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Temps de lecture estimé : 25 mn
22/06/24
Résumé:  Un ours prend possession de l’esprit d’une femme semant le trouble dans son esprit et dans son corps.
Critères:  #fantastique #confession bizarre forêt amour fsoumise cérébral zoo
Auteur : Dick Laurent      Envoi mini-message
L'ours : un cri dans les bois.

Je venais de rentrer du boulot et comme à chaque fois, je me grillais une cigarette pour me détendre. Je savourais ce moment de relaxation et de solitude. Le balancement lent des arbres autour, me rappelait que loin d’ici une tempête avait balayé les côtes et venait mourir sur la montagne. Cette nuit ou ce soir, il pleuvrait. Mon regard se perdait sur l’infinité des troncs, sur les cimes ondoyantes des sapins, quand un détail attira mon attention. À quelques centaines de mètres, une masse sombre se déplaçait lentement. Je scrutais pour déterminer la nature puis un grognement sourd me fit frémir. Un ours ! Je n’en revenais pas !


Parfois, j’en avais entendu parler. Les éleveurs le craignaient, mais je n’y avais jamais prêté attention. Des ours, oui, mais pas ici, dans les montagnes peut-être, mais pas sur notre colline. Pas si près de notre habitation. Un deuxième grognement, plus proche, me glaça le sang. J’écrasai ma clope puis rentrai à l’intérieur. J’étais en panique et tentai de téléphoner à Alban, mais le téléphone ne passait pas. Je scrutais à travers la forêt une autre vision de l’intrus à travers la fenêtre. Je croyais le saisir, mais ce n’était que le mouvement du vent dans les arbres et les broussailles. Alban est enfin rentré.



Il est passé à la salle de bain pour prendre sa douche, comme cela, comme il le faisait tous les soirs. Comme si rien n’était arrivé. J’aurais tellement aimé qu’il me prenne dans ses bras pour me réconforter…

L’eau coulait sur son corps dans la cabine de douche, il en sortait une vapeur fumante. J’avais besoin de sa peau du contact avec son corps massif. J’ai ôté mon chemisier et mon soutien-gorge et je suis entrée dans la salle de bain. Je me suis blottie contre sa poitrine encore un peu humide.



Je me collai à lui comme pour fusionner avec son assurance et son énergie. Mes seins se collaient contre son torse tiède. Il a posé ses mains larges sur mon dos. J’étais bien.



Je ne voulais pas lâcher son corps. J’ai défait la serviette autour de ses reins, je me suis accroupie et ma bouche a fouillé la forêt de son bas ventre à la recherche de son sexe que j’ai embrassé. C’était la première fois que cette envie me prenait. Pas celle de prendre une queue dans la bouche, mais celle de m’y raccrocher comme une bouée de sauvetage.

Le sexe avec Alban était avant tout récréatif. C’était un bon compagnon de jeu, nous prenions beaucoup de plaisir à jouer avec nos corps. En ce moment, pour moi en tout cas, ce n’était pas un jeu, c’était une nécessité de fouiller son entrejambe avec ma langue de chercher les saveurs et les goûts interdits pour fusionner avec corps viril afin d’effacer ma peur.


Tout se bousculait dans ma tête, la peur qui remontait de mon ventre s’était transformée tout à coup en désir violent qu’il fallait assouvir immédiatement. Son sexe s’est érigé lentement comme s’il sortait d’une longue léthargie. Ses sécrétions se mêlaient à ma salive, il grognait doucement comme l’animal des bois tout à l’heure. Je voulais qu’il me prenne là, maintenant, brutalement. J’ai défait ma ceinture, baissé mon jean et ma culotte à mi-cuisses. J’ai posé mes mains sur la table basse face à la glace et lui ai tendu mes fesses.



Son sexe s’est glissé entre mes fesses à la recherche de mon puits. Il glissait, ne trouvait pas l’entrée. Il était pressé et maladroit. Quand il est entré en moi, je n’ai quasiment rien senti à ma grande frustration. Il a fallu que je me tortille, que je me cambre pour qu’enfin je le sente en moi.



Je n’étais pas familière de ces mots pendant l’acte d’amour, mais là c’était purement animal. Le cri rauque de l’ours résonnait dans ma tête, je voyais mon visage déformé dans la glace, mes seins qui ballottaient sous mes ruades, car je voulais le sentir profondément en moi. Il a fini par me saisir par les épaules puis par mes cheveux bouclés pour me saillir comme je le voulais, ses mouvements sont devenus plus brutaux, plus désordonnés, il est parti en moi dans un long cri. Je n’avais pas joui, mais j’avais eu ce que je voulais, il m’avait possédée. J’étais repue. Il était maintenant assis par terre, tentant de récupérer. Il ne disait rien, il me regardait, hébété. Nous n’avions jamais fait cela de cette manière avec une telle brutalité. Tout cela ne nous ressemblait pas. Il n’y a pas eu un mot sur cela pendant toute la soirée. Il y avait silence gêné. Quand nous nous sommes couchés, nous avons tenté sans résultat un tendre câlin puis le sommeil nous a emportés.


