n° 22552 | Fiche technique | 28834 caractères | 28834Temps de lecture estimé : 18 mn | 30/07/24 |
Présentation: Déjà, ne pas être éliminées. Ensuite, viser la victoire, et si possible avec la manière. Quelle qu’elle soit. | ||||
Résumé: Dans un monde merveilleux où chacune veille sur chacune, qui ne rêverait, Noble Dame ou Jeune Adepte, d’être bénie de la Divine Muse pour ceindre la couronne de lauriers ? | ||||
Critères: fff sport nudisme nopéné | ||||
Auteur : Dyonisia Envoi mini-message |
Projet de groupe : Fantasme olympique |
Le ciel était bleu, la mer était verte, la plage tremblait sous le soleil de juin, et la brise marine chassait les vagues de sable soulevées par une vingtaine de personnages qui tourbillonnaient dans l’aire du jeu.
L’Abbesse regarda dubitativement sa Responsable en Chef des Soins et du Bien-être des Glorieuses Sphérophores de Goudounia, titre pompeux pour une masseuse qui peu auparavant exerçait ses talents dans le plus huppé des Thermes de la ville, certes, mais à un rang fort modeste. Elle l’avait choisie surtout pour la qualité de ses touchers profonds, mais aussi pour sa vivacité d’esprit. Après tout, son avis pouvait s’avérer utile.
Ça, pour être simple, c’était un jeu simple : sept contre sept et une arbitre ; une outre oblongue à déposer derrière la ligne de but adverse ; l’autre équipe s’y opposait par tous les moyens ; c’était tout ! Il n’y avait même pas de règles, à part l’interdiction de tirer les cheveux et d’utiliser une arme ; sauf accord préalable, bien entendu.
Pour l’instant, c’était un entraînement. Peu concluant, si l’on en croyait les conseils et les recadrages que s’époumonaient à hurler les entraîneuses qui couraient des deux côtés, d’un bout à l’autre du terrain. Parlons-en du terrain, d’ailleurs. Un vague quadrilatère tracé à la vaille que vaille dans le sable de la grève. Évidemment, chaque fois qu’une joueuse s’étalait sur une limite, il fallait la refaire. Touche ou ligne de but, c’était pareil, d’où d’intenses contestations dans un cas comme dans l’autre. L’arbitre était prête à démissionner, c’est tout dire.
Il y avait malgré tout un avantage dans le choix du lieu. Le sable amortissait au mieux les innombrables chutes. Quand une Noble Dame tombait de tout son poids sur une Jeune Adepte, cette dernière s’en tirait, généralement, avec une grande goulée de poussière à recracher. Il en était de même lorsqu’une Noble Dame achevait l’élégante voltige provoquée par le croche-patte d’une Jeune Adepte. Les choses auraient été fort différentes sur l’arène bien damée du Palestre consacré. Un terrain réglementaire était en construction, mais, quoique la Première Dame de Goudounia et la Grande Prêtresse s’y évertuassent, les travaux n’avançaient pas aussi vite qu’espéré.
D’un autre côté, il faut bien reconnaître que les tenues de sport n’étaient guère adaptées à la pratique. La grande aube traditionnelle des Novice – encore n’avait-on pas jugé utile de la compléter par la classique coiffe en cornette – était bien sûr couverte par une rase tunique de couleur différente pour chaque équipe. Pour courir, tout allait bien, il suffisait de retrousser la robe. Elle ne gênait pas, non plus, pour bousculer une adversaire. Quant à porter l’outre… On se prenait régulièrement les pieds dans le tissu. Cela ne facilitait pas la fluidité du jeu ni la précision des échanges entre partenaires. Sans compter que pour les fortes poitrines la casaque tenait lieu de corset. Les Nobles Dames, surtout, en souffraient beaucoup.
La lueur d’intérêt, dans les yeux de l’Abbesse, s’éteignit. Fichue confidentialité ! Elle se consola en se rappelant qu’elle en avait aussi bénéficié.
Les tourbillons de sable étaient retombés. L’arbitre avait définitivement abandonné la partie. Les entraîneuses également, aussi épuisées que leurs pouliches. Celles-ci, Jeunes et Nobles, leurs aubes sales et déchirées – les servantes auraient du travail – titubaient de fatigue, couvertes de poussière et contusionnées. Chantal s’empressa de les rejoindre pour leur prodiguer avec Leila un réconfort mérité. Il ne convenait pas de le retarder, Mère Olga de Mytilène s’abstint de réclamer des éclaircissements.
