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n° 22349Fiche technique25016 caractères25016
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Temps de lecture estimé : 18 mn
25/03/24
Résumé:  Un nouveau récit (de science fiction cette fois-ci) du Romancier est analysé par la Conseillère littéraire. La discussion émoustille le narrateur.
Critères:  h fh travail fdomine revede hmast
Auteur : Samir Erwan            Envoi mini-message
La voix de Mona Gaze

Une ville aux mille toits. Le soleil entre en force par les grandes baies vitrées du bureau de la Maison d’Édition et j’observe la silhouette en contre-jour de Mona Gaze, ma conseillère littéraire. Elle m’a bien appris, je ne peux la décrire, car je ne vois que ses formes en ombre dans le soleil, assise à une table de travail, non loin : un fin profil, délicat, des cheveux mi-longs attachés, une ligne de nuque baissée, un nez pointu, une bouche qui mord un crayon, une cambrure qui me fait soupçonner des jambes croisées, une chaussure à talon qui pend aux orteils.


J’attends.


Sur la table basse, devant moi, un livre fraîchement imprimé. Sur la quatrième de couverture, le portrait de l’auteur : la jeune quarantaine, une peau bronzée, une barbe de trois jours, des cheveux châtains, ondulés, mi-longs en vague sur sa tête. Des ridules pattes d’oie, en forme d’éventail, s’étendent du coin externe de ses yeux vers les tempes, lui donnant à la fois un visage rieur, réfléchi, sage, ayant bien connu la vie sous de multiples facettes. Sur la photo, l’auteur rit devant un interlocuteur hors champ. Sa chemise de lin clair est entrouverte, laissant paraître sa pomme d’Adam, un cou musclé aussi large que sa mâchoire, une cavité au-dessus de sa clavicule.


J’attends.


Si j’observe maintenant le reste de la pièce où Mona lit mon dernier écrit, je remarque une grande table de conférence en ellipse, en bois, avec une douzaine de chaises l’entourant. Mais seule celle dont mon Éditrice m’a fortement recommandé sa relecture, sa critique, et dont je suis bien heureux de recevoir ses conseils, recommandations et propositions y est assise. En contre-jour, silhouette sombre dans l’éclat du soleil du matin, qui tourne une page en mordant son stylo. Ses lèvres… (soupir), je ne peux la décrire, Mona est le centre de l’auréole du flambeau du monde…


J’attends.


Le reste de la pièce, au-delà de la table de conférence près de la baie vitrée donnant une vue panoramique sur les toits de la ville, est composé de fauteuils, de sofa, d’un minibar, de tableaux de peintres célèbres, de portraits d’écrivain.es en noir et blanc, de livres mis en valeur dans une bibliothèque encastrée. Un miroir, à hauteur d’homme, agrandit la salle et si je m’y mire, je vois un homme d’une quarantaine d’années, à la peau bronzée, portant une barbe de trois jours et des cheveux châtains, ondulés, mi-longs en vague, habillé de lin clair, souple, aérien. Mes pattes d’oie sur le coin de mes yeux donnent à mon visage un air rieur et sage. Cet homme dans le miroir devant moi est le même que celui de la quatrième de couverture du livre sur la table basse : c’est moi, romancier à succès, pilier de la Maison d’Édition.


Mona daigne enfin déplier et étirer son corps, levant ses bras au-dessus de sa tête, dans une posture de yoga, ses doigts enchevêtrés. Elle gémit en faisant jouer ses muscles après ce temps de lecture, puis reforme la pile des feuillets, les tapote sur la table, pousse sa chaise et se lève.



Je souris et ne peux m’empêcher de répondre :



Mona, charmée par ma remarque, esquisse un sourire nerveux et involontaire et s’assied dans le fauteuil devant moi, la table basse nous séparant. Elle dépose les feuillets entre nous, croise ses jambes — elle porte des résilles à mi-cuisses, je n’ai pu m’empêcher de le constater, sa petite jupe noire et ses talons m’y ont invité  !



