Comme l’aurait dit en son temps François Chalais, la 77e édition du Festival International du film Revebebe est ouverte.

Sur la Croisette, à côté du port, la salle du Palais des festivals est comble pour assister à la présentation, hors compétition, de la version remastérisée de « Un mariage et quatre enterrements » sorti il y a quelques mois.

Comme son réalisateur l’a répété depuis une semaine sur toutes les chaînes de télévision, il n’aurait jamais dû écouter ses producteurs. À l’aide de sa fidèle monteuse, certaines scènes ont été allégées, d’autres ont été rajoutées, elles avaient été coupées au montage initial. Malgré tout, il risque encore d’être interdit aux moins de seize ans.

Les spectateurs sont tous impatients de découvrir cette nouvelle adaptation du roman noir de William Irish. Que nous réserve-t-elle ?

De notre envoyé spécial Patrick Paris en direct de Cannes pour BaiseFM TV.

Quel beau mariage !

Le soleil accueille les jeunes mariés à la porte de la mairie de cette petite ville de la banlieue parisienne, pas loin du parc Disney.

Quelle est belle Mélanie dans sa robe d’un blanc immaculé ! Tout le monde attendait ce moment. Elle descend d’une voiture couverte de fleurs, son voile flotte au vent léger qui souffle ce matin. Elle rayonne de bonheur.

Le marié la tient par la main, très élégant dans son beau costume trois-pièces, ses gants assortis à une cravate gris souris, lui qui n’en porte jamais. Mais la belle-famille tient aux traditions, alors Éric s’est plié aux convenances.

Éric et Mélanie, Mélanie et Éric. Leur amour éclate au grand jour. Ils sont faits l’un pour l’autre, une évidence aux yeux de tous.

Toute la famille de Mélanie a fait le déplacement. Les dames ont fait des folies, les toilettes, les chapeaux tous plus beaux les uns que les autres. Trois demoiselles d’honneur et un page de six ans, le petit dernier, vont tenir le voile de la mariée quand elle entrera dans l’église. La joie est un peu ternie par l’absence d’un cousin décédé dans un accident de voiture il y a quelques mois. D’ailleurs à la demande de la famille, le mariage a été repoussé, le temps du deuil.

Plusieurs amis et membres de la famille d’Éric sont absents, empêchement de dernière heure, ce qui n’enlève pas le sourire de celui qui va convoler en justes noces. Ses parents, son frère et ses amis proches l’entourent et le félicitent. Son père a un petit sourire complice, se rappelle-t-il son propre mariage ?

Les mariés discutent avec monsieur le maire, un ami de la famille, un jeune loup récemment élu qui brigue le poste de député de sa circonscription.

La noce a envahi la petite salle de mariage, les photographes sont prêts à saisir l’instant où Éric va passer la bague au doigt de Mélanie. Après un discours pour faire plaisir à la famille de la mariée, une jeune fille qui fait honneur à la commune, le maire s’approche du couple pour recueillir les consentements :

• — Mademoiselle Mélanie D., voulez-vous prendre pour époux monsieur Éric M. ici présent ?
• — Oui, dit-elle timidement en baissant les yeux comme sa mère lui a conseillé de le faire.
• — Monsieur Éric M., voulez-vous prendre pour épouse Mademoiselle Mélanie D. ici présente ?

Éric marque un temps d’arrêt, il attend ce moment depuis tellement longtemps. Regardant le maire droit dans les yeux :

• — Non, dit-il fermement pour être entendu de toute l’assemblée.

Et se tournant vers Mélanie qui semble avoir mal entendu :

• — Non… Certainement pas !

---oOo---

Pourquoi Éric vient-il de gâcher ce qui devait être le plus beau jour de leur vie ?

Revenons quelques mois en arrière.

Quand ils se sont connus, Éric et Mélanie sont tombés amoureux l’un de l’autre, pas un coup de foudre, c’est venu petit à petit, leur amour n’en est que plus fort. Mélanie a vite emménagé avec Éric. Après trois années de bonheur, désirant fonder une famille, ils décidèrent de se marier.

Mélanie était acceptée dans la famille d’Éric, une jeune fille sérieuse. Éric était accepté dans la famille de Mélanie, un jeune homme bien avec une belle situation.

Il fallait faire selon la tradition, devant toute la famille, les amis, les voisins, devant monsieur le maire et monsieur le curé. Voulant faire plaisir à Mélanie, Éric a tout accepté. Après quelques mois de fiançailles, un mariage à l’ancienne.

Belle-maman s’est occupée de tout, c’est même elle qui a négocié la date avec monsieur le maire, un ami. Pour épater les invités du vin d’honneur réunissant tout le village au dîner de noces, elle mettra les petits plats dans les grands dans la meilleure auberge du département.

---oOo---

La date approche, dans un peu plus d’un mois on l’appellera madame. Mélanie annonce à Éric que samedi prochain, elle fêtera avec ses amis son enterrement de vie de jeune fille, encore une tradition, elle ne peut s’y soustraire.

Éric demande des détails :

• — Non, non, tu ne sauras rien. Le futur marié ne doit pas savoir.

Mélanie se prépare, elle passe des heures dans la salle de bain. Dans un grand sac, elle emporte un déguisement qu’Éric n’a pas le droit de voir. À vingt heures, un ami vient la chercher, prudente car au retour elle risque de ne pas être en état de conduire.