Mes yeux scrutaient l’obscurité à la recherche des formes familières de la chambre. La pluie avait cessé et le silence était pesant. Le réveil marquait trois heures. Le sommeil ne reviendrait pas de sitôt. Je me suis levée, me dirigeant à tâtons. Sur la table, ma main trouva la cigarette et le briquet. Je tirai la baie vitrée et m’installai sur le fauteuil sous l’auvent. La fraîcheur de la nuit me faisait du bien. Mes fesses posées sur le plastique froid et humide du fauteuil me ramenaient à la réalité du monde. Le goût de cette cigarette-là, seule au milieu de la nuit, était prodigieux. Après ce moment de calme, je me suis mise à écouter les bruits de nuit, d’essayer de distinguer des formes. Quel était ce monde étrange, invisible et bruissant, qui m’était inconnu ? Je croyais distinguer la luminescence d’une paire d’yeux qui me fixaient dans l’obscurité. Je défaisais maintenant les boutons de ma chemise pour offrir ma poitrine à la nuit. Il me semblait que je me donnais aux créatures de la nuit. Ma main descendait lentement de mes seins à mon ventre, de mon ventre à la fine langue de poils qui ornait mon sillon glabre. Mes doigts joints se sont posés sur mes lèvres et j’ai senti la douce morsure du plaisir sur ce fauteuil de jardin au milieu de nuit. Je m’offrais paisiblement à cette nature inconnue qui, je le savais, ne perdait aucun détail de cette nocturne exhibition. Mon souffle s’unissait à celui du vent dans les cimes et le plaisir me crispa. Le cri d’un hibou résonna avec le mien. J’ai sangloté de bonheur, mes larmes se sont mélangées à l’humidité de la nuit. J’étais bien.

Quand je me suis réveillée, la lueur pâle du jour qui commence a guidé mes pas vers la fenêtre. Alban dormait encore. Et l’ours, où était-il ? Tapis dans les bois, guettant ma présence. J’ai saisi mon portable sur la table et j’ai saisi quelques clichés de mon corps à moitié dénudé dans la lumière du matin.




L’ours 2 : Brèves rencontres



Alban ne voulait pas entendre cette histoire d’ours. Dès que j’essayais d’aborder le sujet, il se renfrognait. Moi-même, je me suis crue victime d’une illusion. Et si tout cela n’était qu’un malentendu, le fruit de mon imagination trop fertile. Pourtant, chaque fois que je rentrais du travail, je ressentais une tension quasi sexuelle à l’idée de la présence de l’ours. Le fait que j’enfile à ce moment-là des jupes courtes, des culottes transparentes, que je retire mon soutien-gorge, sitôt arrivée, n’était pas fortuit. Alban ne s’y trompait pas et savait profiter de mon état en me faisant l’amour souvent. Mon corps était à lui depuis longtemps maintenant. Il est le seul homme auquel je me sois donnée si complètement. Ses mains sur mon cou, ses doigts dans ma bouche, la manière dont il appuyait ses paumes sur le bas de mon dos puis sur mes épaules quand il réclamait la pénétration, témoignait à l’évidence qu’il était un compagnon idéal, sensuel, fort et paisible. Nos corps accusaient quelques traces de fatigue, mais il n’y avait entre nous aucune pudeur, nous aimions nos plis, nos ridules.


Pendant un temps, nous avons cru l’un comme l’autre que l’état fusionnel de notre rencontre durerait toujours. Et quand lui comme moi avons éprouvé l’émoussement du désir, nous avons puisé dans les ressources de nos fantasmes pour retrouver et relancer l’énergie qui nous faisait défaut. Discrètement, à l’insu de l’autre, nous puisions dans notre imaginaire et nos retrouvailles n’en étaient que plus intenses. Pour ma part, j’ai revisité et embelli mes amours adolescentes pour me laisser aller à des rêveries solitaires et humides. Cette fille qui osait désormais ce qu’elle n’avait pas osé à cette époque était l’héroïne de mes plaisirs solitaires. Il m’arrivait dans ces moments d’envoyer des selfies à Alban auxquels il répondait par de douces et énigmatiques réponses.


