutalement ses commensales :
- — Et si pour une fois, on parlait de cul ?
- — Comment ça, de cul ? interrogea Amandine, stupéfaite comme les deux autres.
- — Oui, de cul. De baise. De bite. Comment ça se passe pour vous au plumard ? C’est le sujet à la mode, la sexualité des Français. Vous êtes satisfaites ou pas ? Bon, je ne parle pas pour Magali, mais vous deux, les mariées, Amandine et Caroline, vous vous envoyez toujours en l’air ou c’est le grand sommeil ?
- — Dis donc, pourquoi tu m’exclus ? Tu crois que je suis déjà bonne à jeter au rebut ? Tu ne manques pas de culot ! protesta Magali.
Marjorie avait lancé le débat et ce fut le début d’un déballage qui devait passionner le quatuor et faire durer la conversation plus longtemps qu’à l’accoutumée. Piquée au vif, Magali fit des révélations qui captivèrent son auditoire :
- — C’est quand même incroyable, cette façon de penser qu’à partir d’un certain âge, il n’y a plus de sexe. Ce n’est pas parce que je vis seule que je ne baise plus. Si vous voulez tout savoir, j’ai deux amants : un de mon âge et un jeune mec de trente ans. Et grâce à eux, je baise deux fois par semaine. Oui, je baise, il n’y a pas d’autre mot. J’ai passé l’âge du romantisme, mais pas de la bite. Je grimpe encore aux rideaux, surtout grâce à Kévin, mon trentenaire, qui a une queue de rêve. L’autre, c’est plus doux, mais aussi jouissif. Alors, qu’est-ce que vous en dîtes ?
Prises au dépourvu, les trois autres complimentèrent d’abord la sexagénaire, dirent qu’elle leur donnait de l’espoir pour le futur et finirent par déballer elles aussi leur vie intime. Amandine avoua, un peu contrite, que c’était juste le dimanche matin et encore, pas toujours. Caroline glissa que son mari, très occupé et peu porté sur la chose, la poussait parfois à donner un coup de canif dans le contrat car, dit-elle, « j’aime trop ça pour m’en passer ». Mais au fond, son mari s’en foutait du moment qu’elle restait dans le ménage. Quant à Marjorie, elle célébra les performances sexuelles de son compagnon du moment, un motard tatoué doté d’un « gros moteur, comme sa moto », élément indispensable selon elle pour atteindre l’orgasme.
Une discussion s’engagea alors sur la taille du pénis. Amandine expliqua que la nature l’avait dotée d’un déduit réduit et qu’elle ne se sentait pas capable de recevoir un « gros machin », avouant que son mari était faiblement membré, ce qui ne la dérangeait en rien. Ce qui fit rire Magali :
- — Ma pauvre, tu te sous-estimes. Si tu avais un braquemart entre les cuisses, crois-moi, tu verrais la différence, petite chatte ou pas. Je ne suis pas plus grosse que toi, mais quand mon Kévin me met sa matraque, je ne sais plus où j’habite.
- — L’essentiel, c’est quand même la raideur, poursuivit Marjorie. Je préfère une petite bite bien dure à une grosse bite molle. Mais bon, si elle est grosse et dure, c’est quand même le top, enfin pour moi. C’est le cas d’Arnaud, mon mec actuel.
- — Amandine, si tu veux, je te prête Kévin, je ne suis pas sectaire, glissa Magali.
La poupée blonde rosit :
- — Tu oserais ça ?
- — Bien sûr et tel que je le connais, il ne dirait pas non. Tu es la plus mignonne de nous quatre.
Caroline et Marjorie mirent leur grain de sel en disant à Amandine qu’elle aurait tort de se gêner vu que son mari « ne lui en donnait pas assez ». La poupée blonde ne répondit pas. Marjorie s’adressa à elle avec sa manière carrée dont elle était coutumière :
- — Est-ce que vous baisez avec ton mari, je veux dire baisez vraiment ? interrogea Marjorie.
- — Euh… on a des rapports, on fait l’amour quoi…
- — Ce n’est pas baiser, ça. Est-ce qu’il te fait des cunnis ? Est-ce que tu le suces ? Est-ce que vous avez déjà fait un 69 ? Est-ce qu’il te prend ailleurs que dans votre plumard, je ne sais pas moi, dans la cuisine, la salle de bains, dehors ? poursuivit Caroline.
- — La fellation oui, j’aime bien ça, mais il jouit tout de suite. Le reste non.
- — Bon, Magali, je crois que ton Kévin a du boulot avec Amandine, rigola Marjorie.
- — Je vais m’en occuper et j’espère, Amandine, que tu ne vas pas te dérober.
