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Temps de lecture estimé : 33 mn
22/08/24
Présentation:  le ciel de la nation arc-en-ciel n’est pas toujours bleu tendre...
Résumé:  Une blanche avec un noir, même en Afrique du Sud, ce n’est pas tous les jours évident. L’abolition de l’apartheid n’a pas éradiqué cette malheureusement universelle hideuse bête qu’est le racisme.
Critères:  fh ff couleurs
Auteur : Claude Pessac            Envoi mini-message
Homo naledi

La bibliothèque de l’Université du Witwatersrand près de Johannesburg ne déroge pas à la règle de ce genre de lieux : l’ambiance y est calme et studieuse. Fréquentée bien évidemment par les étudiants, professeurs, doctorants et chercheurs, c’est un lieu calme, propice à l’étude des milliers de livres et documents des réserves. La salle de lecture, avec ses grandes tables inclinées, ses lampes de lecture et ses antiques sièges en bois et cuir sur roulettes, permet de travailler confortablement. Au bout de cette salle d’étude, le comptoir d’accueil permet aux visiteurs de déposer leurs demandes d’ouvrages, lesquels sont soigneusement rangés dans des kilomètres linéaires de rayonnages. Grâce à l’informatisation, repérer les livres demandés est un jeu d’enfant et une seule personne suffit généralement à gérer les lieux et à satisfaire les demandes. Mais compte tenu de l’ouverture en continu 18 heures sur 24 et 7 jours sur 7, la responsable des lieux est épaulée par toute une équipe d’étudiantes et étudiants qui se relayent au comptoir, chacun effectuant un petit quart-temps qui lui procure un revenu symbolique mais évidemment très apprécié.


Dans cette équipe, Saveria Mendesi, jeune anthropologue brésilienne, détone assez largement des autres étudiants. À 27 ans, elle est la plus âgée des bibliothécaires et sans nul doute largement surqualifiée pour cet emploi. Titulaire, entre autres, d’un doctorat en anthropologie sociale, elle est également une des assistances directes de Lee Rogers Berger, le très médiatique découvreur en 2010 de l’Australopithecus sediba. Saveria conduisait celles qui en 2013 sont descendues, véritables spidergirls, dans les grottes de Rising Star pour mettre à jour les ossements de l’Homo naledi11. Sa participation à ces recherches et le courage qu’elle et ses comparses ont fait preuve pour oser s’enfoncer et ramper dans les boyaux exigus du sous-sol, l’ont auréolée d’un prestige immense sur le campus. Aujourd’hui, toujours dans l’équipe de Berger, elle passe ses journées à meuler, gratter, user des roches remontées de la fameuse grotte pour dégager des petits bouts d’ossements. Avec sa notoriété, ses diplômes et ses compétences, Saveria est sollicitée par des nombreux instituts ou équipes de chercheurs à travers le monde, mais la jeune femme préfère rester encore à Johannesburg, du moins tant que toute la lumière2 n’aura pas été faite sur Homo naledi. Elle considère son petit emploi complémentaire à la bibliothèque comme une parenthèse apaisante après de longues journées passées à extirper des ossements de leurs gangues rocheuses. Passablement insomniaque, elle assure le service quasiment tous les soirs.



Une tête bien pleine sur un corps bien fait. Saveria n’est certes pas une beauté fatale, un top-modèle, mais elle dispose néanmoins de quelques beaux atouts : une chevelure très brune qu’elle rassemble habituellement en simple queue de cheval, des sourcils joliment arqués mais sans doute un peu trop épais qui lui confèrent certes un air un peu sévère, un nez fin et rectiligne, un menton volontaire sous une bouche plutôt fine et bien dessinée. Un visage harmonieux dans l’ensemble mais sans traits remarquables, à part ses yeux bleu clair encadrés par des cils soyeux, et dont le regard altier attire forcément l’attention. Plutôt grande et fine, Saveria se désole cependant de sa poitrine, ferme certes, mais menue, trop menue en tout cas pour lui offrir la possibilité d’afficher des décolletés ravageurs. Ses meilleurs atouts, elle le sait, sont sa taille de guêpe et ses jambes, longues et fines aux cuisses fuselées.


Si pendant longtemps, sans doute emportée par l’enthousiasme des fouilles archéologiques, elle s’est peu souciée de rechercher une quelconque liaison amoureuse et ne s’est montrée que dans des tenues informes et disgracieuses, depuis quelque temps, la jeune femme s’est métamorphosée. Elle a troqué ses salopettes en jeans pour des petites robes, que beaucoup considéreraient banales et fort simples si elles n’étaient formidablement courtes. Idéale donc pour mettre en avant son principal atout : ses gambettes !


Kabanga ! C’est lui, et lui seul, qui est à l’origine de ce changement ! Un étudiant en informatique du campus qui passe bien souvent ses nuits, dans la salle d’étude de la bibliothèque. Plongé dans la rédaction de sa thèse de doctorat sur l’intelligence artificielle, le jeune homme travaille sans relâche, silencieux et discret, au point d’être devenu presque invisible dans l’environnement. Pas invisible pour tous néanmoins, Saveria l’a repéré !


Ces dernières semaines, elle a appris à le connaître, apprécié sa discrétion, sa simplicité et son extrême politesse. Jamais impatient, toujours souriant, ce jeune homme possède bien des atouts pour séduire une femme. Belle carrure, beau gosse, un sourire d’une blancheur époustouflante, une belle chevelure noir de jais et surtout des yeux noirs dans lesquels elle adorerait se perdre. De toute évidence, elle ne lui est pas indifférente, elle a remarqué ses coups d’œil discrets vers ses jambes. Elle a appris par une collègue qu’il s’est renseigné sur ses horaires de présence et qu’il patiente parfois longtemps pour pouvoir lui adresser ses requêtes au comptoir. Une fois ou l’autre, il lui a fait des compliments sur sa tenue ou la fraîcheur de son teint. Compliments timides, presque murmurés. Car c’est bien là le problème, Kabanga est timide, affreusement timide. Timide, et fier comme le sont les hommes de son ethnie. Les Luba-Kasaï sont un peuple fier, des hommes grands et filiformes pour la plupart, plutôt pacifique tant qu’on leur garde respect. Kabanga est un solitaire : pas par choix car si l’apartheid a été aboli, certaines formes de racisme perdurent. Dans les townships de Pretoria ou du Cap, les populations regardent de haut les « sauvages » du nord du pays, les considèrent comme inférieurs et non civilisés. Sur le campus, Kabanga, comme d’autres de ses congénères, est pour le moins victime d’un ostracisme évident. Dans la nation arc-en-ciel, en 2017, les couples mixtes restent, plus d’un quart de siècle ans après l’abolition de l’apartheid, des exceptions remarquées. Et clairement rejetés, voire vilipendés ! On compte moins de 5 % de mariages interraciaux. Les mélanges sont rares et un homme comme Kabanga ne supporterait pas d’être rabroué par une blanche. Alors sans doute préfère-t-il ne pas en courir le risque.