Éric s’est fait une raison, c’est la tradition. Il l’embrasse en lui souhaitant une bonne soirée :

• — Ne rentre pas trop tard tout de même, et bois pas trop.
• — Mais non, soit tranquille, je serais sérieuse. À ce soir mon chéri.

Resté seul, Éric s’apprête à passer une soirée en célibataire, devant un film, une bière à la main. Il va attendre Mélanie en espérant qu’elle lui racontera sa soirée, et ils se feront un petit câlin avant de s’endormir.

Elle n’est partie que depuis quelques minutes, un coup de sonnette fait sursauter Éric, aurait-elle oublié quelque chose ?

Il est surpris de voir Cyril, le cousin de Mélanie. Ils se sont rencontrés plusieurs fois lors de fêtes de famille et au dernier réveillon. Que vient-il faire ?

• — Mélanie n’est pas là, si c’est elle que tu viens voir.
• — Non c’est toi, prépare-toi, on vient te chercher.
• — Quoi ?
• — Mélanie à sa soirée. Tu as droit à la tienne, viens avec nous.

Encore la tradition. Pas contrariant, Éric suit Cyril dans la voiture qui l’attend. Il retrouve David, un ami de Mélanie. Sans savoir où il va, ni ce qu’il va faire de sa soirée, il se laisse guider sans se poser de question. C’est sympa de la part de Cyril d’avoir organisé une fête pour lui. Il pense à sa chérie, ils auront beaucoup de choses à se raconter demain matin.

Il se doute qu’il y aura des épreuves, des surprises, il va sûrement trop boire et se réveillera avec la gueule de bois. C’est toujours pareil un enterrement de vie de garçon.

Leur voiture roule une dizaine de minutes et les dépose devant une villa à la sortie de la ville. Faisant durer le suspense, Cyril le fait pénétrer dans un petit salon, deux fauteuils, une table garnie d’une coupe et d’une bouteille de Champagne dans un seau à glace.

• — Installe-toi.

Docile, Éric obéit, il attend la suite. La lumière s’éteint, le miroir au mur s’éclaire, un miroir sans tain, discrètement il peut voir tout ce qui se passe dans la pièce à côté. Il en a souvent entendu parler, sans jamais en avoir vu. Qu’ont-ils bien pu inventer ?

• — Voilà, tu vas pouvoir regarder sans être vu.

Intrigué, Éric distingue quatre hommes un verre à la main discutant avec une femme habillée en Bunny Playboy, caraco noir pigeonnant, petite jupette très courte, et oreilles de lapin. Il n’en croit pas ses yeux, Mélanie. C’était ça son costume, il comprend pourquoi elle n’avait pas voulu le lui montrer. Sans attendre sa question, Cyril explique :

• — Elle est belle non ? Tous les hommes se posent des questions sur l’enterrement de vie de jeune fille de leur future épouse. Notre cadeau, toi tu sauras. Ici, tu es aux premières loges pour suivre la soirée.

Mélanie a l’air à l’aise entourée de ses amis d’enfance, David qui les a conduits, mais aussi Didier, Florent et Thierry. Éric les a déjà croisés à plusieurs reprises.

• — Avec nos amis, j’ai organisé cette soirée en l’honneur de ta femme. Ne bouge pas, regarde. Champagne à volonté.
• — Mais ?
• — Pas de mais, regarde et apprécie. Je te laisse, je dois aller saluer ta future épouse.

Cyril sort. Encore sous l’effet de sa surprise, Éric le voit entrer dans le salon quelques secondes plus tard. Il va saluer Mélanie qui lui sourit en le reconnaissant :

• — Bonjour ma cousine. Toujours aussi belle.
• — Bonjour cousin.

Contre toute attente, Éric voit Cyril prendre Mélanie dans les bras et lui rouler une pelle digne d’un film X. Elle ne semble pas étonnée. Elle se laisse aller et lui rend son baiser. Cyril lui caresse le dos, les fesses à pleines mains, sans aucune réaction de sa part.

Éric bondit de son fauteuil, il entend Cyril qui se dirige vers la porte :

• — Excuse-moi, je reviens, dit-il en sortant de la pièce pour rejoindre Éric qui l’apostrophe à son retour.
• — Salaud ! Comment oses-tu ?
• — Eh doucement ! Mélanie n’est pas encore mariée. Personne ne l’a forcée, elle est d’accord pour cette soirée avant de s’unir à toi. Tu la connais mal, tu dois savoir avec qui tu vas lier ta vie. D’ailleurs regarde.

Ses quatre amis trinquent avec Mélanie et l’embrassent à tour de rôle. Elle semble heureuse de passer ainsi de bras en bras, certains n’hésitant pas à lui mettre la main sur les fesses ou dans son décolleté.

• — Profite du spectacle… Bon, j’y retourne… Rassure-toi, je la ramerai entière au domicile conjugal.
• — …
• — Ah ! J’oubliais de te dire, nous sommes tous clean. Nous avons fait un test hier.
• — Quoi ? Un test ? … Et Mélanie ?
• — Mélanie aussi bien sûr. Comme ça, ce sera plus agréable pour tout le monde.

Éric est sidéré par ce qu’il vient d’entendre, par ce qu’il voit. Mélanie l’a trahi, elle a tout prévu dans son dos. Paralysé, il se cramponne au fauteuil dans lequel il vient de se laisser tomber. Que peut-il faire ? Un scandale ? Et si ce n’était qu’une blague, pour l’éprouver. Il est curieux de voir jusqu’où elle ira.