La poupée blonde ne pipa mot mais les autres la sentirent ébranlée. Caroline enchaîna :
- — Moi, je ne peux pas baiser sans avoir été d’abord léchée et avoir sucé. Je ne me rase pas, c’est un principe, ni les aisselles, ni le pubis, rien que les jambes, mais si mon lécheur fait le dégoûté, il peut aller se rhabiller.
- — Moi non plus, je ne me rase pas, j’ai même un beau béret basque en bas du ventre, il parait que ça fait partie de mon charme, et ça n’a jamais empêché un cunni, glousse Marjorie.
- — Et vous sucez comment ? interrogea Magali. Moi j’adore titiller le méat, caresser le gland avec la langue, me la fourrer jusqu’à la glotte. J’ai une solide réputation de suceuse et je fais souvent éjaculer dans ma bouche. Et j’avale tout. Vous avalez, vous ?
Caroline et Marjorie opinèrent du chef, mais Amandine marqua une mimique de dégoût :
- — Mais c’est dégueulasse !
- — Pourquoi tu dis ça puisque tu n’y as jamais goûté, répliqua Caroline. On peut faire des tas de choses avec la langue. Ma spécialité, c’est la cravate de notaire. Avec mes gros nichons, c’est quasiment un passage obligé.
- — Moi, je n’ai pas de gros nichons, mais j’aime aussi qu’on me lèche avant d’être pénétrée, avoua Magali. A mon âge, j’ai besoin de faire chauffer un peu le moteur.
- — Et puis, un bon cunni, c’est quand même jouissif, je prends mon pied parfois rien qu’avec la langue de mon mec, ajouta Marjorie.
- — Visiblement, tu es bien tombée, répliqua Magali. Mais toi, tu lui fais quoi avec la langue ? Seulement des pipes ?
- — Je te vois venir. Tu veux savoir si je la mets dans son trou du cul, c’est ça ? interrogea la brune boulotte.
- — Entre autres, répondit la sexagénaire. Les couilles aussi. En tout cas, moi je le fais.
- — Vous êtes de sacrées salopes, intervint Amandine, qui sortit de sa réserve. Je ne croyais pas ça possible de vous.
- — Écoutez-la, la chochotte, gloussa Caroline. Tu ne sais même pas ce qui est bon. Il est grand temps que tu te fasses déniaiser à ton âge. Évidemment, tu ne t’es jamais fait enculer…
- — Quoi ? Vous faites ça aussi ? Amandine était encore stupéfaite.
- — Ben tiens ! Si Caro a un passage obligé entre ses nichons, moi c’est mon cul. Il est trop gros à mon goût, mais il inspire. Et je vais vous dire un truc : j’adore ça, affirma Marjorie, la bouche en banane.
- — Moi j’ai un petit cul, mais je ne crache pas dessus non plus, souligna Magali. Et toi, Caroline ?
- — Je le fais, mais je réserve ça à mon mari. C’est le seul truc qu’il aime vraiment, allez savoir pourquoi. C’est son exclusivité.
Les trois autres éclatèrent de rire.
- — Bon, Magali, il faudra dire à Kévin qu’il n’oublie pas d’enculer Amandine, rigola Marjorie. Qu’elle ne meure pas idiote.
- — Vous faites déjà comme si j’allais tromper mon mari. Vous allez un peu vite en besogne, protesta la poupée blonde, sans trop convaincre.
- — Mais tu ne vas pas le tromper. Tu vas baiser, c’est tout. Je n’ai pas l’impression de tromper mon mari quand je baise avec un autre mec pour un coup vite fait, sans lendemain, indiqua Caroline.
- — Et ça t’arrive souvent ? interrogea Amandine. Franchement, je ne pensais pas ça de toi. Tu n’as pas le look d’une tombeuse, excuse-moi de te dire ça.
- — À cause de mes cheveux gris ? Détrompe-toi, ça les excite autant que mes gros nichons et mon cul joufflu. Je ne porte jamais de soutif et ils se demandent toujours si j’ai un slip sous ma robe. Pour baiser, il faut inspirer le sexe. J’aurais pu me faire teindre les cheveux, mais j’ai fait le contraire, laissé les fils blancs pousser. Le contraste avec le reste de mon corps, toujours appétissant vous en conviendrez, a augmenté mon potentiel érotique. C’est curieux mais c’est ainsi, conclut Caroline.
- — Moi, ça ne m’étonne pas, poursuivit Magali. Si vous saviez le nombre de jeunots que je me suis tapée depuis dix ans… À force de se faire renvoyer paître par des filles de leur âge, de plus en plus coincées, ils se rabattent sur les femmes mûres, voire très mûres mais bien conservées comme ma pomme. Ils savent qu’on n’a pas de tabous, qu’on est même un peu salopes et ils prennent leur pied. Ce n’est pas moi qui leur dirais « ah non pas dans mon cul s’il te plaît ». S’ils veulent m’enculer, ils m’enculent, un point c’est tout.
