n° 22600 | Fiche technique | 14420 caractères | 14420 2408 Temps de lecture estimé : 10 mn |
27/08/24 corrigé 27/08/24 |
Résumé: Un homme crée la femme parfaite, et celle-ci échappe à sa volonté. | ||||
Critères: #drame #sciencefiction #initiation h fh jeunes magasin amour fsoumise hdomine chaussures | ||||
Auteur : SulfurousGuy Envoi mini-message |
Depuis longtemps, Michael désirait avoir une femme, sans pour autant subir tous les désagréments de la vie commune. C’est-à-dire quelqu’un à supporter lorsqu’il ne le souhaitait pas, sans toutes les complications sociales.
Un autre humain, c’était toujours trop compliqué à comprendre, un système de valeurs très différent du nôtre. Cela demandait un long processus de compréhension, un gros travail de traduction. Ce qu’il ne voulait pas concéder. L’exploration physique, c’est-à-dire toucher quelqu’un, et livrer son propre corps était déjà une grande aventure à ses yeux, lui qui ne sortait pas beaucoup de chez lui.
Malgré tous ses efforts, qui auraient paru bien limités au reste de la race humaine, la vie ne lui avait jamais donné ce qu’il aspirait : une femme belle qui l’aimait complètement et inconditionnellement.
Lorsqu’il feuilletait les pages des sites de rencontre, et qu’il en trouvait une qui lui plaisait, ce n’était pas réciproque. Et quand on le contactait, et qu’il tombait sur l’image de sa correspondante, son excitation retombait aussitôt.
Il commençait à penser que les femmes existantes ne correspondaient pas à ses attentes.
Alors bien sûr, comme toutes les jeunes personnes, il pouvait se satisfaire, en solo, disons, des images que l’on trouvait en ligne. Mais quand on fait semblant de manger, et qu’on voit passer près de nous un rôti extrêmement appétissant, l’imagination commence à faire pâle figure.
Bientôt, ces images ne lui suffirent plus. Il voulait leur donner vie. Sentir une femme tout contre lui, juste devant son visage, pouvoir la toucher, la pétrir, jouer avec ce joli corps. Si la réalité n’était pas à la hauteur de son imagination, alors il allait modifier la réalité pour qu’elle y soit plus conforme.
Il imaginait sentir cette peau chaude contre la sienne, tenir entre ses doigts ces seins. Il voulait la sentir pelotonnée contre lui, s’endormant tous les deux ensemble. Il voulait embrasser ses lèvres. Humer son parfum. La voir lui sourire. La contempler pendant qu’elle s’habillait, enfilait ses collants et se peignait, pendant qu’elle mangeait, pendant qu’elle accrochait ses boucles d’oreille ou fermait son collier. Il voulait être celui à qui elle demandait de fermer la fermeture éclair dans le dos de sa robe, pendant qu’elle rassemblait ses cheveux sur le côté, découvrant sa jolie nuque. Bref : il voulait du concret.
Michael savait construire de nombreuses choses variées dans son atelier. Il maniait aussi bien la mécanique, la biologie, que l’informatique. Puisqu’il ne trouvait pas la femme parfaite, Michael allait la créer.
Déjà, les premières lignes de son projet se traçaient dans son esprit : une sorte de prototype à partir d’images virtuelles.
Au début, il sélectionna les images qu’il aimait le plus, et les assembla, formant des traits, un ensemble commun de caractéristiques physiques : un visage, puis des cuisses, des seins, des pieds.
Évidemment, tous ces membres tendaient à posséder des proportions et un aspect parfaits. Des jambes de danseuse, des seins et des fesses fermes, des yeux au mascara permanent, des yeux à coiffure instantanée. Des doigts fins et des ongles manucurés par nature. Pas un centimètre carré de pilosité indésirable. Sorti tout droit d’un magazine. Et même encore plus belle que dans les magazines.
Dans son atelier, il choisit les matériaux les plus doux, les plus fins qui puissent exister, et il assembla sa création avec amour. Il se ruina pour acheter les matières les plus perfectionnées sur le marché.
Pour la voir vivre, sourire et bouger, il étudia les mécanismes des muscles du visage et des articulations pendant des mois, afin que les mouvements soient fluides et réalistes, se dépassant dans son art.
Il la dota d’un ensemble de moteurs et de pivots. Puis il complexifia le système.
Alors au début, bien sûr, ce n’était qu’un pantin désarticulé. La chose la plus concrète à laquelle on pouvait la comparer, c’était ces poupées gonflables qu’on voyait les obsédés tenir dans les films. Son visage encore un peu bouffi et grossier regardait vers le plafond, d’un air vide, avachi sur sa chaise, les bras tordus.