Saveria est loin de ce genre de considérations et préjugés. La Brésilienne a coutume de dire que « en Amérique du Sud, on est tous plus ou moins métis, on a tous une aïeule indienne ou africaine, sauf bien sûr, les blonds germaniques ! ». C’est d’ailleurs sûrement d’un ancêtre au cuir tanné qu’elle tient son teint cuivré, sa peau ambrée que les premiers rayons du soleil de l’été austral font tourner à une couleur café très appétissante.


Saveria a eu le coup de foudre pour le grand Kabanga et elle est bien décidée à l’attraper dans ses filets.


Pour l’amadouer, elle a tenté bien des approches depuis plusieurs semaines, de plus en plus explicites au fil du temps. La nuit précédente encore, profitant de l’absence de tout autre étudiant dans la salle d’étude, elle a apporté au jeune homme une étude reçue récemment, « en complément de celles que tu m’as demandées ». S’asseyant à côté de lui, elle a tenu à lui montrer les passages qui pourraient l’intéresser. Peu à peu, elle s’est rapprochée de lui, jusqu’à ce que leurs cuisses finissent par se toucher. À force de se tortiller sur sa chaise, sa robe a fini par se trousser très haut, dévoilant jusqu’à sa culotte, couleur chair. Elle s’est penchée à chaque occasion pour lui permettre de plonger au plus profond de son décolleté, mais le jeune homme n’a pas réagi. Au contraire, il s’est contracté de plus en plus, s’enfonçant dans un silence mutique dont il ne sortait que pour bafouiller des réponses laconiques lorsqu’elle l’obligeait à répondre. De toute évidence troublé, le jeune homme n’était pas insensible à ces petites provocations et se tortillait régulièrement, visiblement embarrassé par un remue-ménage évident dans son pantalon. Mais rien n’y avait fait, il était resté stoïque et Saveria, agacée et frustrée, l’avait finalement abandonné !


Ce soir, pour le provoquer définitivement, Saveria a décidé de jouer le tout pour le tout. Passant outre sa réserve et sa timidité naturelle, la Sud-Américaine a décidé de mettre le paquet. La robe qu’elle a choisie est scandaleusement courte, son décolleté suffisamment profond pour dévoiler ses seins libres. Et se disant que Kabanga est peut-être paralysé par la crainte d’être surpris par quelqu’un qui entrerait dans la salle de lectures, Saveria a décidé de braver un interdit en l’autorisant à passer derrière le comptoir pour la suivre dans les rayonnages lorsqu’il viendrait demander des documents ou ouvrages.


Ce qui inévitablement s’était produit. Saveria avait alors filé prestement entre les rayons, dans l’allée la plus étroite, l’entraînant à sa suite. Il trottinait juste derrière elle lorsqu’elle avait brusquement fait demi-tour, prétextant s’être trompée. Kabanga, surpris par la manœuvre, était venu buter contre elle. Pendant un court instant, leur corps s’était trouvé plaqué, leur visage à un pouce l’un de l’autre, leurs bouches si proches qu’ils sentaient leurs souffles mêlés. Si l’étudiant ne s’était pas immédiatement reculé en bredouillant, s’il était simplement resté immobile rien qu’une toute petite seconde, Saveria lui aurait plaqué ses lèvres sur sa bouche… Damned, encore raté !


Au moment de grimper sur son échelle, la jeune femme avait à nouveau tenté sa chance. Non contente de se tortiller exagérément en sachant bien qu’il ne pourrait rien rater de son string dentelle, elle avait fait mine de glisser en redescendant et le jeune homme n’avait pas eu d’autre choix que de la rattraper en lui mettant les mains aux fesses.


Mais là encore, il s’était excusé, confus et rougissant.


Serrant le livre demandé contre elle, Saveria était retourné à pas vifs vers son comptoir, sans adresser un mot au pauvre garçon qui, malgré ses grandes jambes, peinait presque à la suivre. La jeune femme était à la fois confuse et honteuse. Honteuse de ses propres manigances, de ses exhibitions, de son indécence. Elle avait claqué le livre sur le comptoir avant de repartir vers le fond des rayonnages, plantant là le jeune homme visiblement décontenancé. « Tout ça pour rien ! Il faut croire que je ne l’intéresse vraiment pas » avait-elle pensé. En colère, blessée, honteuse… et formidablement excitée !


Formidablement excitée par l’image de leurs bouches si proches, de leurs souffles mêlés, des mains sur ses fesses aussi. Son esprit galope, ses sens s’affolent et elle imagine ces fortes paluches pétrissant ses rondeurs, ces mains parcourant ses hanches, frôlant ses seins tendus. Appuyée contre un rayonnage, elle imagine la scène qu’elle espérait tant. Kabanga, enfin libéré, qui viendrait poser ses lèvres sur sa bouche, leurs lèvres qui alors se soudent, leurs langues qui se trouvent, se capturent, s’enroulent et s’affrontent dans un tendre combat. Et sa main, sa main à lui qui s’insinue entre ses cuisses et découvre la chaleur de la mouille qui sourd de sa chatte. Car là, à cet instant, sa main, sa main à elle, entre ses cuisses ouvertes, sent parfaitement les flots impétueux qui inondent son entrejambe. Sa chatte qu’elle sent épanouie, ouverte, déployée, affamée, impatiente. Et son bouton qui pointe entre ses lèvres incendiées.


Elle hésite un instant, va-t-elle se laisser aller jusqu’à calmer elle-même le feu qui la dévore, s’offrir jouissance libératrice et abandon. Une libération qu’elle sait d’avance triste, ridicule, avilissante. Oh, se branler pour lui, devant lui, serait une jouissance fabuleuse mais là, au fond des rayonnages poussiéreux, seule, cuisses écartées, misérable, le tableau est par trop lamentable. Elle ne peut s’y résoudre, elle ne peut y succomber.