Pourtant, même les rêveries les plus douces finissent elles-mêmes par s’épuiser et devenir au fil des jours fades et insipides. Ce sont les sites de rencontre qui ont alors meublé les soirées solitaires que je passais quand Alban était absent où que j’étais moi-même en déplacement professionnel. Les hommes, ou leurs avatars qui communiquaient avec le mien, ont meublé mes soirées et relancé mon désir pour les choses du corps lorsque mon désir pour Alban faiblissait. Ces rencontres épistolaires selon des codes que je finissais par maîtriser remplissaient mes moments solitaires d’une douce et sensuelle musique. Étais-je encore belle et désirable, ou n’étais-je qu’une créature de papier virtuel ?


Mon corps, mon ventre, mes seins, je les prenais en photos régulièrement, je m’en faisais des albums à des seules fins personnelles. Je scrutais dans la réalité photographique ce que la lumière avait révélé de moi. Ces atteintes imperceptibles du quotidien qui me poussaient dans le tourbillon du temps.


Alors que mon attachement et mon amour pour Alban devenaient plus profonds, une autre réalité se faisait jour. Celle de m’éprouver pour me sentir sexuellement vivante, celle de conquérir. C’est à ce moment où l’évidence de la rencontre avec le corps de l’autre est apparue comme une nécessité. Il me fallait franchir la barrière interdite, celle d’un autre regard que celui d’Alban qui se pose sur moi, et qui regarde avec désir mon ventre dénudé. Que dire de la culpabilité mêlée de désir qui m’a alors assaillie ? Tiraillée entre l’attrait de cette barrière que je m’étais fixée et le besoin que j’avais d’écarter les barreaux de cette cage. J’aurais voulu qu’Alban ait franchi cette barrière avant, pour moi aussi, la transgresser par dépit ou par vengeance. Tout cela m’aurait rassurée, donné une logique à mes pulsions. Rien de tout cela n’était arrivé. Ses tourments, car il en avait, Alban les vivait en silence et avec sérénité comme des signes d’un destin qu’il avait admis.


Il n’a fallu seulement qu’une simple impulsion pour franchir le pas, et cela s’est produit le plus naturellement du monde. Un coup de tête, une bêtise, un SMS qui dérape, puis des évènements qui s’enchaînent rapidement sans qu’aucune échappatoire ne soit permise, et me voilà dans cette chambre d’hôtel avec un homme torse nu allongé sur le lit avec une envie qui nous a fuis l’un comme l’autre, mais que nous devons assumer pour ne pas décevoir. Deux corps qui se cherchent et dont la complicité reste seulement une éventualité à explorer. Deux corps avec des expériences de l’amour physique différentes, qui ont aimé, qui aiment encore et qui vont chercher à bâtir tous deux une partition banale, mais espérons-la, harmonieuse pour un bref instant.


Mes doigts couraient sur la pilosité discrète de son torse, sa peau, ses tétons me plaisaient, ma bouche goûtait à ce corps étranger et pourtant si banal. Il me rappelait des étreintes d’un autre temps, de ceux d’avant Alban. J’aimais ses baisers, timides et peu assurés comme ceux des premières amours adolescentes. J’aimais aussi sa queue que je branlais sans oser regarder. Une queue que je sentais rigide et frémissante. Je tirais loin vers le bas la peau du prépuce comme me l’indiquaient les mouvements de son bassin. Ses couilles étaient contractées. Lui-même jouait avec la pointe de mes seins les étirant à la limite de la douleur. J’aimais cela.



Moi aussi j’aimais bien son corps, ses épaules, son cou, sa respiration. Il m’a embrassé le ventre, s’était bon. J’aimais le contact de bouche avec mon ventre plat. Mes mains fourrageaient dans sa chevelure brune. Quand il a voulu descendre plus bas, je lui ai interdit l’accès à mon sexe. Trop intime pour une rencontre de ce type. Alors pour donner le change j’ai pris sa queue de ma bouche. Elle avait le goût de propre et aussi l’odeur de l’excitation que nous procurait cette rencontre. Je l’ai sucé plus pour le plaisir de connaître sa matière, sa dureté, ses saveurs que pour le faire jaillir.