Elle porte un crop top bustier noir qu’elle remplit bien. Mona n’est pas vulgaire, au contraire. Bien que mes yeux soient attirés par la naissance de ses seins corsetés, elle endosse un look glamour et élégant. Elle ne souhaite pas que j’en parle dans mes écrits, mais je ne sais pas faire autrement. Décrire les personnages est pour moi une seconde nature : pour qu’un personnage prenne vie, le lecteur doit le connaître physiquement et psychologiquement. Si le narrateur désire le personnage devant lui, il ne peut s’empêcher de décrire ses attributs  ! Certes, sa diatribe sur le male gaze m’a fait réfléchir, mais je ne sais comment faire autrement, à vrai dire.


Alors j’attends. Je n’en rajoute pas. J’essuie mes paumes moites sur mes cuisses, mon pantalon de lin beige devient humide, mais il sèche rapidement si ce n’est que de l’eau. Mon imagination vrille en explorant la personnalité de Mona Gaze, je me questionne sur sa vie, ses loisirs en dehors de la Maison d’Édition, rencontre-t-elle d’autres écrivain.es, est-elle végane, pratique-t-elle un sport, quel genre de film préfère-t-elle, quels quartiers fréquente-t-elle, a-t-elle un amoureux, une amoureuse, veut-elle voyager, quel est son rêve le plus fou  ? Et encore, et encore.


Je souris. Mona a le corps penché à l’avant, vers la table basse, en ma direction, elle lève la tête vers moi et fulgure ses yeux verts-absinthe dans les miens. Tout cela n’a duré que quatre secondes, depuis qu’elle s’est assise, et les moments se sont réfractés en éternité. Elle a fait sortir des mots de sa bouche, mais j’avais la boule au sternum, je n’ai pas compris, je croyais avoir tout bon avec ce dernier récit : que que quoi  ?



Je me défends comme je peux, en montrant patte blanche, en démontrant ma franchise. Mona passe sa main dans ses cheveux, se relève sur son fauteuil, les feuillets sur ses cuisses, le corps maintenant bien droit. Elle ferme les yeux, soupire, se peigne les sourcils puis se masse les paupières en un geste preste puis me foudroie de nouveau, le soleil du matin partout dans la salle de conférence. Elle déglutit et m’interroge :



Mona mouline son poignet dans un cliquetis de bracelets, elle hoche la tête en proposant un «  Continuez, je vous prie  » silencieux :



Je suis animé et presque exalté en racontant l’histoire, je souris et Mona me regarde, impassible, belle comme une statue chaude. Ses yeux verts m’éclairent, le soleil entre en boule de feu dans la salle de conférence de la Maison d’Édition, Mona hoche finalement la tête pour annoncer :



Heureux enfin de parler de la trouvaille du récit, je m’avance sur mon fauteuil, mon pantalon de lin adhère sur les coussins, je le replace rapidement et remarque les taches que font mes mains humides sur le tissu, je pense : «  Sacré lin, c’est le problème, mais ça séchera  !   » puis je dis, d’une voix éclairée :



Je lève la tête en dévoilant ma gorge et de mon pouce et mon index, je pince un peu en haut de ma pomme d’Adam, à la base de ma langue :



Toujours impassible Mona. Ou est-ce que je ne vois pas la commissure de ses lèvres se hausser, créant de fines fossettes dans ses joues  ? Elle prend une inspiration :



Mona hoche la tête, son nez lui donne tellement un beau petit air espiègle, les fossettes dans ses joues aident ce phénomène, ses cheveux noirs et attachés dans sa nuque laissent tomber de fines mèches, sa frange cadre son visage délicat, je n’accède pas au sens de son expression, elle ouvre les yeux encore plus, commence à sourire, mais l’éclat de son regard est profond, je continue, embrasé par mon histoire :



Mona claque les feuillets du récit sur ses cuisses et lâche un :



Mona éclate de rire, dégageant sa gorge, la tête relevée, j’admire la jonction entre son cou et ses trapèzes, peut-être qu’à l’avenir faudra-t-il cacher cette partie de notre anatomie  ? Se retenant de pouffer plus, Mona s’essuie les lèvres de ses doigts et ses yeux verts semblent me railler :



