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Temps de lecture estimé : 8 mn
09/08/24
Résumé:  Une journaliste sportive relate la compétition de breakdance, inscrite pour la toute première fois au programme des Jeux olympiques. Le ballet endiablé des corps stimule son imagination. Fantasme et réalité se disputent âprement la médaille d’or.
Critères:  sport danser cérébral
Auteur : Maryse      Envoi mini-message

Projet de groupe : Fantasme olympique
Breakdance

9 août 2024, place de la Concorde…


Le moment tant attendu était enfin arrivé !


Dans quelques instants, la compétition de breakdance allait débuter. Pour la toute première fois de son histoire, cette discipline était inscrite au programme des Jeux olympiques.


Journaliste sportive, elle passait le plus clair de son temps, enfermée dans la cabine exiguë et insonorisée d’un camion de télétransmission TV, des écouteurs sur les oreilles, un minuscule micro au coin des lèvres, les yeux rivés sur l’un des nombreux écrans qui tapissaient le pupitre, à commenter et à analyser les performances des athlètes.


Elle avait fait des pieds et des mains auprès de la direction de production pour que ce soit elle qui couvre l’événement et relate son déroulement. Le couronnement de sa carrière, pressentait-elle ! Elle en vibrait d’impatience.


Tout comme la foule compacte et bigarrée qui se pressait derrière les barrières pour assister à ce spectacle qui allait être, de toute évidence, exceptionnel et spectaculaire.


En plein air, sur les pavés de l’immense place parisienne, 16 B-Girls et 16 B-Boys, de toute origine, allaient rivaliser d’audace, d’ingéniosité et de force au cours de battles acharnées pour pouvoir monter sur le podium et remporter une médaille.


Une immense clameur, pleine de ferveur, retentit à l’arrivée des B-danseurs. Ils défilaient félinement à la queue leu leu, en ondulant et en se déhanchant, débordant d’énergie, d’agilité et d’originalité. C’était à celui qui retiendrait le plus l’attention du public. Chacun tenait à bout de bras, de longs rubans rouges, orange et jaunes qui virevoltaient dans les airs, symboles de la flamme olympique. Les tenues fluorescentes, les jeux de lumières stroboscopiques et multicolores qui mettaient en valeur les mouvements harmonieux des protagonistes qui se mouvaient au rythme de la musique effrénée, renforçaient le côté féerique de la manifestation.


Ce n’était que le début et déjà la foule était déchaînée. Les cris d’encouragement, les acclamations, les applaudissements à tout rompre ainsi que les sifflements stridents couvraient presque la musique pourtant assourdissante.


Rien à voir avec la rigueur épurée des sports académiques pour lesquels la principale motivation des participants était de se surpasser pour battre un record et empocher une médaille…


Là, ce qui primait, c’était le spectacle, se mettre en osmose avec son entourage, créer une ambiance survoltée propice au dépassement de soi !


Les B-Boys et les B-Girls formaient maintenant un cercle. À tour de rôle, chaque danseur et danseuse initiait un mouvement que le voisin amplifiait et transmettait au suivant si bien qu’au bout d’un instant, le cypher, véritable ronde vivante, donnait l’impression de tournoyer à toute vitesse alors que chacun restait à sa place. Magie de la danse et de la musique, magie des corps et de la prouesse physique, l’incroyable devenait réalité.


Un premier couple s’élança, prêt à enflammer la piste. L’intensité du moment monta d’un cran tandis que la musique allait crescendo.


Dans un synchronisme parfait, ils s’accroupirent, leurs mains droites prirent appui sur le sol. D’une impulsion fluide, ils se propulsèrent en équilibre sur leurs paumes, bras fléchis, jambes en l’air, leurs crânes posés par terre. Ils opérèrent un demi-tour en donnant l’impression de s’envoler. D’un arc parfaitement exécuté, leurs pieds balayèrent l’air, les emportant vers le haut. Ils tournoyaient sur eux-mêmes, comme s’ils n’étaient plus qu’un seul et même mouvement en apesanteur, une seule et même toupie vivante…


Les power-moves se succédèrent dans une chorégraphie superbement orchestrée où la force, l’élégance et la grâce se mariaient de façon admirable. La lumière des projecteurs se réverbérait sur leurs vêtements phosphorescents prolongeant chaque saut, chaque rotation, chaque virevolte d’une fulgurance psychédélique.