Elle ne donnait pas envie. Il y avait encore du travail, visiblement. Quelque part, il aurait aimé que la fée bleue, cette si jolie créature qu’il avait pu voir dans un conte ancien, s’incarne dans ce corps.
Il la prit dans les bras, esquiva quelques pas de danse, puis se sentit ridicule, avec sa machine. Un homme ridicule, pour une quête qui ne l’était pas moins. Il réalisa très vite qu’il aurait aimé qu’elle le prenne elle-même dans les bras.
Il améliora encore une fois les articulations, lui intégra un générateur et la programma pour qu’elle soit attirée par lui et vienne d’elle-même vers lui.
Mais ses gestes étaient encore maladroits.
D’autres longs mois de solitude s’accumulèrent, des mois d’un ardent travail. Désormais, les traits de la jeune femme ressemblaient de manière troublante à une vraie. Il avait réussi à intégrer en elle un processus cellulaire. Ses cheveux poussèrent jusqu’aux épaules et encadrèrent ce visage élégant. Il tailla et lima ses jolis ongles. Il la nettoya pendant que sa peau se formait pour prendre peu à peu celle que l’on connaissait des humains.
Une nuit, il rêva que les magnifiques formes de sa déesse étaient sorties de l’écran. Elle lui tendit son pied, qu’il habilla d’un luxueux collant. Il pouvait les toucher, les sentir autant qu’il le voulait.
Son visage lui disait : « continue, mon amour, tu y es presque, j’arrive. Nous serons bientôt réunis. »
Il se réveilla, tout excité, et reprit son travail. Le souvenir de ce rêve l’aida à surmonter cette période difficile où il échouait souvent à concevoir son organisme interne.
Pour se donner de la motivation, il fit un tour en ville, il acheta en avance à sa future dulcinée une large panoplie de vêtements, de chaussures et d’accessoires pour femmes, qu’il stocka dans une pièce qu’il avait aménagée à côté de son atelier.
Il touchait une paire d’élégants escarpins brillants avec l’espoir qu’ils puissent un jour abriter un joli pied. Il rêvait de pouvoir les toucher. Il imaginait déjà l’odeur, le petit pied fragile et souple, la peau douce et chaude.
Après des montagnes de travail, ce fut enfin le jour tant attendu.
Un éclat de soleil baignait son dos nu. Il la regarda s’habiller, toucher et sentir son corps. Elle était surprise. Surprise d’exister, peut-être. Surprise de sentir autant de choses ? Il lui avait confectionné un alliage doux qui évoquait la peau, et des circuits internes qui se comportaient comme un organisme humain. À ce qu’il pouvait voir de sa réaction, cela fonctionnait bien.
Lui aussi était surpris de voir son œuvre enfin terminée. Maintenant, elle était là, fragile et délicate devant lui. Sa compagne. Le désir de son cœur, après tout cette attente et ce labeur. Il était prêt à la chérir. Mais il ne voulait pas la brusquer. Lui laisser le temps de vivre, d’expérimenter.
Elle hésitait devant cette immense garde-robe, mais elle choisit une tenue simple et ample, avant de sortir de sa chambre.
Il la laissait déambuler dans la maison, n’osant pas se montrer. Peut-être par timidité ? Mais elle le cherchait, et elle tapa à sa porte. Elle était conçue pour faire preuve de gentillesse avec lui, et l’aider à dépasser ses peurs. Ce qu’il voulait faire avec elle, Michael ne l’avait jamais fait en vrai.
Et pourtant, il avait bien envie d’en profiter. Après tout, ne l’avait-il pas créée pour satisfaire tous ses fantasmes les plus intimes et les plus inavouables ? Allez ! Se dit-il, il fallait être courageux. Il ouvrit la porte, tétanisé.
Son visage s’illumina, elle sourit, s’approcha, lui prit la main, et la posa sur son flanc. Son regard était affectueux. Il s’enhardit et posa ses lèvres sur son épaule nue.
Elle était ravie d’obéir à sa programmation. En tout cas, le pensait-il. Mais il laissa cette question de côté.
Ils passèrent des jours, des semaines, juste tous les deux. Il était au paradis et elle acceptait toutes ses bizarreries, elle l’aimait inconditionnellement.
Il pouvait la toucher partout où il le souhaitait. Avec ses doigts, mais aussi avec sa bouche. Il l’explorait de long en large, et même si elle frémissait un peu, elle le laissait faire. Il dévorait chaque centimètre carré de son corps parfait.
Il jouait avec elle comme un animal de compagnie, un joujou très séduisant, et elle se donnait entièrement le jeu. Elle se livrait totalement à lui. Elle était à lui. Sa femme, sa chose. Elle le suçait de partout, parfois pendant très longtemps, et c’était lui qui demandait grâce. Elle faisait tout ce qui lui plaisait, mais il hésitait à lui faire faire des choses trop humiliantes. En fait, à mesure qu’elle se soumettait à ses ordres, il était séduit, et elle prenait un peu plus d’importance affective à ses yeux.