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Tout avait très bien commencé. Le défilé des Délégations avait été superbement orchestré, chacune derrière sa cheffe de file arborant fièrement les couleurs de sa Divine Patronne sous les acclamations enthousiastes des spectatrices. Les concurrentes dans les sports lourds, lutteuses, lanceuses ou tribaldistes dont le pagne libérait les arrogantes poitrines, avaient soulevé des bravos frénétiques, tout comme celles qui concouraient dans les sports légers, coureuses et sauteuses, avec leurs courtes tuniques révélant leurs fesses musclées. Le public avait toujours préféré les sports individuels et l’apparition des équipes de sports collectifs, les sphérophores par exemple, n’avait suscité que des applaudissements polis.
Il y avait peut-être eu, par-ci par-là, quelques crêpages de chignon entre supportrices plus enflammées que leurs compagnes, mais les Marguillières avaient rapidement mis le holà à ces incidents. Les coupables, dûment entravées, étaient exposées au sommet des tribunes. Elles y resteraient jusqu’à la fin des Olympiades d’Artémis et réfléchiraient sans doute à deux fois avant de remettre le désordre aux prochains Jeux (quoiqu’on ne puisse jurer de rien, certaines exhibitionnistes sont indécrottables).
Les Grandes Prêtresses des Obédiences convoquées, dans un remarquable œcuménisme que l’on ne voyait guère qu’à l’occasion des Artémisiades, avaient psalmodié ensemble les Textes Sacrés et accompli de leurs mains jointes l’une dans l’autre le Sacrifice Rituel. Ainsi assurées que la Déesse de la Nature et de la Liberté Féminines recevrait avec bienveillance les Olympiades données en son honneur, les Grandes Prêtresses à l’unisson avaient autorisé le lancement du spectacle inaugural.
Une bien belle prestation des vierges de Goudounia, évoluant par Divisions d’âges sous la houlette des Sœurs chargées de leur formation, avait recueilli un succès unanime. Obtenir les faveurs des Adeptes locales et foraines réunies était tout au crédit de cette jeunesse prometteuse. Les plus ovationnées avaient bien sûr été celles qui partiraient cette année faire leur Retraite consacrée. Chaque femme de l’assistance se souvenait avec émotion de cette entrée dans la Citoyenneté, si importante pour sa vie personnelle et pour l’avenir de sa Cité.
Puis, la Grande Prêtresse de Goudoune, la Divine, accompagnée de ses pairs, les Hautes Pontifes invitées, s’était rendue aux pieds de la statue de la Muse Glorieuse dont la nudité de marbre vibrait de réalisme. Là, devant l’élite des personnalités profanes et les porte-drapeaux des Délégations, elle avait prononcé au nom de toutes le Serment Solennel de loyauté des épreuves et d’impartialité des notations, avant de déclarer ouvertes les trente-sixièmes Olympiades d’Artémis. Aucune flamme sacrilège n’était venue troubler la cérémonie. Les Obédiences qui révéraient la Déesse respectaient trop les traditions Antiques pour succomber à un modernisme douteux.
Les compétitions les plus prisées s’étaient succédées ensuite pendant une semaine, et les sportives de Goudounia s’étaient distinguées à plusieurs reprises. On avait notamment remarqué dans la catégorie des Jeunes Adeptes une lutteuse du nom de Guerti, fine et svelte, qui mettait au tapis toutes ses adversaires, plus grandes ou plus massives fussent-elles. Ses prises étaient diaboliques, et après ses victoires les soigneuses avaient fort à faire pour traiter les sévères ecchymoses sur les parties sensibles des concurrentes battues. Elle avait bien entendu gagné la médaille suprême ainsi qu’une enviable notoriété qui favoriserait sa carrière quelque orientation qu’elle lui donne.