L’arrivée de Cyril donne le signal. Il s’approche de Mélanie, lui dégrafe son haut dans le dos, libérant sa poitrine qu’il pelote à pleines mains. Seins nus, très à l’aise, elle sourit, se laisse embrasser. Des mains la caressent, d’autres lui enlèvent sa jupe, sa culotte. Entièrement nue face à ses amis, Mélanie tourne sur elle-même pour mieux se faire admirer. Éric comprend le temps qu’elle a passé cet après-midi dans la salle de bain, il ne l’a jamais vue aussi nue, son sexe est lisse comme celui d’une petite fille.

Cyril passe un bras autour de ses épaules, après un bref regard dans la direction du miroir, il l’embrasse langoureusement tout en la caressant. Ses amis s’approchent, Mélanie a des mains partout, sur les fesses, les seins, entre les jambes. Elle est embrassée, sucée, pelotée. Elle sourit, visiblement satisfaite de cet hommage à sa beauté.

Personne ne soupçonne la présence d’Éric dernière le miroir, seul Cyril lance de temps en temps un regard ironique vers lui.

D’un naturel plutôt calme, et sachant garder son sang-froid en toutes circonstances, Éric doit se retenir pour ne pas éclater et faire irruption au milieu de la fête pour extirper sa fiancée des mains de ces hommes. Ne pas se précipiter, « la vengeance est un plat qui se mange froid ».

Reprenant peu à peu sa respiration, Éric saisit son téléphone pour immortaliser la scène. Ça pourra toujours servir.

Cyril mène la danse. Sur un signe de sa part, David et Thierry ouvrent leur pantalon. Mélanie se met à genoux, elle les branle un dans chaque main et les prend dans sa bouche à tour de rôle. Elle semble apprécier la main de Cyril sur sa tête qui la force à engloutir entièrement la queue de Thierry.

Avant qu’ils n’aient pu jouir, Cyril fait s’allonger Mélanie face au miroir. Le fixant dans les yeux, elle écarte en grand les jambes, et l’invite à venir la prendre. Il se couche sur elle et la pénètre d’un coup, la faisant sursauter. Levant les jambes, elle referme ses cuisses derrière son dos pour le tenir serré en elle. Sa respiration s’accélère.

Éric entend un cri, le premier orgasme de sa future femme, d’autres vont suivre de plus en plus rapprochés.

Cyril se retire en se tournant vers le miroir l’air suffisant. Éric peut voir en gros plan, la satisfaction affichée sur le visage de sa fiancée.

David n’attend pas, il la retourne, se positionne et la prend en levrette. Tandis que Cyril, toujours en forme, se met devant elle, lui relève la tête pour une gorge profonde. Il affiche un large sourire au moment de jouir. Mélanie a failli s’étrangler, Éric frisonne, il la voit déglutir sans hésiter.

Une porte claque, un homme vient d’entrer. Encore un. Qui ça peut-il être ? Éric ne l’a jamais vu.

• — Bonjour la mariée.

Mélanie se jette dans les bras du nouveau venu :

• — Alex ! Tu as pu venir, c’est gentil de ta part.
• — Voyons. Je n’allais pas rater une telle soirée.

Voir Mélanie nue dans les bras de cet homme, les voir s’embrasser, voir cette main qui lui caresse le dos, descendre, lui peloter les fesses, et sentir Mélanie heureuse, c’en est trop. Éric n’intervient pas, c’est maintenant inutile. Il prend conscience qu’il a perdu Mélanie, ou plutôt que Mélanie l’a perdu. Il serre les poings, sa décision est prise, Mélanie ne sera jamais sa femme.

Jamais à court d’idées, Cyril propose à Didier de s’allonger sur le dos et invite Mélanie à s’asseoir sur lui à califourchon. Elle n’hésite pas à venir s’empaler sur sa queue bien dressée.

D’une main ferme, Cyril la fait se pencher en avant, elle en profite pour embrasser son amant du moment. Il convie le nouveau venu à venir honorer la future mariée. Alexandre est prêt, nu il s’avance vers elle. Une grande claque sur les fesses, Mélanie se retourne en souriant, et le regarde tandis qu’il s’enfonce en elle, sous les yeux incrédules d’Éric qui n’a pas arrêté de prendre des photos. Il immortalise le rictus d’Alexandre lorsqu’il jouit en s’accrochant aux hanches de Mélanie. Le cri de bonheur qu’elle pousse lui vrille les oreilles et lui perce le cœur.

Didier aussi a joui, plus discrètement.

Mélanie a l’air repue, mais heureuse, épanouie. On lui tend un verre, ses amis trinquent à sa santé en déposant un baiser sur ses lèvres.

• — Tu ne vas pas épouser ce connard, dit subitement Cyril.
• — Ne l’appelle pas comme ça. J’aime Éric, je veux être sa femme.
• — Comme tu veux… Nous pourrons toujours nous voir de temps en temps.
• — Pas question ! C’était bien d’accord, cette soirée est la dernière. Je serais une femme fidèle.
• — Que dirait-il s’il savait ce que tu as fait ce soir ?
• — Oh non ! Il ne faut pas qu’il sache, il ne me pardonnerait jamais… tu m’as promis.
• — Nous serons muets, juré, déclare solennellement Cyril, en tendant le bras, faisant semblant de cracher par terre, tout en jetant un œil vers le miroir.
• — …
• — Pas vrai les gars ?
• — Juré, répondent-ils tous en cœur.

Rassurée, Mélanie se lève prise d’une envie pressante. Ses amis la caressent au passage déclenchant un petit rire complice. Son cousin regarde ironiquement Éric, comme par défi.

