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Temps de lecture estimé : 20 mn
19/05/24
Présentation:  Une femme politique reconnue assiste à l’enterrement de son ami avec son mari. C’est pour elle l’occasion de revenir avec les journalistes sur les moments importants de sa vie.
Résumé:  La gouverneure Helia Rantson revient dans la ville où son histoire a commencé. Elle accepte une interview et raconte comment elle est devenue la femme qui a tué Garance Liberté.
Critères:  amour humilié(e) confession nostalgie
Auteur : Briard      Envoi mini-message

Projet de groupe : Sept auteurs pour le septième art.
Liberty Valance

Cette année, les États-Unis sont revenus aux grands classiques américains, le Western.


Tout le monde se souvient de la légende de l’Ouest, la ruée vers l’or, les bisons dans la plaine, les caravanes de chariots, le cow-boy qui tire plus vite que son ombre, les femmes qui étaient soit institutrices, soit entraîneuses dans le saloon ou épouse du commandant du fort. Avec les bons d’un côté, les méchants de l’autre, sans oublier la charge de la cavalerie, ni le massacre des féroces Indiens. Ah ! le bon temps.


Aujourd’hui, le cow-boy est au grand cœur, et comme tous les hommes, il a ses faiblesses. Les femmes retrouvent leur place, elles font aussi entendre leur voix. Fini la cavalerie, plus d’indiens, d’ailleurs il n’y en a plus, comme les bisons ils ont tous disparu.


Comment le public du Festival va-t-il apprécier cette nouvelle vision de l’Ouest américain ? Certainement plus proche de la réalité.


Attendons que la lumière se rallume. Pour l’instant, elle vient de s’éteindre. Le silence s’est fait dans la salle.



De notre envoyé spécial Patrick Paris en direct de Cannes pour BaiseFM TV.



La gouverneure du Texas, Hellia Rantson ouvrit la porte du wagon et s’effaça pour laisser passer son époux, Edgard Rantson qui descendit le premier pour ouvrir la voie.

Il survola du regard le quai de la gare de Dallas, noir de monde et se retourna.



Monsieur et madame Rantson auraient pu venir avec leur toute neuve Bugatti Type 2 achetée ce début d’année 1906, mais ils avaient préféré s’éviter la fatigue de quelques cent-quatre-vingt-quinze miles de distance depuis la capitale Austin, sur des routes peu carrossables et dans des conditions d’inconfort, comparativement à la première classe du train.


Hellia Rantson était une femme de tête. Seule femme élue gouverneure, siégeant depuis quarante ans, soit dix mandats, un record absolu aux USA, elle avait été systématiquement reconduite avec une écrasante majorité à chaque élection.

Candidate à la Maison-Blanche, elle avait toutes ses chances et les Américains raffolaient de cette femme, à peine âgée de soixante-quatre ans, et en avaient fait leur favorite.

Son mari, avocat et député, représentant à la Chambre Basse depuis une quinzaine d’années, était un homme très grand, à l’aspect frêle et au regard éternellement triste.

D’un charme indéfinissable, il avait la réputation de vivre aux crochets politiques de son épouse, tout en étant un redoutable et respecté avocat du barreau texan.


Hellia laissa les micros et les photographes l’entourer et toisa tout ce beau monde, avec un sourire franc et sincère.



L’assemblée éclata de rire et la bonne humeur s’installa sur le quai de la gare.

Il était seize heures, le temps était au beau, toutes les conditions étaient réunies pour faire une interview qui serait demain en première page de tous les quotidiens.


Le plus farouche des journalistes, celui du Dallas Morning News, osa la première question.



Hellia regarda le journaliste qui était un familier.



Intimidé, ce dernier bégaya sa réponse.



Elle saisit son micro.



Une voix jeune et nouvelle s’éleva.



Elle tourna la tête vers un jeune homme brun aux cheveux gominés et à l’allure frêle.