Le moment de la pénétration est alors arrivé. Il a emballé son sexe dans un préservatif et je l’ai chevauché. J’ai d’abord frotté ma vulve sur son membre emballé. Il a fallu que je m’habitue avec le contact étrange du caoutchouc puis j’ai essayé de l’introduire. Je doutais de ma lubrification. L’entrée était sèche et un peu douloureuse, du moins c’est comme cela que je m’en souviens. Ensuite, je me suis ouverte avec des gestes lents et je l’ai senti en moi. Je me faisais coulisser sur ce membre étranger que je tentais d’apprivoiser, guettant les sensations qu’il pourrait me donner. La plénitude était plus mentale que physique même si mon ventre m’envoyait des picotements agréables. Je me suis redressée et penchée en arrière, mes mouvements de bassins sont devenus plus amples. Notre excitation était alors évidente. Ses mains sur mes hanches maîtrisaient les soubresauts de ma chevauchée. C’est banalement en missionnaire que s’est achevée notre étreinte, chacun de nous y retirant un plaisir mesuré.


Nous étions côte à côte désormais, nous remettant de ce moment de plaisir, à la fois étonnés d’y être arrivés si facilement et à la fois gênés d’avoir partagé ce moment alors que nous nous connaissions à peine. Plus jeunes, nous en aurions trouvé fierté et forfanterie, mais nous avions l’âge où le plaisir devient plus grave, plus intimidant. C’est lui qui a rompu ce moment en se rendant à la douche en faisant un nœud au préservatif rempli des quelques gouttes de sa semence. Pour ma part, j’aurais été bien incapable de traverser la chambre nue devant lui. Je me suis réfugiée sous les draps attendant notre séparation. Il n’a pas insisté, ne s’est montré ni intrusif ni collant et m’a laissée seule face à ma culpabilité et à mes souvenirs.


J’ai dû me promettre mille fois que je ne recommencerais plus, que je me comportais comme une traînée, que je ne méritais pas l’amour qu’Alban avait su patiemment bâtir, et pourtant, force est de constater que cette rencontre m’avait redonné énergie et assurance. Ma vie avait repris de l’élan, je me sentais légère et pleine de vie. Alban l’a remarqué et les nuages se sont dissipés comme après une pluie d’orage. Pendant le temps qui a suivi, j’ai connu quelques amants de passage selon la même procédure. La culpabilité s’est petit à petit effacée. Tout cela faisait partie intégrante de ma vie. C’était sans compter l’irruption de l’Ours autour de ma maison.




L’ours 3 : Le cauchemar



Je ne sais pourquoi, je suis dans la chambre du haut, je suis assise sur le parquet. Je vois très bien les lattes de celui-ci. Je suis quasiment nue, j’ai seulement gardé une chemise, elle est ouverte devant, je suis adossée au mur, j’ai les jambes écartées, j’ai peur. Tous les bruits de la maison me parviennent, menaçants. Que fais-je là ? Il faut que je ferme les portes, les fenêtres, je le sais. Je suis paralysée. Aucun de mes muscles ne répond. Je ne peux pas étendre mes jambes, mon corps ne répond plus. Les bruits sont diffus, mais je sais qu’ils sont menaçants. Je parviens à déployer une phalange au bout d’un temps infini et au prix d’un effort de volonté surhumain. Je suis maintenant debout, je me déplace lentement. Je suis maintenant une petite fille en pyjama. Je me vois de l’extérieur. Mes déplacements sont plus faciles, mais je perçois toujours la présence angoissante hostile qui plane autour de moi. Je ne m’appartiens plus. Je marche vers un destin funeste, pourtant, je voudrais pouvoir m’échapper. Ma vigilance m’a échappé, je suis revenue contre le mur, assise impuissante, je suis redevenue moi-même. Je ne pourrai pas échapper à mon destin. La bête se dresse à la porte, debout sur ses pattes de derrière, la gueule ouverte. Elle se jette sur moi dans un hurlement et un déchaînement de violence animale qui me déchiquette. Je suis résignée. Je crie. Je me réveille en sueur hagarde.


Tout est calme, Alban dort paisiblement à mes côtés. La peur ne m’a pas quittée. Je me lève. J’écoute le silence. Rien. Tout s’est passé dans mon cauchemar et pourtant tous les détails sont gravés en moi. La cigarette que j’ai allumée m’a apaisée. J’essaye alors de domestiquer les étranges images et sensations qui m’ont envahie. D’où provient cette terreur ? Les bruits de la nuit sont paisibles. Un calme qui sonne faux et qui précède l’horreur.



Ma voix sonne faux, comme le réel autour de moi.



Sur mon bras, il y a une étrange griffure. D’où vient-elle ? Mon sexe aussi. Une étrange substance s’en écoule, bien plus épaisse que la mouille, comme si dans mon sommeil une créature étrange avait essayé de me féconder. Je me rends à l’étage dans la pièce où s’est déroulé mon rêve. Rien, tout est normal. Tous les détails sont gravés en moi, présents, même dans la journée. Je suis persuadée qu’il s’agit d’une prémonition. À chaque fois que je suis seule à la maison, je sais que le cauchemar peut reprendre si je me laisse aller. Je suis vigilante à chaque rêverie et pourtant plusieurs fois j’ai senti la réalité basculer, et l’horreur toute proche m’emporter.