Mona croise ses jambes, applique ses mains sur ses cuisses, toujours tenant les feuillets de mon histoire, comme une gentille écolière studieuse, penche la tête de côté et s’enquiert :



Mona serre ses lèvres, mais pouffe de rire malgré ses efforts, elle met sa main devant sa bouche puis appuie son coude contre le dossier, confortable, pour me scruter de côté, exposant sa cuisse gainée :



Je suis perturbé. Elle a raison. Je l’ai décrite comme aujourd’hui, dans mon récit. Mona rigole encore, ses seins se gonflent, elle intervient dans ma rêverie :



Les jambes croisées, ses coudes sur ses genoux, le buste avancé, Mona me fixe, un œil goguenard, souriante, je ne sais que dire, je ne dis rien. Ma conseillère littéraire revient au texte entre nous :



À moi de parler maintenant, de retrouver ma verve, mon charisme de quarantenaire, ma force de persuasion, mon habileté avec les mots : mais la femme devant moi m’intrigue, ses manières, ses airs, ses gestes. Je suis muet, car j’élucide son prénom. Mona, M-O-N-A, si on intercale les lettres, ça donne «  Moan  ». Et en anglais, moan signifie «  gémir  ». Oui, j’aimerais l’entendre gémir…

… je ne sais que dire, étrangement subjugué, elle a dit que j’étais mignon en plus ? Alors c’est que  ? …


Je suis sauvé par la porte du bureau qui s’ouvre derrière moi. Je me retourne et l’Éditrice entre en trombe et en s’exclamant, contente de nous trouver tous les deux. Je me lève, Mona reste assise. L’Éditrice et moi nous embrassons sur les joues et elle ne cesse de parler :



Durant tout le discours-programme de mon Éditrice qui a duré une plombe, Mona lisait : elle a les feuilles entre les mains et j’estime qu’elle lit maintenant la conclusion ou l’épilogue. Elle connaît donc tout  ! Mona, toujours assise les jambes croisées, lève la tête vers l’Éditrice.



Mona se lève en lissant sa jupe sur ses cuisses et fait deux pas vers l’Éditrice. Elles s’étreignent et s’embrassent, je remarque des doigts lascifs sur la taille de l’une et un bras caressant sur les épaules de l’autre et je spécule : elles se connaissent si bien  ? Mona fait savoir :



Et l’Éditrice quitte la salle de conférence et Mona et moi nous retrouvons seuls après ce tourbillon blond.


Je me rassieds, essoufflé par la suractivité de l’Éditrice. Mona reste debout. Les feuillets du manuscrit sont sur la table basse. Les mains sur les hanches, la silhouette dessinée et arquée pour laisser paraître une longue cuisse et la forme de la taille concave, Mona semble réfléchir.



Dans sa jupe noire, j’ai seulement le temps de remarquer la cambrure de ses fesses lorsqu’elle se tourne vers moi. Elle semble prendre une décision. Elle avale sa salive, ce qui creuse ses joues puis elle fait quelques pas lents et cadencés pour s’installer derrière mon fauteuil.



Située derrière moi, Mona continue à me parler : à moi et à moi seul. Dans mon oreille.



Je sens ses mains effleurer mes cheveux avant de se poser sur mes épaules. Elle me chuchote, style ASMR :



Ses mains sont une caresse. Ses pouces sur ma nuque sous mes cheveux, ses autres doigts sur mes clavicules, son souffle dans mon oreille, son ton directif :



Mona délaisse mes épaules en une longue caresse et elle revient devant moi. Elle se plante devant la baie vitrée pleine de soleil vif et je ne distingue une nouvelle fois que sa silhouette sombre, ses courbes en ombre, marquées, définies, une statue chaude, avenante. Sa voix posée, basse, traînante, apaisante, insiste, dans le contre-jour :



Elle ne me laisse pas le temps de répondre :