Le jeune journaliste sembla décontenancé.



Elle passa en revue l’assistance avec un regard empli de malice.



Elle avisa le chef de gare qui se tenait à quelques mètres de la meute.



L’homme s’approcha.



Il précéda la petite troupe à l’intérieur de la gare, et entra dans un grand salon où chacun put s’asseoir. Il prit un fauteuil, et le positionna au centre de la pièce.



Hellia se retourna vers son mari.



Sans même se préoccuper de son époux, elle s’installa confortablement et prit le micro que le jeune journaliste lui tendait.



Nous étions donc en 1864 et la guerre de Sécession faisait rage.

La plupart des hommes avaient été incorporés à l’armée confédérée et il ne restait, comme forces valides que quelques rares spécimens de la gent masculine.

À l’époque, j’avais vingt quatre ans et je venais juste d’emprunter une somme considérable, m’endettant pour de longues années, pour acheter un bar-hôtel-restaurant, que j’avais baptisé « Chez Hellia ».


Ça a été tout de suite un succès. Mes menus étaient simples et pas chers. La clientèle afflua et je dus embaucher un intendant pour s’occuper du personnel.


C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’un jeune avocat de trente-quatre ans, qui défendait la veuve et l’orphelin et se faisait payer avec un poulet ou un lapin, ce qui lui donnait de quoi manger, mais pas les moyens de s’acheter un cabinet.

Il cherchait un boulot pour gagner sa vie en attendant que les choses s’arrangent, vis-à-vis de la guerre, d’abord, mais aussi vis-à-vis du Mexique qui ne s’était pas encore remis de l’indépendance du Texas et de son rattachement aux États-Unis vingt-et-un ans plus tôt.


D’un côté, les dirigeants mexicains nous reprochaient d’attirer leurs frontaliers alléchés par le dollar facile et la nourriture abondante.

D’un autre côté, le général Sherman avait assiégé puis incendié Atlanta et l’état était à deux doigts de rendre les armes.


Il s’appelait Edgard Rantson. Il était très grand, mais aussi très maigre, avec un visage plutôt triste de chien battu, ce qui le rendait très séduisant.

J’avais besoin de quelqu’un de confiance et surtout d’un homme dévoué corps et âme.


Je l’embauchai et lui offris même la faveur de partager ma couche de temps en temps.

Mon Dieu, il était assez maladroit au lit. Il n’avait connu que peu de jeunes filles avant moi, aussi, je décidai de faire son éducation, sexuelle s’entend.

L’assemblée explosa de rire devant le clin d’œil que leur fit la gouverneure.


Notre première nuit fut une vraie catastrophe. Non seulement il se révéla un éjaculateur précoce, mais, de plus, je découvris qu’il mettait un temps infini pour recharger son instrument.


Les rires redoublèrent.


Bon, il faut quand même que je vous avoue qu’après quelques nuits instructives, il devint un amant satisfaisant et dont je n’eus plus jamais à me plaindre.


Ma réussite n’enchanta pas tout le monde. En effet, je faisais de l’ombre au propriétaire de la plus grande chaîne de restauration et d’hôtels de l’état, sa majesté Tod Inscrupulous.

Magnat de l’argent facile, escroc notoire et mafieux avéré, il harcelait et menaçait quiconque se dressait sur son chemin.

La guerre lui avait profité et il était riche à millions.


Il avait financé la campagne, et pas que, du gouverneur de l’époque, « son éminence » Garance Liberté. Ce dernier ne tarda pas à me rendre visite, accompagné de son gorille et garde du corps Tyler Levastones, ancien mercenaire, homme sans scrupule, connu pour avoir déjà plus d’un mort à son actif.


Gouverner par la force et la contrainte, telle était la méthode de Garance, homme craint et particulièrement redouté dès lors qu’il s’en prenait à vous.