Que dire également de la Noble Dame Maud, pulpeuse des seins autant que large des hanches, qui avait triomphé haut la main dans tous les affrontements de tribaldisme. Ses opposantes en sortaient épuisées par sa tactique, l’esprit ailleurs et le corps littéralement asséché. Non contente de remporter la récompense ultime des frictions en seule à seule, elle avait aussi dominé les doubles avec sa partenaire dans la même catégorie, Sonia, une blonde aux seins majestueux. Leur duo avait fait merveille, surclassant de loin tous les autres par sa maîtrise des techniques de retenue et de rapidité des climax. De quoi susciter des vocations nouvelles parmi les ambitieuses qui les courtisaient maintenant en les pressant de créer une école supérieure de cette pratique.
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À l’heure enfin venue de la Sphérophorie, le public était, comme il fallait le craindre, clairsemé. Seules s’étaient déplacées celles qui n’avaient pas piscine ou mieux à faire. La première journée devait déterminer qui, des huit équipes réunies, joueraient les demi-finales. Mère Olga de Mytilène, parée des atours de sa charge et flanquée de Chantal et Leila beaucoup plus court vêtues, contemplait d’un œil sceptique les gradins à moitié vides. Les précédentes épreuves avaient apporté des résultats conséquents tout à l’honneur de la Cité et de ses championnes. Qu’en serait-il à présent ? Peut-être valait-il mieux une assistance réduite.
Les joueuses de Goudounia rencontreraient sept équipes – sept, le chiffre sacré – dont certaines étaient réputées redoutables de style et de férocité. De fait, les premiers chocs furent édifiants : dès le début des reprises, heureusement limitées au quart d’heure, les plus faibles étaient surpassées, bousculées, renversées, laminées au sens propre. Leila dut même être envoyée en renfort auprès de ses consœurs de quelques camps adverses, débordées par les soins à donner. Elle fit ainsi la découverte de plusieurs morphologies étrangères, ce dont elle ne se plaignit pas. Par contre, les appréhensions de Mère Olga de Mytilène s’accrurent.
L’entrée de l’équipe de Goudounia sur le terrain fit sensation. On eut cru d’abord à une procession de drapeaux. Les sept titulaires et les trois remplaçantes portaient les couleurs de leur Cité – un très harmonieux arc-en-ciel – peintes à même le corps. Entraîneuses, et soigneuses dirigées par Leila étaient pareillement décorées. Tout aussi entièrement nues, un simple serre-tête les distinguait des joueuses. Sur ces dernières, les seins brillaient, les fesses reluisaient, et le soleil illuminait par instants leur pubis lisse. D’abord sidérées, l’équipe adverse et ses cadres protestèrent ensuite auprès de l’arbitre et des représentantes de la Fédération Interreligieuse des Filles d’Artémis.
Par ces temps incertains, la nudité totale était aussi courante que bienvenue dans les manifestations privées et les cérémonies laudatives, on le sait. En public et dans le profane, toutefois, elle passait pour indécente ou infamante. Il y eut donc débat, mais les déléguées de la FIFA conclurent que, vu le caractère religieux des Olympiades d’Artémis et l’absence d’obligation d’une tenue réglementaire sauf de permettre la distinction des joueuses, les convenances et les règles étaient respectées. Une équipe vêtue de peinture pouvait donc évoluer en toute légalité.
Les Lionnes de Sapphie ne tinrent pas longtemps et cette première victoire galvanisa les Glorieuses qui enchaînèrent trois autres succès. Mère Olga de Mytilène buvait du petit lait et remerciait la Divine. L’association concoctée par ses adjointes s’avérait pertinente. Les Nobles Dames étaient intraitables en défense, les Jeunes Adeptes insaisissables en attaque. Leurs adversaires, empêtrées dans leurs tuniques flottantes, offraient une prise facile aux unes et n’arrivaient pas à arrêter les autres qui leur glissaient entre les mains comme des truites vives. Qu’elles s’accrochent à ses bras, ses cuisses ou ses seins, leur proie leur échappait sans recours. Dégoûtées, elles la regardaient filer vers la ligne de but en se riant de leur impuissance.
