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Temps de lecture estimé : 5 mn
23/08/24
Présentation:  Bien que le thème de ce jeu puisse sembler à certains peu original, je suis convaincu que chaque première fois est unique et mérite d’être racontée.
Résumé:  Réussie ou ratée, bonne ou mauvaise, notre première fois nous marque à jamais, nous façonne et nous permet d’avancer, d’évoluer, de nous construire. Il est temps que je vous livre la mienne, sans fard ni pudeur.
Critères:  init
Auteur : L'artiste  (L’artiste)      Envoi mini-message

Projet de groupe : Les premières fois
L'Inéluctable

Bien que le thème de ce jeu puisse sembler à certains peu original, je suis convaincu que chaque première fois est unique et mérite d’être racontée. Ces moments laissent une trace indélébile, qu’ils soient mémorables ou dramatiques. Les expériences inédites attisent l’excitation, elles font flageoler nos jambes et se dresser les poils sur nos bras. On bafouille, on stresse, notre cœur bat la chamade, l’adrénaline grille nos neurones, et les endorphines nous plongent dans un état second, presque euphorique. Réussie ou ratée, bonne ou mauvaise, notre première fois nous marque à jamais, nous façonne et nous permet d’avancer, d’évoluer, de nous construire.


Il est temps que je vous livre la mienne, sans fard ni pudeur. Aussi banale soit-elle, j’espère qu’elle éveillera la vôtre.



Alors qu’une chaleur enveloppante m’irradie dans cette étreinte intime, chaque mouvement est une caresse, chaque geste induit une réponse fusionnelle qui me rassure. C’est une symbiose parfaite, une harmonie des sens dans laquelle je m’abandonne. La moindre réaction de ce qui m’entoure m’apaise, la plus infime de ces dernières m’incite à rester dans cet état d’extase, à demi conscient. Un cœur qui bat et le rythme régulier d’un souffle me bercent, ce murmure continu qui en résulte me semble résonner de toutes parts et m’accompagne comme une promesse implicite vers l’inéluctable.


Parfois, un influx nerveux parcourt mon corps, déclenchant en moi des frissons d’excitation, des spasmes innés, conditionnés, comme s’il s’agissait d’un savoir primitif, prédéfini. Ce phénomène me prépare, me façonne pour ma future délivrance. Les contours du cocon qui m’héberge se dessinent progressivement, d’abord flous, comme une esquisse incomplète, puis de plus en plus précisément. Chaque avancée me fait découvrir un peu plus cet antre restreint, mais rassurant.


Je m’étire, conquérant, et explore les parois de l’enveloppe protectrice qui se tend, me soutenant dans un équilibre fragile entre liberté et contrainte, sérénité et effroi. Cet espace, si intime, devient mon terrain de jeu, une tanière où chaque frémissement est une nouveauté. Pourtant, une part de moi sait que cet univers, aussi confortable soit-il, ne pourra être qu’éphémère. Je me sens tiraillé entre une impression de sécurité et une curiosité grandissante. Le dénouement proche m’inquiète malgré tout, alors je résiste, de toutes mes forces, avec toute ma volonté.


Le temps qui me semblait jusqu’alors suspendu s’active, se précipite désormais. Mon existence, autrefois si simple, commence à se compliquer, l’inévitable m’attend. Il est vain de lutter, La bataille est perdue d’avance, inutile de repousser l’échéance. Des sensations inédites émergent, des bruits sourds, des vibrations intenses. Ces sons, ces murmures, attisent en moi des désirs inconnus, des instincts enfouis qui m’exhortent à bouger, à réagir.


Passé la retenue, l’impatience s’invite et je ressens un besoin croissant de mouvement. Le cocon qui m’entourait si douillettement se fait maintenant plus étroit. Chaque geste devient de plus en plus difficile et m’épuise. La pression s’accentue autour de moi, c’est un encouragement à progresser, millimètre par millimètre, toujours plus loin, à dépasser mes limites.


L’affranchissement approche, je le sens imminent dans chaque fibre de mon être, comme une certitude, alors que les parois se resserrent, me compriment, m’obligent à lâcher prise. C’est à la fois enivrant et terrifiant. Mon corps se tend, se contracte, puis abdique. Les bruits qui m’entourent se font plus clairs, plus distincts, tels des appels me guidant… Je me débats.


Et puis, après ce qui semble une éternité, je suis expulsé, arraché. La réalité me frappe avec une violence que je n’aurais jamais pu imaginer. La lumière m’aveugle, crue et impitoyable, brûlant mes yeux encore fermés. L’air, cet élément mystérieux, s’engouffre dans mes poumons comme une vague glaciale, m’étouffe presque, remplit chaque alvéole d’une sensation inédite et agressive. Le froid, lui, mord ma peau délicate et contraste brutalement avec la douceur amniotique que je connaissais jusqu’alors.


Je hurle. Un cri instinctif, primal… une déclaration d’existence qui s’exprime pour la toute première fois. Ces pleurs sont à la fois un adieu à la sérénité que je quitte, et une salutation à ce nouvel univers, rude et lumineux. Je suis là, enfin.


Mon corps, encore fragile, tremble. Pourtant, au milieu de ce chaos, je commence à comprendre que cette lutte est aussi une affirmation. Chaque respiration, bien que douloureuse, est une preuve que je suis vivant. Le contact avec l’extérieur est un choc, une rupture nette avec mon passé. Avant, tout était évident, une existence faite de douceur et de sérénité. La simplicité de mon ancienne réalité cède la place à une complexité où chaque instant est chargé d’une intensité déconcertante. Chaque sensation est un mélange de souffrance et de plaisir, un pas de plus dans ce monde inconnu. Je m’aperçois que ce passage est à la fois une fin et un commencement. C’est la disparition d’un état de plénitude absolue, mais aussi le début d’une aventure où chaque première fois compte. La première inspiration, la première lueur, la première caresse de l’air sur ma peau. Chaque expérience est une nouvelle pierre dans la construction de mon être.


Puis, soudain, au milieu de ce tumulte, tout change. Je suis délicatement soulevé, puis déposé sur une surface chaude et douce. Un parfum familier m’entoure, m’envahit, me ramène à un souvenir, à une présence que je croyais avoir égarée. Ce contact est différent. C’est comme retrouver une part de ce monde que je viens de quitter, mais avec une bonté encore plus grande, plus enveloppante.


La chaleur de cette peau contre la mienne m’apaise instantanément. Je m’y blottis, renouant avec un bien-être que je craignais perdu à jamais. Cette odeur si familière est un parfum qui parle de complicité, de protection, d’amour. Cette présence qui m’a accompagné tout au long de ma gestation est toujours là, plus proche que jamais.


Un instinct profond s’éveille en moi. Une faim intense, presque douloureuse, me pousse à chercher une source de réconfort, de subsistance. Mes lèvres trouvent enfin un point d’ancrage, une fontaine de vie. Je m’accroche, embouche et bois ma première gorgée. Le lait chaud coule en moi, m’apaisant, mais aussi remplissant mon être. Ce premier repas est plus qu’un simple acte de survie. C’est une communion, un lien qui se tisse entre nous, moi et celle qui me porte encore une fois.


Et ainsi, tout commence. Mon premier cri, ma première respiration, ma première tétée, ma première faim, ma première satiété. Mon premier contact avec la vie.


Je suis comblé, rassasié. Bercé par la chaleur, l’odeur et la délicatesse de ma maman, je m’endors doucement contre sa poitrine aimante. Dans ce sommeil naissant, je réalise que chaque première fois, même la plus difficile, peut mener à un moment de pure harmonie.