- — Tu me donnes de l’espoir, car j’avance à grands pas vers ton âge, reconnut Marjorie. Mais c’est vrai que mon motard me trouve un peu salope, un peu beaucoup même. Si vous saviez ce qu’on se dit quand on baise… À choquer les âmes sensibles !
- — J’adore les mots crus en baisant, ajouta Caroline. Cela m’excite terriblement, que je les dise ou les entende. Ce n’est pourtant pas ma manière de parler dans la vie courante.
- — Pareil pour moi, admit Magali. Vous voulez un échantillon ?
- — Ah non, par pitié, geignit Amandine, j’en ai assez entendu comme ça aujourd’hui.
- — Alors, bouche encore tes chastes oreilles, pouffa Marjorie. Les filles, vous avez eu une expérience en club échangiste ? Moi oui, avec mon ex-mari. Il voulait absolument me voir baiser avec d’autres mecs. Il n’a pas été déçu. Je m’en suis tapée trois dans la même soirée. Dont deux en même temps. Dont un Noir. J’avais jamais baisé avec un Noir. Expérience intéressante. Vous avez vécu ça aussi ?
- — Moi oui, avoua Caroline. C’était un vieux fantasme de grosse bite. Effectivement, il m’a littéralement défoncée. J’ai mis trois jours à m’en remettre. C’était un employé de mon mari et quand il a compris, il l’a viré.
- — Un peu salaud ton mari, poursuit Marjorie. Remarque, je n’ai pas été gentille non plus après cette expérience en club. Ce qu’on n’avait pas prévu, c’est ma liaison avec l’un de mes partenaires (pas le Noir), qui m’avait fait vraiment jouir. Et on a fini par divorcer.
- — Je ne suis jamais allée en club, reconnut Magali, j’ai toujours estimé ça un peu glauque. Par contre, j’ai eu plusieurs expériences de parties carrées, également avec mon ex-mari. On était amis avec un autre couple de notre âge et après le dîner, ça finissait au plumard. C’est comme ça que je me suis vraiment décoincée.
- — Et ça ne te faisait rien de voir ton mari faire l’amour… enfin baiser avec une autre femme, devant toi ? questionna Amandine, soudain intéressée.
- — Au contraire, ça m’excitait vachement. Je pouvais l’observer et le découvrir comme je ne le voyais pas avec moi. Et pareil pour lui d’ailleurs. Cela a mis un sacré coup de fouet à notre couple à l’époque.
- — N’empêche que vous avez fini par divorcer, répliqua Amandine.
- — Oui mais pour d’autres raisons. On n’était plus en phase. Et il a connu une femme plus jeune, c’est rédhibitoire. Et de mon côté, je ne me gênais pas non plus. La double vie, ce n’était pas notre truc.
- — Moi, je ne suis jamais allée en club et je n’ai jamais fait de parties carrées, glissa Caroline. Mais je me demande si mon mari ne serait pas un peu candauliste sur les bords. Je sais qu’un jour, alors que je baisais avec un client dans l’arrière-boutique, je sais qu’il m’a regardée en catimini tandis que je le croyais absent. Et il n’a pas réagi. Pas de scandale, rien. Peut-être que je devrais l’impliquer dans mes aventures…
- — C’est un peu risqué mais va savoir ce qui se passe dans la tête d’un homme, remarqua Magali.
- — Le coup de l’arrière-boutique, c’est le top. Moi, j’adore ces baises à la hussarde dans les endroits improbables. Les WC de restaurant entre deux plats par exemple. Ou sur une plage au clair de lune, confia Marjorie, de plus en plus échauffée.
- — La table de la cuisine, la baignoire… poursuivit Magali, l’œil allumé. Mais moi ce que je préfère, c’est face à un miroir. Me regarder baiser et regarder mon homme me baiser derrière moi, bien en moi. Devant le miroir de la salle de bains, par exemple.
- — Magali, tu es une sexygénaire, rigola encore Marjorie.
La peau pâle d’Amandine était devenue toute rose. Les autres ne le savaient pas mais son corps était en ébullition. Et alors qu’elles regardaient leur montre, effarées du temps passé, la jolie trentenaire s’approcha de Magali et lui dit :
- — J’insiste : c’était sérieux, ta proposition de… euh, me prêter ton Kévin ?
- — Bien sûr que oui. Tiens, tu veux voir sa photo ? répondit Magali en sortant son téléphone portable.
- — Il est mignon, reconnut Amandine, en voyant l’image du jeune amant de la sexagénaire.
- — Je m’occupe de tout et je te tiens au courant, conclut cette dernière, tandis que toutes se séparaient et se donnaient rendez-vous à la prochaine séance d’aquagym.
Alors, Caroline déclara :
- — Bon, les filles, vous savez ce qu’il nous reste à faire. Ouvrir des braguettes pour se calmer. Et la prochaine fois, on parlera cuisine.