Bientôt, deux autres danseurs entrèrent en lice. Ils défièrent le couple au centre de la piste avec une séquence de top-rock endiablée, leurs pieds battant le rythme avec une harmonie époustouflante. Les deux premiers les narguèrent dédaigneusement par un moonwalk parfaitement exécuté qui donnait l’illusion qu’ils avançaient en glissant dans l’air alors qu’ils reculaient pour céder leur place. Les quatre s’affrontèrent un instant, enchaînant des figures qui rivalisaient d’audace, de puissance et d’imagination… Morceau de bravoure vivement acclamé par le public subjugué.


Le premier couple finit par rejoindre les rangs en exécutant coup sur coup deux saltos arrière. Le fracas retentissant des ovations redoubla d’intensité.


Ambiance de folie !


Le rythme de la musique changea. La lumière des projecteurs aussi. La B-Girl et le B-Boy restés au centre du cypher ne se quittaient plus des yeux. Ils irradiaient un magnétisme évident. Les cris s’estompèrent, les regards se rivèrent sur eux. Tout le monde était captivé. Chacun retenait son souffle, attendant la suite. Le temps sembla se suspendre…


Et puis, soudainement, tout se déchaîna. Ils se laissèrent tomber sur le sol pour exécuter un air-flare explosif. En appui sur les bras, ils enchaînaient des rotations de plus en plus rapides, leurs jambes tendues fendant l’air avec une aisance stupéfiante. Chaque mouvement emportait la ferveur du public hystérique.


Une chorégraphie éblouissante… Elle se sentait pousser des ailes à assister à un tel prodige. Elle n’avait plus qu’une envie, y participer ! se surprit-elle à penser.


Qu’allait-elle imaginer ? Elle ne devait pas laisser de telles inepties détourner son attention ou la déconcentrer. Il fallait au contraire garder la tête froide pour commenter l’événement qui se déroulait sous les meilleurs auspices.


Alors que la foule électrisée clamait d’excitation, d’autres B-Girls et B-Boys entrèrent en scène. Leurs énergies débordantes s’ajoutaient à celle des deux précédents danseurs. Une B-Girl à la démarche chaloupée se glissa entre eux en exécutant des body-waves sensuels, son corps se mouvant comme une onde, ou plutôt une houle que rien ni personne ne semblait pouvoir arrêter. Un B-Boy la rejoignit. Ses flares et wind-mills se combinaient avec les mouvements des autres participants pour créer une parade kaléidoscopique.


Un véritable feu d’artifice de couleurs, de formes et de mouvements.


Sensations extraordinaires, indescriptibles que d’assister à une telle exhibition, à un tel enchantement. Elle n’arrivait plus à trouver les mots pour décrire ce qu’elle voyait, ce qu’elle entendait ou ce qu’elle éprouvait.


Les danseurs se rapprochèrent, formant des duos et des trios, leurs corps se touchant brièvement, leurs mouvements s’entremêlant dans une chorégraphie à la fois intense et troublante. Chaque figure, chaque geste était un jaillissement d’ardeur et de passion, une célébration de la danse poussée à son plus haut niveau. Une danse où tout devenait possible… Un hymne à la liberté absolue. Les top-rocks endiablés succédaient aux freezes, durant lesquels tout se figeait pendant un instant, moments durant lesquels chacun se demandait ce qui allait arriver, avant que le ballet reprenne de plus belle dans un déluge de force et d’habileté. Les corps se rapprochaient dans des figures à la fois sophistiquées et suggestives avant de se séparer dans une explosion de mouvements audacieux, superbement ordonnancés.


Fascination hypnotique !


La retenue professionnelle dont elle aurait dû faire preuve pour commenter avec objectivité la compétition avait laissé la place à une surexcitation incoercible. Tout se liguait pour la plonger dans une effervescence sans nom.


Jamais elle n’avait assisté à un tel spectacle. Elle était le témoin d’une expérience exceptionnelle ou la breakdance s’imposait non seulement comme un sport majeur mais aussi comme un art suprême, la fusion parfaite d’impétuosité et de virtuosité, mélange détonnant qui faisait battre les cœurs et embrasait les sens.


Vivant intensément ce qui se déroulait sous ses yeux éblouis, son corps exalté frissonnait comme si une force sauvage en avait pris le contrôle, la possédait sans qu’elle ne puisse rien y faire. Son sang se ruait dans ses veines comme une coulée de lave en fusion, emportant tout sur son passage. Elle n’était plus dans son camion, micro à la bouche, mais dehors au milieu des gens. À chaque figure de danse, elle criait d’enthousiasme, emportée par ce qu’elle voyait, par ce qu’elle ressentait. Sa peau s’était couverte de chair de poule et elle était en nage. L’intensité du spectacle, l’ambiance surchauffée et l’agitation assourdissante qui régnait place de la Concorde l’avaient propulsée dans une autre dimension.