Sans le savoir, Cyril vient de se condamner.

Les cinq hommes en profitent pour se déshabiller entièrement, ce qui présage que la soirée n’est pas terminée.

Quelques minutes plus tard, Mélanie revient face au miroir, face à Éric. Qu’elle est belle avec ses longues jambes fuselées, son sexe imberbe, ses seins arrogants. Elle marche sur la pointe des pieds, légèrement cambrée. Un large sourire illumine son visage en découvrant ses amis dans le plus simple appareil. Leur souriant, elle s’allonge sur le tapis,

• — Venez ! leur dit-elle en les invitant d’un signe de la main.

Ses amis l’entourent, dix mains la caressent. Alexandre se met à genoux entre ses cuisses largement ouvertes, il est prêt, il se couche sur elle et l’embrasse.

Éric est anéanti, assommé par ce qu’il a vu, ce qu’il a entendu, il sort en titubant. Sans savoir où aller, il marche comme un automate droit devant lui, les yeux hagards. S’approchant de la voiture de Cyril, non content d’avoir organisé cette soirée, il réalise que c’est ce traître qui l’a amené là pour l’humilier.

Sa décision est prise, l’occasion est trop belle. Il se glisse sous la voiture, et en ressort quelques minutes plus tard, les mains pleines de cambouis. Un peu de mécanique lui a rendu le sourire.

Cela fait au moins deux heures qu’il est assis contre un arbre sans bouger, la tête entre les mains, les yeux fixes, quand il entend le rire cristallin de Mélanie. La soirée est enfin terminée.

Elle monte dans une voiture. De loin, Éric ne reconnaît pas celui qui la raccompagne, ce n’est pas son cousin. Elle arrivera sûrement avant lui, il va devoir trouver une explication.

Une heure de marche dans le froid de la nuit lui permet de reprendre ses esprits, et renforce sa détermination. Arrivé chez lui, il constate que Mélanie n’est toujours pas rentrée. Où est-elle ? Avec qui ?

Il somnole quand elle arrive au petit matin en essayant de ne pas faire de bruit. Se glissant dans les draps, elle le voit ouvrir les yeux :

• — Dors mon chéri.
• — Il est tard… Tu as passé une bonne soirée ?
• — Fatigante ! Je te raconterai demain. Lui dit-elle en déposant une bise sur sa joue.

Éric la prend dans ses bras, sa peau est fraîche, elle a pris une douche. Il commence à la caresser, curieux de voir sa réaction après une telle soirée. Mélanie le laisse faire quelques secondes et de sa voix la plus mielleuse :

• — Je suis fatiguée mon chéri. On dort. On verra demain. Je t’aime.

Et elle se blottit dans ses bras.

---oOo---

Mélanie dort encore quand Éric se lève. Il va préparer le café dans la cuisine, la tête pleine des images de la veille. Il est plus déterminé que jamais. Il ira jusqu’au bout, sans faiblir.

En fin de matinée, fatiguée de sa soirée, sa tendre fiancée émerge. Après une petite bise, Éric lui tend un café :

• — Ta soirée s’est terminée bien tard ma chérie. Pas trop pénible ? Il y avait qui ? Raconte-moi, ce qu’ils t’ont fait ?

Mélanie se fige, les paroles d’Éric sont à double sens, mais il ne peut pas savoir. Ne pas montrer son trouble, et répondre normalement. Ses amis se sont surpassés, elle ne sait plus combien elle a eu d’orgasmes, impossible de compter, la tête lui tournait.

Faut vivre un truc pareil une fois dans sa vie. Cette soirée avec ses amis, avant de jurer fidélité à son chéri, ne se reproduira plus. Elle aspire à fonder une famille avec Éric, l’homme idéal, il a les mêmes aspirations qu’elle. Amoureuse, elle a décidé de l’épouser pour le meilleur et pour le pire, une page de sa vie se tourne, une autre plus riche va s’ouvrir.

S’il savait, à un mois du mariage, ce serait la catastrophe. Heureusement ses amis ont juré d’être discrets, elle a confiance en eux. Ils ne se reverront que le jour de ses noces, et après, fini, même avec Alexandre.

Ah, Alexandre ! Plus jeune, elle avait le béguin pour lui, mais maintenant c’est fini. Pourtant, elle ne regrette pas de l’avoir suivi chez lui, trop fatiguée, elle s’est assoupie dans ses bras. Quand il l’a raccompagnée, elle a imaginé une histoire plausible pour justifier cette arrivée tardive, une soirée bien arrosée, un peu pompette, elle a cuvé avant de rentrer.

• — Alors ta soirée ?

Tirée de sa rêverie, Mélanie va expliquer les épreuves bêtes qu’elle a dû subir comme toujours à cette occasion, quand son téléphone sonne.

En raccrochant, elle est blême. D’un regard, Éric lui demande ce qu’il se passe. Bouleversée, elle bafouille en lui disant que sa mère vient de la prévenir. Son cousin Cyril a eu un accident, sa voiture a quitté la route hier soir en revenant d’une soirée avec ses copains Florent et David. La voiture est en miettes. Ils sont morts tous les trois sur le coup.

Mélanie éclate en sanglots. Éric, lui, n’a pas l’air trop triste, il est vrai qu’il les connaissait peu.

Mélanie est en pleurs lors de l’enterrement de son cousin et de David dont la cérémonie unit les deux familles dans une même douleur.