Je m’étais levée tôt dans ce matin-là, le jour était à peine levé. Il faudrait au moins une heure pour que le brouillard se lève. Alban était sur un chantier pour la semaine et ce jour-là j’étais en repos. J’avais décidé d’avoir le cœur net. J’ai rempli un thermos de café et enfilé une salopette à même ma peau. Dessous j’avais seulement ma culotte noire. J’ai aussi enfilé un pull chaud, pris une paire de jumelles. Ma voiture roulait maintenant au pas sur un sentier escarpé qui menait en haut de la colline. J’entendais mes pneus qui crissaient sur les pierres du chemin. Je faisais attention de ne pas m’enfoncer dans une ornière. J’étais tendue, mon cœur battait fort dans ma poitrine. J’ai arrêté l’auto à la limite des sapins puis j’ai continué à pied jusqu’au sommet. Quand le brouillard s’est dissipé, j’ai pu distinguer d’en haut, les bois, les prairies, le toit de la maison, et en bas, le village qui semblait figé au ralenti. Avec les jumelles, je me concentrais vers les lieux où je pourrais voir la bête. L’attente semblait infinie. Je me faisais chier, ma quête était insensée. J’ai pris un café, trop chaud, trop amer, trop noir. J’ai repris mon observation. J’ai cru observer un mouvement suspect. J’ai tenté nerveusement une mise au point.


La masse de fourrure brune est enfin apparue dans les jumelles, il s’agissait bien d’un ours. Je n’avais pas rêvé. L’animal qui hantait mes nuits était bien là. Paisible et lent, à la limite des arbres. Il se déplaçait lentement sûr de lui. Sa présence naturelle donnait un sens au territoire qu’il arpentait. La présence humaine sur ces lieux n’était qu’une intrusion sur un territoire qui lui appartenait et sur lequel il régnait de sa présence physique et aussi de sa puissance mentale qu’il imposait à la nature et aussi aux êtres vivants qu’il croisait. Tout cela est devenu une évidence. J’étais à la fois fascinée et angoissée. Quelque chose devait advenir.


Plus tard, je me suis rendue dans la forêt, non loin d’où j’avais vu l’apparition. J’avais pris dans mon sac une corne à brume objet dérisoire pour détourner l’intrus en cas de rencontre. Il y avait à cet endroit une cabane où bûcherons et chasseurs entreposaient parfois du matériel. Il y avait dedans quelques cognées et coins de forestier et aussi un pack de bière entamé sur lequel était inscrit le nom de « Pierrot ». Il y avait aussi un barbecue, une bassine, des couverts, une table, des vieilles chaises. Bref, il s’agissait d’un lieu où des hommes se retrouvaient parfois, lieu de convivialité, de travail. Je savais où c’était, mais je n’y avait pas mis les pieds, comme aucune femme d’ailleurs. J’ai vite refermé la porte, je me suis attardée sur l’environnement de la cabane. Certains arbres portaient des traces de griffures récentes, preuve, s’il en est, que l’ours y était venu. Les griffures étaient profondes et témoignaient de la puissance de l’animal. Plus loin, il y avait un empilement de déchets des cartons des bouteilles vides des carcasses et aussi des guenilles des restes de couvertures et de vêtements. Ils étaient déchiquetés, quelque chose s’était acharné sur ces restes de présence humaine. Il y avait là des déjections animales sèches et une forte odeur, celle de l’ours. J’ai été prise de panique. Tout s’est noué au fond et moi, mon ventre s’est contracté, s’est relâché, la colique m’a prise. J’ai baissé ma salopette et, les seins nus au milieu de la forêt, je me suis vidée les entrailles. Je savais que des témoins invisibles avaient assisté à la scène. Je savais aussi que ce n’était pas seulement la peur qui m’avait nouée, c’était aussi un acte d’allégeance bestiale que je faisais en mélangeant mes déjections avec celles de la bête. Elle était là, j’en suis sûre !


J’ai couru vers la voiture où je me suis réfugiée en panique. J’ai appuyé sur le klaxon, longuement pour écarter le danger. La panique s’est peu à peu atténuée. J’ai repris le dessus, j’ai mis le moteur en marche, j’ai accéléré et je suis rentrée à la maison.