Mais j’avais plus d’un atout dans mon sac et, le plus efficace de tous, dont je me servis pour l’amadouer et réaliser un deal avantageux pour lui comme pour moi…


Nouveau clin d’œil vers les journalistes captivés par le récit de la gouverneure.


En clair, je lui offrais mes faveurs en l’échange de son quitus.

Coureur de jupons invétéré, il avait fait le difficile quand je lui fis cette proposition, mais se ravisa après que je lui eus taillé « la plus belle pipe de sa vie », dixit lui-même.


De nouveau l’assemblée éclata de rire.


Un seul homme ne craignait, ni Garance Liberté, ni Tyler Levastones, c’était Don Toniphon. Shérif du comté, il était la loi, et l’ordre régnait par ici, uniquement grâce à son courage et à sa ténacité.

Don était un géant, une véritable montagne de muscles, qui savait s’imposer rien qu’avec le regard. Honnête, il était respecté et apprécié par tous. Un seul homme le craignait sans vouloir l’avouer, Liberté.


Il avait tenté une fois de le provoquer, par l’intermédiaire de son gorille Tyler, qu’il avait lâchement envoyé pour le défier.

Lévastones avait provoqué une bagarre dans mon bar et menacé Edgard de lui casser la figure s’il n’offrait pas une tournée générale aux frais de l’établissement parce que son costume avait été froissé.

Don s’était interposé, avait désarmé Tyler, et lui avait flanqué une raclée carabinée.


Liberté était venu le soir suivant se plaindre à moi en menaçant de faire fermer mon bar pour tapage nocturne et j’avais, de nouveau, donné de ma personne pour le calmer. En clair, j’avais ouvert ma bouche, pour qu’il ferme la sienne.


Nouvel éclat de rire général.


Mais l’affaire n’en resta pas là. Le gouverneur, accompagné de son acolyte, une fois ce dernier rétabli, se mit à fréquenter régulièrement mon restaurant pour mieux espionner ma clientèle, et rendre des comptes à Inscrupulous.


Dès qu’il le pouvait, il se moquait et provoquait Edgard, responsable selon lui de la bagarre entre Tyler et Don.

En fait, chaque fois que Liberté faisait un procès à un pauvre diable, Edgar le défendait et gagnait la plupart du temps les faveurs du jury.


Pour se venger, il attendait que Rantson vienne le servir pour le traiter de lâche, de mauviette, de couille molle, sans qu’Edgard ne réplique. Pacifiste, ce dernier ignorait les insultes et provocations et tournait le dos à ses tourmenteurs.


Jusqu’au jour où le restaurant fut plein à craquer et que sa majesté fit savoir qu’elle attendait son repas depuis trop longtemps et menaçait de faire un scandale.

Edgar traversait l’allée centrale avec plusieurs assiettes à la main quand Garance lui fit un croche-pied et que le pauvre homme s’étala de tout son long, renversant le contenu des assiettes par terre.


Liberté et Levastone se levèrent et l’interpelèrent. Ce dernier avait la main sur la crosse de son révolver sous son pan de veste.



Don s’interposa, la main sur son arme rivée à la hanche.



Tod tenta de dégainer son arme en écartant le pan de sa veste, mais Don lui saisit la main fermement et menaça de l’assommer avec la crosse de son arme.

Je m’approchai, me baissai, ramassai la viande, la remis dans l’assiette et la posai sur la table.



Liberté fit signe à Levastone de partir et ils quittèrent le restaurant suivis par Don.


La nouvelle fit grand bruit. C’est moi, curieusement, qui fus l’héroïne de l’altercation, en lieu et place de Don. Les clients du restaurant vinrent me féliciter pour avoir osé braver « sa seigneurie », comme on l’appelait entre nous.

On m’encouragea même à me présenter aux prochaines élections de gouverneur qui devaient avoir lieu trois mois plus tard.

La première gouverneure femme du pays. Tout le monde trouvait que ça avait de la gueule !