Éric aperçoit Thierry et Didier parmi la foule venue rendre un dernier hommage à leurs amis. Il se tient à distance quand Mélanie va les saluer en leur faisant la bise. Alexandre n’est pas là, il est en déplacement professionnel. Sans se faire remarquer, il se rapproche suffisamment pour écouter leur discussion à voix basse. Thierry s’étonne :

• — Mélanie a eu une sacrée chance, l’autre jour, Cyril devait bien la raccompagner ?
• — Oui, c’est ce qui était prévu.
• — Heureusement qu’Alex s’est proposé à la dernière minute.
• — Elle a sûrement préféré, non ? répond Didier en donnant un coup de coude complice à son ami.
• — Tel que je le connais, il a dû faire un détour chez lui avant de la ramener.
• — Enfin chez lui ?
• — Oui, on se comprend.
• — Sûr ! … On se revoit demain pour ce pauvre Florent.
• — Impossible pour moi, j’habite dans le Nord maintenant, pas deux fois le voyage. Bye !

Au retour du cimetière, Mélanie informe Éric que ses parents leur demandent de repousser la date du mariage pour laisser passer les six mois de deuil traditionnel dans leur famille. Conciliant, Éric accepte sans émettre la moindre réflexion, mentalement il met une croix devant les noms de Cyril, de Florent et de David.

---oOo---

Tradition oblige, le repas dominical chez les futurs beaux-parents, dans la maison familiale à une heure de Paris, quand il n’y a pas d’embouteillage.

Tous les dimanches, belle-maman explique les détails de la cérémonie, le traiteur, le menu, la décoration de l’église, la liste des invités. Éric la laisse décider. En bonne gestionnaire, elle décide le partage des frais, au prorata du nombre d’invités, classique. Éric est bien sûr d’accord, il verra avec ses parents après la noce.

Ce midi pourtant, la discussion est tout autre. La ville est en ébullition. N’ayant pas la force d’en parler, la mère de Mélanie lui tend la feuille de chou locale. En première page, la photo de Didier, son ami d’enfance, le titre est éloquent « Tragique accident de chasse ». Le journaliste détaille comment un jeune homme de la commune, parti à la chasse, a été victime d’un tir malencontreux dont on ne connaît pas l’origine. La gendarmerie enquête, comment savoir, personne ne parlera.

Tandis que belle-maman commente les dernières rumeurs qui circulent en ville, Éric pense qu’il attendra que tout le monde somnole après le café pour remettre à sa place le fusil qu’il a emprunté discrètement la semaine dernière à son futur beau-père. Il n’allait pas rater l’ouverture de la chasse.

Didier doit être inhumé demain lundi à dix heures, les habitants sont conviés à se joindre à la famille pour un dernier hommage. Mélanie est blanche, Éric lui propose de rester coucher chez ses parents, pour être sur place le lendemain. Il restera près d’elle pour la soutenir.

Beaucoup de fleurs, la cérémonie est émouvante. Toute la ville est réunie dans la petite église où ils se marieront dans trois mois. Ils saluent le curé qui leur rappelle qu’ils doivent venir le voir pour la préparation au mariage.

À la sortie de l’église, Éric aperçoit Thierry avec Alexandre. Ne voulant pas les rencontrer, il s’excuse auprès de Mélanie. Il doit rentrer rapidement à Paris, pour un rendez-vous avec un client. Il reviendra la chercher dans la soirée.

---oOo---

Avec Mélanie, Éric doit rencontrer le maire et le curé afin de trouver une autre date avant l’été, pour pouvoir partir en voyage de noces au soleil. Sa future belle-mère s’occupera du report de la réception.

Pour son travail, Éric a de nombreux déplacements en province. Ce lundi, il doit se rendre à Lille pour deux jours. Il propose à Mélanie de l’accompagner, ils pourraient partir ensemble vendredi, elle rentrerait dimanche soir en train.

Mélanie est enchantée de ce week-end en amoureux au bord de la mer. Et comme son ami Thierry s’est établi depuis un an à Boulogne, ce sera l’occasion de le revoir. Conciliant, Éric lui suggère de l’appeler, s’il est disponible il pourrait leur servir de guide.

Heureux de cette visite, Thierry leur fait visiter les plages du nord, les falaises du cap Gris-Nez. Le soir, il les emmène dans un restaurant de fruits de mer réputé de Boulogne. Éric, pour remercier Thierry de sa gentillesse, insiste pour payer. Mélanie est ravie que son chéri s’entende si bien avec son ami qui a accepté d’être son témoin.

Comme prévu, Mélanie a pris le train du soir. Le lendemain, Éric téléphone à Thierry pour le remercier. Il souhaiterait retourner à la falaise pour prendre quelques photos, si Thierry peut l’accompagner, ils pourront mieux faire connaissance.

La vue est magnifique, Éric regarde la plage et la mer tout en bas :

• — Attention c’est dangereux, l’avertit amicalement Thierry.

Sans écouter l’avertissement, Éric se rapproche du bord tout en parlant, obligeant ainsi Thierry à le suivre.

• — Tu connais Mélanie depuis longtemps, vous êtes très proches.
• — Oui, c’est une bonne amie, on se connaît depuis l’école primaire. Je suis heureux qu’elle m’ait choisi comme témoin, répond Thierry sans se méfier.
• — Non je veux dire, proche comme l’autre soir, quand elle t’a sucé et que tu l’as baisée… Quand vous l’avez tous baisée.

Thierry sursaute. Il regarde Éric qui a perdu son sourire :

• — Que… Que veux-tu dire ?
• — Tu ne te souviens pas ?

