n° 22363 | Fiche technique | 9911 caractères | 9911 1569 Temps de lecture estimé : 7 mn |
04/04/24 |
Résumé: Un accident sur une route déserte et un automobiliste franchit les frontières de l’imagination. | ||||
Critères: angoisse #fantastique -médical | ||||
Auteur : Loriot Envoi mini-message |
Une lune ronde nimbait l’intérieur de la voiture d’une lumière froide. Maxence fixait les piquets fluorescents le long de la départementale, tant par jeu que par souci de sécurité. Il en oubliait presque la présence incongrue d’une abeille dont le bourdonnement perturbait son état semi-catatonique.
La piqûre le ramena à la réalité avec une brusquerie telle qu’il faucha l’un des éléments de balisage. Une torpeur étrange le saisit et dans une bienheureuse inconscience, il laissa sa voiture rater le virage et dévaler la pente. Le véhicule s’immobilisa dans un grand fracas de verre brisé et de tôles défoncées.
***
L’univers aseptisé d’une chambre d’hôpital n’est jamais agréable, mais préférable à la froideur de la morgue.
Dans le cou du convalescent, une légère induration lui rappelait les faits en même temps qu’elle lui en prouvait la réalité.
La porte de service s’ouvrit, livrant passage à une accorte infirmière précédée d’un petit chariot à roulettes.
Elle déposa un plateau-repas sur la partie prévue du lit médicalisé et l’aida à se redresser. Il inventoria la nature de son dîner. Steak haché mal cuit, pâtes tièdes, et carré de beurre trop serré dans son emballage d’aluminium. Un jus de fruits orange chimique et une compote piquante agrémentaient le tout qu’il ingurgita néanmoins sans déplaisir. Il renonça seulement à séparer le beurre de son emballage après une minute de vaines tentatives.
L’infirmière l’observait avec une attention bienveillante. Elle repartit en lui annonçant la visite prochaine de sa collègue.
Maxence se laissa retomber sur l’oreiller. Il lui semblait entendre un bruit ténu, sorte de bourdonnement. Sa douleur lancinante au cou lui rappela l’abeille dont le souvenir envahissait ses sens.
L’irruption de sa soignante le sortit de ses réflexions. Plutôt jolie, des cheveux auburn au-dessus d’une paire d’yeux noisette, brillants dans l’ombre de la frange. Le tout éclairait un beau visage aux traits fermes et réguliers.
Elle se montra satisfaite du résultat et lui confirma qu’il allait bien, mis à part un point sur lequel elle resta évasive.
Une rougeur le gagna à l’évocation de sa nudité devant elle. Il voulut fumer pour se donner une contenance, mais le paquet de Marlboro et son briquet se trouvaient dans la poche de son pantalon, lui-même rangé dans le petit placard mural. Et bien sûr, interdiction de fumer en ces lieux.
L’infirmière lui souhaita bonne nuit et le laissa à ses frustrations encore augmentées par la vue des jolies jambes à demi dissimulées par le tissu léger de l’uniforme. Et ses pieds. Même les Crocs mochardes réglementaires n’arrivaient pas à altérer leur aspect sexy.
La nuit, tout redevient simple. Maxence sombra dans un oubli sans fond.
***
Penchée sur lui, l’infirmière aux cheveux auburn prenait sa tension avec une concentration appliquée, sans ce regard vague caractéristique des infirmières hospitalières.
Sa main se faufila sous le drap et atteignit la large échancrure de la chemise d’hôpital. Ses doigts crochèrent dans la toison drue et bouclée, descendirent plus bas et saisirent sa verge à pleines mains. Elle écarta la pièce de tissu et mit à jour une semi-érection qu’elle s’employa à développer. Elle approcha le visage et remplaça sa dextre de sa bouche gourmande. Le fourreau chaud et doux lubrifiait le membre tout du long. La langue agile s’enroulait autour, les dents mordillaient le gland d’une pression légère. Ses testicules n’étaient pas oubliés, comprimés et caressés par les longs doigts rompus aux examens de précision. Elle mettait autant de dextérité que de délicatesse dans ses palpations dont les effets suscitaient des phrases muettes chez son patient. Des fantasmes enfouis, des frustrations mal cicatrisées se réveillaient, affleuraient dans son cerveau en ébullition. Une vague de plaisir remonta sa hampe, gorgea son gland et se répandit dans le paradis chaud de la bouche gourmande dont la langue se déroula du sexe agité de soubresauts. L’infirmière lécha la verge luisante d’une substance sirupeuse, mélange de salive et sperme mêlés qu’elle avala avec avidité.
La volupté associée à un sentiment d’emprise le laissa sans voix. Il regarda la soignante manipuler le commutateur, plongeant les lieux dans une pénombre qui gomma l’austérité de la chambre.
***
C’est le lendemain qu’il fit connaissance avec l’infirmière en chef, encore plus jolie que sa partenaire de la nuit passée, le tout magnifié par un charisme hors norme.