J’en parlai à Edgard sur l’oreiller le soir même et lui proposai de faire ma campagne et de préparer un discours pour haranguer les électeurs.



Je lui proposai de chercher dans son entourage. Ils voulaient tous me voir me lancer, mais avec le restaurant et l’hôtel, je n’avais absolument pas le temps de m’en occuper. Il devait bien y en avoir un qui saurait l’aider.


Un soir, il arriva avec plusieurs feuillets à la main.



J’avoue que je fus la première étonnée. Comment se pouvait-il que ce grand dadais soit capable d’écrire un discours, lui qui n’avait jamais su aligner trois mots quand il me parlait.


Je lus le texte et découvris un véritable don pour l’écriture. Les mots étaient percutants, les propos cinglants, mais aussi et surtout, les idées étaient bien ordonnées et vraiment convaincantes.


Le jour de l’ouverture officielle de la campagne, je fis le déplacement en train jusqu’à Austin.

Les wagons étaient bondés de monde, tous des inconditionnels de ma cause.

La place du Driskill hôtel où devait avoir lieu l’intronisation des candidats, encore un établissement appartenant à Tod Inscrupulous, était pleine à craquer.

Il y n’y avait que deux prétendants, Garance Liberté et moi.

Il monta à la tribune en premier et se saisit du porte-voix.

Après avoir hypocritement vanté mes qualités de femme au foyer, il se permit de plaisanter sur mon absence d’expérience et mes origines modestes, pour mieux m’humilier avant que je ne prenne la parole.


Sans me démonter, je montai à la tribune avant qu’il n’en descende et lui pris le porte-voix des mains.

Je commençai par le remercier pour son grand sens de l’humour qui allait beaucoup manquer aux concitoyens une fois qu’il ne serait plus en place, ce qui fit éclater de rire le public.

Une fois le silence revenu, je commençai mon discours.

Celui-ci dénonçait la prévarication de certains élus, en cheville avec les puissants et promettait une lutte sans merci contre la corruption.


Presque toutes les phrases furent saluées par des applaudissements et la conclusion fit gronder l’assistance qui applaudit à tout rompre la fin de mon élocution.


Ce fut du délire. Je fus même portée en triomphe.


Trois mois plus tard, en dépit d’une campagne de dénigrement menée par les sbires de Liberté, je fus élue avec une très large majorité.


Le lendemain de l’élection, Garance et son chien de garde étaient au restaurant pour féliciter hypocritement la nouvelle élue.

Gonflé à bloc par ma victoire, Edgard toisa mon adversaire qui demandait à me voir et lui dit d’attendre dehors car on ne recevait que des gens bien dans cet établissement.


Tyler lui envoya une droite qui le fit s’écrouler pour le compte.

Je me précipitai pour lui porter secours quand le grand escogriffe me saisit et me traîna à l’extérieur du restaurant.

Je me retrouvai sans défense face à deux hommes armés.

Liberté demanda à Levastones de me donner son colt.



Je n’avais pratiquement jamais tiré au révolver et ne savais pas vraiment bien viser. Je sentais que ma dernière heure allait sonner.

Garance ouvrit le feu et me toucha, sans gravité, à la main droite, faisant voler mon arme à plusieurs pas.

J’étais pétrifiée et paralysée.



Je fis deux pas et ramassai le colt avec ma main gauche.

Je me relevai et le pointai au jugé. J’entendis du bruit sur ma gauche, c’était Edgar qui se relevait péniblement et découvrait la scène, le regard ahuri et commençait à se diriger vers nous.

Je tournai la tête à droite et découvris Don, de l’autre côté de la rue, dans l’engoncement du magasin qui faisait face au restaurant, et vit qu’il tenait son fusil à l’épaule pointant son arme sur les deux hommes.


Liberté reprit la parole et je le regardai de nouveau.