Éric serre les poings, son regard est fixe, sa respiration s’accélère :

• — Les autres ont payé. Aujourd’hui c’est ton tour.
• — Quoi ? C’est toi qui… ?
• — Facile, avec quelques notions de mécanique et pas trop mauvais au tir.

Une lueur d’effroi passe dans les yeux de Thierry en voyant Éric se rapprocher de lui. Il fait un pas en arrière :

• — Ce n’était pas sérieux.
• — Tu as plus de chance qu’eux, toi au moins tu sais pourquoi tu vas mourir.
• — Non ! Laisse-moi t’expliquer.

Thierry n’a pas le temps de s’expliquer. D’une simple poussée, Éric lui fait perdre l’équilibre et le regarde rebondir sur les rochers, avant de s’écraser trente mètres plus bas.

Content du travail bien fait, Éric retrouve lentement son calme. Il retourne à son hôtel l’esprit en paix. Il en reste encore un, Alexandre, il lui réserve une belle surprise.

Mardi soir, Mélanie retrouve son futur mari plus amoureux que jamais. Leur mariage est dans moins d’un mois. Sa mère lui a téléphoné, tout est prêt. Sa robe a été livrée, elle est magnifique, elle la lui montrera dimanche prochain. Éric ne devra pas la voir avant la cérémonie, c’est l’usage.

Il dépose négligemment sur la table du salon, le journal La Voix du Nord qu’il a pris à l’hôtel en partant. Mélanie le parcourt d’un œil distrait, quand elle tombe en page quatre sur un titre qui l’interpelle « accident mortel dans la lande. Un promeneur imprudent est tombé de la falaise ». Intriguée, elle lit les quelques lignes du journaliste qui relate l’accident, non ce n’est pas vrai, ce nom, son ami Thierry :

• — Éric, tu as vu ?
• — Quoi ma chérie ?
• — Thierry.
• — Thierry ? Il faudra penser à le remercier pour ce week-end, il a été sympa.
• — Il… il est tombé de la falaise… Celle où nous sommes allés nous promener ensemble.
• — Quoi ?
• — Il a dû s’approcher trop près du bord.
• — Triste mort en effet.

Éric persuade Mélanie que c’est trop loin pour assister aux obsèques de son ami. Il a du travail et elle aussi.

Mélanie est consternée, elle n’ose y croire.

---oOo---

Le Jour J est arrivé, le plus beau jour de leur vie. Mélanie regrette l’absence de ses meilleurs amis. Quelle série noire !

Pour montrer qu’elle ne les oublie pas, elle a mis un petit crêpe noir sur le haut du bustier de sa robe, sur son sein droit. Éric comprend, les invités apprécient son geste.

Monsieur le maire vient de recueillir le consentement de Mélanie, tout le monde a bien entendu le « oui » qu’elle a prononcé en regardant Éric amoureusement. L’émotion est générale, plusieurs dames essuient une larme. Le maire se tourne alors vers Éric :

• — Monsieur Éric M. voulez-vous prendre pour épouse Mademoiselle Mélanie D. ici présente ?

Éric marque un temps d’arrêt, il savoure sa vengeance. Regardant le maire droit dans les yeux :

• — Non, dit-il fermement pour être entendu de toute l’assemblée.

Et se tournant vers Mélanie qui semble avoir mal entendu :

• — Non… Certainement pas !

L’assemblée est paralysée de stupeur, chacun retient son souffle. Mélanie bouche bée regarde Éric, sans pouvoir dire un seul mot.

Le maire repose la question comme si Éric avait mal compris. Pourtant :

• — Non… Non ! dit-il un peu plus fort. Fixant le maire droit dans les yeux.

Quel affront dans sa mairie ! N’en croyant pas ses oreilles, le rouge de la colère aux joues, sans un mot pour la belle-famille, le premier magistrat de la ville quitte la salle en vociférant qu’on lui fait perdre son temps. En passant, il jette un regard compatissant à la mariée qui ne sait plus quoi faire, ni quoi dire.

La mère de Mélanie après avoir failli s’évanouir en entendant la réponse de son ex-futur gendre se reprend. La caisse enregistreuse qui lui sert de cerveau la fait se précipiter sur le père du marié, qui après avoir entendu sa demande concernant le partage des frais de la cérémonie et du lunch qui les attend, lui fait non de la tête :

• — Vous avez entendu, c’est votre fille qui se marie, pas mon fils, au revoir madame, dit-il en lui tournant le dos, quittant la salle des mariages, suivi de toute sa famille.

Sous le choc, Mélanie ne bouge plus, comme paralysée, « Éric, mon amour ». Elle ouvre la bouche sans pouvoir parler :

• — Pour… Pourquoi ? Murmure-t-elle. Comment as-tu pu me faire ça ?
• — Et toi, comment as-tu pu faire ça ? répond Éric en lui tendant une enveloppe.

Intriguée, elle l’ouvre machinalement, découvrant une série de photos. Inconsciemment, elle a peur. Elle baisse les yeux pour ne pas croiser le regard de celui qui devrait être son mari. Ses mains tremblent en regardant l’une après l’autre les photos qu’il vient de lui donner.

C’est fou, la technique des nouveaux téléphones est telle que le rendu des photos est parfait même avec une faible lumière. Tous les détails sont nets, bien visibles.