Saveria ravale sa frustration et retrouve sa fierté. Elle laisse retomber sa robe, retourne vers son poste de travail. Mais en chemin, son string trempé l’incommode. L’excitation envolée, elle ne sent plus désormais qu’une froide humidité. Furieuse, elle décide de l’enlever, s’éponge comme elle peut avec, rabat sa robe en tirant dessus dans l’espoir de la rallonger un peu et retourne s’asseoir à son comptoir. Si elle avait de quoi, elle se changerait immédiatement, reprendrait une de ses tenues informes.


Depuis sa chaise, elle jette un œil à Kabanga. Il est assis à sa table, visiblement penaud et embarrassé. La tête basse, il fixe son livre qu’il n’a même pas ouvert. Quelques minutes s’écoulent, lorsque Saveria, le regard fixé sur l’écran de son PC perçoit un mouvement. Kabanga s’approche du comptoir, le livre à la main. Ce n’est que lorsqu’il a posé le livre sur le comptoir qu’elle daigne lever les yeux et, haussant les sourcils, elle l’interroge du regard. Le jeune homme, mal à l’aise, lui murmure :



Froide, Saveria prend le bouquin, l’observe un instant. Dans sa tête, elle évalue la situation, pèse le pour et le contre, hésite et prend sa décision :



Comme le jeune homme semble hésiter à la suivre, elle lui adresse un petit signe de tête autoritaire. Cette fois, elle marche lentement vers le fond de la réserve. Elle hésite encore. Sans string, la coquillette à l’air, s’il se plante au pied l’échelle, Kabanga ne ratera rien de sa secrète anatomie. D’autant que l’excitation lui revenant, la jeune femme sent son intimité gonfler à nouveau, ses nymphettes se déployer et une douce chaleur recommence à irradier son sexe.


« Mon gars, si là tu ne réagis pas, si tu ne comprends pas que je m’offre à toi, il n’y a plus rien à espérer. Et en plus, je passerai pour une putain, ce que je ne suis pas, bordel ! »


Au moment où elle arrive à l’échelle, Saveria rend le livre à son compagnon, elle enlève ses escarpins en expliquant :



Elle commence à grimper, doucement, sans avoir repris le livre, histoire d’obliger le jeune homme à rester au plus près d’elle. Arrivée en haut, elle se retourne et se penche pour reprendre le bouquin. La peau très sombre de Kabanga s’est manifestement empourprée en constatant la disparition du string. Du haut de son escabeau, Saveria s’en amuse. Elle replace le livre sur l’étagère et se penche, exagérément, comme si elle ne trouvait le bon livre, finit par le saisir, l’ouvre, le parcourt et attend ! Elle en serait presque à désespérer quand, baissant son regard vers son compagnon, elle le voit, main gauche levée vers le centre de sa propre anatomie et la main droite sur sa braguette, accrochant visiblement à travers le tissu un objet non identifié mais de proportions intéressantes. La jeune femme lui adresse alors son plus beau sourire et se penche encore un peu plus.


Lorsque la main de Kabanga se pose sur sa cuisse, le contact est électrique et la jeune femme ne peut réprimer un petit cri étouffé ; elle s’affaisse légèrement sur elle-même pour accentuer la pression de la main sur sa peau. Une main qui, enfin, s’anime lentement, glisse sur sa peau hérissée, s’insinue entre ses cuisses. Sans doute les doigts fileraient-ils vers les berges détrempées de sa corolle épanouie si Kabanga ne sentait alors la jeune femme prête à glisser de l’échelle. Saveria tremble en effet sur ses jambes, elle s’effondre d’ailleurs brusquement. Kabanga la rattrape de justesse et la ramène au sol.


Face à face, le couple se regarde fixement, les lèvres se frôlent un instant, avant de se souder pour un premier baiser, passionné, fougueux. Saveria plaque son bassin contre le sexe durci de Kabanga. Lui, trousse la courte robe, malaxe, pétrit les fesses dodues. Les mains s’affolent, les doigts courent sur la peau satinée. La jeune femme se hisse sur la pointe des pieds, écarte des jambes pour ouvrir le chemin de sa fleur impatiente. Comme des doigts enfin glissent entre ses cuisses et abordent l’orée de son sexe, la jeune femme sursaute de plaisir, referme ses cuisses pour maintenir prisonnière entre elles cette main indiscrète dont les doigts dessinent les contours de ses lèvres, titillent ses nymphes déployées, s’enfoncent dans la vallée torride de sa rivière tumultueuse. Entre ces caresses affolantes et leurs baisers passionnés, Saveria a bien du mal à garder un semblant de conscience, un quelconque contrôle de la situation. Pourtant, gourmande, elle est impatiente de délivrer le mariole qu’elle sent parfaitement réveillé dans le short en jean. Maladroite, elle s’escrime un moment avant d’arriver à défaire la ceinture, à faire sauter le bouton métallique et à descendre le zip du jeans.


« Jamais très facile de dépiauter les bonshommes ! ».


Impatiente, Saveria fait glisser de concert short et slip à mi-cuisses. Libéré, le mandrin jaillit. Saveria n’est pas déçue : sans atteindre les proportions phénoménales que l’on prête aux Africains, le sexe tendu est tout de même à classer parmi les belles pièces de son bite-parade. Par son épaisseur surtout. L’insolent bâton noir qu’elle vient de capturer dans sa menotte est si gros que son pouce n’arrive pas à rejoindre tout à fait son majeur. Ce qui ne l’empêche nullement de branler vaillamment le gourdin, d’en découvrir les méandres des veines gonflées, la rugosité granuleuse de la peau, la douceur du gland épanoui satiné par le fluide séminal.


Consciente de l’excitation extrême de son compagnon, elle cesse rapidement ses va-et-vient pour diriger l’épieu vers son portail, chassant du coup les doigts qui la fouillent. Entamant un roulis-tangage lascif, elle s’introduit peu à peu le flambeau dans la lanterne. Lequel flambeau lui paraît allumer au fur et à mesure de sa progression chacune des petites lucioles sensibles de sa caverne enchantée. Les tressaillements accélérés de la gaule annoncent l’imminence de l’éjaculation. Déjà ? Peu importe, Saveria partage cette urgence : elle est si avide de cet instant qu’elle se sait prête à décoller dès le premier spasme de Kabanga.