J’entendis distinctement quatre coups de feu. Je ressentis en même temps une vive douleur à l’épaule droite et m’écroulai lourdement sur le sol.

J’avais tiré, mais je savais pertinemment n’avoir touché personne.

À quelques pas de moi, je vis Liberté et Levastones allongés sur le côté, avec chacun un trou rouge au milieu du front.


Ce ne pouvait être que les balles de Don qui les avaient touchés.

Les clients sortirent un par un du restaurant et vinrent me relever.

Mon corsage était souillé de sang, mais la douleur était supportable.

Je me rendis compte que la balle ne m’avait qu’éraflé l’épaule.



C’était Edgard qui avait fendu la foule. Il saignait du nez. Il s’abaissa et me prit dans ses bras.



Il me releva. S’essuya le visage d’un revers de main. Il me leva le bras et interpella les clients.



La foule scandait mon nom. Je cherchai Don et le vis ranger son arme, monter sur son cheval, et partir vers le centre-ville.

Quelques jours plus tard, Je lui envoyai un mot de remerciement, c’était bien la moindre des choses.

Je lui offris une table, à l’œil, mais pour l’éternité.

De nouveau les journalistes rirent aux éclats.

Vous pensez bien que ça ne pouvait pas en rester là.

Un soir, quelques jours plus tard, Edgard rédigea une plaidoirie sachant pertinemment que Tod Inscrupulous était à l’origine de l’échauffourée et qu’il allait me poursuivre, en m’accusant d’être, seule, responsable de la mort de deux hommes.

Edgard me dit qu’il était prêt à affronter le diable en personne si c’était nécessaire et qu’il le terrasserait.


Soudain, il se mit à genou et me fit sa demande.

La gouverneure tendit la main.

Il tenait dans sa main un petit écrin rouge, ouvert, dans lequel se trouvait cette bague de fiançailles.

Je ne fus pas surprise, je savais qu’il m’aimait et qu’il attendait le bon moment pour se déclarer.

Mais j’avais besoin de parler à Don avant de lui donner ma réponse, aussi la différai-je de quelques jours.


Le lendemain, je m’en fus au poste de police et pus parler avec notre shérif.

Bien sûr je lui avouai avoir tout vu et le remerciai pour m’avoir sauvé la vie.

Je lui dis que c’était lui qui méritait d’être porté en triomphe et que je ferai tout pour qu’on sache ce qu’il s’était réellement passé.

Il me demanda de n’en rien faire, que la popularité ça n’était pas pour lui, et qu’il ne voulait pas qu’on puisse troubler sa tranquille petite vie pour n’avoir fait, au fond, que son travail.

Je savais qu’il logeait juste au-dessus du poste et lui demandai de m’offrir un rafraîchissement.

Nous montâmes chez lui et une fois sur place, à sa grande surprise, je me déshabillai et m’offris à lui.

Il m’avoua en avoir toujours eu envie et se déshabilla fébrilement.

Une fois nus, nous nous jetâmes dans les bras l’un de l’autre et fîmes l’amour.

Je découvris de jour là un véritable athlète, au corps puissant et musclé, mais aux manières douces et aux gestes précis.

J’avoue que ça me changeait de mon benoît de futur époux.

Les journalistes éclatèrent de rire et Hellia en profita pour boire le verre d’eau que venait de lui apporter le chef de gare qui tourna les talons et quitta le salon aussitôt.

Mes amis, je découvris ce soir-là, le meilleur amant qu’il m’eut été donné de fréquenter. J’ai connu plusieurs orgasmes. Ce fut une nuit comme jamais je n’en avais connu.

Quand nous fûmes repus, allongés côte à côte, je lui proposai de tout abandonner et de venir avec moi à Austin, pour m’accompagner, m’assister, me protéger et surtout pour m’aimer.

Je sentis qu’il était touché et ému.

Il se redressa et se tourna vers moi. Je vais vous retranscrire le plus fidèlement possible notre dialogue.