Quand il avait besoin d’elle, elle était présente, et lorsqu’il voulait être seul, il la congédiait, ou même l’éteignait ce qui aurait été une conduite tout à fait inconcevable avec une personne en chair et en os.
Elle l’accompagnait quand il sortait, et lui tenait la main. Elle mettait sa tête contre son épaule. Et quand ils n’étaient que tous les deux, elle s’asseyait sur ses genoux ou se lovait dans ses bras, et il adorait ça. Le reste du temps, elle attendait, éteinte, dans son box de rechargement.
À mesure qu’ils passaient du temps ensemble, il remarquait qu’elle dépassait sa programmation originale et faisait des choses qu’il n’avait pas prévues. Elle était présente en dehors des créneaux habituels. Et curieusement, il aimait aussi ces comportements qui lui échappaient.
Qu’elle le surprenne devint un besoin pour lui. Il vérifiait si elle ne s’était pas rallumée d’elle-même pour aller faire un tour. Et lorsque cela arrivait. Il était à la fois triste qu’elle l’ait laissé, et heureux qu’elle prenne son indépendance.
En la dotant d’intentions, il n’avait pas prévu qu’elle prendrait tant de place dans sa vie, et qu’il s’y attacherait autant. Maintenant, ce qu’il désirait, c’est parler avec elle, échanger.
Le silence devenait trop pesant. Il voulait qu’elle s’exprime, désormais.
C’est ce jour-là que la nouvelle version apparut devant lui. Après quelques améliorations, il était allé faire quelques courses, car il n’avait plus rien à manger. Et elle était sortie de son cocon cybernétique avant l’heure fixée. C’est ce qu’il comprit quand une voix s’éleva dans l’obscurité, derrière lui.
Il se retourna. Ses yeux étaient deux diamants qui le contemplaient, illuminés. Voulait-il vraiment qu’il l’appelle maître ? Il laissa la question en suspens et resta sur l’instant :
Elle écouta sa voix résonner dans l’espace.
Ils se prirent dans les bras et elle lui confia comme elle se sentait. Il en fit de même. Il en fut ainsi les jours suivants.
Quand ils voulaient parler, ils s’allongeaient l’un contre l’autre sur le canapé. Étant donné qu’il lui avait donné l’intelligence d’une IA, elle était autant, voir plus intelligente que lui. Il parlait avec elle, et progressivement, sa personnalité se forma. Ses apprentissages étaient stupéfiants. Ce fut lors de l’un de ces moments qu’elle posa la question fatidique :
Il se figea :
Le regard qu’ils échangèrent alors à cet instant fut si intense qu’il s’en souviendrait toute sa vie.
Elle tourna son regard avec mélancolie, vers la fenêtre, puis se tourna de nouveau vers lui :
Dans un premier temps, elle lui demanda de l’accompagner. Puis elle sortit seule. Enfin, elle disparut pendant plusieurs jours sans donner de nouvelles. Elle semblait déjà mieux intégrée à la société que lui-même. Cela lui procura du réconfort, car il avait été capable de créer une passerelle entre son monde et celui qu’il croyait ne jamais être capable d’atteindre.
D’une poupée sans volonté propre, elle était devenue une femme indépendante. Le maître avait libéré l’esclave. Et l’esclave, après avoir vu le monde, revint vers son maître. Il eut du mal à le croire quand il la revit, devant lui, dans l’encadrement de la porte. Elle avait complètement changé de tenue et avait son style propre. Le ton de sa voix était également différent, mais sinon, il la reconnaissait.
Elle regarda autour d’elle, contemplant la maison où elle était née. Ses yeux semblaient se perdre dans le vide.
Il sursauta. Elle ne l’avait pas appelé maître, mais elle avait utilisé son prénom.
Elle avait, semble-t-il, eu beaucoup d’amants, mais elle revenait vers lui. Il était flatté.
Elle s’installa définitivement avec lui et devint son épouse.
Lorsqu’il voulut faire un check-up de son intégrité corporelle, pour vérifier l’état de ses circuits, elle lui apparut entièrement humaine. Ses instruments ne captaient plus rien d’artificiel. Il vérifia plusieurs fois, mais dut se rendre à l’évidence : il n’y avait plus aucune trace dans son organisme de sa conception par Michael. Était-elle une nouvelle personne, ou bien la fée bleue avait-elle exaucé son vœu ? Il ne le saurait probablement jamais. Mais il décida de profiter de cette chance inouïe que la vie lui offrait.
Depuis lors, ils forment un couple heureux et épanoui.