Que dire de l’orgasme qui les transporte bientôt ? Que tous les murs de l’obscurantisme bourgeois s’effondrent, que leur communion bienheureuse explose les préjugés racistes hypocrites dont les profondes racines restent toujours ancrées dans cette société qui se proclame officiellement multiraciale, nation arc-en-ciel ?


À cet instant, les tourtereaux sont bien loin de toutes ces considérations : catapultés dans leur propre arc-en-ciel chatoyant, ils savourent leur extase !



oooOOOooo




Cela fait maintenant un peu plus de trois mois que Saveria et Kabanga vivent ensemble. Leur couple mixte leur vaut régulièrement regards obliques et remarques acides sans parler de la froideur hautaine de certains ex-amis sincères. Mais les amants s’en fichent éperdument !


Ce qui gêne Saveria par contre, ce sont les réticences de Kabanga à vouloir l’emmener dans sa tribu. L’anthropologue est frustrée bien sûr de ne pouvoir découvrir les coutumes et rites vernaculaires des Luba-Kasaï mais la femme l’est bien plus encore de ne pas être présentée aux parents de son chéri.


Kabanga rentre justement d’un petit séjour dans son village natal.



Le jeune homme n’en dira pas plus ! Pourtant, lorsqu’il avait annoncé sa liaison avec une « blanche » et son intention de l’épouser, Matutu, son père, chef de la communauté, avait piqué une colère blanche (noire, elle serait passée inaperçue !). Discussions, palabres, négociations, le chef avait tout essayé : la polygamie étant toujours admise dans la tribu, il aurait suffi que son fils prenne l’épouse qu’il lui destinait et lui, aurait alors accepté la blanche comme seconde femme. Kabanga avait tenu bon, la discussion avait été serrée mais son père avait fini par accepter la situation. Avait paru du moins, et le repas du soir avait débuté dans une ambiance relativement apaisée.



Avant même de sortir totalement de son sommeil le lendemain matin, le jeune homme ressent un profond malaise : il réalise n’avoir aucun souvenir de la soirée précédente, de vagues images seulement lui reviennent. Par contre, il sent un poids sur ses cuisses, une présence : ouvrant les yeux, il découvre une de ses jeunes cousines, entièrement nue, à califourchon sur lui, et qui, profitant de son érection matinale, s’est positionnée sur son sexe, prête à être déflorée. Se dégageant et ruant vivement, Kabanga se débarrasse de la donzelle qui roule hors de la couche. Tournant la tête, le jeune homme découvre, ahuri, son père et les sages du village, visages enduits de poudre blanche, debout dans la case, témoins attentifs de l’événement !


Kabanga comprend tout : il a été drogué la veille au soir et sans doute marié à la donzelle, à l’insu de son plein gré ! Et là, un coït abouti, la défloration de la mariée aurait homologué l’union : il l’a échappé belle ! Tumulte dans la hutte, on se met à plusieurs pour l’immobiliser et Matutu exhorte la promise à reprendre place sur le mât et à s’activer pour obtenir la ratification de la cérémonie tribale. Peine perdue, les faces de carême grimaçantes sont le bromure le plus efficace que l’on puisse imaginer et la fragile érection matinale s’évanouit !


Comprenant qu’il a perdu la partie, Matutu chasse ses complices et quitte les lieux, emmenant l’ex-future mariée qui semble plus délivrée que triste, vu le clin d’œil qu’elle adresse à Kabanga. Sans doute cette petite mignonne a-t-elle dans le clan un amoureux… auquel elle s’offrira sans tarder pour s’éviter pareille mésaventure à l’avenir !

Bien que dans une colère monstre, Kabanga décide d’éviter l’affrontement mais pour bien marquer son opposition, il oublie le pagne traditionnel et prend soin de s’habiller à l’Occidental avant de retrouver son père. Grâce à l’intercession de sa mère, il finit par obtenir ce qu’il voulait : il se mariera bien avec Saveria, ici, au village, selon le rite ancestral.


Kabanga n’est pas pour autant totalement rassuré : sa mère lui a parlé des changements de comportement de Matutu. Le vieil homme s’est aigri, est devenu colérique, imprévisible, versatile. De plus en plus contesté, son statut de chef ne tient plus désormais que par le fanatisme de quelques-uns de ses lieutenants, soucieux de préserver leurs statuts et petits pouvoirs.



oooOOOooo



À leur arrivée au village, quelques semaines plus tard, l’accueil n’est certes pas follement enthousiaste mais toute la communauté est néanmoins présente autour de son chef. Saveria observe que la quasi-totalité des villageois est vêtue à l’Occidental : short pour les hommes, robes chamarrées, jupes bigarrées ou jeans pour les femmes dont beaucoup néanmoins, à l’instar des hommes, sont torse nu, poitrine à l’air.


Avant leur expédition, Saveria a tenté d’interroger son compagnon sur les rites de son peuple. D’un naturel somme toute réservé, voire plus timide qu’on ne le penserait, la Brésilienne n’est ni follement exhibitionniste (un petit peu tout de même !) ni adepte des expériences à partenaires multiples et successivement… successifs. Connaissant les rituels pimentés de certaines tribus africaines ou amazoniennes, elle redoute d’avoir à subir quelques outrages…



Cette déclaration avait plus ou moins rassuré la fiancée mais à cet instant, entraînée par une troupe de vieilles femmes surexcitées, Saveria nourrit malgré tout quelques craintes. Après avoir été rapidement déshabillée, des mains s’en viennent faire exagérément ballotter ses petits seins, ce qui provoque l’hilarité moqueuse de la troupe des matrones. Saveria doute qu’il s’agisse là de manœuvres franchement amicales. Lorsqu’on lui intime de s’allonger sur un châlit, la pauvre n’a guère le temps de finir le mouvement que des mains fortes s’emparent de ses poignets et chevilles, des liens sont noués autour de ces articulations, un bâillon lui est enfoncé dans la bouche et Saveria, affolée, comprend que la situation dérape !