Sur la première photo, elle est nue à quatre pattes. Son ami David la tient par les hanches et la prend en levrette, tandis que son cousin Cyril se répand dans sa bouche en fixant l’objectif derrière le miroir, un sourire aux lèvres. À côté d’eux, Florent se branle en caressant ses seins. Photo accompagnée d’une coupure de presse « Drame de l’alcool et de la vitesse » à côté de la photo de la voiture de Cyril accidentée, l’avant enfoncé. Des traces de sang sont visibles sur le pare-brise.

Sur la seconde photo, Didier embrasse Mélanie, et lui caresse sa chatte rasée. Quel piqué cette photo ! On distingue très nettement les détails de ses lèvres intimes et du doigt qui la fouille. Photo également accompagnée d’une coupure de presse « Tragique accident de chasse, un enfant du pays… », illustrée du portrait de Didier.

La troisième représente Thierry, son ami d’enfance, Mélanie à califourchon sur lui. Elle est cambrée et ferme les yeux de plaisir, tandis qu’il lui pelote les seins. Une nouvelle coupure de presse que Mélanie a déjà lue, relate un accident qui a eu lieu sur une falaise dans le Nord, le corps d’un jeune homme a été retrouvé sur la plage.

Mélanie ne sait plus quoi penser. Elle jette un regard affolé vers Éric.

• — Non… C’est impossible !

Son regard passe des photos à Éric, qui se tient étrangement calme à côté d’elle.

En une seconde, la soirée avec ses amis lui revient comme un flash. Elle l’a vécu comme le point final de sa jeunesse tumultueuse, jeunesse qu’Éric ne connaît pas. Elle ne lui en a jamais parlé, il ne faut pas toujours tout dire. C’était avant, avant de le connaître.

Elle lui a un peu menti d’accord, mais plus par omission. Qu’est-ce que cette soirée en échange des cinquante ou soixante années qu’elle s’apprête à lui offrir.

D’accord, avec Alex elle a fait un peu de rabs avant de le rejoindre. Mais quand il l’a ramenée chez eux, elle lui a bien fait comprendre que c’était la dernière fois.

Elle se souvient. La première fois c’était avec Cyril son cousin, ils avaient à peine 15 ans. Ils se retrouvaient tous les ans chez leurs grands-parents, il fallait bien s’occuper. Ensuite Cyril lui a présenté ses amis, elle les connaissait déjà, ils avaient usé ensemble leurs fonds de culotte sur les bancs de l’école. Ils ne pensaient pas à mal, ils découvraient la vie. C’est le passé, il y a longtemps qu’elle avait rangé ces souvenirs tout au fond de sa mémoire.

Lors d’une réunion de famille, à l’annonce de son mariage, Cyril lui a proposé une ultime soirée. Elle a longuement hésité, enfin un peu. Mais voilà, Alexandre devait être là, comment refuser. Elle a accepté de revoir ses amis, certaine qu’Éric ne le saurait jamais… Comment a-t-il eu ces photos ? … Mélanie n’a jamais voulu lui faire de mal. S’il avait fait la même chose, elle lui aurait arraché les yeux, mais ce n’est pas la même chose.

Cette soirée, ce n’était qu’un jeu, rien de plus. Sans aucun sentiment. Alex espérait encore la revoir, mais pour Mélanie tout était fini entre eux, bien fini. Elle allait devenir une femme respectable.

Complètement dépassée par ce qui lui arrive, Mélanie ne fait pas attention à l’émoi qui agite ses invités, elle regarde Éric, hébétée.

D’un geste du menton, celui-ci désigne une autre photo. Elle tremble en reconnaissant Alexandre, le maire qui devait les unir. Elle est à quatre pattes, les fesses en l’air, la tête posée sur un cousin auquel elle s’agrippe de toutes ses forces. La queue du maire plantée entre ses fesses, la tenant fermement, le sourire aux lèvres. Cette photo est accompagnée d’une autre photo d’Alexandre, officielle celle-là, avec son écharpe tricolore, ornée d’un crêpe noir dans le coin droit.

Mélanie a peur, en tremblant elle écarquille les yeux en fixant Éric :

• — Non… Pas Alex, non !

Elle n’a pas le temps d’en dire plus, une formidable explosion fait trembler les vitres de la salle des mariages. Suivi de cris de terreur.

La noce se précipite, qui par la porte, qui à la fenêtre, pour voir la voiture du maire en feu qui vient d’exploser. À travers les flammes, on distingue nettement un homme qui se débat, mais personne ne peut intervenir tant la chaleur dégagée est importante.

Déjà des mots circulent dans la foule « terrorisme » « Attentat ». Les plus opportunistes ont sorti leur téléphone pour filmer la scène. Le premier adjoint se prépare déjà à recevoir les journalistes de toutes les chaînes de télévision, et évalue les retombées pour la ville, sa ville désormais.

Éric regarde fixement le brasier, les yeux exorbités, un rictus lui déforme la bouche. Il attend ce moment depuis le jour où avec Mélanie, ils sont allés à la Mairie réserver la date de la cérémonie. Il avait failli faire un scandale et partir en claquant la porte, mais voyant le regard de Mélanie, le même que celui de la photo, il avait décidé que ce serait son apothéose.

Mélanie tremble, les photos lui échappent des mains et tombent sur le sol. Les mots ont du mal à sortir de sa bouche :

• — Non… Non…

Éric ramasse la dernière photo, Mélanie nue de face. Qu’elle est belle avec ses longues jambes fuselées, son sexe imberbe, ses seins arrogants, elle marche sur la pointe des pieds, légèrement cambrée. Son visage tourné vers ses amis nus qui semblent l’attendre. Un large sourire illumine son visage.