L’apothéose arriva lorsque tous les danseurs se rejoignirent en un cercle serré, leurs mouvements synchronisés créant une chorégraphie hors du commun où pure sensualité et maestria inouïe se combinaient à la perfection. La musique s’accéléra, la breakdance atteignit son paroxysme.


L’air se chargea d’une énergie envoûtante, presque érotique.


La foule, époustouflée, vibrait à l’unisson des B-danseurs. Les spectateurs trépignaient d’admiration en hurlant et en applaudissant sans relâche, témoins déchaînés de cette performance sublime, sans précédent.


Elle n’avait jamais vécu un tel tumulte, partagé une telle communion avec qui ce soit, même pas avec ses amants les plus passionnés.


Comment se retrouva-t-elle au milieu des B-Danseurs, au cœur de la mêlée grandiose, elle n’aurait pu le dire. Aucun mot n’aurait pu décrire la force mystérieuse qui déferlait en elle de toute sa puissance inextinguible. Qui lui faisait perdre tout repère et toute retenue. Qui la téléportait dans un monde de pures émotions, intenses, insensées, enivrantes. Elle avait sombré dans une sorte de transe, où seules comptaient les sensations torrentueuses qui montaient inexorablement en elle, en l’emportant toujours plus loin. Tout ce qui comptait maintenant, c’était d’être là, au milieu du cypher, entourée de tous ces corps qui la frôlaient, la guidaient, l’entraînaient dans un tourbillon de plus en plus frénétique et ensorcelant.


Des danseurs l’attrapèrent solidement, la soulevèrent et la propulsèrent dans les airs, impulsant à son corps tendu un mouvement de vrille. Avant qu’elle ne puisse crier, des bras la rattrapèrent en plein vol et la firent basculer. Elle se retrouva à califourchon sur un bassin, son ventre épousant à la perfection celui de son partenaire qui ondulait contre elle. Étourdie, éperdue, elle s’agrippait aux épaules masculines et se plaquait contre le torse haletant. Ce contact des plus intimes l’affola jusqu’au délire. Pourtant, ce n’était pas encore assez. Elle souffrait de ne pas s’ouvrir totalement à lui, de ne pas se fondre dans la danse de plus en plus ardente et la musique de plus en plus lancinante. Avant qu’elle ne puisse retrouver ses esprits, elle se sentit tirée en arrière, retournée puis entraînée…


En totale apesanteur, elle passait de mains en mains, épicentre d’un ballet vertigineux au rythme trépidant. Chaque contact déclenchait une trombe d’excitation qui se propageait dans tout son être à la vitesse de la lumière. Elle se laissait faire, pâmée, les yeux fermés, concentrée sur cette sensation qui allumait un brasier partout en elle. De plus en plus fort. De plus en plus vite. De plus en plus intense.


Elle ne s’appartenait plus, elle était devenue partie intégrante de la breakdance. Elle tournoyait, virevoltait, ondulait au gré des figures de plus en plus acrobatiques qu’on lui imposait. Son sang bouillonnant pulsait au rythme de la musique débridée.


Chaque frôlement, chaque contact, chaque prise exacerbaient ses sensations. Son corps tout entier réclamait cette incandescence qui avait pris possession d’elle.


Pur délice que d’être devenue danse, une danse qui l’amenait tout droit au paroxysme de la volupté…


Le tambourinement furieux sur la paroi du camion et les cris provenant de l’extérieur finirent par l’arracher de son fantasme éveillé et la ramenèrent brutalement dans la réalité. Elle appuya vivement sur le bouton de déverrouillage de la porte du fourgon qui l’isolait du reste du monde. Le directeur de production entra précipitamment, le visage rubicond.



Misère ! Aurait-elle commenté son fantasme érotique à voix haute ? Le monde entier l’aurait-il entendu divaguer ?


Elle jeta un regard horrifié sur les écrans. Partout, aux quatre coins de Paris, sous les encouragements déchaînés des spectateurs en délire, les athlètes appariés, rivalisaient d’audace, d’ingéniosité et d’adresse pour réaliser de nouvelles positions érotiques, reléguant aux oubliettes, le Kamasutra.


Ce fut ainsi, raconte-t-on, que les fameuses olympiades de Revebebe virent le jour.