J’ai pris une longue douche chaude pour reprendre mes esprits, mais rien n’y faisait. Je revoyais l’ours, la cabane, les images de mon cauchemar. Mon ventre réclamait aussi la part sexuelle qui lui était nécessaire et que la terreur ressentie avait occultée. Je suis montée à l’étage, je me suis assise à l’endroit de mon rêve, j’ai fermé les yeux. J’étais à la fois là et aussi dans la forêt, sous l’effet des caresses, mon sexe s’est ouvert et a exigé la pénétration, j’y ai introduit deux doigts, je me suis pistonnée comme si c’était un sexe d’homme. Je voulais m’ouvrir plus, alors un troisième et quatrième doigt s’est enfoncé avec rage. Je voulais le plaisir, mais aussi la douleur. Quand ma deuxième main a caressé mon bouton, le plaisir m’a anéantie, brutal, violent, impérieux. J’ai ouvert les yeux, j’étais allongée sur le parquet, fourbue, hagarde. Tous les bruits dans ma tête, toutes les images s’étaient effacées. Le monde semblait avoir retrouvé son ordre.




L’ours 4 : La libération



L’emprise de l’animal s’exerçait sur moi par période. Souvent, nous nous ignorions puis sans crier sa présence se faisait obsédante dans mes rêves et aussi dans mon quotidien. Je savais que parfois il s’approchait de la maison, silencieux, furtif. Il laissait par ses traces de pas dans l’humus, ses traces de griffes sur les arbres, des preuves tangibles de sa présence. La nuit dans mes rêves, la petite fille s’incarnait, en proie à la terreur d’être assaillie et lancée dans des fuites éperdues et perdues d’avance. Au matin, des traces sur mon corps témoignaient de la lutte.


Le récit que j’avais trouvé au hasard de mes lectures racontait l’histoire d’une jeune femme dont la destinée s’était trouvée liée à celle d’un ours en Slovénie. Capturé par un vieux montreur d’ours, l’animal était devenu captif, la jeune femme possédée par l’animal avait suivi son compagnon et le vieil homme à travers le pays pendant quelque temps vivant de mendicité, se vendant à des hommes de passage. Plus tard, elle avait intégré le spectacle horrible du vieil homme apparaissant sur scène, hagarde, enchaînée avec un collier autour du cou au côté de l’animal. Une photo sépia représentant l’étrange équipage illustrait l’article. On dit que la femme serait morte de froid lors d’un hiver particulièrement rude. C’était la preuve que je cherchais. Non, je ne devenais pas folle, des cas semblables au mien avaient existé. Le récit disait que l’animal semblait exercer une attirance particulière sur les femmes et pouvait se montrer agressif envers les hommes, ce qui précipita sa perte. Il fut abattu par un groupe de chasseurs alors qu’il avait brisé ses chaînes et terrorisé tout un village.


J’avais entendu un bruit, c’était le matin, il était tôt. Au départ, je ne l’ai pas reconnu. Ses deux mains encadrant sa tête, il essayait de voir à l’intérieur de la maison. C’était Léo, le cousin d’Alban. J’ai ouvert.



J’étais de méchante humeur.



Son regard clair m’a mise à nue de haut en bas avec morgue. J’étais pieds nus, je portais un tee-shirt long et ample qui m’arrivait à mi-cuisses. Son regard était ironique.



Il a pris son téléphone et a joint Alban. Ils discutaient et mettaient les choses au point. Finalement, il m’a passé Alban qui m’a dit qu’il était OK.



Léo me mettait mal à l’aise. C’était un ancien militaire reconverti dans la sécurité, il exhibait volontiers ses muscles et ses tatouages. Malgré ou à cause de cela, il attirait l’attention des femmes. Il avait le charme indéfinissable et le magnétisme d’un fruit inaccessible et suffisamment tentant pour qu’on aille chercher un tabouret, qu’on s’y hisse sur la pointe des pieds afin de le cueillir au risque de perdre l’équilibre. Il ne faisait rien pour séduire, mais on était prêtes à prendre des risques pour l’avoir. Heureusement, il ne venait pas souvent. Il passait juste voir sa mère entre deux missions.


Il a regardé la forêt, attentivement, fixement comme s’il avait vu quelque chose. Il s’est tourné vers moi.



Il venait de sortir une clope. Je lui ai tendu mon briquet. Il m’en a proposé une. On a fumé ensemble, en silence comme pour signer un pacte de non-agression.



Il est entré dans la cuisine.



On s’est regardés. Je me sentais fragile, et lui, sûr de lui. Il a encore regardé la forêt, là où j’avais vu l’ours. Il a hoché la tête.