Autre fait remarquable, les gradins se remplissaient à vue d’œil. Informées par le bouche-à-oreille, les spectatrices se disputaient les places pour assister aux rencontres qui impliquaient cette étonnante et si séduisante équipe locale. La novation faisait recette. Mieux que cela, le soleil chaleureux incitait beaucoup d’arrivantes à imiter les joueuses. On ne comptait plus les aubes, robes et tuniques rabattues sur la taille. Chantal n’en revenait pas d’une telle exhibition de bustes nus. Elle avait rejoint les responsables pendant la pause, avant les trois dernières rencontres qui s’annonçaient plus difficiles, et, trop pressée pour être passée par l’étape peinture mais dans la même tenue que ses compagnes, elle attirait d’autant plus sur elle aussi les regards.
À vrai dire, elle s’en fichait complètement d’être à poil sans la moindre efflorescence de couleur qui eut pu voiler un tant soit peu ses formes. La stratégie adoptée portait les fruits espérés. Les filles se seraient fait piétiner sur place plutôt que rater la transmission de l’outre ou se laisser déborder par une adversaire. Elles donnaient leur corps avec passion, et ce n’était pas une façon de dire. Certaines étaient marquées par de sévères meurtrissures, parfois en des zones très intimes. Chantal et Leila examinèrent les plus graves à même la pelouse, sous les yeux intéressés des premiers rangs.
Pendant ce temps, les entraîneuses recomposaient l’équipe. L’usage ne réclamait qu’un minimum de deux équipes complètes, soit sept Jeunes Adeptes et sept Nobles Dames. Là encore, Goudounia avait innové en retenant vingt et une joueuses en plus de mixer les catégories. Les onze filles gardées jusqu’ici en réserve bouillaient d’entrer sur le terrain. C’était à elles de briller, elles réussiraient aussi bien sinon mieux que leurs camarades et surmonter l’obstacle les qualifierait pour le Dernier Carré (expression galvaudée depuis lors). Avoir à affronter les terribles Tigresses de Gwina ne les effrayait pas une seconde.
Leurs adversaires étaient sûres de leur force – elles avaient pulvérisé leurs précédentes opposantes – et par défi se présentèrent nues, au grand plaisir de l’assistance. Mais ce fut pour se voir aussitôt intimer l’ordre de se couvrir le haut ou le bas, au choix, sous peine de disqualification. La rencontre commença de ce fait avec un retard dont les autorités présentes de la FIFA, dans leur mansuétude, n’imputèrent pas la pénalité à l’équipe contrevenante. Les Tigresses étaient des étoiles dans le panthéon du sport, ceci expliquait peut-être cela.
Les Glorieuses firent jeu égal avec elles, compensant leurs faiblesses par leur agilité et recueillant les faveurs du public. Entraînées par l’exemple et l’ambiance enthousiaste, les spectatrices en nombre croissant avaient jeté la robe par-dessus les moulins, oubliant que le périzonium était passé de mode depuis belle lurette. À chaque exploit ou sacrifice d’une Glorieuse, à chaque interception faisant voltiger une Tigresse crochetée par le pagne ou le strophium, c’était un bonheur de corps nus qui se levait pour applaudir. Les innovations en défense, surtout, étaient particulièrement appréciées. Un vrai succès pour l’inventivité et l’ingéniosité de cette surprenante équipe.
Ses bottes secrètes avaient déstabilisé les Tigresses, elles démoralisèrent les Gazelles de Cythéria. Renommées pour leur rapidité bondissante, celles-ci se voyaient surclassées, et lorsque leurs attaquantes parvenaient à percer la première ligne, leur avantage se trouvait annuler par la tactique employée par les défenseures. Opérant en couple, l’une bloquait les jambes de l’adversaire, l’autre la renversait et lui coinçait la tête entre ses cuisses. Elle ne touchait pas à ses cheveux, le coup était donc régulier. Pourquoi alors se priver d’un plaisir de plus ? Les Nobles Dames affectées à ce poste s’en donnaient à cœur joie. Évidemment, le risque d’une morsure existait, ce moyen non plus n’était pas illicite. Mais en général, la victime désorientée ouvrait la bouche sans mettre les dents.
La dernière rencontre fut une formalité, bien que, par prudence, il ait fallu remplacer deux ou trois joueuses trop profondément broutées par l’ultime résistance de quelques rares Gazelles. Chantal et Leila les soignèrent immédiatement sur le bord du terrain, tandis que leurs camarades et compagnes écrasaient les Guêpes de Mounine, déjà résignées à leur sort. Au soir de la première journée, les Artémisiades tout entières ne parlaient que des prouesses des Glorieuses Goudous – la contraction ayant été vite faite. Sportives, supportrices ou simples curieuses supputaient leur chance de remporter la Finale qui, à n’en pas douter, les opposerait aux Tigresses de Gwina. Il y eut des paris risqués, beaucoup de prières enfiévrées et, parfois, des querelles ou des complicités enflammées. Bonnes filles, les Marguillières laissèrent les passions s’exprimer.