Une des vieilles femmes, celle qui visiblement commande la troupe, provoque l’enthousiasme de ses assistantes en exhibant triomphalement un coupe-choux. Sur le coup, Saveria pousse un soupir de soulagement. La jeune femme s’était bien doutée que toute pilosité intime est inconcevable, sinon chez toutes les femmes de la tribu, en tout cas pour une future mariée. Pour prévenir toute intervention sur cette zone sensible, Saveria a, la veille, totalement rasé sa motte et épilé son sexe. Cette initiative visiblement énerve superbement les préparatrices qui ne cachent pas leur dépit, se penchent tour à tour sur son sexe glabre. On écarte les lèvres de son sexe astringé par l’anxiété, on scrute attentivement l’entrée du minou : l’absence d’hymen provoque des cris de harpies. Le ton monte rapidement entre les préparatrices, on palabre visiblement, on crie, on s’écharpe même, certaines tentant de s’emparer du rasoir, mais la vieille éructe soudain des ordres qui figent les participantes. Saveria n’y comprend rien évidemment mais a perçu le nom de son beau-père dans le galimatias. Matutu : celui-ci aura donc donné des ordres précis.


Un vilain rictus aux lèvres, la matriarche saisit la crinière de Saveria et d’un coup sec, elle rase une large bande au mitan de la chevelure. Terrorisée, Saveria n’ose pas bouger, de peur que le rasoir ne la scalpe jusqu’au sang. De lourdes larmes coulent sur ses joues alors que ses cheveux tombent : il ne faut que quelques instants pour son crâne soit totalement rasé. La boule à zéro ! « Elles te coifferont », avait dit Kabanga, Saveria est certaine qu’il n’imaginait pas cette extrémité !


« Mon père a accepté notre mariage ». Peut-être, mais il n’en a pas précisé les clauses. Saveria appréhende désormais que la « petite blanche » sera pour le moins humiliée. Violée, battue ? Tout est possible en fait…


Estimant sans doute que la blanche est matée, on lui enlève son bâillon. Saveria ne crie pas : à quoi cela servirait-il sinon à exciter encore ses tourmenteuses. Alors qu’elle s’enfonce dans sa désespérance, un épais liquide rougeâtre très sombre est versé et étalé sur son corps, de son crâne chauve jusqu’aux pieds. En goûtant ses lèvres, Saveria détecte ocre et oxyde de fer. Puis, c’est une substance poisseuse plus foncée encore et brillante qui est appliquée sur ses lèvres pour, sans doute, lui dessiner une bouche grotesque et exagérément lippue. Saveria se laisse faire docilement lorsqu’on la détache et la relève. Vaincue, elle laisse les ignobles matrones terminer la mise au noir de son côté pile. L’amalgame sèche rapidement, formant une sombre croûte parcheminée.


« Au moins, pense la pauvrette, « cet enduit masque mon sexe. »


Mais les officiantes viennent alors soigneusement nettoyer ses seins et son triangle intime : rien ne lui sera donc épargné ! Anéantie, la jeune femme comprend que transformée en femme noire, elle sera exposée nue devant tout le monde, son sexe clair et ses seins blancs proclamant sa différence d’avec toutes les autres femmes.


Saveria réalise que le racisme n’est pas l’exclusive des blancs, qu’il est universel. Mais ce n’est pas là une véritable découverte : la différence n’est admise par aucune majorité.


On l’entrave avec un long bâton attaché à ses chevilles, barre d’écartement qui l’oblige à ouvrir largement ses jambes. On lui lie les mains dans le dos avec une courte cordelette nouée à la barre, pour la contraindre à se baisser : il lui faudra marcher à croupetons, vilain petit canard noir exposant largement ses attributs sexuels blancs.


Pas de collier de fleurs, pas de jupe en raphia pour elle, la mariée est poussée à l’extérieur de la hutte, entourée par les matrones qui forment un cercle compact autour d’elle et tiennent un long tissu rouge pour la masquer. Un murmure parcourt la tribu qui ne distingue pas la mise en scène obscène mais s’étonne que l’on cache la future épouse.


La future avance péniblement, en canard, tête basse. Sans broncher, elle suit le pas des mégères. Lorsqu’elle atteint enfin la case du chef, les femmes autour d’elle s’écartent d’un coup, laissent le tissu rouge s’affaler au sol : si les « maquilleuses » et quelques excités près du chef manifestent leur enthousiasme, un cri de surprise jaillit du reste de la population, exclamation étonnée qui se transforme rapidement en sourd grondement de colère. Les villageois vitupèrent, les femmes surtout, jeunes et moins jeunes.


Lorsque Saveria redresse la tête, Matutu est face à elle, debout devant l’entrée de sa case, en tenue de cérémonie et tenant un énorme bouclier oblong. Il la toise durement, un abominable sourire méprisant aux lèvres. Il crache sur ses pieds avant de se pousser sur le côté.


Saveria découvre alors un homme, de dos, encadré par deux guerriers qui le soutiennent et le font sortir à reculons. Ce ne peut être que Kabanga réalise la jeune femme qui ne peut cependant le reconnaître tout à fait : l’homme est nu et recouvert d’un enduit blanc de la tête aux pieds.


« Tristement cohérent, pense Saveria, effondrée. Moi noire, lui transformé en nègre blanc3 ! »



Les pensées se bousculent dans la tête : « Au moins, on ne peut pas les taxer d’hypocrisie ces sauvages-là ! Leur position est finalement plus claire que l’ostracisme rampant des Afrikaners, que le racisme méprisant des noirs de Soweto et autres townships à l’encontre des pygmées, zoulous, tsonga et autres san par exemple. »


Au-delà de la honte d’être exposée nue et avilie, Saveria est écœurée, définitivement dégoûtée mais finalement indifférente désormais à tout ce qui pourrait advenir désormais. Du moins le croit-elle. Mais lorsque sur un ordre de Matutu, les gardes font pivoter Kabanga, la pauvre jeune femme s’effondre à genoux : son chéri est certes blanc de la tête aux pieds, mais rouge sang sur la poitrine et son ventre, rouge du sang qui coule de profondes scarifications pratiquées sur son torse.


Saveria vomit, elle est secouée de spasmes convulsifs. En face d’elle, Kabanga qui découvre l’état de sa chérie rugit : s’il était chancelant l’instant d’avant, l’adrénaline qui se déverse maintenant à flots dans son corps lui donne une force dévastatrice. Un de ses gardes tombe au sol, frappé par un énorme coup de genou dans les parties. Kabanga saisit l’autre par le bras, le fait tournoyer comme un fétu de paille avant de le lâcher, le projetant sur son père qui bascule à la renverse sous le choc. Se ruant vers Saveria, il envoie valser sans ménagement les mégères qui tentent de s’interposer. Il fait le vide autour de sa chérie et se pose en rempart invincible.