Mona pointe le fauteuil où elle était assise. Les feuillets de la nouvelle de SF y sont. Elle les pointe d’un index tendu, son autre bras en triangle contre sa hanche sortie. J’en ai le souffle coupé. Mon larynx ne fonctionne plus. Admiration de la posture, du style, du panache. De ce qu’elle me dit, de ce qu’elle me fait éprouver, j’ai une excitation dans mon ventre, entre mes jambes. Je n’interromps pas ma Conseillère  ;



Dans une souple arabesque, Mona revient s’asseoir devant moi, la cuisse dévoilée dans ses bas – résilles, sa jupe remontée, son bustier bien rempli, je ne sais où regarder, je ne regarde nulle part, sinon dans ses yeux éclairs verts, ou ses lèvres qui bougent :



Je hoche la tête. Sa voix, ses yeux. Je bande.



Je la suis du regard et instinctivement, je touche mon membre de mes doigts. En effet, il s’est rigidifié le long de ma cuisse. Un bien fou. Juste le fait de le toucher. Et de regarder Mona se lever. Son mince profil, ses seins ronds au-dessus de son ventre plat, ses épaules nues. Je me caresse à travers mon pantalon, bouche bée. Une de ses mains, transformée en poing comme si elle tenait quelque chose, se positionne au niveau de son bassin. Son autre main, au bout d’un bras allongé face à elle, laisse entendre qu’elle tient le derrière de la tête de quelqu’un. Du moins, c’est ce que j’imagine. Mona le confirme :



Je ne la regarde pas, je m’émerveille :



Et à la fin de sa dernière phrase, Mona donne un coup de bassin en avant. Violent. Elle repositionne sa main tenant un sexe invisible, puis l’autre qui enserre les cheveux de la personne imaginaire, pour redonner un coup, puis deux, puis trois, puis encore et encore :



Je ne peux que hocher la tête, tout en mouvant mes doigts sur mon membre bien ferme.



Je m’exécute. Je sens la pression monter tout en observant ma conseillère littéraire : des talons, des mollets fuselés cachés par des bas-résilles dont on soupçonne la couleur de la peau, des cuisses fermes et écartées pour permettre les mouvements de ses hanches d’avant en arrière, la petite jupe noire qui remonte à chaque mouvement, sa main en poing tenant un sexe imaginaire, puis la courbe de ses fesses cambrées, son ventre de danseuse, sa poitrine qui remplit son bustier et qui souhaite jaillir de son carcan, ses cheveux devenus ébouriffés par les mouvements, des épaules dénudées, et elle qui me sourit, Mona, ma conseillère littéraire qui mime un acte sexuel effréné qui n’est pas écrit dans mon récit et que je vis :



Ses hanches avancent et reculent, elle danse, elle ouvre la bouche, elle observe l’être imaginaire à genoux devant elle dont elle agrippe les cheveux :



Je hoche la tête de nouveau et me lâche en la regardant, plus fort que moi. Je jouis en m’imaginant à sa place, baisant une bouche à sa place, ou en m’imaginant à la place de la personne devant elle, recevant le sexe en bouche, je ne sais, j’éjacule dans mon sous-vêtement qui n’absorbe rien, tout se répand sur le lin du pantalon. J’ai toujours deux doigts dans ma bouche, je n’ai jamais cessé de les sucer. Je les retire, confus.


Mona se recoiffe en me regardant. Elle sourit :



Elle laisse mon manuscrit sur la table et me rejoint. Une caresse de sa main sur mon épaule, un dernier sourire évocateur, ses yeux verts qui encore et toujours font vibrer mon corps. Mona quitte mon champ de vision. Je ne me suis pas retourné pour regarder son cul, j’ai déjà bien des visions pour mes fantasmes. J’entends la porte de la salle de conférence s’ouvrir, et se refermer.


Je me retrouve donc seul, dans la salle de conférence de la Maison d’Édition. Avec une belle tache sombre de sperme sur mon pantalon de lin beige et je me questionne sur ce que je viens de faire.