Il se rhabilla et me fit face.



Tu sais, chez-moi il y a l’ordre, la loi et enfin ma vie privée.

Toi, tu t’apprêtes à vivre une vie au service de tes idées et de tes ambitions.

Moi, je veux vivre au service de la loi et de mes concitoyens.

Tu veux être celle qui fait la loi.

Moi je veux être celui qui la fait respecter.

Tu ambitionnes une vie à la lumière des projecteurs.

Moi je veux vivre et agir dans l’ombre.



Le contentement du sexe n’est pas suffisant pour combler une vie tout entière.



Je ne veux pas te faire renoncer à tes rêves.

Je ne veux pas te priver d’une vie de notoriété.

Je ne veux pas te priver d’une vie d’opulence.



Je suis probablement l’homme que tu veux aimer.

Mais je ne suis et ne serai jamais l’homme que tu dois choisir.




Hellia Rantson arrêta de parler et regarda un par un les hommes qui lui tendaient leur micro.

Elle voyait dans leurs yeux, non pas un jugement, une appréciation ou une sentence. Elle voyait une admiration sans bornes, que rien n’aurait pu transgresser.

Elle se sentait comme libérée d’un poids lui ayant écrasé la poitrine pendant trop d’années.

Elle respira un grand coup et poursuivit son récit.



Il me défendit au procès intenté par Inscrupulous et le gagna haut la main ayant évoqué la légitime défense et le droit des femmes à prendre le soin elle-même, d’assurer leur défense face à la violence des hommes.

En brillant avocat qu’il était, il a fait l’apologie du féminisme face à l’oppression sexiste des hommes et, particulièrement, des hommes de pouvoir.

Il a évoqué leur droit fondamental à se défendre pour lutter contre les violences qui leur sont lâchement faites.

Il a transcendé le droit des femmes à vivre libres de toute violence, de toute discrimination, et surtout, à être les égales des hommes, que ce soit devant la loi, comme devant la justice.

La guerre de Sécession était terminée et le peuple américain aspirait à la paix.

Je fus acquittée et, le soir même, j’acceptai sa demande en mariage.

Nous avons eu deux filles, grandes et mariées maintenant.

J’ai fait de mon époux un amant satisfaisant. Je lui ai donné le pendant de ce qu’il m’a offert, enfin c’est ce que je crois.

Hellia Rantson s’arrêta de parler, le cœur visiblement saisi par l’émotion.

J’ai été heureuse, c’est vrai.

Je crois avoir été une bonne épouse, une bonne mère et, je le crois, une bonne gouverneure.

Mais, ma vie a été et restera traversée par un seul, immense et inconsolable regret :

Celui de ne pas avoir goûté la vie auprès de cet homme que fut Don Tomiphon.


Elle se tourna vers le jeune journaliste qui lui avait posé la seule question à laquelle elle avait répondu.

Vous vouliez savoir pourquoi je suis venue aux obsèques d’un illustre inconnu ? Vous avez votre réponse messieurs.

Elle se leva et toisa de nouveau les journalistes et les photographes.

Elle redressa une mèche rebelle et esquissa un triste sourire.

Maintenant, tout ce que je vous ai raconté est vrai. Vous pouvez l’écrire, le publier, avec ma bénédiction.


Le jeune journaliste reprit le micro qu’il lui avait confié.



Vous êtes une gloire, une idole pour les Américains. Et il est interdit de toucher à l’aura d’une icône comme vous.

Aucun d’entre-nous ne publiera ne serait-ce qu’une ligne de votre récit. Il faudrait être suicidaire.


Le chef de gare, qui était resté à l’extérieur et n’avait entendu la moindre parole, entra dans le salon et s’approcha timidement.

Hellia le vit et l’interrogea.



Pourquoi avoir fait ça pour moi ?

Le chef s’aperçut que tout le monde le regardait.

Il se permit un clin d’œil.