Invincible ? Si enragé qu’il soit, que quelques hommes seulement viennent se battre contre lui, pointent leurs lances, il ne pourra résister bien longtemps. Kabanga entend les ordres éructés par son père et s’attend au pire. Mais d’autres cris résonnent, des ordres hurlés par sa mère et d’autres femmes. Des hommes, des femmes, des enfants accourent alors vers les amoureux. Non pour les molester, mais pour former une enceinte protectrice autour d’eux. Et lorsqu’un des gardes se relève et s’élance vers eux, l’homme est proprement assommé avant d’avoir fait trois pas.


La communauté tout entière gronde, les villageois vocifèrent contre leur chef. Leurs cris montent crescendo, une foule menaçante s’avance vers Matutu. Une femme se détache et se précipite sur lui : c’est la mère de Kabanga qui, révulsée par cette épouvantable et dégradante mise en scène, s’en vient gifler à toute volée son mari, grand ordonnateur de cette sinistre comédie. D’énormes claques qui abasourdissent le monstre !


Le geste sidère tout le monde, un silence se fait un instant avant que les villageois ne se ruent vers le chef de tribu qui n’a d’autre solution que de fuir vers la savane avec une toute petite troupe de ses fidèles. Les matrones « maquilleuses » sont molestées, écartées, poussées nues hors du village.


Saveria et Kabanga sont emmenés vers une case où des femmes attentionnées vont les réconforter patiemment, les débarrasser de leurs sinistres peintures et surtout apposer des cataplasmes hémostatiques et cicatrisants sur le torse du supplicié.


À l’extérieur, les discussions vont bon train : les villageoises décrètent une grève du sexe illimitée si le conseil consultatif des femmes n’obtient pas la parité décisionnelle avec celui des hommes. Lesquels, se souvenant d’une telle grève, inflexible, quelques mois plus tôt capitulent très vite, avec un certain enthousiasme d’ailleurs. Les deux conseils voteront donc désormais à parité, la voix du chef étant alors déterminante. Mais qui tiendra ce rôle de chef ? C’est Salimata, la mère de Kabanga qui est élue, à la quasi-unanimité ! Une femme chef, voilà bien une nouveauté parfaitement inédite. Et dans les premières décisions emportées par Salimata, le bannissement de Matutu et ses sbires, sauf à faire amende honorable, à subir un châtiment exemplaire et la déchéance de leur droit de participation aux conseils. D’autres décisions font la joie du clan comme l’autorisation pour trois jeunes filles de poursuivre des études supérieures loin du village, l’abolition des mariages forcés et cérémonies de défloration, le partage à égalité des transports d’eau entre les deux sexes, du pilage et vannage des céréales mais aussi des travaux des champs, en toute égalité… Avec ce matriarcat éclairé, le clan entre de plain-pied dans le XXIe siècle !


Kabanga et Saveria, meurtris, se câlineront tendrement les jours suivants, sans débordement lascif car c’est à peine s’ils osent se toucher. Avant leur retour à Johannesburg, Saveria se verra offrir de nombreux cadeaux dont plusieurs robes kitenge et boubous colorés, et aussi des foulards et bonnets turbans destinés à masquer sa calvitie temporaire.



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Écœurés tant par l’horrible cérémonie que par les rejets et réflexions racistes qu’ils subissent à Johannesburg, le couple décide de quitter l’Afrique du Sud : sitôt l’année d’université terminée, c’est au Brésil que les amoureux se marient quelques semaines plus tard, avant d’obtenir des visas pour la Suède, pays réputé pour être un des moins racistes au monde. Contrat d’embauche facilement obtenu par Saveria au département Anthropologie de la Lund University, à quelques kilomètres de Malmö. Kabanga devra, lui, valider l’équivalence de son doctorat dans la même université mais obtient directement un poste d’enseignant-chercheur. Rémunéré.


Si les événements vécus dans la savane ont renforcé leur amour, resserré leurs liens, le traumatisme subit pèse sur la qualité de leurs relations intimes. Ils ne font plus l’amour que dans le noir alors que Saveria adorait s’exhiber dans des poses provocantes et lubriques, que le couple délaissait volontiers le lit pour des joutes piquantes dans des lieux improbables où ils jouaient au chat et à la souris avec d’éventuels voyeurs. Ils font l’amour en silence désormais alors qu’ils oralisaient crûment leurs désirs impérieux par un vocabulaire amoureux et tendre, ou sexuellement précis et résolument paillard, sans aucune autre volonté que fouetter leur excitation commune. Saveria a bien essayé, comme elle l’avait fait au début de leur relation pour vaincre la timidité de son compagnon, par s’autogratifier de phrases aussi peu bienséantes que « je suis une salope intégrale… une putain insatiable… une croqueuse de queues » et bien d’autres termes salaces. Si ces provocations avaient alors parfaitement fonctionné et libéré son partenaire, ses tentatives désormais ne trouvaient plus d’écho. Leurs ébats étaient devenus conventionnels, leurs caresses trop prudentes et timorées, leurs silences réfrigérants. Sans parler des réactions maladroites, des excuses ennuyées murmurées, comme lorsque la main de Kabanga venue caresser le crâne rasé de sa femme, se retire précipitamment, ou que la bouche de Saveria, oubliant la fragilité douloureuse du téton meurtri de son homme le manipule trop fort. Ces excuses penaudes éteignaient le désir, provoquant des pannes embarrassantes, chez l’un comme chez l’autre. La situation s’améliore certes lentement, mais le couple est loin encore d’avoir retrouvé l’enthousiasme débridé de leurs relations premières.


Logés par l’université, les époux ont été très bien accueillis par leurs voisins. Particulièrement par Gudmar et Kirsten, suédois bon teint. Dès les premiers congés universitaires, Kirsten, binôme de Saveria au département recherche de l’université, les invite dans la stuga en bois rouge de Falun4, de ses grands-parents. La maison de campagne rudimentaire ne comportant qu’une seule pièce, Saveria et Kabanga réalisent immédiatement l’évidente promiscuité du chalet. Une table ronde, cinq chaises, une plaque de cuisson, un évier et un mini-frigo. Pas de salle de bains mais explique Kirsten, « une douche solaire en plein air et des toilettes sèches, dehors elles aussi dans la guérite attenante à la stuga ». Et s’il y a bien deux lits de 140 dans la pièce, ils sont côte à côte sans qu’aucune autre disposition ne soit possible ! Si Saveria sourit, son mari, lui, pâlit !