En bas de la photo, Éric a marqué en grosses lettres ce simple mot « VENEZ ! »

Mélanie se souvient, elle bafouille :

• — C’est impossible… Ces photos… Co… Comment ?
• — S’il était encore là, tu aurais pu remercier ton cousin.
• — Cyril ?
• — Ce con, il est venu me chercher pour m’installer aux premières loges derrière un miroir sans tain. Joli spectacle ta soirée avec eux.
• — Il est fou ! Pourquoi a-t-il fait ça ?
• — Il m’a dit vouloir me montrer ta véritable nature. Il te l’a dit, pour que tu n’épouses pas ce connard.
• — Oh ! Tu étais là… Tu as entendu, tu as vu… Tout… J’ai honte, dit-elle en se cachant les yeux.
• — Comme tu peux le constater, j’ai pu faire de belles photos… Je te connaissais bien mal.
• — Non, ce n’est pas ce que tu crois, je ne suis pas comme ça.
• — Tu avais l’air de bien t’entendre avec ton cousin et tes amis, surtout avec monsieur le maire… Tu avais tout prévu, même un test la veille pour pouvoir te passer de préservatif.
• — Oh ! Il t’a dit ça aussi… Il m’avait juré. Ils ont tous juré. Je ne voulais pas que tu saches.
• — Tu leur as dit « Si Éric savait, jamais il ne me pardonnerait »… Tu avais raison, c’est impardonnable. À eux non plus, je n’ai rien pardonné.
• — Non… Non… Non, dit-elle en secouant la tête. Ne m’abandonne pas.
• — Dégoûté, je suis parti rapidement.

Mélanie ne sait plus quoi dire, elle baisse la tête.

• — Je t’ai attendu longtemps. Cyril m’avait dit qu’il te raccompagnerait. J’ai compris plus tard avec qui tu étais rentrée… Pendant que tu terminais ta soirée avec tes amis, j’ai fait un peu de mécanique, mais trois d’un coup ça en valait la peine.
• — Quoi ? Mais alors… ? S’exclame Mélanie comprenant qu’elle aurait dû être dans leur voiture.
• — Les autres, ça n’a pas été très compliqué. Sans pitié, sans scrupule, sans compassion, sans indulgence, mais reconnaît le, pas sans intelligence, et avec panache. Je savais où ton père rangeait son fusil de chasse, et nous sommes allés ensemble sur la falaise repérer les lieux… Pour le bel Alex, j’espère que tu as apprécié le feu d’artifice final.
• — Ne me dis pas que c’est toi, Nooon !

Les mots d’Éric résonnent dans la tête de Mélanie, elle regarde les photos dans un état second. Elle refuse de comprendre. Éric serait responsable de… Non ce n’est pas possible ! Dans un souffle, elle crie « t’es un monstre ! » et tombe par terre, évanouie.

Tandis que sa famille se presse auprès d’elle pour lui porter secours, Éric ramasse les photos et s’en va sans la regarder.

Admise à l’hôpital, les médecins la mettent sous sédatif. Elle va dormir plusieurs jours, une cure de sommeil s’impose après le choc qu’elle vient de subir. Le fiancé qui dit « non » à la mairie, on n’avait jamais vu ça de mémoire d’anciens.

Lorsqu’elle se réveille, elle regarde autour d’elle. Où est-elle ? Que s’est-il passé ? Les infirmières accourues à son chevet la rassurent. Elles lui portent à manger, mais Mélanie n’a qu’une envie, dormir. Petit à petit, tout lui revient en mémoire… Les images se bousculent dans sa tête :

« C’est un mauvais rêve, Éric m’a rejeté devant tout le monde… J’ai perdu l’amour de ma vie… Celui avec qui je voulais fonder une famille… À cause de Cyril, quel salaud ! Il avait juré… Éric a tout vu, la honte ! Tout de même, sa réaction a été un peu vive. M’aimait-il à ce point ? … Je n’aurais pas dû écouter Cyril, et laisser le passé où il était… Mon avenir c’était Éric… Il m’a abandonné… Je ne peux pas croire qu’il ait pu faire une chose pareille… Mes amis, c’est horrible ! ».

---oOo---

Deux ans plus tard, le calme est revenu dans cette petite ville de banlieue parisienne, proche du parc Disney.

Le premier adjoint, après avoir fait des funérailles grandioses à son prédécesseur, et donné son nom à la place de la Mairie, occupe le fauteuil qu’il espérait depuis tant d’années.

Les médias ont vite oublié, une information chasse l’autre. L’enquête de la Gendarmerie n’a donné aucun résultat. Deux mois après, suite à la revendication de l’attentat par un groupe armé inconnu, le procureur a fait une déclaration à la presse expliquant que sans négliger les autres pistes, la piste terroriste était la plus probable.

Mélanie a été admise dans un hôpital spécialisé. Ses parents ont compris qu’après l’échec de son mariage, elle ait un peu perdu la tête. Elle racontait des horreurs sur Éric. Afin de préserver la bonne réputation de la famille, ses parents ont été dans l’obligation de la faire interner. Depuis, elle s’est calmée, grâce aux médicaments que les médecins lui administrent régulièrement. Dans quelques années, elle devrait pouvoir sortir.

Depuis six mois, Éric a rencontré une jeune femme dont il est tombé amoureux. Ils envisagent de partager le même appartement, avant de fonder une famille.

Après toutes les épreuves qu’il a vécues, Éric a bien le droit à un peu de bonheur.