Je m’approchais de ma table avec la cafetière. Il a posé sa main sur l’intérieur de ma cuisse, sans douceur, fermement. Je me suis raidie. Il n’y avait rien de sexuel dans son geste. Je ne me suis pas dérobée à son contact. Je voulais moi aussi montrer ma force, ma solidité. Il m’a fixé, son regard n’était plus ironique, il était grave et profond.



J’ai été oppressée toute la journée. J’étais nerveuse, je ne tenais pas en place. Je n’arrivais pas à me concentrer sur mon boulot. J’ai tenté de me masturber à plusieurs reprises pour calmer mon ventre qui était dur, mais cela n’a fait que renforcer mon tourment. Il fallait que ça explose ! Je me projetais dans l’histoire de la fille du récit slovène. Une chaîne métallique me reliait à l’anneau posé dans les narines de l’ours, j’étais nue, un anneau métallique barrait mes lèvres intimes et supportait l’autre extrémité de la chaîne. J’avais froid, je me collais pour me réchauffer contre la fourrure de l’animal. Mes doigts se perdaient dans la toison rêche de l’animal. Nous étions dans une cage, captifs et vulnérables. Un homme nous observait goguenard en fumant. Cet homme, dans la lumière à contre-jour, avait le visage de Léo en plus vieux. Je rampais en pleurant, l’implorant de me libérer. Mes mains se cramponnaient aux barreaux. J’entendais le bruit de la chaîne que mon sexe traînait, et aussi les rires cruels du public qui assistait à la scène. J’avais honte.



Il était la solution. Je le savais. En sortant du travail, je suis allée à la piscine. Le rythme régulier des mouvements et de la respiration me donnait un bien-être intérieur qui me permettait de m’évader, d’échapper à mes tensions. Mais au fur que je me rapprochais de la maison, le malaise revenait plus fort que jamais tapant dans mes tempes, durcissant mon ventre.


Le 4X4 de Léo était garé près de l’appentis quand je suis arrivée. J’aurais aimé avoir plus de temps, pour me préparer pour me faire à l’idée. Je ne le voyais pas, je suis entrée dans la maison. J’ai enfilé une robe légère boutonnée par devant. Je me suis précipitée à sa rencontre. J’ai fini par le trouver, il était assis sur une souche, il taillait une branche avec un couteau. Sa présence m’a soulagée.



Il a fumé en silence en regardant le sous-bois. Il a pointé son couteau dans la direction d’un chemin pentu.



Son visage était devenu grave.



Son regard me transperçait. Il voyait à travers mon âme, j’en étais sûre. Ma gorge était devenue sèche, les mots ne voulaient pas sortir. Timidement, les sons sont sortis de ma gorge.



Et puis comme une automate, des mots impensés se sont imposés.



Il m’a tendu sa cigarette. La fumée dans mes poumons m’a fait un bien fou.

Nous nous sommes dirigés dans le chemin. J’étais devant lui, il me dirigeait. Je sentais son regard et son autorité sur moi. Nous nous sommes arrêtés près d’une source où coulait un mince filet d’eau. Il y avait là un arbre solitaire. Son tronc portait des marques de griffure.



J’ai défait les boutons de ma robe dévoilant ma poitrine pour la première fois à cet homme. Il s’est approché de moi. Je sentais son haleine. J’avais envie de sa bouche sur la mienne. Il s’est contenté de descendre lentement sa main de mon cou jusqu’au sillon entre mes seins, puis sur mon ventre durci et enfin dans ma culotte. Un doigt s’est glissé entre mes lèvres intimes à l’entrée de mon sexe. Il l’a sorti, l’a porté à sa bouche.



Avec son couteau, il a coupé les côtés de ma culotte qui est tombée dans la mousse humide.



Il m’a conduite à l’arbre. Il a sorti une sangle de cuir de son sac et m’a attaché les mains par devant. Il agissait comme s’il accomplissait un rituel. Quand sa main se posait sur mon corps, je me sentais bizarrement sereine. Il m’a attachée à l’arbre. J’ai tendu le cul vers lui pour lui montrer que j’étais prête. Sa main a fouillé l’intérieur de mes cuisses puis l’intérieur de mes fesses. Je sentais son souffle derrière moi. Puis j’ai senti la rigidité de son sexe dans mon sillon fessier. Il faisait des mouvements pour renforcer son excitation. Je le sentais rigide, exigeant. Ses mains s’agrippaient à mes hanches. Je me creusais davantage pour le sentir mieux entre mes fesses. J’avais envie de lui à l’intérieur. Quand il est entré en moi, il m’a presque déchirée tant il était dur. J’essayais de creuser encore pour accueillir ce membre dans un angle qui me serait confortable. Lentement, inexorablement, il faisait coulisser en moi ce corps étranger. Je comprenais ce qu’appartenir signifiait et pourquoi c’était lui et non Alban qui devait se charger de la chose. Petit à petit, je sentais les digues lâcher les unes après les autres. Mon corps et mon esprit se laissaient à ce coït bestial. Nos souffles se répondaient. Je sentais ses doigts meurtrir la chair des hanches. Il n’y avait chez lui aucune douceur. La douleur et le plaisir se mêlaient, il fallait que j’en passe par là. Mon corps et ma tête étaient des boules incandescentes et lorsqu’elles se sont rejointes l’incendie m’a envahie et je me suis enflammée dans un long cri d’agonie.