À peine sont-ils arrivés que Gudmar disparaît un moment.



Sauna ? Kabanga jette un regard affolé à sa femme. Il sait parfaitement que la nudité totale y est la règle. Or, depuis la cérémonie, jamais Kabanga n’a exposé son torse en public, se baignant en t-shirt ou marcel. Alors, si exposer son sexe l’intimide évidemment, dévoiler les terribles cicatrices des odieuses scarifications lui est bien plus douloureux encore. L’idée de devoir en expliquer leur origine, ce qui ne manquera d’arriver, est pour lui un crève-cœur mais il se convainc déjà qu’il tentera d’omettre ou de minimiser la triste aventure de sa compagne. Tentera, car la chose n’est pas évidente…


Lorsque les quatre se déshabillent avant d’entrer dans le sauna, Kirsten et Gudmar entrent les premiers, sans regarder leurs invités, pour ne pas les embarrasser. Saveria note que malgré sa timidité naturelle et ses appréhensions, son black chéri présente une érection passablement convaincante alors que Gudmar, lui, est resté flasque : l’habitude…


À peine installée dans le sauna, la Brésilienne, qui a vu les regards ahuris qu’ont échangé leurs amis, préfère expliquer d’emblée l’origine des cicatrices de Kabanga et de sa propre calvitie. Elle sait bien que sa collègue a forcément compris que les épaisses cicatrices du torse ne sont pas le résultat de scarifications traditionnelles mais bel et bien des marques de torture. L’aréole du téton droit en partie coupée témoigne d’une volonté sauvage de martyriser. Saveria raconte alors, mais contrairement à ce qu’aurait expliqué son mari, elle détaille toute la triste cérémonie de la savane, à commencer par la préparation qu’elle a subie.


Les deux couples sont face à face, le grand noir tout ratatiné sur lui-même. Voûté, épaules affaissées, il fixe ses genoux. Au fur et à mesure du récit, les Nordiques, regards stupéfiés, se serrent l’un contre l’autre, se donnent la main. Les jointures de leurs doigts blanchissent quand Saveria raconte ses cheveux rasés, son corps enduit de noir, l’entrave de ses chevilles. Les yeux de Kirsten s’embuent, mais la lente et douloureuse marche de la mariée vers le cruel Matutu rompt les digues qui retenaient ses larmes : elle pleure en silence, ses épaules secouées par des spasmes que son mari tente de calmer en l’enfermant tendrement dans ses bras.


Alors qu’elle va parler du sort réservé à son mari, Kabanga, se redressant sur le banc, lui fait signe et prend le relais. Saveria est aussi stupéfaite qu’heureuse par cette prise de parole qu’elle n’aurait pas cru possible et qui témoigne d’une force nouvelle. Kabanga commence par relater la tentative de mariage forcé lors de sa précédente venue au clan, épisode que Saveria, ahurie, découvre. Les larmes aux yeux, son mari avoue se reprocher amèrement d’avoir refusé de comprendre dès ce moment que son père avait basculé dans une démence sénile. « Si j’avais accepté de comprendre cela, rien de tout ce que tu as subi ma chérie ne serait arrivé ».


Il explique tout : la folie qu’il avait lue dans le regard halluciné de son père lorsque, sur son ordre, ses gardes s’étaient saisis de lui pour le déshabiller et le couvrir de peinture blanche ; le délire sauvage de Matutu, qui armé d’un long coutelas, avait promené l’arme sur tout son corps, sur ses attributs génitaux notamment : Kabanga avait craint alors d’être émasculé, châtré. Ses frayeurs décuplées quand le vieux chef avait proclamé sa décision de marquer son fils des scarifications rituelles, une pratique pourtant abandonnée depuis bien longtemps… Des lacérations si profondes et frénétiques qu’un de ses gardes, horrifié par cette bestialité, avait désarmé le dément avant de s’enfuir avec le poignard.


L’image du black blanc au torse ensanglanté achève de briser les auditeurs : l’émotion est immense et partagée dans les quatre mètres carrés du sauna dont la température est un peu retombée, personne n’a pensé à réactiver le poêle ni à arroser les braises depuis qu’ils sont entrés.


Au terme du récit, la blonde Kirsten se précipite sur Saveria, l’amène à se lever et elle l’enferme dans ses bras. Son mari fait de même avec Kabanga mais si leur maladroite étreinte fraternelle ne dure que quelques courts instants, celle de leurs compagnes s’éternise : elles restent collées l’une à l’autre, Kirsten caressant doucement le dos de la brune, déposant une foultitude de bisous sur les joues, le front, le cou de sa partenaire. L’air devient irrespirable, la température insupportable quand la bouche de la Suédoise se pose sur les lèvres de Saveria. À côté d’elles, leurs compagnons se regardent interloqués !


Après ce tendre baiser rapide, la Scandinave prend la main de la Sud-Américaine.



Éblouie par le bécot surprise, Saveria en est à regretter la décision de sa collègue : elle aurait tellement adoré lui offrir en retour un ardent baiser.


Dans l’eau très fraîche du lac, Kirsten ne laisse guère de répit à son amie. Anguille canaille, elle l’attrape, l’enlace régulièrement, noue ses cuisses aux reins de sa compagne, ses mains maraudent sur les seins, le ventre, les fesses d’une Saveria qui ne se défend guère en fait ! C’est elle d’ailleurs qui finalement vient coller sa bouche aux lèvres gourmandes de la frétillante sirène. Long baiser, suivi de bien d’autres, de caresses parallèles aussi, de plus en plus ciblées, de plus en plus impudiques. À moitié sorties de l’eau, les deux femmes poursuivent leur découverte mutuelle et si leurs seins sont durs, leurs tétons dressés, ce n’est évidemment pas dû à la fraîcheur ni de l’air ni de l’eau !


Allongées sur le tapis de mousses et grandes herbes de la berge, leurs tendres jeux saphiques continuent, alors que leurs hommes, fascinés, les observent un bon moment.