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Seconde journée, journée décisive ! Mère Olga de Mytilène ne tenait plus en place. La veille, débordant d’optimisme, elle avait fêté avec ses Sœurs le succès extraordinaire des joueuses de Goudounia. Ses inquiétudes l’avaient reprise au moment du coucher. Leila et Chantal, dévouées pour elle jusqu’à l’extrême, avaient passé la majeure partie de la nuit – de ce qu’il en restait, plutôt – à calmer ses tensions. Repues de soins et les sens assoupis, les trois n’avaient eu que quelques heures au petit matin pour trouver le repos. Office de l’aube pour l’une, contingences de leur charge pour les autres, les avaient contraintes à se lever trop tôt.
Les demi-finales avaient pourtant confirmé les prévisions dans un stade comble au-delà de toute espérance. Jamais, de mémoire d’Olympiades, les rencontres de Sphérophorie n’avaient suscité un tel engouement. Jamais non plus les gradins n’avaient connu autant de fesses nues, et pour dire le vrai, jamais un spectacle sportif, même consacré par la dévotion aux Divines Filles d’Artémis, n’avait attiré un si grand nombre de nudités. Les Marguillières, gardiennes des bonnes mœurs, ne savaient quelle attitude prendre. Il avait fallu que les Grandes Prêtresses, toutes Obédiences confondues, diffèrent leurs devoirs ordinaires et se réunissent en urgence pour consulter les oracles. Fort heureusement, ils avaient été unanimement favorables. Émeutes et répressions furent évitées.
Mais en ce mitan du jour, si elle était satisfaite des résultats de ses protégées autant que des bénédictions divines, qu’elle avait d’ailleurs aussitôt mises à profit pour rassurer les plus timides des spectatrices en se mettant elle-même à la mode du nu, Mère Olga de Mytilène se trouvait saisie d’une sollicitation dont elle ne savait que faire. Son homologue, Pontife de la Divine Gwina, Mère Clara von Schwarz-Waldia, lui avait tout bonnement exprimé le vif souhait que, pour la grande finale, les Tigresses aient l’honneur de jouer les Glorieuses dans la même tenue qu’elles. Les couleurs de l’oriflamme de Gwina, la Divine, de bandes jaunes et noires alternées, s’y prêteraient parfaitement si toutefois les artistes peintres de Goudounia étaient autorisées à intervenir sur des joueuses adverses.
La demande avait été formulée en grec antique bien sûr, langue commune et sacerdotale des prêtresses des Filles d’Artémis. Cela lui conférait un caractère sacré qui interdisait de l’ignorer. Refuser était possible, quoique mesquin. Accepter, c’était perdre un atout précieux. Mais d’un autre côté, la requête en elle-même témoignait du niveau de qualité atteint par les Glorieuses. On n’imite que les meilleures ! Prise entre ces considérations contradictoires et l’affectueuse inclination qu’elle éprouvait pour sa consœur, Mère Olga de Mytilène avait différé sa réponse avant de s’en ouvrir à Chantal.
Il n’y eut pas que l’éminente Pontife de la Divine Gwina pour être satisfaite de l’option retenue. Les équipes des deux camps le furent aussi. Quand on s’est frottée les unes aux autres, sur la pelouse passionnément pendant une bonne demi-heure, et encore bien plus longtemps, si plus amicalement, le soir même, forcément, ça crée des liens. Quant aux spectatrices, l’originalité de cette nouvelle attraction les enthousiasma. D’ailleurs, elles avaient toutes adopté la tenue des Glorieuses pour assister au point d’orgue des Olympiades d’Artémis. Supportrices chamarrées, pâles touristes et dignes Abbesses, chacune entraînant sa voisine, communiaient dans une identique nudité en hommage aux valeureuses joueuses dont on décorait de multicolore les poitrines, les dos, les ventres et les fesses.