Nette et précise quant à ses gestes et ses questions, elle s’inquiétait en particulier des séquelles de son accident. Maxence préféra garder sous silence les bourdonnements persistants. Il pensait que le personnel médical interprétait le moindre dérèglement comme le signe d’un trouble plus grave. Plus tôt il en aurait fini, plus tôt il bénéficierait d’une autorisation de sortie.
Si elle se révélait moins tactile que sa subordonnée, la jolie brune manifestait tout de même un désir à peine voilé. Cette finesse plaisait au convalescent qui voyait là l’expression d’un tempérament riche en surprises.
La journée s’écoula dans la solitude propre aux chambres d’hôpital. Miss cheveux auburn lui accorda une occupation récréative sous forme d’un vieil exemplaire de roman des éditions Fleuve Noir. Il y était question d’extraterrestres, de robots appelés les Tarkas. Le reste sombra dans la même confusion au fur et à mesure que l’indifférence ennuyée qu’il éprouvait en ces lieux submergeait ses îlots de conscience.
En fin d’après-midi, il reçut une visite inattendue en la personne d’un quadragénaire dont l’aspect sérieux contrastait avec son discours extravagant.
L’irruption de miss cheveux auburn interrompit sa diatribe.
Elle énonçait une évidence que son interlocuteur ne contesta pas.
La porte à peine refermée, l’infirmière poussa un soupir résigné en haussant les épaules. Une pointe de pitié dans la voix, elle expliqua que cet homme était externe dans un pavillon de l’aile psychiatrique. L’hôpital de jour, précisément… son cas ne nécessitant pas un internement permanent. Rien à voir avec les malades difficiles des UMD.
Maxence accueillit ces éclaircissements d’une oreille compréhensive et s’en retourna à la lecture de ses aventures extragalactiques.
Sa journée végétative ne fut troublée que par une visite de la jolie brune en chef qui lui annonça qu’elle viendrait auprès de lui durant la nuit. Une perspective plaisante, de quoi relativiser le repas du soir, pire encore que celui de la veille. Le cuisinier aurait fait un tabac au Hanoï Hilton.
***
Le clair de lune, les suites de son accident ou autre chose ? Le sommeil désertait Maxence. Dans le silence ouaté de sa chambre, ses idées prenaient racine. Bien sûr, le fantasme de l’infirmière est bien connu, mais sans être repoussant, son physique quelconque, sans charme particulier, peu valorisé dans ses habits d’hôpital, ne pouvait expliquer sa bonne fortune. Cette évidence donnait une dimension nouvelle aux révélations de son mystérieux visiteur.
Il se leva et, muni de son briquet, quitta sa chambre, bien décidé à entreprendre l’exploration nocturne des lieux. À la lueur tremblante de la modeste flamme, il enfilait les couloirs identiques, vides de ces appareils incompréhensibles qui encombraient habituellement les établissements de cette nature. Près d’un croisement, il s’immobilisa, alerté par un bruit étrange. Il se pencha légèrement et vit une image sortie d’un cauchemar enfantin. Deux gigantesques abeilles transportaient son visiteur de l’après-midi. Transpercé d’énormes dards.
Mû par une idée subite, il heurta le mur du coude, mettant assez de force dans le geste pour détacher un imposant morceau de plâtre. Sous le décor, une matière jaune et molle brillait comme un épiderme monstrueux. De la main, Maxence en éprouva la douceur, préleva un échantillon qu’il porta à son nez, inhala les effluves piquants. La nature de cette substance ne faisait aucun doute. De la cire.
Il soumit la matière à l’épreuve du feu. Elle grésilla en diffusant une odeur âcre, mais se révéla incombustible.
Maxence retourna dans sa chambre et dépiauta le vieux roman. La colle jaune et durcie se détachait par plaques, laissant la reliure à nu. Il dégagea une partie du mur et embrasa quelques pages qu’il appliqua contre la substance visqueuse. Cette fois, des flammes orangées apparurent et l’incendie débuta.
Il répéta l’opération en plusieurs endroits, le long des couloirs.
Un puissant bourdonnement se répercuta dans la structure en proie à la fumée. Dissimulé par les émanations, un linge mouillé sur le visage, Maxence courait droit devant lui. Il atteignit l’extérieur par un simple trou entouré d’une sorte de membrane grisâtre. Sans interrompre sa fuite, il regagna la route.
Ce qui fut une ruche géante se consumait à une vitesse prodigieuse. Les hautes flammes orangées éclairaient la campagne endormie, facilitaient la progression de Maxence. Il sentait son dos et les racines de ses cheveux humidifiés par une mauvaise sueur. La perspective d’une marche nocturne le long de la départementale lui semblait moins désagréable.
Plus loin, l’incendie mourait dans une fumée grise piquetée de flammèches.