Kirsten et Saveria semblent sortir du même moule : même taille, même petits nez fins et droits, yeux bleu très clair, poitrines menues très semblables, hanches étroites et longues jambes. Issues du même moule, mais si l’une pourrait être jugée en légère sous-cuisson, l’autre aurait pris un coup de chaud dans le four ! Jumelles contrastées, devenues sœurs triomphalement licencieuses.


Gudmar est le premier à sortir du lac, visiblement fier de sa grandiose érection. Il en est de même pour Kabanga qui le suit. Comme quoi, l’eau froide ne racornit pas toujours les sexes des hommes…


À leur approche, les amantes vanille-café cessent leurs gracieux dévergondages câlins, discutent à voix basse et invitent leurs compagnons à les rejoindre. Se seraient-elles entendues ? Il ne sera pas question de mélangisme ou de partie carrée, chacune invitant son compagnon habituel à s’étendre près d’elle. Si Gudmar et sa blonde se pelotent mollement mais précisément, il est clair que toute leur attention se porte sur leurs voisins.


Saveria se réjouit de la superbe érection de son homme. Est-ce là le résultat de la séquence saphique qu’elle et Kirsten viennent d’offrir ? Certainement, mais en partie seulement, car la Brésilienne penche pour une autre raison, bien plus importante, décisive : la libération par la parole. Raconter, avouer sans détours ni peureuses omissions, partager leur triste aventure, sans n’en rien cacher, sans contourner aucune des douloureuses réalités, cette prise de parole l’a libérée, elle. Et lui aussi, espère-t-elle de tout cœur, et son intervention dans la narration en serait bien la preuve à ses yeux. Déjà, elle regrette le mutisme qui les a emmurés ces derniers mois : s’ils s’étaient ouverts l’un à l’autre, avaient brisé leurs silences frileux et honteux, détaillé comme ils viennent de le faire les souffrances endurées par chacun d’eux, peut-être y auraient-ils trouvé déjà une certaine délivrance. Mais en parler si librement à des quasi-étrangers s’avère être une véritable et heureuse thérapie. Pour elle comme pour lui. Aucune appréhension ne se lit plus désormais sur le visage souriant de Kabanga, la ride d’inquiétude qui barrait son front depuis des semaines paraît s’estomper déjà. Saveria retrouve le fier guerrier, désinhibé comme jamais, visiblement heureux de la tournure des événements. Dégagés de leurs entraves, de cette incompréhensible mais si tenaillante honte qui les a paralysés, ils acceptent tous deux avec une gourmandise enthousiaste ce côte à côte, situation pourtant inédite pour eux. Ils se trouvent stimulés, affranchis, par le regard bienveillant de leurs voisins et se réjouissent de se donner si librement et effrontément en spectacle.


Plus aucune caresse n’est interdite, aucune zone proscrite, le crâne à peine hérissé d’une très courte encore toison brune est délibérément, expressément frôlé, choyé, embrassé, le torse martyrisé parcourut par des mains avides qui ne craignent plus d’en dessiner les lignes et contours. Le couple se câlinouche tendrement, redécouvre les interrupteurs secrets qui exacerberont leur désir.



Alors que son chéri plonge vaillamment en elle pour exaucer son attente, à côté d’eux, Kirsten a plaqué son chéri au sol et sa tabatière a englouti le havane de Gudmar. Excitée comme une puce, elle saute en rythme sur le cigare, tout en se malaxant les seins, en agaçant sa perle. Sans perdre de vue un instant ses voisins.


Est-ce vraiment elle la première à exploser en vol, hurlant son bonheur ? Les trois autres l’ont-ils suivi juste après ou simultanément ? En l’absence de photo-finish, de ralentis de la VAR5, personne ne saurait déterminer l’ordre exact d’arrivée des heureux sprinters aux firmaments étoilés : médailles d’or pour tous les quatre !


Dans la soirée, l’absence de téléviseur dans la stuga écarlate ne gênera personne : sur les lits jumeaux accolés, ils sauront longuement escargoter6 leurs ébats, les hommes dégustant avec une patience réjouie les débordements saphiques de leurs compagnes avant que les couples, mélangés cette fois, vanille-café et chocolat-vanille, n’entremêlent leurs parfums pour glisser voluptueusement vers d’inédits horizons radieux… cosmopolites et fraternels !


1. Naledi signifie « étoile » (en sesotho, langue parlée en Afrique australe) en référence à la grotte Rising Star.


2. La datation précise de l’Homo Naledi a été compliquée et sujette à controverses. Finalement, la fourchette retenue le situe entre 200 et 300 000 ans, ce qui le placerait juste avant l’Homo Erectus, voire contemporain des premiers Homo Sapiens dans l’arbre généalogique de l’espèce humaine.


3. Mille excuses ! Pour être politiquement correct, il eût fallu parler d’un « homme de couleur peint en blanc » ! De quoi faire se retourner dix fois… dans sa tombe la pauvre Agatha Christie !


4. Rouge de Falun : peinture vive très prisée en Suède et dont le pigment est fabriqué à partir des scories de la mine de cuivre située à Falun, au centre du pays.


5. Si vous êtes des trois ermites irréductibles qui n’ont pas vu un match international de football depuis 2016, apprenez que la VAR, (pour Video Assistant Referees) est le dispositif qui permet à des arbitres assistants d’analyser par la vidéo, image par image, des séquences de jeu litigieuses afin d’éclairer l’arbitre central du terrain qui est le décisionnaire final. Logiquement, en français, on devrait l’appeler l’AAV pour « Arbitres assistants vidéo » mais on parle très majoritairement de « la VAR » pour l’assistance vidéo à l’arbitrage (AVA) dans son ensemble.


6. Escargoter : néologisme créé en 2014 dans le cadre de la Semaine de la langue française dans un concours dont le défi lancé aux internautes était : « inventer un mot nouveau et sa définition en 300 signes maximum ». Si le lauréat de la catégorie senior a été « escargoter » (prendre son temps), les juniors ont créé l’amusant « se mémériser » (se vieillir en revêtant des tenues ternes et hors d’âge). D’autres par contre, comme « tôtif et tôtivement » (antonymes de tardif et tardivement) me semblent être des barbarismes dissonants (et par ailleurs difficilement utilisables) : j’adôôre les néologismes mais il y a des limites.