Les Gazelles et les Lionnes, qui s’affrontaient pour le faible gain de la Tablette de Bronze, bénéficièrent des mêmes faveurs. Mais ce n’étaient pas les points marqués qui soulevaient les hourras, c’étaient les prises adroites qui dépouillaient dans un seul geste l’adversaire de sa tunique. Avant la fin de la première reprise, la moitié des silhouettes évoluant sur le terrain étaient nues. Les Déléguées de la FIFA et l’arbitre, dépassées, entraînées, par la ferveur générale n’opposaient plus d’objection à ces manquements. Les Gazelles vainquirent, dans l’indifférence, pour les gagnantes. Les traditionnelles congratulations entre joueuses, cette fois dans le plus simple appareil, furent par contre vivement acclamées. Une excitante mise en bouche avant la Grande Finale.
Celle-ci fut acharnée, et de l’avis des critiques spécialisées qui en écrivirent la chronique, grandiose. La peinture des corps – près d’une quarantaine au total – avait été terminée juste à temps. Les artistes avaient travaillé et s’étaient dépensées sans compter pour que la présentation des équipes soit une véritable œuvre d’art. Au bout du premier quart d’heure, on ne pouvait plus la considérer ainsi. Les affrontements étaient féroces, les adversaires étaient d’égale force. Il y eut des courses gagnées et des chairs martyrisées. Il y eut des seins écrasés et des lèvres tordues. Il y eut des fourchettes entre les cuisses et des étreintes désespérées, à l’endroit et à l’envers. Il y eut aussi des cheveux tirés et des exclusions pour ces fautes. Mais si les couleurs se mêlaient et se transféraient des unes sur les autres, l’outre volait de main en main, comme un aigle de clocher en clocher, sans que la victoire veuille se dessiner.
Il semblait même que les Tigresses avaient assimilé les bottes secrètes des Glorieuses, annihilant les techniques de ces dernières pour les retourner contre elles. Au bout de la première période, les équipes étaient à égalité. On profita de la pause pour requinquer les joueuses, changer les plus éclopées, chapitrer les remplaçantes, et encourager tout le monde autant qu’invoquer la bénédiction divine ; de chaque côté respectivement, bien sûr. La rencontre reprit, et se termina sans résultat tangible, sinon un faible et même nombre de points marqués et un plus grand de contusionnées. Il fallut se résoudre à jouer des prolongations et donc effectuer un nouveau remaniement des actrices.
Les Glorieuses avaient le banc pour elles, les Tigresses, leur endurance. La fatigue, toutefois, touchait les unes comme les autres. Il ne fut pas rare qu’un affrontement vigoureux se terminât en enlacement langoureux. Souffrir ensemble rapproche, et, de quelque obédience que l’on soit, un moment de douceur dans un sport de brutes n’est pas à dédaigner. Ce qui devait arriver arriva : à l’ultime dernière seconde, l’arbitre corna sur un résultat nul, tandis que les protagonistes, partenaires et adversaires confondues, se soutenaient mutuellement, toutes épuisées et pour certaines assouvies, sous les vivats de la foule.
L’annonce que les Déléguées de la FIFA procéderaient à un tirage au sort pour désigner les gagnantes provoqua un tollé. L’assistance unanime, supportrices des deux camps mêlées, réclamait une victoire partagée. Le cas ne s’était jamais produit lors des Olympiades d’Artémis, mais toutes estimaient qu’un spectacle aussi extraordinaire méritait que l’on fît une exception. Entraînées par la volonté populaire, Officielles et Pontifes durent se résigner à accorder un double triomphe. De l’Arc et du Carquois d’or, attributs divins et emblème symbolique réservé aux vainqueurs, l’un consacra les Glorieuses, le second les Tigresses.
Avec deux premières ex æquo, les Gazelles reçurent le Cratère d’argent et les Lionnes obtinrent la Tablette de bronze. Les Artémisiades de Goudounia avaient été bénies par leur Divine Protectrice et seraient célébrées par les aèdes pour avoir récompensé quatre équipes. En félicitant tendrement Chantal pour sa fructueuse initiative, Mère Olga de Mytilène lui confia que la soirée de réjouissances s’avérait prometteuse…
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Andréa secoue sa chérie depuis quelques secondes.