J’ai rouvert les yeux, j’étais nue, allongée dans la mousse. Combien de temps s’était écoulé ? Léo assis taillait son bâton avec son couteau. Je me sentais apaisée, vidée.



J’essayais de me lever, mais mes jambes refusaient de me porter. J’étais comme ivre, titubante, molle, vidée. Sans un mot, il m’a prise dans ses bras et m’a ramenée nue à la maison. J’étais bien dans ses bras, bercée par son pas régulier et sa force tranquille.


Il a dû me coucher, je ne m’en souviens pas. Je me suis réveillée au milieu de la nuit, j’avais faim et soif. La peau de mes seins était meurtrie par la morsure de l’écorce et me brûlait légèrement. Je n’éprouvais plus d’angoisse, les bruits de la nuit n’étaient plus menaçants. J’ai entendu distinctement une longue plainte dans la nuit, un cri déchirant, douloureux, celui de l’ours qui exprimait sa solitude désespérée. Mes pensées se sont tournées vers Léo, je me revoyais nue dans ses bras et je voulais qu’à nouveau il me possède.


Durant plusieurs jours, l’étrange rituel s’est reproduit, à la tombée du jour, il me conduisait vers des lieux que l’ours avait fréquentés. À chaque fois, il s’introduisait en moi indifféremment par le sexe ou l’anus, à chaque fois je sentais l’incendie me ravager et me laisser inconsciente. Jamais il n’a été question de plaisir ni d’envie chez lui. Je ne sais même pas s’il a joui ou pas en moi. J’aimais sa dureté, la possession animale qu’il m’imposait et qui reste encore marquée dans mon âme. L’ours a définitivement quitté nos collines, vaincu. Léo aussi est parti. Le dernier jour, il a posé sur la table un paquet qui contenait un collier à mailles en argent.



Il n’a pas dit plus. Je sentais qu’il voulait me dire autre chose, mais les mots ne sont pas sortis. Alors, il a sorti une cigarette et m’a dit :



Il a fumé en silence puis il est parti.


Quand Alban est revenu. Il m’a trouvée détendue. J’étais heureuse de le voir, qu’on puisse passer des moments ensemble, mais je n’avais plus envie de lui. J’aimais toujours le contact avec son corps, mais mon désir avait pour ainsi dire disparu. Je hantais parfois les lieux où Léo m’avait emmené, je m’y déshabillais, je m’y prenais en photo, je les publiais parfois sur le net, imaginant qu’il pourrait les voir. Il m’arrivait cependant de branler Alban certains soirs et je constatais à l’abondance et à l’épaisseur de son sperme qu’il m’était toujours fidèle. Je l’embrassais alors avec une rare intensité. J’aimais plus que tout son corps paisible et doux et l’âme généreuse qui l’habitait.




Épilogue



Cinq ans se sont écoulés. Pas un mot, pas un signe. Je n’ai pas revu Léo jusqu’au jour où il est revenu voir sa mère. Il est passé à la maison, il avait une femme maintenant et un enfant de trois ans. Nous avons discuté de manière superficielle devant un apéritif. J’avais mis le collier qu’il m’avait offert. Je sentais mes doigts aimantés par le contact avec le métal. Je tentais de résister. Je sentais physiquement le regard de Léo se poser sur moi. J’étais prête à me donner à lui sur le champ. Tout dans ma tête me ramenait aux moments que nous avions partagés dans les bois, à l’intensité d’une vie qui n’existait plus que dans mes rêves. Lui semblait m’ignorer maintenant, tout à ses récits de famille, de ses aventures. Alban semblait heureux de le voir, de connaître sa femme, sa fille. À un moment pourtant, nous nous sommes retrouvés seul à seul. Il regardait la montagne en fumant. Il m’a proposé une cigarette qu’il a allumée. Nous avons regardé le soleil se coucher sur la montagne, en silence, sans un mot. J’ai perçu alors au fond de moi la plainte longue et glaçante de l’ours pleurant son amour perdu.